chapitre 14 : La chute et les mots

Un mois plus tard

[Lumen]

Je passe mon bras sur le front, une grande quantité de sueur le recouvre... Vivement la fin de l'été, j'en ai marre.

« D'accord, j'en ai pas pour longtemps pour revenir avec les bouteilles d'eau, surveille Scootallo en attendant s'il te plaît Lumen. »

« Ok je m'en occupe, à tout de suite. »

Je suis du regard Rainbow Dash fendre les cieux en direction de Ponyville sans plus de cérémonie. Décidément, elle ne manque vraiment pas d’énergie.

C'est une bonne chose de changer de terrain d’entraînement pour me pousser à évoluer et diversifier mes approches... Mais sous le soleil direct, c'est vraiment écrasant.

Près du bord de la falaise des Gassly Gorge, un terrain relativement plat et rocailleux, c'est clair que ça change beaucoup de la forêt.

Après m’être remis de mes blessures, j'ai demandé à Rainbow de m'aider à combler une lacune assez énorme que j'ai encore, malgré mon pouvoir : mon manque de mobilité. J'ai une capacité hors norme pour un humain. Mais plutôt de profiter des avantages, je suis resté comme un punching-ball devant “L'égide” et j'ai faillis me faire tuer. D’après ce qu'il a dit, si d'autres comme lui arrivent, je me dois d'apprendre à mieux gérer mes capacités pour pouvoir les empêcher de nuire.

La force et l'agilité conférées par mon pouvoir se sont révélées étonnantes. Au milieu de la forêt, j'ai appris à prendre appuis et à bondir sur les troncs des arbres en tournant autour de Rainbow Dash. Les griffes de mes extrémités me permettant des arrêts, des accroches et des changements de directions très rapides. En clair, j’apprends à utiliser beaucoup mieux l'environnement à mon avantage pour créer des ouvertures et acculer ma cible. Nos échanges de coup pendant nos entraînements, m’ont également permis d'accumuler beaucoup d’expérience en peu de temps.

Rainbow était vraiment heureuse que je lui demande de l’aide, elle en profite pour exercer ses arts martiaux de son côté –ce dont je ne me suis moqué qu'une seule fois, juste avant de prendre une raclée carabinée de la pégase après une contre attaque fulgurante– je ne sous-estimerai jamais plus un poney ou une autre créature à quatre pattes qui dit faire des arts martiaux.

Ils ont bien plus de ressource que je ne l'aurais imaginer... je me suis fait avoir par leur côté parfois nyan nyan et gentil... On ne m'y prendra plus.

Finalement, ces séances d’entraînements nous profitent énormément à tous les deux. Mais à force, j’ai pris de plus en plus l’ascendant grâce au terrain. Rainbow a alors demandé de changer un peu le décor pour rééquilibrer les choses, me forcer à trouver d'autres façons de faire.

Ne pouvant plus prendre appuis sur les souches et autres surfaces, j’essaye depuis hier autre chose : je me lance au plus prés du sol en ligne droite, plante les griffes de ma main dans le sol et essaye de faire pivot pour changer brusquement de direction grâce à mon élan, voire fondre sur ma cible sans prévenir.

C'est tellement “facile” avec ces... choses.

Mais pour l'instant, à par manger de la terre, ça ne marche pas très bien. Mais c'est prometteur tout de même, Rainbow m'encourage dans ce sens d’ailleurs.

Heureusement qu'elle m'aide... Je me sens mieux depuis ce qui est arrivé, en partie grâce à elle.

Ces “combats” si on peut les appeler ainsi, me font le plus grand bien en plus d’être enrichissants. Je me défoule beaucoup, extériorisant mes pulsions, mes envies de frapper des choses et me vide l’esprit de ce qui me préoccupe. Le tout dans un cadre de respect et de bon esprit sportif, avec quelqu'un qui prend garde avec ses coups autant que je le fais. Ça me calme et m'aide à gérer mes instincts tout en affinant la maîtrise de ma force, le tout en évitant de nous blesser mutuellement.

Une grosse bourrasque, venue de face me frappe tel un mur, secouant la végétation. Les mèches de mes cheveux, poisseux à cause de la transpiration, sont jetées en arrière, éclaircissant ma vision.

Merde, je réfléchis, je réfléchis... mais j'ai oublié la pouliche, elle est où ?

Je me retourne et vois la pégase miniature en question au bord de la falaise, à regarder le fond.

« Scootaloo, éloigne-toi du bord s'il te plaît, on ne sait jamais. »

« Pourquoi donc ? J'ai des ailes je te signale, et tout comme Rainbow Dash, je n'ai peur de rien. Si je tombe je n'aurais qu'a volé », fanfaronne-t-elle.

Je m'approche de la petite et du bord de la falaise, tâchant de prendre une voix calme mais emprunt d'un peu d'autorité. Je ne suis pas un poney, mais c’est une enfant et elle se doit d'écouter un adulte. « Tu ne sais pas encore voler, et ne pas avoir peur ne signifie qu'une seule choses : être idiot. Rainbow Dash aussi a peur parfois, ce qui prouve qu'elle est plus maligne que tu ne le supposes petite. Éloigne-toi maintenant. »

La petite pouliche baisse les yeux vers le sol après m'avoir observé un instant. « Depuis que t'es arrivé, on s’entraîne moins souvent pour que je réussisse à voler justement... C'est pas juste. »

Je me sens un peu coupable en regardant la petite pouliche, j'ai du mal à imaginer ce que c'est d’être obliger de rester à terre alors qu'on peut voler normalement... J'imagine que ce serait comme avoir des bras, mais qu'il m'est impossible de m'en servir. Ça serait plus un fardeau qu'autre choses en définitive.

Plutôt d'aller droit dans une confrontation, autant essayer d’être pédagogue... un peu... pour une fois.

« Nos sessions d’entraînements nous profitent à tous les deux, Rainbow et moi. C'est justement parce qu’elle se sentait mal de te laisser de côté qu'elle t'a proposée de venir aujourd'hui, non ? »

Je vois la pouliche acquiescer timidement, je suis plutôt content de moi de la convaincre aussi facilement et sans hausser le ton.

C'est à croire que je me redécouvre des fois.

J'en profite pour enchaîner : « De plus, Rainbow est contente d'avoir un partenaire d’entraînement avec qui s’exercer. Du coup, moi je gagne en expérience et elle en profite pour s'améliorer. C'est donnant-donnant en somme. »

Les secondes passent, Scootaloo a l'air de réfléchir à ce que je lui ai dit.

Un nouveau souffle puissant nous frappe alors que nous sommes proche du bord de la falaise, ça ne me rassure guère. Je jette un regard en direction de l'origine du vent, il n’y a que des collines, des arbres et de la verdure à perte de vue.

Je me demande si c'est les pégases qui provoquent ça ou si c’est une conséquence involontaire...

« Au fait ! Tu lui as donné un nom ? » La voix de la pouliche m’interrompt dans ma réflexion.

« De quoi ? Quel nom ? » répondis-je, dubitatif.

« À tes trucs trop cool que tu fais apparaître, tu sais ! Comme un de ces héros de BD que Spike adore. Ils donnent des noms à leurs capacités, tu en as pas un toi ? » me dit-elle. Je pourrais presque jurer voir des étoiles dans ses yeux alors qu'elle me dévore du regard.

Quel changement... et quel enthousiasme en plus.

Je ne peux pas m’empêcher de lui dire que c'est d'une bêtise sans nom un truc pareil. C'est comme hurler à son adversaire : “je vais te coller une baffe sur la joue gauche après avoir avancé de trois pas”. Plus j'y pense, plus je trouve ça ridicule.

« Bah non, c'est cool. En plus, ça fait un bruit super sympa. On dirait des hurlements de bêtes sauvages quand tu te bats. Ça aurait de quoi effrayer tes adversaires. Vu que Rainbow te trouve cool, tu devrais agir en conséquence, non ? »

Ah les gamins... ça lâche pas le morceau comme ça.

« Je n'en vois pas l'utilité, c'est idiot je trouve », dis-je.

Elle reprend l'instant d’après, me donnant l’impression de ne pas avoir écouté le moins du monde ce que je viens de lui dire : « On pourrait en trouver un pour toi si tu n’as pas d'idée. Genre... “Force Brume” ou “Poing Brouillard”, sinon “Grosse Claque”, “Griffe Blanche”, “Murmure fantôme”, ou encore on pourrait t'appeler “Loup solitaire” à cause de ta crinière, sinon y a–... »

La voilà partie dans un long discours, à chercher des surnoms à ma capacité, ou à moi en général, en argumentant par des “t'es grand ça te va” ou “parce que t'es sur deux pattes”. Plutôt de l’arrêter, j’attends de voir qu'elle manque d'inspiration en me contentant de faire non de la tête à chaque fois qu'elle me demande mon avis.

Elle va se lasser et oublier cette idée ridicule bien vite... j'espère.

De plus, même si j'ai fait des progrès, je préfère garder le plus loin possible ce dont je suis capable de mon quotidien, je le crains toujours autant, surtout depuis “L'égide”.

Je vois Scootaloo se mettre sur ses deux pattes arrière et donner des coups devant elle, dans une suite de surnoms particulièrement entraînant pour elle visiblement.

Cette fois je tilt, elle pourrait tomber à ce rythme. je me rapproche vivement alors qu'elle est à quelques pas de moi.

« Stop ! Ça suffit, éloigne-toi du bord maintenant Scootaloo, tu pourrais– »

Un troisième coup de vent, beaucoup plus fort que les précédents, souffle sur nous. La pouliche perd l’équilibre, agitant ses petits sabots frénétiquement alors qu'elle se sent tomber dans la gorge.

Non...

Je bondis en avant... et rate sont sabot de presque rien tandis que le vide se profile sous elle... Alors que je me tiens là où elle était il y a un instant.

Non pas ça...

Sa chute commence à peine... j'éveille mon pouvoir, tends mes muscles et tâche de bondir pour la rattraper. Je vise comme je peux une direction où je pourrais la croiser et arriver de l'autre côté du canyon. Mes griffes pourraient peut-être me permettre de m'accrocher aux parois.

J'ai beau être plus fort grâce à mon pouvoir, une chute de cette hauteur... ça me serait sans doute fatal, sinon le choc le serait sûrement pour la pouliche.

Je dois la rattraper.

Je tends mon bras autant que possible alors qu'elle semble terrifiée, mais elle ne crie pas, elle semble aussi immobile que possible dans sa chute, me fixant, un sabot tendu en réponse, me suppliant du regard.

Le vent et la poussière m’agressent alors que nous gagnons en vitesse...

J'y suis presque... juste à peine plus... un tout petit peu.

Le mugissement de mon pouvoir est masqué par le souffle dans mes oreilles. La roche défile à toute vitesse dans ma vue périphérique. J'arrive à effleurer à peine du bout des doigts le sabot de la petite.

Je vais l'avoir... je dois l'avoir...

...''Tu es faible''...

...Tais-toi !...

Je réussis à saisir son sabot et la tire à moi de suite, la couvrant dans mes bras comme dans un cocon...

Elle semble comme reprendre vie, criant : « Lumen ! »

Je vais pour lui hurler de s'accrocher à moi aussi fort que possible, quand un grondement retentit.

Je ne suis pas un habitué des chutes libres, mais je parviens à me mettre à l'horizontale, tête en haut, me retournant pour voir ce qui a fait ce bruit.

Oh put–

Une masse m'entourant à gauche et à droite fond sur nous, sur le point de nous happer. J'ai le réflexe immédiat d'écarter les jambes aussi vite que possible pour bloquer ce qui me cerne des deux côtés. Je rencontre deux résistances à mi-parcours, la sensation de chute remplacé par l’impression d’être emporté en arrière, me soulevant le cœur à cause du choc.

Très vite nous nous retrouvons immobiles, moi et la petite pouliche, le dos contre la roche et une pression énorme sur mes jambes, tendues en grand écart.

La protestation des muscles non loin de l'entre jambe me rappelle que pour un peu plus, ma voix pourrait monter de quelques octaves.

Aie... aie... j'aurais dû faire plus d'assouplissement en fait... J'aurais pas cru que ça me serait utile à ce point...

Je me reprends et observe alors dans quelle situation nous sommes.

Une énorme gueule bordée de dents m'entoure à gauche et à droite. La bave et l'haleine m’imbibent et me donne la nausée. La créature force sur ses muscles, me faisant trembler sous l’effort constant que je dois fournir si je ne veux pas être privé de la moitié de mon corps d'un claquement de mâchoire.

L'ensemble de la bête, après un autre coup d’œil rapide, me fait penser à une espèce de serpent ou une murène recouverte d'écailles légèrement orangées. Rainbow m'en a parlé je crois, elle s'amuse à passer entre leur gueule quand elle s’entraîne au vol ici.

Elle est complètement dingue celle-là… Il est énorme ce machin. Il n’en ferait qu’une bouchée d’un plumeau comme elle.

Un couinement me ramène à la réalité, la petite boule de poil dans mes bras tremble de tout son corps, vu ce qui est arrivé en une poignée de secondes, c'est normal.

Il faut essayer de la rassurer...

Je parle aussi doucement et calmement que possible malgré la situation, prenant garde à mon souffle pour ne pas en manquer.

« Ça va aller... Respire doucement et accroche-toi à moi. Tout va bien se passer Scootaloo, tu vas voir. Tant que je suis là, il ne t’arrivera rien », lui dis-je, posant avec douceur ma main sur sa joue, cherchant à lui cacher ce qui menace notre vie.

Ses petits sabots tentent de m'entourer comme elle peut. Alors que je la tiens comme un bébé, elle me fixe d'un air suppliant. « J'ai peur... », murmure-t-elle à peine.

La sueur perle sur ma peau à cause de l’effort, gardant un air confiant de façade. « Tout va bien se passer, ne regarde pas. Rainbow va bientôt arriver et nous aider, pas de quoi s'inquiéter. » Je la vois alors faire oui timidement et blottir sa petite tête contre ma poitrine, se roulant en boule.

La murène grogne de mécontentement, continuant de forcer comme elle peut, sa langue coincée sous mon pied s'agite.

Je suis bien content de l'avoir bloquée avec le reste... Pas envie de me faire lécher.

T'es vraiment dégueulasse... sale bête.

Je referme bien ma prise sur la pouliche pour ne pas la laisser échapper et observe autour de moi : sur le flanc de falaise face à moi, il y a des trous d'un diamètre un peu plus gros que la bête qui nous a attrapée. Les tanières de ses petits copains j'imagine. Les flancs rocheux sont irréguliers, je pourrais peut-être les escalader en me libérant de la mâchoire de la bestiole.

Avec la petite pégase dans les bras, ça risque d’être infaisable...

La faire s'accrocher à mon dos ? Possible mais très dangereux, elle pourrait lâcher...

La lancer ? Je ne suis pas sûr d'avoir assez de force, et si je me rate, je n'aurais aucune chance de la rattraper.

« Humf... »

Je tiens bon, mais si la bête continue de forcer comme ça, je risque de ne pas tenir très longtemps... Une solution... il m'en fut une rapidement, si j'avais mes bras de libre, ça aurait été facile...

… Lâche-la... C'est un fardeau... Ne pense qu'à ta vie...celles des autres sont celles des faibles... Elles n'ont aucune valeur...

Comme si j'allais faire une chose pareille !

Mes yeux tombent de nouveau sur la pouliche, tremblant toujours plus dans mes bras. Au même moment, la bête met plus de force encore pour fermer ses mâchoires sur moi, grognant de mécontentement. Ses dents se rapprochent très lentement de mes flancs de quelques centimètres, puis s'immobilisent à cause de ma résistance. Je sens pourtant les pointes mortelles presser contre la surface de ma peau.

Je lève le regard vers le ciel, une masse bleu passe rapidement et un écho se fait entendre.

« Lumen ? Scoot ? Vous êtes où ? »

Elle est de retour... Pile au bon moment.

Je hurle en espérant qu'elle m'entende « On est là ! Dans le canyon ! Viens vite ! »

Pitié… faites qu'elle ait l'ouïe fine...

Je vois l'instant d’après une traînée arc-en-ciel foncer droit sur nous, pour s’arrêter finalement un peu au-dessus de la gueule béante où l'on se trouve.

« Qu'est-ce qui s'est passé ?! » dit-elle d'une voix affolée.

« Pas le temps d’expliquer... Prends la avec toi. Une fois les mains libres, je me débrouillerais », murmuré-je lentement, économisant mes forces autant que possible alors que mes muscles me font mal de travailler autant.

Je suis épuisé... j'ai sous-estimé les efforts que je fournis pendant nos séances on dirait...

« Je ne te laisse pas comme ça ! Je vous prends les deux », rétorque-t-elle alors qu'elle s'approche lentement de moi.

« Sois pas conne ! Je suis trop lourd et vu la situation, on risque de tomber. De plus, si je lâche, j'y laisse mes jambes. Prend la petite et mets la en sécurité, si je n'arrive vraiment pas à m'en sortir tout seul, là d'accord on verra... Sois raisonnable Dash, s'il te plaît... Je… ne vais pas tenir longtemps. »

Je sens la petite pouliche s'agiter faiblement. En baissant les yeux, je croise son regard plein de larmes : « On ne va pas te laisser là... Tu peux pas rester ici hein ? » Elle s'accroche à moi... comme si j'allais disparaître. « Je veux pas… je veux pas... »

Gamine...

Une émotion et un sentiment de chaleur me prend aux tripes, me faisant oublier pendant un instant le danger qui pèse sur nous...

Je caresse sa crinière doucement, en prenant garde de ne pas la blesser à cause de mes extrémités éffilées. « Ça va aller pour moi, tu vas être forte et laisser Rainbow t'emmener loin d'ici, d'accord ? »

Scootaloo acquiesce doucement, regardant ensuite la grande pégase qui se faufile entre les deux grandes planches tranchantes, pour se placer devant nous en battant des ailes à un rythme régulier, recevant Scootaloo avec la plus grande prudence.

Rainbow me murmure, alors qu'elle a la petite dans les bras : « Je reviens vite, ne bouge pas. »

Je lui fais un faux sourire et ajoute un clin d’œil alors que mes bras sont déjà sur les mâchoires du monstre, cherchant à soulager mes jambes un petit peu. « Dommage, j'avais envie de me balader dans le coin. »

J'ai une idée de comment m'en sortir, reste à voir si ça va marcher maintenant que je suis tout seul.

Pendant qu'elles remontent, je parle à la bête autant qu'à moi, pour m'aider à me préparer mentalement pour ce que je compte faire... « Tu vas le sentir passer pour avoir essayer de nous manger mon gros... »

Mon regard tombe sur la rangée de dents aiguisées.

Je suis complètement dingue...

Je serre le poing et frappe plusieurs dagues d'ivoire. Elles se brisent avec une étonnante facilité. La bête laisse échapper un cri et ouvre grand la mâchoire, me laissant tomber.

Pourvu que ça marche...

Je recommence à prendre de la vitesse. Sans attendre, je place mes doigts comme un crochet et frappe la pierre en espérant m'y planter.

Ma course s’arrête net, la pointe de mes gantelets fichée dans la roche, de petites fissures tout autour des différents points d'impacts.

« Pfiou... »

Bon... ça c'est fait. Je serais bien tenter d’essayer autre chose. Mais je ne pense pas, vu mon état de fatigue, que ce soit une bonne idée.

J'aurais bien essayé de bondir d'une paroi à l'autre en remontant, m'accrochant avec mes griffes comme je viens de le faire. Je le garderai en tête lors des prochains entraînement, il faut bien essayer plein de choses pour savoir jusqu’où je peux aller... Ça me sera peut-être utile a l'occasion.

« Lumen ! »

C'est la voix de Rainbow que j'entends. Les battements d'ailes frénétiques se rapprochent à toute vitesse, puis s’arrête à ma hauteur. L'image d'un homme, pendant par un bras figé dans la pierre dois avoir une nuance comique, mais vu la situation quand je la regarde, elle est tout sauf d'humeur à rire.

« C'est gentil de revenir pour me filer un coup de main... heu, de patte plutôt », dis-je doucement. Mon souffle me revenant, je lui fais même un petit sourire, plus franc cette fois. Le danger est passé maintenant de toute façon, autant ne pas trop en faire et alléger un peu l'ambiance.

C'est pas comme si c'était la première fois que je frôle la mort en plus.

Elle se rapproche de moi lentement, une expression indéchiffrable sur le visage, ses grands yeux magenta me fixant intensément. « Peu importe les circonstances, si un de mes amis a besoin d'aide, je serais toujours là et je ferai tout ce que je peux tant qu'il me restera un souffle de vie pour le soutenir », me dit-elle, avec un sérieux et une émotion que je ne lui soupçonnais pas.

Ses mots me secouent tout entier tant je les sens emprunts de vérité. Ils me marquent au fer rouge pour que jamais je ne les oublie. Plutôt de répondre ou de réagir autrement, je me contente, après de longues seconde à la regarder, de saisir doucement sa patte et murmurer. « Dans ce cas... Je vais faire une exception... et te faire confiance », dis-je naturellement et sans réfléchir tout en me décrochant de la pierre.

Elle grogne sous l’effort et descend de quelques mètres avant de reprendre son ascension, lente mais certaine, jusqu'en haut des gorges. Son souffle est rauque, le corps tendu sous l’effort important, ses ailes battant de toutes leurs forces visiblement, son regard ne quittant pas le mien ne serait-ce qu'un seul instant.

L'incarnation de la loyauté hein ? … J'ai l'impression quand je la regarde que les différents titres qu'elles ont ne sont pas usurpés finalement...

On finit par atteindre le haut de la falaise. Rainbow me dépose à quelques mètres du bord, juste à côté de Scootaloo se tenant assise, se remettant de ses émotions.

Je tombe sur mes genoux, épuisé et soulagé qu'on en soit sortir indemne. Je relâche la tension de mon esprit, laissant sombrer dans les abysses de mon être ce qui n'aurait jamais dû exister pour un humain.

J'ai à peine le temps de prendre une grande inspiration que la petite boule de poils orange me saute au coup et m'étreint aussi fort que ses petites pattes le lui permettent

« Je suis désolée... j'aurais dû t'écouter depuis le début... C'est ma faute. Je te demande pardon », murmure-t-elle en tremblant encore un peu.

Je vois la grande pégase se crisper, ouvrir la bouche, dans une intention de la réprimander au vu de l’expression qu'elle arbore. Je m'adresse à elle avant qu'elle ne s'y mette.

« Ce qui vient d'arriver et une leçon en soit, inutile de l'accabler davantage Dash », dis-je doucement, rendant gentiment le câlin de la pouliche.

Je vois Rainbow souffler, visiblement exaspérer. « C'était bien la peine de faire ton méchant pendant des semaines toi si c'est pour être comme ça maintenant ! » dit-elle en se rapprochant de moi pour me donner un coup sur l'épaule, un sourire en coin. Son regard tombe ensuite sur Scootaloo. « Lâche le, petiote. Il a besoin de respirer lui aussi. »

La pouliche me lâche après quelques secondes de plus. Je me contente de sourire et m'assied les jambes croisées devant les deux ponettes.

« On dit quoi à celui qui t'a sauvée la vie Scoot ? » déclare la grande pégase, visiblement décidée à aller jusqu'au bout de la “leçon”.

« Merci de m'avoir sauvée la vie en sautant sans hésiter dans le ravin, Lumen... »

« Bah... y aurait eu un pégase dans le coin, tu n'aurais même pas eu à t'inquiéter. N'en parlons plus », dis-je, gêné, préférant qu'on passe vite à autre chose.

… ''Si un de mes amis a besoin d'aide, je serais toujours là''...

… ''Tant que je peux donner de moi à mes amis pour les soutenir, ils pourrons compter sur moi''...

… ''Tu n'es plus seul''...

… Peut-être...

« Je pense qu'on devrait en rester là pour aujourd'hui. En ce qui me concerne, j'ai vraiment besoin d'une pause », dis-je d'un ton un peu las.

Rainbow acquiesce. « On reprendra demain alors, c’est bientôt les sélections en plus. »

Je rétorque de suite : « Pas possible. Demain, je reprends le boulot au SPA, ça me changera les idées et puis ça fait un moment maintenant. Je ne vais pas faire attendre les rendez-vous éternellement. Mais je serai toujours là-bas un jour sur deux. Du coup, après-demain on pourra reprendre si ça te dit. »

Le sourire de Rainbow s'élargit. « On fera comme ça alors, faut qu'on soit prêts pour la compétition », dit-elle, portant ensuite son attention sur la petite qu'elle entoure d'une aile protectrice.

Je me laisse tomber à terre. Une fois allongé sur le dos, j’entends les deux ponnettes parler, l'air enthousiaste, comme s’il ne s’était rien passé. Mes yeux se ferment lentement.

… J'ai sommeil...

Je me rends compte d'une étrange sensation dans le cœur qui persiste depuis un moment déjà.

Peu importe...

Le ciel est bleu, l'air est pur, la petite Scootaloo est sauf...et... je me sens étrangement bien.