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En arrière-plan

Une fiction traduite par Littera Inkwell.

Chapitre I : Mélodie

Cher Journal,

Quand la musique a-t-elle commencé ? A-t-elle commencé avec une question ? ou une exclamation ? Est-ce qu'un poney a ri ? ou pleuré ? Ce poney était-il seul, ou y avait-il un public ?

En intégrant l'École de Célestia pour Licornes de Talent, je pensais percer tous les mystères des origines de la musique. Là-bas, j'ai découvert que les plus beaux de nos morceaux, les plus brillantes de nos compositions, les plus émouvantes de nos mélodies, avaient été perdues pour toujours. La civilisation équestrienne est vieille de plus de dix mille années, et de ces dix millénaires nous n'avons préservé que quinze siècles de musique.

Qu'en est-il de la musique perdue pour toujours ? À ce jour, combien de chefs-d'œuvre se sont fait avaler par le grand vide du temps ? Qui sont les prodiges du passé, et combien de leurs compositions n'entendrons-nous jamais ? Si leurs morceaux n'habitent plus les halls de notre royaume, cela signifie-t-il qu'ils ont perdu leur valeur ?

Quelques années plus tôt, je commençai à étudier le solfège, pensant trouver des réponses. À la place, j'appris que faire de la musique n'était rien de plus que poser les questions que l'esprit ne peut formuler avec des mots. Quand nous chantons ou jouons d'un instrument, nous cherchons quelque chose. Quand nous emplissons le silence de notes, de rythme et de tonalité, nous essayons de prendre contact avec des parties de nous-mêmes d'habitude ignorées.

J'aimerais penser que les poneys des temps anciens cherchaient quelque chose comme ceux de notre ère. Pour moi, cela voudrait dire que même si la musique du passé a disparu, le désir d'à la fois nous exprimer et nous découvrir est toujours là. Notre civilisation tout entière est l'écho d'une symphonie tombée dans les oreilles de sourds, mais pas sur des cœurs insensibles. Tant que nous jouons de la musique et incarnons l'ambition et la curiosité de nos ancêtres, les choses les plus importantes ne sont pas oubliées, car elles pulsent encore dans nos veines.

Aujourd'hui, je joue de la musique. Je joue de la musique car je cherche aussi quelque chose. D'une part, ces mélodies magiques que je m'efforce de construire sont peut-être l'antidote à la malédiction qui m'accable ; d'autre part, je participe au seul mouvement ayant gardé un rythme constant depuis l'aube des temps. Tant qu'il en est ainsi, tant que je crée des mélodies qui font danser l'âme d'Équestria, peut-être ai-je un espoir de toucher quelqu'un.

Peut-être ne serai-je pas oubliée.

~

L'autre jour, je me trouvais au coin de la rue principale de Poneyville, où je m'entraînais au dernier morceau sur ma lyre. J'avais décidé de l'appeler "Élégie lunaire n°7". C'était la mélodie que j'avais passé la semaine à essayer de rapiécer. Tu la connais, j'en ai parlé dans ma dernière lettre : celle qui a failli faire tomber l'arbre sur mon jardin de carottes. J'ai toujours pensé que c'était un signe, et que trouver comment coucher cette mélodie sur papier ferait avancer ma quête d'une façon ou d'une autre. Jusque-là, je n'avais trouvé aucune propriété magique au morceau, mais c'était probablement parce que je ne l'avais pas encore joué à Twilight.

Mlle Sparkle a toujours la solution. Elle est douée pour ça. Si elle utilisait ce talent pour composer ses propres musiques, je suis certaine qu'elle rendrait la princesse Célestia encore plus fière.

Zut ! Je perds toujours le fil avec ces notes. Bref, j'étais au coin de la rue principale de Poneyville. Je jouais de ma lyre et… je manquais d'argent dernièrement. Alors j'avais pris le pot avec moi. Il n'avait pas fallu longtemps aux citoyens de Poneyville pour faire preuve de leur générosité. En moins de deux heures, j'avais gagné près de trente-cinq pièces. On ne m'avait pas donné que ça, bien entendu : j'avais aussi reçu beaucoup de sourires amicaux. Je répondais peu et me contentais de jouer. Je devais avoir l'air si absorbée. Aucun poney ne devait se douter que je les observais avec autant d'attention que celle qu'ils m'offraient.

Carrot Top fut la première à donner quelque chose, bien entendu. J'ai déjà écrit à son propos : souvent la première debout dans tout Poneyville, elle va et vient à travers le village, jonglant entre divers petits boulots par-ci par-là. Ce jour-là, elle lança une pièce dans mon pot et me fit un sourire. Je me souviens du même visage, sali par la terre et les brins d'herbe au soir, le jour où elle m'apprit à planter un jardin. Elle me salua comme si c'était la première fois (car ça l'était pour elle), et partit.

La suivante fut la Maire. Sa crinière avait l'air moins grise ce jour-là. Je me demande si elle a changé de teinture récemment. La Maire est un poney fantastique. Ailleurs qu'à Poneyville, le représentant élu se serait probablement opposé aux musiciens de rue comme moi-même, mais la Maire a du respect pour ce qui touche à la culture. Elle m'offrit un sourire, fit l'éloge de mes talents, et lança une pièce dorée dans le pot avant de partir au trot. Je me demande si elle a finalement trouvé la force de parler à sa fille ; la muraille émotionnelle qui se dresse entre elles la préoccupe beaucoup. La Maire n'a jamais parlé de sa tristesse à quel poney que ce soit, sauf le jour où je l'ai poussée à se confier à moi. Quelle apaisante conversation autour d'une tasse de thé nous avons eue toutes les deux. Je m'en rappellerai toujours, pour elle, si ce n'est pour moi.

Plusieurs poneys passèrent encore alors que le jour fondait lentement à la faveur du soir. Tout ce temps, je pratiquais "Élégie lunaire n°7". Le fait que des poneys m'écoutent ou laissent quelques pièces n'était qu'un bonus. Je pinçais par magie les cordes de ma lyre avec une précision experte, répétant la mélodie encore, et encore. Personne ne se plaignit d'entendre toujours la même chose, mais c'était prévisible. Les seuls regards curieux que je reçus étaient dirigés vers mon sweatshirt, celui que je porte toujours lors de mes excursions en ville. Je pensais m'y être habituée, comme je m'étais habituée aux frissons qui surviennent avec les mélodies qui me tirent du sommeil. Enfin, je ne pouvais pas m'en plaindre. Je devais seulement pratiquer l'élégie. Je savais que Twilight Sparkle pouvait m'aider à trouver le sens du morceau, comme toutes les fois auparavant, mais essayer par soi-même ne peut pas faire de mal.

Et puis vint Rarity. À la vue de sa splendide crinière et de ses yeux étincelants, lorsqu'elle s'arrêta dans sa course vers l'épicerie pour m'écouter, ma concentration défaillit. « Ma foi, quel morceau divin ! » furent ses paroles exactes. Elle déposa trois pièces dans le pot – plus que quiconque. Je culpabilise dans ces moments-là, mais une partie de moi pense que Rarity a plus besoin de montrer sa générosité que les autres poneys d'en profiter. Alors je jouai le jeu, même quand elle se pencha vers moi avec un regard compatissant pour dire : « Très chère, tu as l'air gelée jusqu'aux os ! Es-tu malade ? »

C'était vrai : mes dents claquaient, et non, je ne jouais pas la comédie. Quand les frissons survenaient, je ne pouvais pas faire grand-chose pour les arrêter. Mon sweatshirt faisait office de première ligne de défense contre les effets secondaires inexplicables de cette malédiction. Je ne peux même pas expliquer ça aux poneys que je rencontre. Si je cédais aux suppliques de mon corps grelottant et m'emmitouflais, plus de poneys comme Rarity s'arrêteraient pour me poser la même question encore et encore.

« Oh je vais très bien, Madame », me rappelé-je lui avoir dit. Je n'ai pas l'habitude de parler en plein milieu de mes répétitions, mais la licorne que je suis peut se permettre de faire plusieurs choses à la fois. « Ma température sanguine est juste plus basse que la moyenne. » C'était un mensonge. Enfin, relativement parlant, tout ce que je disais à ces villageois était un mensonge. Après tout, la vérité leur faisait le même effet.

« Eh bien je ne tolère pas qu'une musicienne aussi talentueuse se laisse mourir de froid ! » dit Rarity, qui fit ensuite une chose à laquelle j'aurais dû m'attendre. Elle sortit de son sac une écharpe jaune. « Tiens, chérie. Garde-la tout le temps qu'il te plaira. » L'éclat de son sourire n'avait d'égal que l'aura magique dans lequel le vêtement doré flotta jusqu'à moi. De toute évidence, je n'avais pas mon mot à dire – ce qui n'était pas pour me faciliter la tâche.

« Oh, merci, Madame. » Je souris poliment et interrompis l'élégie pour enrouler l'écharpe autour de mon cou. Tenter un refus aurait été trop compliqué. « Vous êtes trop bonne. »

« Je peux en faire cent comme celle-là à la boutique. Et puis, le jaune n'est pas ma couleur, mais il se marie à merveille avec tes yeux. » Rarity sourit – certains visages laissent une marque indélébile dans les mémoires, celui de Rarity en fait partie. « Tu devrais passer un de ces jours. Je pourrais te faire un nouveau sweatshirt. Celui-là est très bien, mais il fait un peu usé, si j'ose dire. »

Je ris légèrement. « Merci. J'y songerai. »

« N'y manque pas ! » Rarity s'éloigna en fredonnant sa propre version de la mélodie que je jouais. Elle disparut dans l'entrée de l'épicerie d'en face.

Réchauffée, plus par la sincérité de Rarity que par l'épaisseur de son écharpe, je continuai à jouer de la lyre. L'après-midi arrivait à son terme; les robes des poneys brillaient sous les rayons rouges du soleil se couchant derrière l'horizon ouest. Je dus jouer l'élégie lunaire dix fois avant que Rarity revienne vers moi en trottant, les sacs plein d'achats tout neufs.

Je ne le cacherai pas : mon cœur chavira un peu quand elle fit immédiatement un détour vers moi et déposa trois pièces dans mon pot. « Ma foi, quel morceau divin ! » dit-elle avant de se pencher vers moi. « Très chère, tu as l'air gelée jusqu'aux os ! Es-tu malade ? »

Cela fut plus difficile de sourire cette fois. Néanmoins, je murmurai par-dessus la mélodie : « Oh je vais très bien, Madame. » Je ne pus aussi m'empêcher d'ajouter avec un clin d'œil : « Il se trouve qu'une jument très généreuse m'a donné cette écharpe une heure plus tôt. »

« Eh bien voilà une ponette qui a très bon goût ! » dit Rarity avec admiration. « Elle se marie à merveille avec tes yeux. Tu devrais passer à la boutique un de ces jours. Je pourrais te faire un nouveau sweatshirt. Le tien est très bien, mais— »

« Il fait un peu usé ? »

« Oui ! J'allais justement dire ça », s'exclama Rarity dans un souffle. « Lis-tu dans les pensées en plus d'être une musicienne si talentueuse ? »

« Quelque chose comme ça », dis-je. « Comptez sur moi pour visiter votre charmante boutique, Madame. »

« N'y manque pas ! » Sur ces mots, elle partit, toujours en fredonnant, toujours une étrangère gracieuse, insouciante.

Je décidai que j'en avais fini pour la journée. Je pris ma lyre et mon pot plein de pièces, et les rangeai dans ma sacoche. Ma gorge était sèche, j'allai donc directement au Sugarcube Corner. Mme Cake travaillait. À l'instant où je m'installai, elle s'avança avec un sourire aussi clair que son tablier.

« Bonjour à vous, Mademoiselle ! Vous êtes nouvelle par ici ? »

« Hmm… oui et non. Combien pour votre meilleur thé aux herbes ? »

« Une pièce. »

« Qu'est-ce que vous dites de trois pièces pour une tasse de thé et un sandwich aux pâquerettes ? »

« Marché conclu, chérie ! » chanta Mme Cake. Je me demande si elle sait combien ses paroles sont toujours harmonieuses. Je pourrais faire une thèse sur la seule tonalité de sa voix. Elle s'enfuit dans la cuisine au fond du Sugarcube Corner tandis que je fouillais ma sacoche à la recherche du pot de pièces dorées.

Soudain, j'entendis des sanglots deux tables plus loin. Me retournant, je vis Mlle Hooves et sa fille Dinky. La petite licorne pleurait toutes les larmes de son corps. J'ignorais la fille de Derpy capable de piquer des crises en public, le spectacle avait quelque chose d'étonnant. Dinky cachait son visage avec ses deux sabots tandis que sa mère, penchée sur elle, lui chuchotait des mots rassurants à l'oreille. De là où je me trouvais, je ne pouvais pas entendre ce qu'elle disait, mais je voyais le sourire sur ses lèvres… et d'une façon ou d'une autre cela fit effet. Dinky sécha ses larmes et tira un sourire comme celui de sa mère.

Un peu plus tôt, Pinkie Pie avait déboulé en plein milieu du Sugarcube Corner en faisant la roue, et à présent elle amusait un certain nombre d'enfants à l'intérieur du restaurant avec ses jeux et ses blagues navrantes. Les poulains riaient et frappaient des sabots aux pitreries de Pinkie. Derpy pointa dans sa direction et poussa le flanc de Dinky pour l'encourager à aller s'amuser avec les autres. La petite licorne s'en alla en sautillant joyeusement, son chagrin rapidement remplacé par une euphorie enfantine. La jeune mère la regarda s'éloigner d'un œil, sans toutefois pouvoir réprimer un soupir et une moue malheureuse, puis s'affala sur la table.

J'étais si absorbée par ces observations que j'avais à peine remarqué la silhouette de Mme Cake du coin de mon œil. Je me tournai vers elle ; la pâtissière était figée sur place, les yeux perdus dans l'espace du Sugarcube Corner. Elle tenait un plateau sur lequel étaient posés une tasse de thé et un sandwich aux pâquerettes, mais elle n'avait aucune idée de quoi en faire.

« Comme c'est bizarre… » dit-elle en détachant chacune des syllabes échappant à ses lèvres. « J'aurais juré que… » Elle se tourna et regarda derrière elle, vers la cuisine. « Qu'est-ce que j'allais faire de ça ? Je vous jure, je deviens sénile… »

Je m'éclaircis la gorge.

Ses yeux tombèrent sur moi et elle m'offrit un sourire poli. « Bonjour à vous, Mademoiselle ! Vous êtes nouvelle par ici ? »

« Hmm… oui et non. Vous avez l'air perdue. Est-ce que tout va bien ? »

« Oh ! absolument ! J'aimerais juste me rappeler ce que je faisais de… de… » Mme Cake fit la grimace à son plateau, comme s'il était plein de fourmis. « Bah ! Je devrais être en train de préparer le gâteau pour le banquet de la Maire de demain, de toute façon. »

Je tendis le cou pour regarder le plateau. « Est-ce que c'est du thé aux herbes et un sandwich aux pâquerettes ? »

« Eh bien, oui, c'est ça. »

« Hmm… » Je déposai quelques pièces sur la table. « Puis-je les avoir contre trois pièces ? »

« Oh ! Euh… Vraiment ? »

Je fis un sourire. « Ça a l'air d'une bonne commande. Je veux bien essayer. »

« Parfait ! Au moins, ça ne partira pas à la poubelle ! » Mme Cake posa gracieusement la tasse et le plateau sur ma table, tandis que je faisais glisser les pièces dans sa direction. Elle les prit et fit une révérence. « Passe un bon moment au Sugarcube Corner ! Contente-toi de crier si tu as besoin de quoi que ce soit. »

« C'est noté », dis-je. Quand elle fut partie, je commençai à lentement siroter mon thé, laissant la chaleur de celui-ci chasser les frissons. J'avais le temps de me détendre, de méditer, de penser à ma musique ; j'aurais dû passer chaque nouvelle minute à songer au mouvement manquant à la fin de "Élégie lunaire n°7", mais au lieu de ça, je continuai de regarder la table de Mlle Hooves.

Derpy est un poney triste. Peu en ville le savent. Nombreux sont ceux à commettre le péché de juger la factrice de Poneyville à son apparence. J'en ai moi-même été coupable, mais c'est parce que chacune des fois où j'ai tenté d'en apprendre plus sur elle je me suis montrée incapable de comprendre la source de ses problèmes. Toutefois, après l'avoir vue consoler une Dinky en larmes, j'avais peut-être une idée.

Alors, après que j'eus fini mon thé et englouti mon sandwich avec peu de grâce, je soulevai mon sac et trottai jusqu'à sa table. L'étape de "l'introduction" n'étant jamais facile, j'avais depuis longtemps appris à passer celle-ci.

« Qu'est-ce qui vous chagrine, Mlle Hooves ? »

Derpy leva les yeux – ils regardaient dans deux directions opposées. Je savais exactement où me tenir pour qu'elle puisse me voir. « Euh… Excusez-moi, on se connaît ? »

« Qui ne connaît pas la plus fidèle des factrices de Poneyville ? »

« Oh, vous devez avoir raison. » Derpy poussa un rire nerveux et passa un sabot dans sa crinière. « Je n'aurais pas… foncé dans votre fenêtre ou quelque chose comme ça ? »

« Ha ha ha… rien de la sorte. »

« Ouf. Tant mieux. Je n'ai pas si bonne mémoire. »

« Nous avons tous ça en commun, Mlle Hooves. Croyez-moi. » Je m'assis à côté d'elle et pointai l'endroit où son enfant riait avec les autres poulains et Pinkie Pie. « Dinky est extrêmement douée pour son âge. Vous saviez qu'elle a fini première de sa classe sur ses trois derniers tests ? »

« B-Bien sûr ! » s'exclama Derpy, les yeux plissés et tournés selon des angles bizarres. « Comment le savez-vous ? »

Voilà ce qu'entendais par "ce n'est jamais facile". Je réfléchis à toute vitesse et répondis : « J'enseigne la musique à Canterlot. On m'a envoyée pour assister Mlle Cheerilee afin d'étendre son programme. Elle envisage de former un groupe de musique pour les élèves. Vous en avez entendu parler ? »

« Bien sûr que oui ! » dit Derpy.

Je me suis trompée un peu plus tôt : parfois, ce que je dis est bien la vérité. Mais ce ne l'est que parce que je l'ai observée auparavant. Cheerilee avait en effet tenté de créer un groupe le mois précédent. Cela ne semblait pas faire particulièrement la joie de Mlle Hooves.

« Mon petit Muffin est tellement excitée », dit-elle. « Tous les matins elle ne parle que de ça avant que je la dépose à l'école. » Elle soupira, posant un regard léthargique sur son enfant absorbée par le spectacle insolite de Pinkie Pie, de l'autre côté du Sugarcube Corner. « Elle a un don pour la musique. En fait, je l'ai emmenée au magasin de musique la semaine dernière. Ils l'ont laissée essayer une flûte. Je jure n'avoir jamais rien entendu d'aussi extraordinaire… et mon Muffin n'en avait jamais joué avant. Elle a un grand talent, comme son père… » Les derniers mots sortirent plus difficilement, et je vis une fois de plus la tristesse se peindre sur le visage de Derpy.

« Je l'ai vue pleurer un peu plus tôt », dis-je. Certaines mélodies ne sont pas faites pour être introduites. Parfois, la seule chose à faire est d'écouter le refrain, peu importe la douleur. « Je devine qu'elle ne pourra pas rejoindre le groupe de Mlle Cheerilee. »

Derpy se crispa, mais je savais qu'elle n'allait pas s'arrêter de parler. Les poneys ont tant de choses à dire, et il se trouve que les moments où ils choisissent de parler coïncident avec ceux où je leur pose des questions. Peut-être que c'est ça, ma raison d'être ? Je pense beaucoup à ce genre de choses. Quoi qu'il en soit, je suis la seule qui doive le faire.

« J'aimerais que ce soit possible », dit finalement Mlle Hooves. « Mais je crains que sa mère ne lui soit d'aucune aide. »

« Oh ? »

« Je n'en parle pas beaucoup, et je ne le dirai sûrement pas à Dinky, mais les temps sont durs en ce moment. » Derpy baissa les yeux vers la table, sur laquelle elle se mit à dessiner paresseusement des cercles avec un sabot, comme pour tenter de remettre son regard en place. « J'ai beaucoup de mal à joindre les deux bouts. C'est dur d'être mère célibataire quand on est que factrice. Si le père de Dinky était toujours là, peut-être que je pourrais me permettre un peu plus que de nous payer à manger. Mais un groupe de musique ? » Derpy soupira encore et frotta ses yeux humides d'un sabot. « Dinky est une enfant si gentille et merveilleuse. Elle est si bonne avec sa mère. Tout ce qu'elle veut, c'est jouer de la flûte. Mon petit Muffin a un don, et je n'arrive toujours pas à croire qu'elle ait tant de talent… »

« La maîtrise d'un instrument est le meilleur des talents, Mlle Hooves », dis-je avec un sourire compatissant. « Vous pouvez être fière. Votre fille est destinée à toucher les âmes d'autres poneys, comme elle touche la vôtre rien qu'en existant. »

« Elle ne touchera pas grand-monde si je ne peux pas lui donner ce qu'elle mérite », murmura Derpy, la voix tremblante. « Mon petit Muffin est une pouliche si aimable, si jeune et si mature à la fois… et elle fait de son mieux à l'école, elle travaille dur. Elle est si… si douce. » Reniflant, elle chassa une larme avant que cette dernière ne se pose sur sa joue grise. « Sa passion est de jouer de la musique, et je ne peux pas l'aider. Sa mère n'a pas autant de talent. Je ne peux même pas nous offrir une meilleure maison, ni même une simple flûte et réaliser son rêve. Quel genre d'amour est-ce là ? »

Je me penchai vers elle et plaçai un sabot sur son épaule. « Votre amour est le cadeau le plus sincère et votre fille le chérira toujours. Certains parents pensent que l'argent peut tout acheter, mais n'offrent pas à leurs enfants de l'attention ou du respect. Vous n'est pas comme ça, Mlle Hooves. Je crois que d'une façon ou d'une autre, vous trouverez un moyen de donner à Dinky ce qu'elle veut. Pour le moment, donnez-lui ce dont elle a besoin. Si vous oubliez un seul des mots que je suis en train de vous dire, rappelez-vous au moins le sentiment qui vous amène au bord des larmes en ce moment, car il est bien réel, et il durera pour toujours. »

Derpy renifla encore. Pour un bref instant, j'aurais pu jurer que ses yeux s'étaient fixés sur moi. Elle me donna un sourire qui me réchauffe encore le cœur alors que j'écris. « Comment pourrais-je oublier les mots d'un poney aussi bon et compréhensif que vous ? »

Je me contentai de lui renvoyer son sourire. « Continuez d'être là pour votre fille, Mlle Hooves. Un jour, peut-être, ses rêves deviendront réalité. Je vous le promets. »

Avant que Derpy ait eu le temps de répondre, Dinky réapparut pour bondir autour de sa mère, répétant en riant certaines des idioties dont Pinkie avait fait profiter les enfants plus tôt. Comme Derpy n'arrivait pas à faire tenir la petite licorne en place, elle la saisit entre ses sabots dans un grand câlin. Dinky rit de plus belle et se débattit dans l'étreinte de Derpy, tandis que cette dernière se frottait à elle.

Un frisson me parcourut soudain. Je tremblai et tirai sur les manches de mon sweatshirt. L'espace d'une seconde, je pus observer de la buée s'échapper par mes lèvres quand j'expirai, et c'est comme ça que je sus, comme toutes les autres fois auparavant, que tout avait été perdu.

L'un des yeux de Derpy se posa sur moi, et elle sursauta de surprise. « Oh bonjour ! Est-ce que je peux vous aider, Mademoiselle ? »

Je m'éclaircis la gorge, réprimant d'autres tremblements. « Mes excuses. » Je me levai. « Je n'avais pas vu que cette table était occupée. »

« Ben voyons ! » La voix de Derpy était empreinte du rire de celui de sa fille. S'il y avait bien une chose de certaine, c'est qu'elle était heureuse désormais. « C'est le Sugarcube Corner. Les poneys peuvent s'asseoir où ils veulent ! N'est-ce pas, mon Muffin ? »

Dinky gloussa. J'ai toujours été jalouse du talent de Pinkie pour inspirer la joie aux enfants. Les contes et les berceuses sont toujours sur ma liste de choses à maîtriser.

« Non vraiment, je devrais partir », dis-je. C'était vrai : le soleil se couchait, et je devais encore voir Twilight. Bientôt, il ferait nuit, et je ne pourrais plus parler à quel poney que ce soit. « Je vous souhaite une bonne soirée à toutes les deux. »

« Hé hé hé… Je ne sais pas exactement pourquoi », dit Derpy, « mais c'en est déjà une. »

Je quittai le Sugarcube Corner et me rendit calmement à la bibliothèque de Twilight Sparkle. Alors que la nuit tombait, le ciel recouvrit la ville d'une épaisse nappe mauve. Autour de moi, des corps équins regagnaient leurs foyers promptement. Je ne comprends pas pourquoi tant de poneys sont si pressés quand le soleil se couche, en particulier à Poneyville. Parfois, je me demande si je suis le seul poney à prendre son temps, se laissant bercer en toute quiétude par le vivifiant murmure vespéral. Je profitais de l'instant présent en fredonnant un air de piano que ma mère m'avait appris quand j'étais petite. Ma famille avait eu plus de chance que celle de Derpy et Dinky. Je ne pense pas avoir jamais imaginé qu'il me serait possible de perdre tout cela, tant matériellement qu'émotionnellement. Je me demande parfois où en est ma famille aujourd'hui, bien que j'évite d'y penser. La mélodie de piano transporte avec elle des souvenirs d'une époque où régnait la chaleur ; j'aimerais pouvoir en dire autant du présent.

On allumait les réverbères au moment où j'atteignis la porte de la bibliothèque. C'était ouvert ; l'assistant de Twilight avait dû transporter quelque chose à l'intérieur. En passant la porte, je compris que j'avais vu juste : Spike déplaçait à travers la pièce plusieurs cartons de livres anciens venus tout droit de Canterlot. Il regarda dans ma direction et me salua joyeusement.

« Salut ! » Il approcha, les bras chargés d'un gros colis. « Trop chouette le sweat ! »

« Merci », dis-je. « Est-ce que Mlle Sparkle est là ? »

« Pourquoi, vous avez pris rendez-vous ? »

« Spiiike ! » Soudain, la licorne lavande en question apparut depuis un couloir pour s'avancer au centre du foyer. « As-tu ouvert le carton contenant les huit volumes de "Héros de la littérature équestrienne" ? » M'apercevant, elle se figea en poussant un petit cri de surprise. « Oh ! Désolée. J'ignorais qu'un poney était là ! » Elle ouvrit de grands yeux et fit un sourire qui montrait ses fossettes. « Puis-je vous aider ? »

Ai-je déjà écrit que Twilight est ridiculement adorable ?

« Il se trouve que oui. »

« Je vois. Dans ce cas… euh… je ferai de mon mieux, mais je dois vous dire que la bibliothèque est sur le point de fermer, et je dois écrire une lettre importante pour— »

« La princesse Célestia », dis-je en acquiesçant. « Je sais. »

« Salut ! » Spike passa près de nous encore une fois. « Trop chouette le sweat ! »

« Oui, sans aucun doute. » Je me tournai vers Twilight avec un sourire. « Croyez-moi, Mlle Sparkle, je pense que ce que j'ai à partager… attisera votre curiosité. Ensuite, je n'aurai qu'une seule chose à vous demander. »

« Oh ? »

« Je promets de ne pas vous mettre en retard pour votre lettre à la Princesse. »

« En retard ? » Twilight Sparkle poussa un rire nerveux. « M-Moi ? Peur d'être en retard ? Jamais ! »

« Hé hé hé… Bien sûr. » Je m'installai sur un siège de bois et ouvrit ma sacoche. En regardant mon hôte, je murmurai : « Mlle Sparkle, vous est-il déjà arrivé d'avoir une belle mélodie en tête, sans savoir ni d'où elle vient, ni ce qu'elle signifie, mais de ressentir le besoin pressant de la fredonner malgré tout ? »

Twilight Sparkle me fixa d'un air intrigué, les yeux plissés, signe indéniable de confusion. Je pourrais écrire un livre sur cette expression faciale que revêtent tant des poneys que je rencontre. Ou n'est-ce pas ce que je suis en train de faire en ce moment ?

Je ris et sortit ma lyre de la sacoche pour la tenir devant moi. « Mon nom est Lyra Heartstrings, et vous ne vous souviendrez pas de moi. Vous ne vous souviendrez pas de cette conversation. Comme à chaque fois que j'ai rencontré un poney, tout ce que je dirai ou ferai sera oublié. Toute lettre que j'aurai écrite apparaîtra blanche, toute trace de mon existence sera effacée. Je suis coincée à Poneyville à cause de cette même malédiction qui m'a rendue si oubliable. Toutefois, cela ne m'a jamais empêchée de suivre ma passion : faire de la musique. Je ne peux pas prouver que j'existe, mais peut-être puis-je au moins prouver que mon amour pour chacun d'entre vous est bien réel. Écoutez mon histoire, ma symphonie, car nous ne faisons qu'un. »

« Je… » Twilight Sparkle cligna plusieurs fois des yeux, fit courir un sabot sur son front et secoua la tête avant de pouvoir parler à nouveau. « Que voulez-vous dire ? Je ne comprends pas. Est-ce que c'est une p— »

« Chuuut. » Je fis léviter la lyre devant moi. « Écoutez. »

Je fermai les yeux et me concentrai, grattant successivement chaque corde par télékinésie. Plus tôt dans l'après-midi, au centre-ville, je ne faisais que répéter ; ici, devant Twilight, au cœur acoustique de sa maison de bois, j'interprétai "Élégie lunaire n°7" avec autant d'éloquence que possible. Bien que je ne connaisse pas la fin, mes sabots dansaient sur les cordes avec assurance. Quand je cessai de jouer, je réouvris les yeux pour voir Twilight assise en face de moi, le visage toujours empreint de l'émotion de la mélodie faisant écho dans son esprit éclairé.

« C'était… » commença Twilight. « C'était… »

« Dites-moi », dis-je avec fermeté, la perçant de mon regard l'espace d'un moment. « Est-ce que c'était familier ? »

« O-Oui ! » s'exclama-t-elle. « C'est comme si… comme si je l'avais entendu… »

Je me penchai en avant. Mon cœur battait la chamade. Je fis en sorte de garder mon sang-froid.

Enfin, Twilight Sparkle bégaya : « L-Les archives lunaires ! Oui ! Oui, je crois qu'il s'agit d'une symphonie des débuts de l'ère néo-classique ! » Elle rayonnait de joie comme l'information, sortie d'un recoin jusqu'alors négligé de sa bibliothèque mentale, fleurissait dans son esprit. « La princesse Célestia me l'a fait écouter une fois, avant le retour de Nightmare Moon. Elle m'a dit que c'était l'une des rares choses qu'elle avait pour… se souvenir de sa sœur, avant que la princesse Luna soit corrompue par ce mauvais esprit. »

« Dites-moi, Mlle Sparkle. Connaissez-vous la fin ? »

« Du morceau que vous venez de jouer ? »

« Oui. »

« Ce… Ce n'était pas fini ? »

« Non, mais apparemment vous l'avez déjà entendu. Vous souvenez-vous de la fin ? »

« Je… Je ne comprends rien à tout ça ! » Twilight me lança un regard de côté par-dessous sa frange violette, le front plissé. « Oui, j'ai déjà entendu ce morceau. Mais c'est la princesse Célestia qui l'a extrait elle-même des archives lunaires pour le partager avec moi ! Comment pouvez-vous le connaître, vous ? »

« Parce que je l'entends », murmurai-je. « Quand je dors. Quand je suis éveillée. Quand je ferme les yeux. Quand je les ouvre. J'entends cette mélodie – et bien d'autres –, résonner entre les parois de mon esprit, suivre les courants se déversant dans ma conscience… comme si ma propre corne percevait des signes par-delà les fréquences des mortels pour me dire quelque chose, à moi et à moi seule. »

« Mais… Comment ? Pourquoi ? »

« C'est la même raison pour laquelle vous ne pouvez pas l'entendre, je devine. » Je pris une profonde inspiration et dis : « C'est la même raison pour laquelle aucun poney ne se rappelle m'avoir parlé. Pour eux, le morceau est aussi oubliable que moi. »

« Quoi ? » Twilight Sparkle s'avachit par terre, incrédule. « Je ne comprends pas, Mlle Heartstrings. Qu'entendez-vous par "oubliable" ? »

Je souris. Spike passait par là encore, je sifflai pour attirer son attention. « Eh, M. Pics-verts. »

« Salut ! » dit-il, se tenant devant le dernier carton. « Trop chouette le— »

« Oui Spike, on sait ! » le gronda Twilight Sparkle. « Tu ne penses pas l'avoir assez dit à notre invitée ? »

« Notre invitée ? » Spike fit une drôle de tête, fixant alternativement Twilight et moi-même. « Désolé, Twilight. J'étais en train de déballer les cartons plus loin, et c'est la première fois que la vois ! »

Avant que Twilight ait le temps de formuler de vive voix l'ébahissement qui se lisait sur son visage, j'intervins. « Spike, tu peux me rendre un service ? J'aimerais consulter "Zoologie du Saharas" par Jockey Goodall. Tu peux aller me le chercher pendant que je papote avec Twilight ? »

« Bien sûr ! "Zoologie du Saharas", c'est comme si c'était fait ! » Le joyeux assistant disparut à travers un couloir.

« Euh… » Twilight se grattait la tête d'un sabot hésitant. « Qu'est-ce que les travaux de Goodall ont à voir avec notre affaire ? »

« Peu importe la nature du livre. Je l'ai choisi car je sais qu'il est rangé dans la partie la plus lointaine de la bibliothèque. »

« Et comment pouvez-vous savoir une chose pareille ? C'est votre première visite, du moins c'est la première depuis que je suis là. »

« Hmm… En fait, j'ai déjà visité cet endroit. De nombreuses fois. » Je gardai mon sourire. « Et vous étiez déjà à Poneyville, Twilight. »

« Mais je ne— »

« En vérité, je ne suis pas arrivée à Poneyville bien longtemps après vous, Mlle Sparkle. » La partie suivante était plus compliquée. J'ai souvent du mal à garder mon calme à ce moment-là, mais je pense avoir fait des progrès. « J'ai vécu à Canterlot, tout comme vous. Mes parents et moi-même habitions dans le quartier Alabaster, rue Starswirl. »

« Rue Starswirl ?! » Les yeux de Twilight s'éclairèrent. « Ça alors, c'est à deux rues de mon ancienne maison ! »

« 484 avenue Nebula », dis-je en la fixant droit dans les yeux. « Votre appartement était juste au-dessus de celui de Moondancer. »

C'était plus fort qu'elle : Twilight poussa le rire gêné que j'ai déjà entendu des centaines de fois. « C'est fou ! Vous voulez dire que vous connaissiez Moondancer ? »

« Oui. Nous étions amies. »

« Vous étiez amies ? Comment a-t-elle pu me cacher ça ? »

« Non, Twilight », dis-je. « Nous étions amies toutes les trois. Vous, Moondancer, et moi. Nous avons fait la maternelle de magie ensemble, et vous connaissez la suite… enfin, vous connaissiez. »

Elle me fixa longuement, bouché bée. « Mais c'est… » Elle déglutit et secoua la tête. « J-Je m'en souviendrais ! Moondancer et moi— »

« Nous partions en colonie de vacances pour licornes tous les ans. Un été, alors que vous n'aviez que sept ans, vous avez tenté un sort de téléportation et vous vous êtes retrouvée coincée au sommet d'une tour de garde. Cela nous a pris tout l'après-midi pour trouver un pégase afin de vous faire redescendre. Vous aviez tellement honte que vous en avez pleuré. Moondancer et moi vous avons emmenée au bar à donuts pour vous remonter le moral. C'est là que vous nous avez dit que vous alliez intégrer l'École de Célestia. Vous nous l'aviez caché tout ce temps parce que vous aviez peur que nous soyons jalouses et cessions d'être votre amie. Vous ne pouviez pas être aussi loin de la vérité : nous vous aimions et nous chérissions chacun des moments que nous passions avec vous. Quelques années plus tard, quand Moondancer et moi fûmes acceptées par l'École, vous nous avez fait visiter le campus. Contrairement à la plupart des autres étudiants, notre première année s'est passée comme sur des roulettes, et nous vous devons cela. »

Twilight but mes paroles sans m'interrompre. Quand j'eus fini, elle regarda pensivement vers le fond de la pièce, murmurant : « Je me souviens de tous ces moments. Mais il n'y avait que moi et Moondancer. Je ne me souviens pas de vous, Mlle Heartstrings. » Son regard se posa sur moi, et pour un bref instant prit un air contrarié. « Qu'est-ce qui me prouve que ce n'est pas juste une vaste plaisanterie ? C'est Rainbow Dash qui est derrière tout ça ? »

« Comme la fois où elle et Pinkie Pie ont remplacé votre encre par de l'encre invisible ? » répondis-je avec un petit sourire. « Ou quand Rainbow Dash a renversé un seau de ketchup sur votre crinière, et que vous vous êtes précipitée dans la salle de bain… pour découvrir la baignoire pleine de paquets de frites ? » Je ris puis reprit mon souffle. « Ou encore la fois où elle vous a persuadé que votre corne était en train de tomber, et que comme une vraie hypocondriaque vous avez passé la nuit à vous documenter sur les maladies licornes, jusqu'à vous endormir au milieu de la bibliothèque ? Il me semble qu'elle vous a payé un repas au Sugarcube Corner pour se faire pardonner cette fois… »

« Comment… Comment pouvez-vous savoir toutes ces choses ? »

« Parce que vous me les avez dites. »

« Vous voulez dire que nous nous sommes déjà parlé ? »

« Des douzaines de fois », dis-je avec difficulté. Pas facile de trouver la bonne intonation quand on a répété les mêmes mots tant de fois. Je faisais de mon mieux pour rester aimable et amicale. « Vous êtes une licorne d'une grande intelligence, Twilight. Je le sais depuis que nous sommes toutes petites. Je suis heureuse de vous voir vous épanouir dans la communauté de Poneyville. Mais, comme pour toutes nos conversations précédentes, vous ne vous souviendrez pas de celle-là. »

« C'est… C'est complètement insensé. »

Une voix juvénile se fit entendre. « Euh… Twilight ? »

Twilight se tourna.

Spike se tenait là, le visage dénué d'expression. Il tenait un livre dans ses mains, mais demeurait immobile à la sortie du couloir d'où il était arrivé. « Tu m'as demandé de faire quelque chose et… et… » Il examina son livre. « "Zoologie du Saharas" ? Pouah ! ce livre est ringard. Ils insultent les zèbres dedans. Qu'est-ce que ça fait dans nos rayons ? »

« Spike, c'est le livre que Lyra Heartstrings t'a demandé il y a quelques minutes. »

« Lyra qui ? »

« Bonjour ! » Je fis un sourire.

« Oh ! Salut ! Trop chouette le sweat ! »

« Tu veux dire que tu ne te souviens pas d'elle ? » La voix de Twilight était chargée de confusion et de frustration. « Cela fait bien quinze minutes que nous parlons ! Tu as dû passer, je ne sais pas, trois fois ! »

« Pardon, Twilight, pardon ! Je ne savais pas ! On est pas censés fermer bientôt ? C'est un peu tard pour les visites, je crois. »

« Spike– »

« Twilight et moi ne faisons que papoter, gamin », dis-je avec un geste rassurant du sabot. « Ne t'en fais pas pour nous. »

« Bah. Peu importe. » Il s'éloigna d'un pas lourd, faisant pratiquement traîner l'épais volume dans son sillage. « Je suis l'assistant, pas le portier. »

Alors qu'il s'en allait, je me tournai vers une Twilight abasourdie. « Vous voyez ? Il s'est éloigné de moi. La distance est l'une des deux choses qui font que les autres m'oublient. »

« Et… euh… c'est quoi l'autre chose ? »

Je levai les yeux vers la fenêtre la plus proche. Le baiser rouge du crépuscule était tout sauf parti, mais la noirceur de la nuit approchait, et avec elle viendrait la pâle lueur de la lune.

« Le temps », dis-je enfin, les naseaux frémissants. « C'est une question de minutes. Parfois une heure, rarement plus. Vous ne soupçonnerez même plus mon existence. C'est ce qui rend ces explications si pénibles à chaque fois, car j'ai du mal à en venir assez vite à ce qui me tient vraiment à cœur. »

« Pardonnez-moi, mais j'ai besoin d'une explication ! » s'exclama Twilight d'un ton tranchant et désespéré, le visage parcouru de tics. « Ce phénomène est sans précédent ! Même en supposant que ce soit vrai, comment quiconque pourrait-il survivre en menant une existence pareille ? »

« Je me débrouille. Ce n'est pas facile, mais je ne m'en sors pas si mal toute seule. »

« Je trouve quand même cela difficile à croire, Mlle Heartstrings. J'ai peur qu'il vous faille m'en montrer plus pour prouver que ce que vous dites est— »

« Votre première semaine au Palais royal en tant qu'apprentie de la princesse Célestia… » commençai-je. « Sa Majesté vous a fait visiter une galerie où sont exposés les portraits d'illustres licornes de l'Histoire. Vous étiez toute fière d'avoir reconnu le tableau de Starswirl le Barbu. Puis, votre mentor vous a prise à part pour vous expliquer quelque chose. Elle a dit que toutes ces licornes avaient une chose en commun : c'étaient toutes d'anciens de ses étudiants, qu'elle avait pris sous son aile à travers les âges, comme elle le faisait pour vous maintenant. »

Les yeux de Twilight restèrent fixés sur moi, attentifs, et vulnérables.

« C'est ce jour-là que vous avez compris ce qu'était vraiment la mort. Vous n'étiez qu'une petite pouliche pleine de vie. Par une chance inexplicable, vous vous retrouviez l'élève de la princesse Célestia, et vous ne conceviez pas encore ce qu'était la fin de toute chose. En regardant ces portraits, vous jouiez l'Histoire d'Équestria dans votre tête, et vous réalisiez que le futur en ferait partie un jour, et que vous alliez y contribuer, immortalisée sur un tableau. Vous vous êtes mise à pleurer tout d'un coup, sans savoir pourquoi. La princesse Célestia a veillé sur vous toute la nuit, refusant de partir avant d'avoir séché vos larmes. Elle a même retardé le lever du soleil pour avoir le temps de vous consoler. Aujourd'hui, peu savent pourquoi il a fait si noir, ce fameux matin quinze ans plus tôt. »

Souriant, je posai mon sabot sur l'un des siens. Son corps était pris de tremblements. Je fis de mon mieux pour les faire partir, comme un sage monarque l'avait fait autrefois.

« Un jour, au cours d'une conversation que nous avons réussi à avoir quelques semaines plus tôt, vous m'avez dit que si vous lisez tant de livres, si vous préférez la lecture à la lumière du soleil, si vous ne pouvez pas vous arrêter de traiter des informations pour une seconde de votre vie, c'est parce que vous voulez engranger le plus de connaissances possible, car l'Histoire existe pour une bonne raison. Des générations de poneys ont vécu et sont mortes avant nous, et c'est à nous d'appliquer leurs leçons dans le présent pour faire du monde un endroit meilleur. Négliger l'exercice de notre intelligence, c'est renier l'héritage des poneys qui nous ont précédés. La princesse Célestia, m'avez-vous dit, est plus qu'un mentor pour vous. Elle est le cœur d'Équestria. En tant que pilier des Éléments d'Harmonie, vous voulez ce qu'il y a de mieux pour Équestria, et pour notre princesse. À cet égard, vous vous efforcez de devenir plus qu'un portrait sur un mur. »

Je souris, sourire qui se réfléchit dans une paire d'yeux de plus en plus brillants à mesure que mes mots s'écoulaient.

« Vos amies ne cessent de vous demander pourquoi vous n'avez jamais pris la peine de rencontrer un jeune étalon avec qui passer du temps en amoureux. Vous écartez leurs taquineries en riant, prétendant que ce sont des idioties, mais dans le fond vous réalisez que vous ne vous permettrez jamais de prendre un compagnon tant que ce besoin de changer les choses brûlera en vous. Mais c'est bien plus qu'une lubie, n'est-ce pas ? Un jour, Twilight, vous prévoyez d'écrire un livre : un almanach facile à comprendre de toutes les connaissances magiques les plus essentielles et intemporelles que vous aurez pu rassembler au cours de votre vie. Et le titre de ce livre sera, m'avez-vous dit, "La Voie de l'Harmonie". Tous les matins, quand vous vous levez, vous pensez à ce livre, et vous imaginez la princesse Célestia le lire après avoir levé le soleil, comme pour vous rendre hommage, alors que vous serez partie depuis longtemps. Car s'il y a bien une chose dont vous avez une peur mortelle, Twilight, une peur que nous partageons tous, c'est celle d'être oubliée. »

Quand j'arrêterai de parler, Twilight ne me regardait plus, mais je savais qu'elle m'écoutait. Un frisson parcourut son corps, et une larme courut sur sa joue. Elle l'essuya d'un sabot, et murmura d'une voix un peu trop tremblante :

« Q-Qu'est-ce qui vous est arrivé ? »

Je sus que j'avais maintenant toute son attention. Je regardai la fenêtre, et mon cœur fit un bond : la nuit approchait. La lune n'était pas encore dans le ciel. Je soupirai et dis : « Tout ce que je sais, c'est que c'est arrivé alors que j'étais en ville pour la Fête du Solstice d'Été l'année dernière. »

« L'année dernière ? Vous voulez parler de la nuit du retour de Nightmare Moon ? »

« Oui. »

« Quelque chose cette nuit-là vous a causé ce… ce… »

« Cette malédiction », marmonnai-je. « Enfin, je suis à peu près certaine que c'en est une. Bah… je ne sais pas comment dire autrement. »

« Mais… Comment ? Comment marche-t-elle ? Quel est le rapport avec la princesse Luna– je veux dire, Nightmare Moon ? »

« J'ai déjà perdu assez de temps comme ça », dis-je à voix basse. « Il me serait impossible de tout expliquer au point où nous en sommes. Vous ne comprendriez plus ce que j'essaie de dire arrivée au milieu. »

« Alors écrivez ! » s'exclama Twilight, dardant la pièce de ses yeux humides à la recherche d'un papier et d'un crayon. « Expliquez tout par écrit pour que nous puissions le lire et— »

« Vous ne verrez que du blanc, comme tout le monde », dis-je avec un sourire amer. « Croyez-moi, j'ai écrit des tas de choses… sur des tas de surfaces… en des tas d'endroits à Poneyville. Personne ne peut le voir. À moins que ce soit juste mon écriture. »

« À cause du facteur temps et distance ? » remarqua Twilight Sparkle. Alors qu'elle semblait prête à s'effondrer, elle se ressaisit soudain. « Je sais ! Envoyons une lettre à la princesse Célestia sur-le-champ ! Grâce à la magie des flammes vertes, elle connaîtra votre existence en un instant ! Il ne fait aucun doute qu'elle saura quoi faire de cette "malédiction". Spiiike ! »

Je levai les sabots pour intimer le silence. « Nous avons déjà essayé ça. »

« Vraiment !? »

« Hm-hm. Trois fois, en différentes occasions, il y a plusieurs mois. La Princesse ne recevra qu'un nuage de fumée verte, et des cendres noires. Si vous écrivez avec un souvenir trop récent de moi, rien de ce que vous enverrez ne survivra à la téléportation. »

« Alors… Alors… » Twilight était à court d'idées maintenant. Elle tremblait de tous ses membres. J'admire la compassion dont elle fait toujours preuve à ce stade, mais en même temps je ne supporte pas de la voir dans cet état. Pour me consoler, je pense que ça ne durera pas, et à ce moment-là je savais que nous n'en avions plus pour longtemps. « Oh ! Une photo ! » Elle traversa la bibliothèque pour récupérer un appareil rangé dans un tiroir. « Il suffit de vous prendre en photo et de— »

« Vous avez déjà une photo de moi », dis-je. Me relevant, je me dirigeai vers le rebord d'une fenêtre et pointai un cadre-photo qui montrait deux poneys colorés dans les rues de Canterlot. « Enfin… ça devrait être une photo de moi, mais… bref. Voyez par vous-même. »

Twilight regarda la photo d'elle et Moondancer souriant à l'objectif. Elle semblait l'examiner comme si c'était la première fois qu'elle la voyait. « Étrange… Le photographe devait être fatigué. Il y a beaucoup de place sur le côté gauche de cette photo. »

« Assez pour un troisième poney, peut-être ? »

Twilight se mordit la lèvre. Elle replaça le cadre à sa place, déglutit, et me regarda. « Vous… Vous pourriez quitter la ville, aller à Canterlot, et demander une audience à… la princesse Célestia… » Elle avait déjà perdu de sa conviction après avoir vu l'expression sur mon visage.

Je secouai la tête lentement et dis : « La même malédiction qui m'empêche de rester dans les esprits me garde prisonnière à Poneyville. » Je retournai là où se trouvaient ma lyre et ma sacoche. « Mon hypothèse, c'est que c'est parce que Nightmare Moon et moi étions là quand ça a commencé. Chaque fois que j'essaie de quitter la ville, je subis une affreuse chute de température, comme si j'entrai dans le vide glacé de l'espace. » À cette pensée, mes dents se mirent à claquer légèrement, et je tirai sur les cordons de ma capuche pour appuyer mon propos. « C'est pour ça que je porte ce sweat et cette écharpe. Parfois le froid me saisit et la malédiction devient intolérable. »

« Je… » Twilight frissonna et se laissa choir au milieu de la bibliothèque. Elle avait la voix d'une petite pouliche apeurée et sans défense. « J'aimerais pouvoir vous aider, Lyra. Tant que j'en sais assez pour faire quelque chose… »

« Il y a quelque chose que vous pouvez faire », dis-je en portant ma lyre dans une aura magique. Je pris une profonde inspiration, me préparant à la suite. « Vous l'avez déjà fait avant, et ça m'a beaucoup aidée. Je suis sûre que vous pouvez le refaire. »

« Absolument ! » Twilight se releva, les yeux brillants. « Dites-moi ce que je dois faire ! »

« Aidez-moi à finir la mélodie. »

« Celle que vous avez jouée plus tôt ? » Elle déglutit. « Mlle Heartstrings, vous aviez raison sur un point : je fais tout ce qu'il faut pour devenir un dépôt de connaissances sur pattes. Mais j'ai peur que la musique ne soit pas mon fort. »

« La musique n'est pas une question de connaissances », dis-je avec douceur. « C'est une question de cœur, Twilight. Vous connaissez ce morceau, vous l'avez déjà entendu. Je n'ai pas besoin d'une thèse, j'ai juste besoin de savoir comment vous sentez qu'il doit finir. »

« Je… » Elle se mordit la lèvre, et s'approcha pour s'asseoir près de moi. « Je pense que j'ai besoin de l'entendre à nouveau. »

J'acquiesçai. Je jouai le morceau pour elle. J'augmentai légèrement le tempo cette fois, car la nuit était tombée et je commençais à me sentir pressée par le temps. Bientôt, le morceau prit fin, et ce que j'avais toujours appelé "Élégie lunaire n°7" devint soudain…

« Le "Thrène de la Nuit" », murmura Twilight.

« Oh, est-ce que c'est son nom ? »

« Oui. Du moins, je le pense », dit-elle avec un sourire nerveux. « D'après la princesse Célestia, c'est un morceau qu'a écrit Luna elle-même quelques décennies avant son bannissement. Luna a connu une phase d'expression artistique plutôt sinistre… enfin c'était avant que la jalousie et la corruption la transforment en Nightmare Moon. »

« Connaissez-vous les dernières mesures ? »

« Je… » Twilight Sparkle gigota sur place. « Je vous préviens, Lyra, je ne suis pas douée pour écrire des partitions. Et puis, si j'écrivais quoi que ce soit maintenant, cela deviendrait blanc, n'est-ce pas ? »

« Alors fredonnez », dis-je. « Nous avons toujours fait comme ça. Je promets que je m'en souviendrai », ajoutai-je avec un clin d'œil.

« Je n'ai qu'à… la fredonner ? »

« Hm-hm. »

« Ok. Euh… Je commence. »

Tous les bruits parasites de la bibliothèque s'évanouirent au passage des accords invisibles que chanta une voix d'ange au centre de l'arbre creux. J'écoutais attentivement, le cœur battant au rythme de la mélodie qui émanait de l'âme de Twilight. La chanson prit fin plus vite que je ne m'y attendais. J'aurais eu la larme à l'œil, si je n'étais pas si occupée à rire.

« Mais bien sûr. C'est d'un austère ! »

« Je vous jure qu'elle finit comme ça ! » dit Twilight. « Je m'en souviens comme si c'était hier, maintenant. Le Thrène s'arrête brusquement. Je me souviens avoir questionné la Princesse à ce propos. C'était la première fois que je l'entendais rire. Elle a dit : "Luna n'a jamais été douée pour les sorties". Euh… » Elle secoua la tête avec un sourire penaud. « C'est drôle que je ne me souvienne de ça que maintenant… »

« Ça l'est toujours au début », marmonnai-je tout en concentrant ma magie sur ma lyre pour répéter les derniers accords que Twilight avait fredonnés pour moi. L'écho de la mélodie hanta la chambre de bois quelques secondes. Je sus à ce moment-là que le Thrène était complet. La semaine prochaine, l'élégie suivante. C'est tellement simple que ça fait mal. « Et c'est tout. »

« Vous n'allez pas la jouer en entier ? »

« Non », répondis-je promptement. « Non, pas ici. » Je rangeai la lyre dans mon sac en silence. « Ce ne serait pas très… prudent. »

Twilight Sparkle fronça les sourcils. « Ce thrène a des propriétés magiques, n'est-ce pas ? »

« La plupart en ont, mais seulement après que j'ai recollé les parties des mélodies ensemble avec mes instruments. Ce ne sont rien d'autre que les pièces d'un grand puzzle que je m'efforce tous les jours de compléter. Je mentirais cependant si je prétendais le faire toute seule. Merci de m'avoir aidée à terminer une nouvelle élégie, Twilight. » Je lui souris. « Encore une fois, vous ne m'avez pas déçue. »

« Si seulement je pouvais faire plus que cela. »

« En fait… » Je m'éloignai de ma sacoche et me tournai vers elle, évitant toutefois son regard. « J'ai un peu menti plus tôt quand j'ai dit que je n'avais qu'une chose à vous demander. En fait, il y a autre chose… »

« Oh ? »

« C'est… » Je ne pouvais pas la regarder dans les yeux. Encore maintenant j'ai du mal à croire que j'aie pu lui demander une chose pareille. Tant de mois ont passé, j'en étais venue à me croire plus forte que ça. Cette nuit, j'avais déjà obtenu de Twilight ce qui pouvait vraiment m'aider dans ma quête de réponses. Tout le reste était superflu. Mais je suppose que j'étais plus faible que je ne le pensais, et que c'est la raison pour laquelle j'écris cette histoire pourtant banale. « Ça aura l'air très bizarre, et vous pouvez dire "non" si vous le souhaitez. Je comprendrai si vous refusez… »

« Lyra… » Twilight s'approcha de moi. « Qu'est-ce que c'est ? De quoi d'autre avez-vous besoin ? »

J'aime me dire que je suis douée pour sourire. C'est une expression adaptée à toutes les situations. Je la porte tout le temps parce que je veux que les poneys autour de moi soient heureux. C'est ce que le monde mérite, après tout. Mais là, sous le regard insoutenable de Twilight, mon sourire avait beau être plus solide que jamais, il en était autrement de mes yeux. Son image se brouilla alors que je la regardai.

« Je peux avoir un câlin ? »

Depuis que la malédiction a commencé, j'ai parlé à Twilight Sparkle pas moins de cinquante fois. J'ai eu une conversation identique avec elle environ une vingtaine de fois. C'était par contre la première fois que je faisais une requête pareille. Je ne sais pas exactement pourquoi, peut-être que l'après-midi avait été plus froid que d'habitude. Peut-être pensais-je à la fille de Derpy. Peut-être n'était-ce que le Thrène, qui s'était achevé si sèchement, et que je me sentais aussi vide que l'œuvre de Luna.

Le train de mes pensées aussi connut une fin abrupte, car je recevais enfin l'étreinte de Twilight, le souffle coupé par la chaleur si soudaine qui me submergea. Je la laissai me serrer, les pattes avant pendant derrière son dos, le menton posé sur l'épaule de mon amie d'enfance. Si l'oubli était un péché, alors je ne pouvais pas être une sainte, car me retrouver dans ses bras me fit soudain réaliser que je m'étais écartée de mon premier objectif. La musique, toute magnifique qu'elle soit, n'est toujours qu'un pastiche du véritable rythme qui pulse dans nos veines, orchestré par nos cœurs.

Oh quelles fragiles petites choses nous sommes ! Quels êtres à part nous formons, les seuls à avoir besoin du son des rires et des harpes pour combler les froids fossés entre nous, souvent remplis de larmes et de poussière. J'avais soudain l'envie de dire tant de choses à Twilight, mais je savais que les mots ne seraient pas suffisants. Et puis, ils seraient oubliés. Notre amitié est immortelle, et le meilleur moyen de l'affirmer était de faire ce que nous avons fait. J'aurais vendu mon nom pour que ce câlin dure éternellement.

« Merci, Twilight », dis-je en retrouvant les frissons comme nous nous séparions. Je reniflai, et le sourire regagna la place qu'il avait laissée vacante sur mon visage. « Ça représente plus pour moi que vous ne pouvez l'imaginer. »

« J'aimerais pouvoir en faire plus », murmura-t-elle tristement. Son regard se perdit dans le vide un moment, puis s'éclaira soudain. « Je sais ! Un sort de mémoire ! » Elle galopa vers une haute étagère de l'autre côté de la pièce. « Si je peux trouver une incantation assez puissante, peut-être pourrons-nous contrer les effets de cette malédiction et vous empêcher d'être oubliée le temps que moi et la Princesse trouvions une vraie solution ! »

Je poussai un soupir. « Twilight, ne vous fatiguez pas. Ça n'a pas marché la dernière fois, ni celles d'avant. » Je restai de marbre tandis qu'elle filait d'un bout à l'autre de la pièce, collectant de plus en plus de grimoires. « Ce serait mieux que vous ne vous donniez pas de faux— »

« Non non ! C'est un sort inventé par Starswirl le Barbu ! »

« Vous parlez du Tampon Psychique ? » murmurai-je en regardant par la fenêtre. J'aperçus un rayon de lune, et mon cœur fit un bond.

« Oui ! Comment vous le savez ? Peu importe. Si je trouve la formule et la fais réagir avec une pincée de poussière de mana, je pourrai peut-être— » Twilight s'arrêta net dans sa course en même temps qu'elle se tut.

Un frisson parcourut mon corps. J'expirai un nuage de buée. Je ne voulais pas me retourner. À chaque fois, je n'ai pas envie de me retourner et regarder ce poney, mais à chaque fois je le fais. Je me retournai.

Twilight Sparkle était gelée sur place au centre de la pièce, la corne brillante. Plusieurs livres tournoyaient autour d'elle. Elle les observait avec curiosité, comme si c'étaient autant de papillons de nuit.

« Que… Qu'est-ce que… ? » Elle battit des paupières, fronça les sourcils, et rangea les livres à leurs places sur les étagères. « Ce n'est pas l'heure de s'amuser ! Je dois encore déballer "Héros de la littérature équestrienne". » Elle termina de ranger les livres, fit volte-face, et glapit en croisant mon regard. « Aaah ! Wouah… euh… b-bonsoir ! Vous êtes là depuis longtemps, Mlle… ? »

« Je m'excuse », dis-je, préparant déjà mes affaires. « Je ne voulais pas vous faire peur. Je finissais seulement… un de mes projets. »

« Je vois. Eh bien, loin de moi l'idée de vous mettre dehors », dit Twilight avec un sourire penaud, « mais la bibliothèque ferme dans… » Elle regarda l'horloge et marqua un temps d'arrêt. « Oh ! Il est sept heures passé ! Euh, nous sommes fermés ! Nous sommes fermés depuis… par Célestia, quinze minutes ? »

« Très bien. Dans ce cas, je m'en vais. » Je fis une révérence et pris le chemin de la porte. « Au revoir, Madame. Je vous souhaite une bonne soirée. »

« Ha ha ha… Vous de même, Mademoiselle. » En m'éloignant, je l'entendis appeler vers l'autre côté de l'arbre : « Spiiike ? Où es-tu passé ? Ces cartons ne vont pas se déballer tout seuls ! Nous prendrons le souper après avoir terminé ! »

~

Aujourd'hui, quelques heures avant que je me mette à écrire cela, je me trouvais au coin de la rue principale, au cœur de Poneyville, en plein soleil. Je me gardais de jouer le "Thrène de la Nuit" dans son entièreté en public. Au lieu de ça, je le pratiquais par bribes, ce afin de l'apprendre par cœur en vue d'une véritable représentation privée.

De nombreux poneys s'arrêtaient pour moi, et un bon nombre déposèrent des pièces dans la boîte de métal qui se trouvait devant moi. Je vis le docteur Whooves, Granny Smith, Carrot Top, et d'autres visages familiers. Je ne perdis rien de ma concentration, jusqu'à ce qu'un certain poney se montrât. Je poussai discrètement la boîte derrière un buisson à l'aide de ma jambe avant qu'elle ne fût trop près.

« Ma foi, quel morceau divin ! » dit Rarity, les yeux pareils à deux saphirs étincelants sous le soleil de midi. « Très chère, tu as l'air gelée jusqu'aux os ! Es-tu malade ? »

« Je… Euh… Je vais très bien », dis-je avec un sourire, sans perdre le rythme de ma pratique musicale. « Je ne suis pas malade. Je suis juste plus frileuse que le commun des poneys. Heureusement, j'ai ce merveilleux sweat et cette charmante écharpe. »

« C'est une bonne chose ! » dit Rarity en me tournant autour. « Je ne tolère pas qu'une musicienne aussi talentueuse se laisse mourir de froid ! Excellent choix pour l'écharpe, chérie. Elle se marie à merveille avec tes yeux. »

« C'est ce que le poney qui me l'a donnée a dit », remarquai-je.

« Eh bien, si tu veux mon avis, je pense que tu le mérites. Ta musique égaye nos balades en ville de la plus belle des façons. Je n'ai pas peur d'avouer que je serais tentée de t'offrir quelques pièces pour te montrer ma gratitude. »

« Ha ha ha… » Je m'éclaircis la gorge et tâchai de ne pas perdre le fil de la mélodie. « Croyez-moi, ce n'est pas nécessaire. Je… Je ne m'en souviendrais même pas », dis-je timidement, écrasée par la honte.

« C'est absurde ! » Rarity fit un geste du sabot et dit : « La générosité est une fenêtre sur le cœur. Sans elle, comment saurons-nous la chance que nous avons d'être en vie ? » Elle haussa le menton. « Enfin, si tu insistes, je te laisserai à ta superbe pratique. Peut-être nous reverrons-nous un jour ? »

Je retrouvai mon souffle. Je la regardai dans les yeux et souris. « Oui, c'est certain. »

« Splendide ! Musique, maestro ! » Et elle partit en riant.

~

Une heure plus tard, j'étais assise au Sugarcube Corner, les deux sabots autour d'une tasse de thé. Je n'en avais pas bu une seule goutte. Je me contentais de regarder les minuscules filets de vapeur monter du breuvage, si froids pourtant à côté du souvenir de mon premier câlin en plusieurs mois.

Un pot plein de pièces était posé sur la table. Après quatre jours consécutifs de pratique au centre de Poneyville, j'avais de nouveau rassemblé assez d'argent pour me procurer le matériel nécessaire à ma petite expérience. Je connaissais le "Thrène de la Nuit" sur le bout des sabots, mais ce n'était pas suffisant : il y avait quelques ingrédients magiques que je devais acheter, au cas où quelque chose tournerait mal. Après tout, j'étais déjà passée par là, par le passé – et pas même la totalité des pulls et des écharpes que le monde entier pût offrir n'aurait pu me protéger du froid que j'avais découvert par-delà les dernières notes.

Si je ne persévérais pas dans mon projet, je risquais de perdre toutes mes chances d'échapper à ce maudit gouffre dans lequel j'étais piégée… Alors pourquoi avais-je la sensation de commettre un péché avec ces pièces ? J'avais déjà profité de ma "situation" avant ; je m'étais déjà procuré des choses, et je n'en suis pas fière, même si la fin justifie les moyens. Pourtant, maintenant, après avoir fait tout ce chemin (après le câlin), je me demandais si j'allais pouvoir me le pardonner, quand je serais sauvée.

« Oh ça alors ! Une lyre ! Vous êtes musicienne ? »

« Hm ? » Je levai les yeux. Je l'admets : je dus marquer un temps d'arrêt. « Oh, euh, ouais. Quelque chose comme ça. »

Twilight Sparkle me souriait depuis le centre du café-restaurant. « J'ai toujours admiré les musiciens. À Canterlot, plein d'amies à moi étudiaient la musique pendant que j'étudiais d'autres choses. J'aurais aimé apprendre le solfège. C'est à la fois beau et fascinant. »

J'expirai calmement. « C'est fou comme tant de choses de la vie peuvent être belles et fascinantes en même temps, n'est-ce pas ? »

« Oh ! Mes excuses. Quel moulin à paroles je peux être », bégaya Twilight, levant les yeux au ciel. « Ahem. Je suis Twilight Sparkle. Je tient la bibliothèque de Poneyville dans le quartier est. »

« Vous êtes aussi l'apprentie de la princesse Célestia et l'incarnation de l'Élément de la Magie. C'est vous qui avez chassé Nightmare Moon d'Équestria. »

« Oh… » Twilight fit un sourire penaud, les oreilles rabattues. « Alors comme ça vous avez entendu parler de cette histoire ? »

« C'est si difficile à croire ? » Je pris une gorgée de thé finalement. Peut-être n'était-il pas si froid en fin de compte. « Certains poneys font plus d'efforts que les autres pour ne pas être oubliés. Moi, je joue de la musique, et vous sauvez Équestria. » Je levai ma tasse aux exploits de Twilight. « Les grands esprits se rencontrent, on dirait. »

Elle me regarda fixement, puis rit. « Ha ha ha… oui, chacun son truc, je suppose. »

« Question de bon sens. »

« Eh bien, vous devriez passer à la bibliothèque un de ces jours. Je serais ravie de vous présenter tous nos livres sur le solfège. J'en ai au moins douze rien que sur les anciennes lyres équestriennes. Je parie que vous les dévoreriez en un rien de temps ! »

« Ha ha ha… » Je n'avais pas le courage de lui dire que je l'avais déjà fait. Deux fois. « Si l'occasion se présente, je m'en souviendrai, Mlle Sparkle. »

« Je l'espère », dit Twilight avec un sourire. « À chacun son talent. Partager le sien, c'est comme… comme une façon de faire connaissance. Et quoi de mieux pour ne pas se sentir seul que de faire ce que l'on sait faire de mieux, et le partager avec les autres ? C'est la clé de l'harmonie, du moins je le pense. »

Je l'écoutai, et instinctivement mes yeux se baissèrent sur le pot de pièces dorées. Tout fut clair soudainement. « Il me semble qu'un sage poney disait : "La générosité est une fenêtre sur le cœur. Sans elle, comment saurons-nous la chance que nous avons d'être en vie ?" »

« Hmm… Quel que soit ce poney, il était doué avec les mots. »

J'acquiesçai. « Fabuleusement doué. »

« Profitez bien de votre thé. Je dois y aller, mes amies m'attendent. Au revoir ! » Twilight Sparkle me salua et partit. Je me tournai vers l'entrée du restaurant, quand j'entendis quelque chose. Un thrène sinistrement familier s'était porté à mes oreilles ; Twilight fredonnait les dernières mesures de l'élégie, un grand sourire sur le visage. Je faillis me demander si elle savait d'où il venait, mais je réalisai vite que ça n'avait pas d'importance.

Revigorée, je rassemblai mes affaires, à commencer par mon pot de pièces dorées. Je savais désormais ce que j'allais faire de mon après-midi ; mon expérience pouvait attendre. Une semaine de plus ou de moins tombée aux oubliettes, quelle différence ?

~

Ce soir, un long paquet de forme allongée flotta par magie jusqu'au perron d'une résidence poneyvilloise à l'ouest du centre-ville. Elle frotta contre la sonnette ; à distance, je poussai tant bien que mal sur cette dernière par télékinésie. Bientôt, le paquet sonnait à la porte. Après que la mélodie eut retenti et se fut arrêtée, je déposai le paquet et m'accroupis derrière un arbre dans le jardin.

Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit. Derpy Hooves passa la tête à l'extérieur, les yeux déviants et fatigués d'une après-midi complète de colis et de lettres à distribuer à travers Poneyville. Elle regarda à gauche, à droite, et l'espace d'un instant je craignis qu'elle ne voie pas l'achat que j'avais fait au magasin avant de venir.

Finalement, l'un de ses yeux ambre pivota vers le bas, et elle aperçut la chose. Son front se plissa. Elle se baissa et le poussa du bout du museau, comme si elle craignait que la boîte prenne vie et lui saute au visage. La factrice examina le colis, probablement à la recherche d'une étiquette ou de quelque chose qui indiquât l'expéditeur. Puis soudain, elle attrapa les bords de la boîte et l'ouvrit d'un coup. Sa mâchoire se décrocha immédiatement.

J'observais calmement, me mordant la lèvre.

Derpy s'avachit par terre. C'est le souffle tremblant qu'elle sortit du paquet, entre ses sabots gris, délicatement, une fine flûte dorée. Ses deux yeux étaient fixés sur l'instrument, et bientôt ils s'emplirent de larmes. Réprimant un pleur, Derpy sourit et se releva.

« Dinky ! Mon petit Muffin ! » Elle se rua à l'intérieur de la maison. « Regarde ! Regarde ce que Maman a trouvé ! » La porte se ferma lentement derrière elle, mais pas avant que les cris de joie d'une petite pouliche s'échappent par l'embrasure.

Pour la deuxième fois en l'espace de quelques jours, je ressentis la chaleur de l'étreinte de Twilight, sans que j'aie besoin d'un autre poney cette fois-ci. J'étais seule, comme toujours, et j'étais à plusieurs pièces de la prochaine étape de mon expérience musicale. Mais j'étais prête à attendre.

Peut-être, après tout, que les choses les plus douces dans la vie sont celles que l'Histoire n'a pas pu retenir.

En souriant, je rabattis la capuche de mon sweat sur ma tête, fit volte-face, et partit sous le baiser rouge du crépuscule. Poneyville ne cessait jamais d'être belle, pas même une seconde.

~

Vous est-il déjà arrivé d'avoir une belle mélodie en tête, sans savoir ni d'où elle vient, ni ce qu'elle signifie ?

Cette mélodie, c'est moi.

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Abigaël
Abigaël : #47405
C'est juste parfait, je ne m'étais jamais vraiment intéressée à ce personnage auparavant , mais cette fiction est tellement intéressante!
Il y a 8 mois · Répondre
sointaminn
sointaminn : #38151
@Supernova Mais de rien ! C'est un peu ridicule, mais pour la première "erreur", le probème vient de moi : j'ai loupé les deux dernières lettres d'"étrangère". Mea culpa.
Il y a 2 ans · Répondre
CompteSupprimé
CompteSupprimé : #38150
@sointaminn Wouah. Merci beaucoup, c'est plus que ce que j'attendais.

Je ne pense pas qu'il y ait de problème sur la première, en tout cas syntaxiquement. "Étrangère gracieuse, insouciante" sert juste à décrire Rarity, et il n'y a pas de référence musicale derrière ou autre. Ton impression qu'il manque un mot est peut-être due à la construction un peu particulière de la phrase, que je ne saurais d'ailleurs pas vraiment expliquer. Peut-être que je déciderai de la changer lors d'une relecture ultérieure ; pour le moment ça me semble pas trop mal, et je me souviens que je m'étais penché un peu longtemps sur ce bout.

Il devrait effectivement se trouver un "ne" de négation dans "quand on est que (…)". Franchement, bravo pour l'avoir aperçu, parce que ce 'n' apostrophe s'entend naturellement même s'il n'est pas écrit. Il m'arrive de l'oublier délibérément, si je veux réduire un peu le niveau de langue (puisqu'on omet parfois le "ne" dans le français de tous les jours), mais cette fois c'était purement accidentel.

Et je devais écrire "vous n'êtes pas", évidemment. Pour celle-là je n'ai pas d'excuse. ^^'
Il y a 2 ans · Répondre
sointaminn
sointaminn : #38149
@Supernova
"toujours en fredonnant, toujours une étrangère gracieuse, insouciante."
J'ai l'impression qu'il manque un mot... à moins bien sûr qu'une "étrangère gracieuse" ne soit un style de mélodie, auquel cas j'apprends un truc.
"C'est dur d'être mère célibataire quand on est que factrice."
Je crois bien qu'il manque un "n'est"... à moins que cet "oubli" ne provienne du texte original ?
"Vous n'est pas comme ça, Mlle Hooves."
C'est la coquille que j'avais remarqué à la première lecture. Et aussi la seule dont je suis sûr ^^
Il y a 2 ans · Répondre
CompteSupprimé
CompteSupprimé : #38144
@sointaminn C'est bien dommage. La prochaine fois, n'hésite pas à la noter et à me la mettre sous le nez immédiatement. Je suis très pointilleux sur ces choses-là, je prendrai ta remarque en compte. :)

Seul le PDF changera par contre.
Il y a 2 ans · Répondre
sointaminn
sointaminn : #38139
Argh, y a une faute ! Je ne sais plus où, par contre.
Il y a 2 ans · Répondre
CompteSupprimé
CompteSupprimé : #37917
@Raphix03250 Je sais, ça ne m'inquiète pas. Je vais tenter de conserver la qualité jusqu'au bout (ce qui implique, prendre mon temps.)
Il y a 2 ans · Répondre
Raphix03250
Raphix03250 : #37912
Un long chemin t'attend. Sur ce, continue comme ça.
Modifié · Il y a 2 ans · Répondre
CompteSupprimé
CompteSupprimé : #37901
@Trone De rien ! Merci pour ce commentaire. Il est plus important d'être sincère qu'objectif. :)
Il y a 2 ans · Répondre
Trone
Trone : #37900
Coup de coeur directe ! un peut long par moment mais quelle force dans les sentiments ! Je l'avoue ça ma vraiment ému. Ce son des fic comme celle si qui me pousse à vérifier le site toute les heur (quand je boss pas bien sur). Des fic qui nous touche et qui nous fait croire, ne seraisse qu'un instent que ce son de vrais personnage avec de vrais vie. Des fic qui son des fenêtres ouverte sur d'autre monde....

ça y est j'ai définitivement pété un cable. Merci.
Bordel se commentaire n'est absolument pas objectif, et je m'en fou.
Merci pour la trad. Vraiment.
Il y a 2 ans · Répondre

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