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Silence

Une fiction écrite par Vuld.

8. Inversion

En retard. Ne pas courir dans les couloirs. En retard. Marcher le plus vite possible, dans les couloirs vides, bien après la seconde sonnerie. Cette peur au ventre, la crainte qu'on ne la laisse pas rentrer. L'impression de vertige. Dans sa tête les mauvaises excuses se bousculaient.

À mi-distance, la salle de cours. Quelqu'un en avait déjà fermé la porte. Twilight se traita encore d'idiote et se força à frapper trois coups avant d'entrer. La voix somnolente de la professeure laissa place au silence. Des dizaines de paires d'yeux tournées sur elle.

« Excusez-moi madame… » commença Twilight.

« Ce n'est rien, tu peux aller t'asseoir. » Lui sourit la professeure.

Mais l'étudiante, ne sachant plus où se mettre, tout en se décalant vers le banc continuait :

« C'est ma faute, je n'ai pas vu passer l'heure… »

« Ce n'est rien, assieds-toi assieds-toi. » Répéta la professeure.

Et comme pour clore toute discussion, sans plus attendre elle reprit son cours. Twilight se dépêcha de s'installer, de sortir ses affaires avec précipitation. Avec cette sorte de gentillesse venimeuse, la professeure résumait les quarante-cinq minutes de cours qu'avait manqué la retardataire, et cette dernière n'était pas en mesure de prendre des notes.

« … de la matière. Le noyau de l'atome est composé de deux particules appelées proton et neutron. Le neutron est neutre, tandis que le proton a une charge positive. Le numéro atomique correspond donc au nombre de protons. Pinkie Pie ! »

Léger remous vers les fenêtres, en arrière-fond de la classe.

« J'en ai assez de vous voir faire la pitre ! Vous pouvez suivre le cours ou vous pouvez aller causer avec vos amies dehors ! »

« À quoi bon ? » Répondit l'étudiante avec le ton de l'effronterie mêlé de résignation. « Tout est fichu de toute manière. »

« Je n'aime pas du tout votre attitude ! Et arrêtez de vous coucher sur le banc, c'est insupportable ! »

Durant cet entêtement de part et d'autres Twilight ne se préoccupait que de noter en urgence tout ce qui restait sur le tableau noir, le dessin de l'atome avec ses signes plus et moins, et la case à l'écart. Le numéro atomique.

Puis elle fronça les sourcils. Parce que l'étudiante, là-bas, près des fenêtres, jouait les fortes têtes et retardait le cours. Parce que la professeure, en réponse, haussait le ton. Parce que ce schéma de l'atome était simpliste, voire faux.

Tant pis.

Tant pis si c'était inexact. Twilight se força à oublier ces détails. Suivre le cours. Noter ce qu'il y avait à noter, par coeur, et n'y revenir que plus tard. Après le cours, au besoin. La dispute s'était calmée enfin et la craie joua à nouveau sur le tableau. Twilight résistait au besoin de lever la main, cherchait une manière de le formuler, se répétait de ne surtout rien faire.

Une main levée. La professeure, aussitôt :

« Oui, Twilight ? »

Avec un sourire complaisant et étrangement détestable.

« Les… est-ce que le schéma ne devrait pas montrer des ondes ? »

Regard de la professeur sur le schéma. Regard de la classe sur la pimbêche du premier rang. Énormément de regrets d'avoir posé la question.

« Des ondes ? Je ne comprends pas bien la question. »

« Eh bien… » tenta Twilight, gênée « … c'est juste que, je ne suis pas sûre que les électrons soient vraiment des particules, et qu'elles gravitent autour du noyau. »

« Bien sûr que les électrons sont des particules. D'où est-ce que tu tires tout ça ? »

L'étudiante, de citer son unique source, lumière et matière de Richy Finemane. La professeure eut un petit rire amusé.

« Oh, je vois ! Rassure-toi, j'utilise simplement le modèle de Bhorse… »

« Mais Bhorse a été réfutée depuis près d'un siècle ! »

« Twilight Sparkle ! » Tonna soudain madame Bunsen Burner. « Je suis en train de donner un cours ! Tes camarades n'ont pas besoin de connaître la théorie des champs ! »

L'étudiante fondit comme neige au soleil, se recroquevilla sur son pupitre et n'en releva plus le regard. Tout au plus elle hocha la tête et laissa, après deux secondes, une professeure un peu confuse s'excuser avant de reprendre son cours.

Elle se répétait qu'elle était une idiote.

Le plus blessant n'était pas de se sentir humiliée. Le plus blessant était d'avoir déplu à la maîtresse. Se concentrer sur le cours. Sur ses notes. Avec le crayon, l'étudiante se mit en tâche de dessiner des petites vaguelettes un peu partout autour des électrons.

****

La directrice l'attendait, et Twilight Sparkle pressait autant le pas que lui permettait le plateau-repas. L'empressement de retrouver cette pièce de poussière et de microscopes, de retourner aux expériences.

Elle descendait les escaliers, laissa les rumeurs des couleurs s'étouffer derrière elle. L'air doucement s'asséchait et les lumières, plus faibles, ouvraient ce couloir qui lui devenait familier.

Twilight remarqua à peine les quatre filles qui s'y trouvaient.

Passer devant. Les laisser faire. Elles avaient le droit d'être là, après tout. Le petit groupe, en la voyant venir, se tourna vers elle, l'interpella. Pas de sourires. De l'hostilité. L'étudiante les laissa venir à elle.

« Où est-ce que tu crois aller ? » Demanda une des filles.

« En laboratoire. » Répondit sincèrement Twilight. « J'ai du travail. »

« Non mais tu t'écoutes ? »

Avec une sorte d'impatience, mêlée d'instinct, Twilight voulut passer. Un bras tendu l'en empêcha. Les filles l'avaient à présent encerclées. Twilight recula, sentit l'une d'elles la saisir aux épaules. Le frisson faillit lui faire lâcher le plateau en mains.

« C'est quoi ton problème, Twi' ? Tu te crois supérieure, c'est ça ? »

Une autre fille intervint, la saisit par le col : « J'aime pas comment tu traites Pinkie Pie, alors t'as intérêt à t'excuser et vite ! »

C'était si absurde que Twilight comprit tout de suite. Elle avait senti la classe contre elle, elle l'avait craint. Elle n'avait jamais imaginé que ça en arrive là. À nouveau, Twilight voulut passer, tenta de se dégager. Un geste de la fille devant elle, volontaire ou non, frappa le plateau-repas. La nourriture alla s'étaler par terre, sur le sol froid. Ce fut à peine si les autres y prêtèrent attention.

Tout le corps tendu. L'envie de se défendre, l'incapacité de le faire. Elle criait à présent : « Arrêtez ! » Et cela ne faisait qu'attiser les étudiantes autour d'elle.

« J'en ai marre de ton mépris ! » Crachait l'une.

« On va te remettre à ta place vite fait ! »

« Tout ce que je veux, » dit la première, « c'est que tu t'excuses. »

On lui saisit les cheveux. Twilight Sparkle se sentit tirée, résista, cria sous la douleur. Et soudainement, sous la pression, elle céda. Elle s'effondra sans force, elle se laissa tomber au sol. À répéter, piteusement, qu'on la laisse tranquille, qu'elle n'avait rien fait. Les étudiantes la regardaient étalée par terre avec ce visage enlaidi d'émotions sans pouvoir s'en satisfaire. Elles voulurent la relever. Elle se débattit pour leur résister, comme une enfant.

Du bruit au bout du couloir leur fit tourner la tête. La lourde porte métallique s'ouvrait et Twilight eut comme un élan d'espoir. La directrice apparut et déjà les filles se sauvaient.

« Qu'est-ce qui se passe ici ?! »

En quelques enjambées, madame Airglow fut auprès de Twilight. Cette dernière, adossée au mur, les habits défaits, la chevelure en désordre, cherchait seulement à se reprendre. Les étudiantes avaient déjà disparu par l'escalier, comme des fantômes.

« Des brutes ! Dans mon établissement ! Je vais les retrouver et les faire rayer de tous les établissement scolaires ! »

« Non ! » Paniqua Twilight. « Non, c'est ma faute, c'est à cause de moi. »

« Votre faute ? » S'étonna la directrice.

Twilight Sparkle s'en était persuadée. Il ne lui restait plus qu'à savoir pourquoi et les mots lui manquaient, la logique lui manquait pour expliquer pourquoi. C'était sa faute. C'était tout ce qu'elle savait. C'était suffisant.

À l'instant, encore sous la peur et le choc, elle n'aurait pas su même expliquer pourquoi elle réagissait comment ça.

« Peu importe. » Nota la directrice. « Ce comportement reste inacceptable. Mais nous règlerons ça en temps voulu. La science, elle, n'attend pas. »

Twilight regarda par terre le plateau-repas.

« Mais… et votre repas ? »

« Sans importance ! » Statua vivement la grande dame. « Grâce à vous je pense avoir enfin complété le principe de macrolinéarité ! Plus précisément, la variable manquante était devant moi. »

Et sans attendre, en empoignant son assistante, la directrice repartit à grands pas, sans courir, vers la salle de laboratoire. Twilight Sparkle, toujours secouée, se laissa faire, s'étonna de se laisser faire sans résistance. Puis la curiosité prit le pas.

****

Le bus approchait du trottoir. Twilight, une main sur son noeud papillon, se sentait nerveuse. Elle aurait voulu que madame Airglow accepte son offre et garde la bille avec elle. Elle ne se souciait plus que de voir la recherche avancer, elles ne se souciaient que de cela. Chaque fois que les cours laissaient place à la salle poussiéreuse, l'étudiante se sentait comme pousser des ailes.

Bousculade au moment de monter. Léger frisson. Elle s'installa et, quelques secondes plus tard, sentit l'odeur de thé fort, cannelle, s'asseoir à côté.

« Eh Twilight. »

La hippie s'était vautrée à moitié sur le siège, une jambe pliée, chaussure sur le siège. Twilight fronça le regard en direction de la fenêtre. Fixa son regard sur la route.

« Je sais, je t'ai laissée en plan. J'étais avec Jauge. On est sortis lui et moi. »

Le temps dehors était maussade. Léger cahot du bus au départ. Il pleuvrait, sans doute, à verse durant la nuit. Le monde entier aurait dû être un déluge à cet instant. Ce qui agaçait le plus l'étudiante était d'être dérangée dans ses réflexions. Sur les longueurs d'ondes des quanta et la constante de Plank.

Mais une fille avait envie de parler, et se taire ne demandait pas beaucoup d'efforts.

« C'est ton amie, Pinkie Pie, qui a tout orchestré. Elle est pas si mal, en fait. Plutôt sympa. »

Elle aurait la fin de semaine pour régler ces trois questions. Première question. Comment mesurer un phénomène qui modifiait la réalité ? Le principe macrolinéaire était la meilleure réponse. Seconde question. Comment freiner, stopper ou inverser l'intensité du phénomène ? C'était le but inavoué. Mais la troisième question était sans conteste la plus déroutante. Comment prendre en compte le facteur humain.

Même en se le répétant sans fin, il était trop difficile de concevoir que la bille réagisse à la présence humaine. Cela n'avait aucun sens et il lui semblait que les tests empiriques devaient être faussés.

« Allez, Twilight, me fais pas la tête. »

La hippie insista encore, tapa gentiment Twilight sur le bras. De ces petits gestes qui signifient l'amitié. Twilight lui jeta soudain un regard noir qui la décontenança.

« Arrête ça. »

Voix sifflante. Menaçante. Légèrement tremblante. L'étudiante prit ça comme une sorte de jeu, prit un air goguenard.

« Arrêter quoi ? »

« Ca. » Dit Twilight, un regard pour son bras. « Ne le fais plus. »

Air amusé de la hippie, l'air détaché, pour briser la glace.

« Sinon quoi ? »

Les yeux de Twilight s'écarquillèrent, puis se resserrèrent comme des poignards. Elle sentait ses jambes trembler, sa gorge sèche.

« Continue et je demande à madame Airglow de te faire renvoyer. »

Face à Twilight la fille sembla d'abord vouloir en rire, puis cette fausse joie se décomposa en une sorte de désillusion, pareil à un réveil trop brutal. Elle sembla vouloir balbutier quelque chose mais les mots devaient s'y bousculer et mourir, sans force.

Sans doute que, durant ces quelques secondes, l'étudiante chercha sur le visage de Twilight quelque chose qui n'y était pas. Twilight, elle, ne pouvait s'empêcher de se délecter.

Alors enfin la hippie se leva, dans le bus toujours en route, saisit son sac et avec un dernier regard pour Twilight : « Sale petite… » Grommela-t-elle avant de se diriger vers l'arrière du véhicule. L'instant d'après la place était vide, les autres passagères semblaient ne s'être rendues compte de rien. Twilight resta un instant encore colérique, avant de reporter son attention sur la fenêtre, sur la route et les bandes blanches qui défilaient.

****

À l'arrêt de bus, une fois descendue, Twilight se figea. Une fois le bus reparti, elle se retourna, regarda la route vide. Puis elle serra les poings, pesta, se retourna vivement et prit le chemin de la maison.

Marcher comme un petit robot, simple, sage et rassurant dans ce monde sage, simple et rassurant. Ne plus avoir à se poser de questions.

Elle sortit la bille de sa cachette, la regarda, crut même la voire légèrement miroiter d'un faible halo. C'était tout ce qui importait désormais. Elle se le répéta comme si ce n'était pas encore vrai. Tout ce qui importait.

****

Dernières soudures autour des tubes à vide. Twilight se releva, se frotta les yeux. Puis elle referma le boîtier et mit la machine en route. Le petit ordinateur se mit à gronder dans le garage, avec tout ce tas de petits bruits mécaniques d'un autre temps. La bille, entre les deux antennes de Tesalt, était léchée par les petits arcs électriques.

L'aiguille tiquait. Douze, douze zéro trois. Douze quarante-six. La variation n'était pas conforme au MLP.

Une voix dans son dos la fit se retourner. L'expression d'une mère agacée. Sa présence faussait l'expérience.

« Maman, ne reste pas là ! » Quémanda Twilight. « Tu vas faire échouer mon travail ! »

« Je vais encore où je veux ! » S'énerva la mère.

C'était son garage. Mais l'expérience allait échouer. Alors, sur un mouvement d'humeur, après avoir crié quelque peu la mère se détourna, se dirigea vers la prise la plus proche. Encore un cri. Le garage retomba dans le silence.

Bien sûr qu'elle allait s'emporter, Twilight Sparkle. On l'empêchait de travailler. Mais sa mère en revenant vers elle, et répondant sur le même ton, lui montra le dos de sa main et la fit taire aussi sec. Elle ne tolèrerait pas ce ton.

« Tu vas me faire le plaisir de sortir profiter du soleil avant que je ne m'énerve vraiment ! »

« Mais j'ai promis à madame Airglow de travail- »

« Madame Airglow n'est pas ta mère ! » S'écria-t-elle en réponse.

Sans réfléchir, Twilight répondit :

« Elle au moins elle me comprend. »

Le visage de la maman s'empourpra, fulmina. « Dans ta chambre ! » Une punition qui n'avait plus cours depuis longtemps, ressortie d'un coup pour contenir l'effronterie de son enfant. Twilight serra les poings, mais céda. Elle prit la bille, se la fit saisir par sa mère qui, d'un nouveau geste, lui intima de partir. Twilight serra les dents.

Elle haïssait sa mère, sincèrement, à cet instant, elle en aurait eu des larmes, mais l'ordre du monde la poussa dans les escaliers, où elle entendit encore sa mère assurer qu'elle allait « toucher deux mots » à la directrice. Ensuite, sa porte, sa chambre, son lit où elle s'effondra. Toute la colère exprimée à coups de poings dans les coussins.

Dix secondes s'écoulèrent comme dix minutes, à alterner entre rage et angoisse. Sa mère la détestait. Elle détestait sa mère. Et elle s'affligeait à ces deux idées. L'impression qu'elle ne pourrait plus redescendre. Qu'un pont s'était brisé. Toutes ces choses qu'elle savait irationnelles.

En bas, ses parents avaient cessé de discuter. Ils devaient préparer le repas de midi.

Twilight chercha, comme un réflexe, la bille dans sa cachette, et se trouva bête. Sa mère risquait de ne pas la lui rendre. Elle ne savait pas ce qu'elle dirait à la directrice. Sans doute que cette dernière allait la détester également. Elle avait son téléphone, elle avait son numéro. La tentation était grande d'appeler.

Trois fois, elle eut le téléphone en main. Trois fois elle en oublia l'idée. Faute de savoir quoi dire ou quoi penser. C'était inutile. Tout allait sans doute s'arranger.

Puis elle n'y tint plus.

Elle tapota sur les touches, envoya un message, annonça que ses parents l'interdisaient de travailler sur le détecteur. Puis elle attendit, revint sans cesse au petit écran à bout de bras. Comme d'habitude, elle ignora la demi-douzaine d'autres messages, de l'autre garce, qui s'étaient accumulés.

Le téléphone vibra. Réponse de madame Airglow. « Vous n'avez pas causé d'incendie j'espère ? » Twilight, sans savoir pourquoi, se surprit à sourire. La directrice avait ce tare des adultes d'alourdir les messages de ponctuation.

« Non. Ils veulent que je sorte. Ils m'ont confisqué l'artefact. »

Nouvelle attente, un peu plus effrénée celle-ci. Il y avait un certain plaisir à mimer ce que tant de filles de son âge devaient s'amuser à faire, dans le grand concert des relations amicales, alors qu'elle discutait avec la directrice d'un établissement. C'était incongru. C'était terriblement réconfortant.

Réponse de madame Airglow : « Fâcheux. Mais pas votre faute. Nous trouverons une solution. »

Elle relut encore et encore ces lignes. Les mots étaient simples. Lapidaires. Le « pas votre faute » avait arraché comme un poids immense au ventre de Twilight Sparkle. Elle abandonna son téléphone pour se replonger dans les coussins et tenter, tant bien que mal, de réduire le malaise dans tout son corps.

Une à deux minutes suffirent pour ramener la douleur à sa gorge.

Repenser à l'incident ne faisait que la torturer. Elle se retourna, se recroquevilla quelque peu puis se tourna encore et pesta, et serrait le coussin de tous ses doigts. Elle se haïssait, Twilight Sparkle. Elle, ce qu'elle était, ce qu'elle ne pouvait pas être. De ces peccadilles dont les filles de son âge, elle le savait, adoraient s'encombrer. Tous ses efforts pour l'ignorer, pour retrouver son calme, cette fois, étaient vains.

Pas sa mère. Tout mais pas sa mère. Pas ses parents. Pas Shining Armor. Elle se mit à sangloter comme une écervelée, et elle jouait dans sa tête des scénarios absurdes.

En bas, il devait y avoir de la visite. Pas mal d'animation, des éclats joyeux de mondanités. Twilight enfonça un peu plus la tête dans son coussin. Tenter en vain de se reprendre. Vouloir se lever. Elle se retrouva sur le dos, le bras sur le front, à regarder toutes les rainures du plafond. Son petit coeur dans tous ses états.

Un bref coup d'oeil au téléphone, abandonné à l'écart, la fit réagir.

Parmi les messages il s'en trouvait deux nouveaux, tous deux de madame Airglow, l'un continuant l'autre et qui resserraient tout ce qu'ils pouvaient de texte dans la limite de caractères.

« Ce monde n'aime pas la science. On remplace la chimie par la cuisine, l'économie par le bricolage. Ce laboratoire est un débarras. »

« Tes parents n'y sont pour rien. L'époque veut ça. Tu n'as pas à finir comme moi. Tu peux encore abandonner tes rêves. »

D'abord, Twilight n'y trouva pas de sens. Mais en relisant, encore et encore, ces deux messages, il lui sembla discerner quelque chose. Et sur le coup de l'émotion, avec cette assurance de la jeunesse, elle se hâta de tapoter :

« Jamais. »

Après quoi elle dressa la tête. On montait les escaliers, des pas assez lourds, ceux de son père. Elle se figea, se raidit, se prépara à la confrontation. Le loquet tourna, la porte s'ouvrit. La première chose que Twilight vit fut un petit chien se précipiter sur le parquet et tourner sur son tapis jusqu'à rouler sur le dos.

Elle regarda le chien, regarda son père, sans comprendre, et déjà le petit chien avait délaissé le tapis pour, après avoir couru vers le bureau et la fenêtre, revenir bondir sur le lit jusqu'aux pieds de Twilight, jusqu'à la main qui tenait le téléphone et de se tendre vers son visage.

Toujours incrédule, Twilight souleva l'animal et se mit à l'inspecter à deux mains, en penchant la tête.

« Qu'est-ce que c'est ? » Demanda-t-elle.

Son père sourit. « Ca s'appelle un chien. C'est le meilleur ami de la femme, et ça a besoin d'être promené trois fois par jour. Ce sera parfait pour mon jogging matinal. »

Elle ne comprenait toujours pas, et elle regardait le petit chien qui la regardait la langue pendue, avec son regard à l'air figé, éternellement joyeux.

« C'est ton frère qui nous l'envoie. Il compte sur nous pour en prendre soin. »

Le « nous » était très diplomatique. Mais Twilight n'y prêta pas d'attention. Elle réfléchissait à tout autre chose, à quelque chose que son père aurait désapprouvé. Elle se demandait si le facteur humain qui influençait l'intensité du phénomène pouvait être étendu au règne animal. Elle tenait entre ses mains sa nouvelle expérience.

« Il t'a écrit une lettre. » Continuait le père, un peu plus gêné. « On… on n'a pas pu s'empêcher de la lire. Vraiment désolé. »

« Ce n'est pas grave. » Répondit Twilight, entièrement absorbée.

La petite truffe du chien, les grands yeux clairs, tout cela lui rappelait son frère, dans leur jeunesse. Du moins elle voulait s'en persuader. Faire la liste de tout ce dont ce chien aurait besoin, nourriture, caisse, laisse, jouets. Trouver des livres sur les canins.

Elle réalisa soudain que son père lui tendait la lettre, que c'était une lettre de son frère. Twilight Sparkle déposa le chien sur le lit, sans plus lui prêter d'attention, et se leva pour prendre la lettre. Elle se mit à la lire, curieuse d'abord, puis silencieuse.

« Ta mère l'a lue également et… elle est désolée. Elle te demande pardon pour ce qui s'est passé, ce matin. Tu peux faire toutes les expériences que tu veux. »

Twilight releva les yeux de la lettre.

Son père semblait la supplier. Elle, décontenancée, sans avoir bien compris encore tout ce qui venait de se passer, tenta de se replonger dans la lettre. Mais ensuite elle releva la tête, et elle demanda d'une voix faible : « C'est vrai ? »

Son père hocha la tête. Et pour la première fois depuis longtemps, Twilight se jeta dans ses bras.

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Eliyra
Eliyra : #33671
Toujour aussi bien écris :-)
Il y a 2 ans · Répondre
KaitoKurayami
KaitoKurayami : #33144
Dans le dernier dialogue du chapitre, à la phrase "Elle te demande pour ce qui s'est passé, ce matin" , il me semble qu'il manque un mot, je pense que tu voulais dire "Elle te demande pardon pour ce qui c'est passé, ce matin."
J'espère que ce commentaire sera utile.

En tout cas la fin de ce chapitre laisse supposer beaucoup de possibilités, j'ai même pensé un instant que Shining serait mort ou atteint d'un mal incurable (mais j'ai surement mal compris ce passage, je suppose que nous en saurons plus au prochain chapitre).
J'ai hâte de lire la suite, l'univers que tu as mis en place est assez intrigant et passionnant.
Il y a 2 ans · Répondre

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