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Hard Reset

Une fiction traduite par BlackSparkle.

Épilogue

La vie est beaucoup plus compliquée que « … et ils vécurent toujours heureux… »

Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, c’est la troisième fois d’affilée que je ne parviens pas à trouver le repos. Cela me laisse beaucoup de temps pour méditer sur ce genre de choses, sans y trouver de réponses sensées.

C’est l’aube, le soleil pointe à l’horizon. Dans un soupir, je m’avoue vaincue et me lève pour commencer une nouvelle journée. En descendant les escaliers j’entends du bruit dans la cuisine. Spike est déjà levé.

J’entre dans ce qui peut être décrit comme une zone sinistrée. Toutes les casseroles et les moules que je possède sont sales et entassés dans l’évier, ou remplis de toutes sortes de pâtes ou d’ingrédients. Le responsable de tout ça est ce petit dragon violet en train de continuer à mixer joyeusement, s’arrêtant de temps en temps pour goûter quelque chose ou saupoudrer quelques épices ou autre dans le mélange.

« Spike, mais qu’est-ce qui se passe ? » demandé-je.

Il sursaute au son de ma voix avant de regarder tout autour de lui. « Bonjour, Twilight ! Je voulais te faire une surprise pour le petit-déjeuner mais tu t’es réveillée, euh, surprise ?

— C’est gentil de ta part, Spike, mais tu sais que tu vas devoir nettoyer tout ça, n’est-ce pas ?

— Pas de souci ! Hé, tu veux voir un nouveau jeu que j’ai trouvé en cassant des œufs ? » Il prend un œuf du comptoir et tend le bras aussi haut qu’il peut au-dessus du saladier. « Tu vas voir de quelle hauteur on peut casser un œuf pour qu’il atterrisse tout de même dans le saladier. »

Je pousse un soupir et me dirige vers le frigo pour prendre une autre boite d’œufs, car je suis plutôt sûre de la manière exacte dont ça va se terminer.

« Tu regardes ? » demande Spike. Il appuie avec sa griffe, et au lieu de se casser et de couler dans le bol, ça explose, recouvrant Spike et le comptoir d’œuf cru. Fantastique, c’est tout ce que j’avais envie de faire aujourd’hui, nettoyer ma cuisine toute entière.

« Eh bien, ça n’a pas marché. »

J’oublie la boite d’œufs qui tombe et s’écrase sur le sol. Tout à coup je n’arrive plus à respirer, et je sens un frisson me parcourir. Je suis submergée par une telle montée de terreur irrationnelle que je ne parviens plus du tout à penser, et le monde entier autour de moi part en vrille de façon incontrôlée.

« Twilight, tu vas bien ? Parle-moi, » dit Spike.

Pendant plusieurs minutes, je ne parviens rien à dire ou à faire, à part essayer de reprendre mes esprits. « Je vais bien, Spike, mais ne prononce plus jamais cette phrase s’il te plait, » dis-je d’une voix démontrant qu’au contraire je ne vais pas bien du tout.

Je baisse les yeux sur les œufs cassés qui dégoulinent sur le sol.

Ces dernières semaines ont été très longues.

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La nuit où nous avons utilisé les Éléments, la nuit où j’ai brisé cette boucle maudite, j’avais le monde à mes pieds. Mes amies et moi étions à nouveaux réunies, et nous sommes allées directement chez maman et papa pour le dîner. Maman n’allait pas laisser une chose aussi négligeable qu’une armée hostile attaquant la ville gâcher son repas, et tout était prêt pour être servi à l’heure quand nous sommes arrivées.

Avant que nous commencions, j’ai proposé un toast. Aux amis, à la famille, oh, et à propos, est-ce que je vous ai déjà dit que j’étais gay ?

Ça a causé du remous. Ma mère a bondi et s’est précipitée pour me prendre dans ses bras, renversant presque mon verre de vin. Je suis contente qu’elle l’ait fait, car ça a donné le temps à tous les autres poneys présents à table de rassembler leurs esprits et de refermer leurs mâchoires grand ouvertes. Après avoir surmonté leur étonnement, tout le monde est venu me féliciter à son tour. Je ne peux pas croire que j’aie été si longtemps terrifiée à l’idée de cet instant. La peur vous faire parfois agir de façon stupide.

La rencontre entre mes parents et mes amies se passa aussi bien que je pouvais l’imaginer, à part ce moment où Rainbow Dash a défié mon père à un concours de sabot de fer… et a gagné. Elle a été finalement plutôt modeste par rapport à cette victoire, bien qu’être modeste signifie pour Rainbow Dash faire un vol d’au moins trois tours victorieux autour de la maison.

J’aurais aimé que ce dîner dure toujours, mais bientôt la fatigue de la journée retomba sur chacun et il devint difficile de s’arrêter de bailler. Ce genre de chose est très contagieux. Nous sommes toutes montées dans la chambre d’amis où nous nous sommes entassées pour la nuit. C’est là que les choses amusantes ont vraiment commencé.

Pas de cette manière ! Sortez-vous tout de suite ça de la tête !

Nous avons parlé. Raconté des potins en fait, et ce que toutes voulaient surtout savoir, c’était comment fonctionnaient les boucles temporelles, et tout ce que j’avais vécu. J’ai soigneusement évité de parler des moments les plus sombres, et j’ai choisi ceux qui avaient été plutôt loufoques et amusants. Mon histoire de la fois où j’ai dû faire exploser une partie de la Canterlot Mountain et faire glisser ensuite le roc que j’en avais extrait sur un surfboard télékinétique fut un grand succès, tout comme celle de la fois où j’ai joué au jeu vivifiant de « arrête de te taper toi-même » avec une Reine Chrysalis ligotée. Amusant jusqu’au moment où elle a réussi à se libérer et m’a brisé la nuque comme une simple brindille.

Puis la conversation tourna autour des idées sur ce que j’aurais dû essayer, depuis le coup d’envoi du lundi matin (« Chérie, n’aurais-tu pas pu trouver un sort de super combat contre les changelings quelque part dans tes archives ? », comme si je n’avais pas passé des boucles entières à essayer d’en trouver un, bon sang ! ), jusqu’aux suggestions pratiques et pleines de bon sens (« Hum… si ça avait été moi, je pense que j’aurais utilisé tout ce temps à apprendre le prançais, c’est une si belle langue, ») en passant par des idées beaucoup plus saugrenues (« Discorde contre Sombra, un match en cage, le gagnant rafle tout, comme par exemple cent billets par ticket. Ça s’rait pas génial ? »)

Nous avons continué à bavarder jusqu’à tard dans la nuit, mais l’une après l’autre nous avons été rattrapées par le sommeil, et j’ai sombré dans un repos bien mérité.

Je ne me suis pas réveillée avant le lendemain, presque l’après-midi. Je n’étais pas non plus la dernière, Pinkie et Rainbow Dash dormaient toujours quand je suis sortie de la chambre pour descendre. Maman et Applejack étaient dans la cuisine en train d’arranger les restes de la veille. Quand maman m’entendit, elle vint à ma rencontre.

« Eh bien, bonjour, petite marmotte. Ton amie Applejack était justement en train de me raconter tout ce qui t’est arrivé pendant ces horribles boucles temporelles. Je suis tellement heureuse que tu sois de retour parmi nous maintenant, » dit-elle. Tout d’un coup je suis contente d’avoir gardé le pire pour moi, sinon j’aurais eu droit au spectacle d’une attaque de panique maternelle de niveau 1 à l’instant-même. Les pires moments de mes boucles, et tout ce que j’ai ressenti alors, c’est quelque chose que je ne pourrai jamais partager avec aucun poney. « Bon, je crois que tu rentres à Ponyville demain ? C’est ce que tu avais prévu, non ? »

C’était le cas, mais les projets changent.

« En fait j’aimerais bien rester par ici quelques jours encore, après tout ce qui s’est passé ici. Les Princesses pourraient avoir besoin de mon aide. Et j’ai vraiment envie de passer un peu plus de temps avec toi et papa. Je sais que j’ai souvent été pas mal absorbée par mes études, et que je n’ai pas toujours été la meilleure fille pour vous… » ma confession sincère est brusquement interrompue par le scone que maman me fourre dans la bouche. Mmm, à la framboise.

« Pas de ça maintenant, Twilight. Tu es absolument parfaite comme tu es et je n’admettrai pas le contraire un instant. Bien sûr que tu es la bienvenue et que tu peux rester aussi longtemps que tu le désires. »

Je vous jure que j’ai vraiment un rejet très net dès que ça concerne mon espace vital et le fait de me respecter comme une adulte au lieu de me fourrer de la nourriture dans la bouche pour m’empêcher de parler. Mais ce scone est vraiment délicieux, alors au lieu de ça je souris et hoche la tête.

Applejack quitte la pièce sous prétexte d’aller réveiller les autres, de sorte qu’on puisse s’organiser quelque chose pour le reste de la journée. Elle a juste un peu les larmes aux yeux en sortant.

Spike et moi passons l’après-midi à faire la visite de la ville aux autres. Je ne sais pas pourquoi, Spike refuse toutes mes propositions de visites de musée et insiste pour s’occuper lui-même du parcours.

Mes amies sont très contentes de leur après-midi, mais elles ne savent pas ce qu’elles manquent avec le Musée de Fragments de Poteries Anciennes de Canterlot. Mais déjà vient l'heure de les raccompagner au train pour qu’elles rentrent chez elles. Je sais que je les reverrai dans peu de temps, et pourtant je les serre un petit peu trop fort et les écrase un peu en prenant chacune dans mes bras pour leur dire au-revoir. Le souvenir de les avoir perdues est tout simplement trop frais.

Maintenant que mes amies sont en route pour ce qui sera, je l’espère, un voyage en train complètement sans histoire, je m’en retourne et me dirige vers le palais. Je finis par arriver au pandémonium. Tandis que j’étais en train de passer du bon temps avec mes amies, Celestia se débattait avec le problème d’intégrer à la cité des dizaines de milliers de changelings transformés en poneys par les Éléments. J’attrape un employé au passage, pour qu’il me mette rapidement au courant. Trouver des foyers permanents pour les nouveaux poneys qui arrivent aux frontières, et les ramener ici, est ce qui requiert le plus d’effort. La migration va prendre des semaines, et ces poneys doivent avoir un endroit pour vivre d’ici là.

Tous ne veulent pas partir. Certains d’entre eux ont pris la forme de poneys décédés, comblant l’amour des familles, veufs et veuves, qui ne veulent plus les laisser partir. Pour ceux-ci, c’est un rêve devenu réalité pour chaque poney revenu. Une seconde chance avec les poneys qu’ils ont aimés, même si ce n’est pas réellement le même poney.

En même temps, depuis que Celestia a imposé ce décret, il y a aussi eu une montée de protestations. Des poneys criant : « changeling une fois, changeling toujours, Éléments ou non », demandant que les poneys qui ont été autrefois des changelings aient une marque distinctive ou soient marqués au fer, de façon à ce qu’on puisse immédiatement les reconnaitre.

Et pris dans tout ça, un groupe de poneys confus et effrayés qui n’avaient rien demandé.

Celestia m’aperçoit et me fait signe d’approcher tout en parlant à un ministre de je ne sais quel domaine. Je la rejoins juste au moment où elle a fini de lui parler et qu’elle le renvoie. « Twilight, es-tu libre cet après-midi ? J’aurais bien besoin de ton aide ici.

— Bien sûr, Princesse.

— Parfait, et je m’excuse à l’avance pour ça, » dit-elle en déplaçant par sa magie une pile de papiers deux fois plus haute que moi. Elle la pose devant moi. Ce sont de simples formulaires et papiers administratifs, des milliers et des milliers de pages.

Je l’aime tellement parfois, que je ne sais pas toujours comment l’exprimer.

« Vous pouvez compter sur moi, Princesse, » et c’est le cas. Je trouve un petit bureau à l’écart et commence à remplir les formulaires. Quelques heures plus tard c’est déjà presque trop vite terminé. Je remplis le dernier formulaire en trois exemplaires et fait craquer les os de ma nuque. Après avoir posé les dernières pages au sommet du tas dans le casier « Courrier à expédier » du bureau, je réalise que le soleil s’est déjà couché et que plus personne n’est là.

Tandis que je traverse le palais, je tombe museau à museau avec Princesse Luna sortant de diner et se préparant à vaquer à ses occupations.

« Oh, salut Twilight Sparkle. Je ne m’étais pas rendue compte que tu étais là, » dit-elle.

« Princesse, est-ce qu’on peut parler ? En privé ? » demandé-je. Elle acquiesce et m’emmène vers un endroit tranquille quelque part dans le palais.

« Hum… Princesse, je ne sais vraiment pas comment vous parler de ça. Je veux dire, au début c’était juste une idée en l’air, mais maintenant, je ne peux pas m’empêcher de penser à ça tout le temps… c’est-à-dire, pas tout le temps techniquement parlant, puisque ce n’est jamais arrivé, mais…

— Twilight, est-ce au sujet du fait que nous avons couché ensemble dans une ligne de vie parallèle ? »

Je reste mâchoire grande ouverte. « Attendez, mais comment avez-vous pu… paradoxe… impossible… tout sens-dessus-dessous…

— Je ne peux pas voir dans une autre ligne de temps à proprement parler, si c’est ce que tu es en train d’essayer de me demander. Cependant, après tout ce qui s’est passé hier je m’inquiétais pour toi, alors j’ai vérifié comment tu allais pendant la nuit. Tes rêves ont été très… instructifs. »

Oh. C’est vrai. Elle peut faire ça. J’ouvre ma bouche pour essayer de dire quelque chose, mais rien n’en sort.

« Twilight, il n’y a pas à avoir honte de ce que nous avons fait. J’ai eu l’air d’y prendre beaucoup de plaisir, et je suis certaine que toi aussi, à la façon dont tu es attachée à ce souvenir, » dit-elle. Comme je ne réponds toujours pas, elle me sourit avec douceur. « Viens par là, Twilight. »

Je trotte vers là où elle est assise, et la laisse m’envelopper de ses jambes et de ses ailes. C’est tellement bon. Je n’aurais jamais pensé revivre ça. Je reste contre elle pendant quelques instants, profitant de ce sentiment de tranquillité qui manque à ma vie depuis si longtemps.

« Twilight, » me murmure Luna, « crois-tu que tu es amoureuse de moi ? »

Je me recule un peu pour pouvoir mieux examiner son visage. Elle est vraiment belle, et je me rappelle du vide que j’ai ressenti quand j’ai su qu’elle avait disparu. Mais en même temps…

« Non. »

Mon cœur se serre en disant ça, pourtant c’est la vérité.

« Je te remercie de ta sincérité, Twilight. Tu es une jument exceptionnelle, et belle, et je considère comme un honneur que de pouvoir te considérer comme une amie. Mais dans ce genre de situation, le deuil, la douleur et la rage de vivre peuvent troubler la lucidité de l’esprit. Je suis fière que tu t’en sois rendue compte.

— Je vous en supplie, Princesse, je ne veux pas que vous mouriez à nouveau, » dis-je en enfouissant mon visage dans sa poitrine et en commençant à pleurnicher. « Je ne supporterais pas de perdre à nouveau quelqu’un. J’ai cru que si je tombais amoureuse d’un poney immortel, je n’aurais pas la crainte de le perdre, mais…

— … mais la peur n’est pas une bonne base pour une chose aussi merveilleuse que l’amour, » finit-elle. Alors comment vais-je faire pour le trouver alors ? Tout ce qui me reste de ces derniers jours, c’est la peur et le deuil. J’imagine qu’il n’y a plus rien à ajouter. Je me tourne pour m’en aller et ouvre la porte.

« Twilight ? Encore une chose, » dit Luna. Je me retourne vers elle. « Même si ce n’est pas vraiment de l’amour, tu seras toujours la bienvenue dans mon lit, autant que tu le voudras. Je te ferai même le truc de la girouette. »

Je rougis, laissant même échapper un petit gémissement et j’entends le rire de Luna en refermant la porte derrière moi. Il est tard, et ça a été une journée mouvementée, mais plutôt que d’aller dans les appartements du palais je préfère prendre le long chemin en direction de la maison de mes parents. Je ne sais pas ce que je serai capable si je ne reste pas tout près des poneys qui m’aiment.

Mes parents sont déjà couchés quand j’arrive à la maison. J’utilise mes dernières réserves d’énergie pour monter les escaliers jusqu’à mon ancienne chambre à coucher et m’effondre sur le lit trop petit pour une jument déjà formée. J’aurais dû utiliser la chambre d’amis plutôt que ma vieille chambre. Pourtant c’est exactement l’endroit où je veux être à l’instant même.

Quand je me réveille le lendemain et que je descends les escaliers en trébuchant, je trouve mes parents en train de m’attendre.

« Twilight, on doit parler, » dit papa.

À ma connaissance, il n’y a pas de phrase de parents qui éveillent plus de peur dans le cœur de leur enfant que celle-ci. Ont-ils deviné que je leur cachais des choses au sujet des boucles temporelles ? Entendu des rumeurs au sujet de moi et Luna ?

« La Princesse a publié un décret royal ce matin, demandant à des volontaires d’héberger quelques poneys qui étaient auparavant des changelings. Seulement de façon temporaire, jusqu’à ce qu’on leur trouve des endroits pour être relogés. Ta mère et moi avons proposé notre chambre d’amis. »

Oh Celestia merci, ce n’est pas au sujet de… attends, QUOI ?

« Vous allez vous occuper d’un changeling ? Pourquoi ? Je vous ai pourtant bien dit combien de fois ils m’avaient assassinée, non ?

— Eh bien tu vas mieux maintenant. Celestia dit que ce sont devenus des poneys tout à fait respectables maintenant, grâce à toi et aux autres Éléments. De plus, pense au bon exemple que cela va donner, si un Élément de la Magie et un ex-changeling parviennent à vivre sous le même toit pendant quelques jours. »

Je suis sûre qu’il existe une objection tout à fait raisonnable que je puisse opposer à cela sans avoir l’air de vouloir contredire Celestia ou d’être une sectaire intolérante. Dès que je l’aurai trouvée, je pourrai peut-être arrêter de rester là bouche bée comme une idiote.

« Il arrive cet après-midi, si tu veux bien nous aider à tout préparer,

— Cet après-midi ?

— C’est ce que je viens de dire. »

Mon cœur bat à toute vitesse. Un changeling, ou du moins un ex-changeling, ici, dans la maison de mes parents ? Il est vrai que pas plus tard qu’hier j’ai aidé Celestia à leur trouver des logements, mais seulement parce qu’aucun de ces logements n’était la maison de mes parents.

« Je vais… je pense que je… j’ai besoin d’air, » dis-je en me ruant vers la porte d’entrée. Je dois à tout prix sortir d’ici. J’ai besoin de marcher. Marcher très longtemps. Maman et papa n’essaient pas de me suivre.

Après huit pâtés de maison, je commence à peine à retrouver mon calme. Pourquoi est-ce qu’ils me font ça ? Ils ne se rendent pas compte de ce que ces choses m’ont fait endurer ? Eh bien, en fait, non, justement parce que j’ai soigneusement évité de leur raconter le pire de ce qui m’est arrivé. La ferme, partie rationnelle de mon cerveau, j’essaie d’ être indignée, là !

Je traverse la moitié de la ville jusqu’à ce que je tombe sur le même parc dans lequel je nous avais téléportés, Spike et moi, lors de la boucle temporelle pendant laquelle j’avais volé les boucles d’oreilles et avais été prise d’une rage meurtrière. Tout était plus simple alors. Et si je rencontre l’un des changelings que j’ai tués pendant cette boucle ? Se rappellerait-il de moi ? Non, c’est ridicule… mais et si c’était le cas pourtant ? Et si pendant tout ce temps, ça avait été ça le véritable plan de Chrysalis, se venger de moi depuis les tréfonds de sa tombe ?

Doucement, Twilight. Est-ce que tu t’entends parler ? C’est ridicule. Je suis ridicule. Pas seulement ça, je peux aussi sentir tout mon être en train de partir en vrille. De pire en pire. Ça suffit maintenant. Hé, j’ai réprimé quelque chose de bien plus important pendant toutes ces années, et ça m’a probablement fait du bien, pas vrai ?

J'erre au hasard, essayant de trouver quelque chose qui donne à ma vie un tout petit peu de sens.

Je marche pendant des heures, essayant de garder de l’avance sur mes pensées. Malheureusement j’ai un esprit incroyablement rapide ; je n’arrive pas à les devancer. Où que j’aille, elles sont déjà là. Je pensais qu’un changement de décor pourrait m’aider, mais j’en viens à me rendre compte que je suis moi-même le problème. J’ai réparé le monde entier, j’ai réparé tout le royaume, mais je ne me suis jamais réparée moi-même.

Alors que le soleil commence à se coucher, je retourne à la maison. J’ai été tentée de tout simplement m’enfuir dans les collines, mais si ce changeling croit qu’il va avoir champ libre avec mes parents, il ne sait pas ce qui l’attend.

J’arrive à la maison environ une heure avant l’heure habituelle où mes parents se mettent à dîner. Il y a un chariot rempli d’affaires et de fournitures marquées du sceau royal de Canterlot. Le changeling est sûrement déjà là.

J’entre dans la maison, et le premier poney que je rencontre est maman, en train d’aider à ranger et ouvrir les caisses déjà déchargées.

« Te revoilà, Twilight.

— Où est-il ? Où est le changeling, maman ?

— Twilight ! Qu’est-ce que c’est que ces manières ? J’ai fait sa connaissance, et c’est un poney tout à normal. Tu dois te montrer aimable.

— Mais… mais c’est…

— Un bon poney, »insiste maman, « nous avons bavardé avec lui, et il semble vraiment gentil. »

Il semble gentil. C’est sûr, c’est vraiment la qualité qui s’applique à un étranger douteux, qui a tenté d’envahir votre ville il y a à peine deux jours, et que maintenant vous invitez à venir s’installer chez vous. Je trotte vers le salon, et y jette un coup d’œil.

Mon père est en train d’aider ce monstre sournoix, qui à présent ressemble à un pégase orange tout à fait ordinaire, avec une sorte de forme de sucrerie comme cutie mark, et qui est en train d’installer ses affaires dans leur maison. La maison de mon enfance.

Ça ne se passera pas comme ça.

« Oh, as-tu déjà dit bonjour à notre nouvel invité, Twilight ? » dit la voix de maman derrière moi. J’avais oublié à quel point elle pouvait parfois être perfide.

À ces mots, Papa et la chose qui essaie de se faire passer pour un poney lèvent les yeux. Bravo pour l’effet de surprise. « Hé Twilight, je ne m’étais pas rendu compte que tu étais là, » dit papa.

Je fais mine de l’ignorer. Je n’ai d’yeux que pour le changeling. « As-tu déjà fait la connaissance de Butterscotch ? Butterscotch, je te présente notre fille, Twilight Sparkle. »

La chose qui se fait appeler « Butterscotch » me regarde enfin, et se fige. Je le savais. Ce n’est pas un poney saluant un autre poney. Il sait que je sais. Et maintenant je sais qu’il sait que je sais. « Salut, » parvient-il à articuler.

Je marche vers lui, et enfonce mon sabot dans sa poitrine. « Je sais qui tu es vraiment, et j’ai vu ce dont ton espèce est capable. Tu es un monstre. Tu le seras toujours. Tu as peut-être pu berner mes parents, mais moi tu n’y arriveras pas. »

Butterscotch ouvre et ferme la bouche plusieurs fois sans sortir un son.

« Twilight Sparkle ! Viens par ici un instant, jeune fille ! »

Je fixe « Butterscotch » un long moment avant de me retourner pour faire face à ma mère.

« Je t’ai éduquée mieux que ça, Twilight. Si jamais je te vois traiter ce poney de la sorte à nouveau…

— Maman ! Ce n’est pas un poney ! C’est un changeling. C’est l’un des leurs. Je les ai vus massacrer des poneys pour le plaisir, maman, des poneys innocents. Moi y compris, si tu veux savoir. »

Maman ne gobe pas cette histoire. Au lieu de ça elle me regarde, me juge, m’évalue.

« Twilight, m’as-tu vraiment tout dit au sujet de ces trucs de boucles temporelles dans lesquelles tu étais prise ? Je commence à me faire du souci pour toi. »

Je crie de frustration et bat en retraite dans ma chambre. Ils ne se rendent vraiment pas compte. Ils ne se rendent pas compte du danger qui les menace, et si, plutôt et quand quelque chose de terrible va se produire, je ne pourrai plus revenir en arrière pour les sauver. Je ne pourrai jamais plus revenir en arrière. J’ai essayé pendant si longtemps de sortir de cette boucle, que j’en avais oublié ce que c’était que d’être prise dans la fuite en avant du temps. Comment ai-je pu vivre tout ce temps comme ça ?

Quinze minutes plus tard, mes pensées sont interrompues par des coups frappés à ma porte.

« Twilight, c’est l’heure du dîner, » dit papa.

Même si je veux ignorer ce changeling, je ne laisserai pas mes parents manger seuls avec lui. Ils pourraient bien finir au menu si je ne suis pas présente. Je dois protéger tous les poneys de ces monstres. Je ne peux pas me reposer, je ne le pourrai plus jamais. Si je le fais, il se peut que je loupe quelque chose, et alors qui le rectifiera ? Personne. Le monde est tellement rempli d’obscurité, je peux seulement la retenir en ne baissant jamais ma garde. Comment ai-je pu supporter de vivre ainsi, quand tout ce que je fais se retourne toujours contre moi ?

Je descend pour aller à la table de la salle à manger où m’attendent maman, papa et « Butterscotch ». Je m’asseois juste en face du changeling, de façon à mieux pouvoir le surveiller. Nous commençons à manger. Maman a vraiment sorti le grand jeu aujourd’hui. Salades, entrées, toutes sortes d’accompagnements. Ça me rend malade, la façon dont elle essaie d’impressionner la chose en face de moi.

Nous mangeons en silence, ce qui me convient tout à fait. Je surveille le changeling, et à la façon dont il me jette des coups d’œil à chaque seconde, je sais qu’il s’en rend compte.

« Ces patates sont délicieuses, m’dame, » dit le changeling. « En fait, elles ont un peu le même goût qu’avaient les hybrides. » À peine a-t-il prononcé ces mots que « Butterscotch » se rend compte de sa gaffe. « Je suis désolé. Je ne voulais pas dire que vous ou votre famille étiez… »

« Arrête de mentir, espèce de monstre ! » Je lui crie dessus en posant mes sabots-avant sur la table et en me dressant vers lui. Je n’en ai rien à faire des règles de courtoisie à cet instant. « Tu m’as reconnue dès la première seconde où tu m’as vue, pas vrai ? Je le sais. Quel est ton plan ? Travailles-tu toujours pour Chrysalis ?

— Non ! Je te jure que non, je veux oublier tout ça, vraiment.

— Comment se fait-il que tu me connaisses ?

Tous les changelings te connaissent ! » crie-t-il. Je recule, troublée. « Avant, quand j’étais changeling, vraiment on dirait que c’était dans une autre vie, j’étais chargé d’infiltrer le quartier des tailleurs. Le Butterscotch original était un tailleur qui avait une boutique là-bas, et je l’ai copié.

— Ça ne m’explique pas comment tu me connais ?

— Je te l’ai dit, tous les changelings te connaissaient. J’avais ordre de te tuer à vue, d’accord ? Nous avions tous cet ordre. Bien sûr que je t' ai reconnue, Chrysalis a marqué ton image dans nos cerveaux au fer rouge. »

Maman et papa regardent la scène, interloqués. La fourchette de papa reste en suspension entre son assiette et sa bouche dont tombent quelques bouts de salade qu’il oublie d’avaler.

« Je le savais. Tu n’es qu’un monstre. Je vais rendre un grand service au monde en te tuant, » dis-je, tandis que ma corne commence à rayonner. Toutes ces boucles m’ont rendue experte à tuer des changelings, même quand ils ressemblent à des poneys. Il est temps de faire bon usage de mon expérience.

« Twilight, je suis désolé. Je t'en supplie, ne me tue pas. Je suis désolé, d’accord ?

— Être désolé ne suffit pas ! J’ai vu des centaines de poneys crier grâce des centaines de fois et ton espèce n’a jamais eu pitié.

— Je t' en supplie ! Tu ne sais pas ce que c’est que d’avoir une reine dans ta tête. Elle était trop forte. Nous n’avions pas le choix. Tu ne sais pas ce que c’est que d’être contrôlé par quelque chose comme ça ! »

Je m’arrête, ma corne toujours lumineuse, une charge mortelle de magie prête à être libérée.

Je sais ce qu’on ressent. La mémoire ne peut pas être effacée, et je me rappelle très bien de ce que je ressentais après qu’elle m’aie mordue. Comment elle m’a fait combattre Luna. Comment elle m’a fait hurler de joie quand la Princesse m’a déchirée en deux parce que j’étais en train d’obéir à la volonté de la Reine.

J’arrête le sort et me précipite vers la salle de bain, y parvenant juste à temps avant qu’une vague de nausée me submerge.

Quand j’en sors, je me suis vidée de toute la bile et la haine et je me sens juste épuisée. Je baisse les yeux sur Butterscotch, tellement terrifié qu’il est tombé à genoux devant moi. Je ne vois plus en lui un monstre déguisé. Je vois seulement un pégase essayant de se faire un chemin dans un monde qui a soudain basculé pour des raisons qu’il ne comprend pas.

Je rassemble tout mon courage pour faire ce que je dois faire. Ça ne va pas être facile.

Je me penche. Je l’enlace.

Je lui pardonne.

Je ne me rendais pas compte à quel point j’étais remplie de colère jusqu’à ce que celle-ci me quitte à cet instant.

Il tressaillit au moment où je le prends dans mes bras, et je ne peux vraiment pas l’en blâmer après la manière dont je l’ai traité.

Je le tiens comme ça pendant un moment. Maman et Papa nous regardent toujours depuis la table. Je pense qu’ils ont peur de briser la magie du moment s’ils font un mouvement.

« Tu sais, » dis-je sans le lâcher, « pour tout dire, si tu étais dans le quartier des tailleurs, il y a de très grandes chances pour qu’au cours d’une ligne de vie parallèle je t’aie déjà battu à mort avec une batte de base-ball un autre jour. »

Et ensuite il se passe quelque chose d’incroyable. Butterscotch commence à rire. Peut-être seulement parce que ce que j’ai dit parait si absurde qu’il ne peut pas s’en empêcher. Peut-être aussi parce qu’il est si fatigué d’être triste et effrayé qu’il a besoin d’un prétexte pour ressentir quelque chose d’autre.

Quoiqu’il en soit c’est contagieux, et l'instant d'après nous sommes tous les deux en train de rire serrés dans les bras l’un de l’autre. Nous en avions besoin tous les deux, bien plus que que nous ne l’aurions admis. Puis nous nous détachons, et je suis heureuse de pouvoir en faire un ami.

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Je suis contente de rentrer à Ponyville ce soir.

Ce n’est pas que je n’ai pas aimé rester ici et revoir mes parents, mais ce n’est pas comme chez moi à Ponyville. Plus maintenant.

Je suis en train de ranger mes affaires avec l’aide de Spike quand celui-ci se met à avoir le hoquet et tousse une décharge de feu vert. Une lettre se matérialise dans les airs au-dessus de moi, et je l’attrape avant qu’elle ne touche le sol.

Ma chère élève,

J’ai fait des recherches sur le sort qui a créé cette boucle temporelle et j’ai fait une découverte importante. S’il te plait, viens à mon bureau immédiatement.

Princesse Celestia

« Spike ! Oublie les bagages, nous devons nous rendre au palais tout de suite, » lui dis-je. Qui sait ce que la Princesse a bien pu découvrir.

Spike n’étant pas assez rapide à mon goût, il finit enveloppé de magie, tandis que je le traine après moi en galopant vers la sortie.

« Maman, papa, je vais voir Celestia, » crié-je avant de me souvenir qu’ils sont déjà sortis déjeuner il y a une heure.

J’atteins le palais en un temps record, et fonce vers la salle d’étude de la Princesse. Quand je pousse la porte, la pièce est plongée dans l’obscurité. C’est étrange. La lettre me disait de venir directement ici. J’imagine qu’elle doit être en train de…

« SURPRISE ! »

Les lumières se rallument soudain, et la pièce est pleine de poneys. Mes meilleures amies, Princesse Celestia, et mes parents sont devant au milieu. Au-dessus d’eux, une banderolle est tendue, sur laquelle je peux lire MERCI TWILIGHT.

Je suis saisie d’étonnement , incapable de faire un geste pendant quelques secondes, puis je prends peu à peu conscience de ce qui se passe, et je sens ma bouche s’étirer en un irrésistible et large sourire.

« Les amis ! Il ne fallait pas… »

« Essaie de ne pas être modeste au moins une fois dans ta vie, Twilight. Tu l’as mérité, et nous y tenions… » dit Rarity.

« Eh bien alors, merci, » dis-je. Je regarde autour de moi. Même Butterscotch est là, et il lève un glace de punch en signe de remerciement quand nos regards se rencontrent.

« Cadeau ! CADEAU ! » crie Pinkie.

« Vous avez aussi un cadeau pour moi ? »

« Oh, hum, eh bien, je pensais qu’on garderait ça pour la fin, mais si tu veux l’ouvrir maintenant… » dit Fluttershy, qui arrive en planant, tenant une petite boite entre ses sabots.

Je ne savais même pas qu’il existait du papier-cadeau avec pour motif les Éléments de l’Harmonie.

Pinkie vibre d’excitation. J’ai bien peur que si je n’ouvre pas le cadeau dès maintenant, elle finisse par passer à travers le plancher. J’arrache le papier-cadeau avec mes propres sabots, plutôt que de le déchirer à l’aide de ma magie. C’est une boite à bijoux. Une boite couleur rouge rubis.

Je sais déjà ce que c’est, ou du moins je l’espère. Pendant une seconde je n’ose pas ouvrir, puis je n’y résiste plus.

Les plus parfaites des boucles d’oreilles en améthyste. Mes boucles d’oreilles en améthyste.

« Je ne peux pas les accepter. Elles coûtent… »

« Certainement beaucoup moins cher que si nous avions dû reconstruire la ville, si tu n’avais pas réussi à arrêter les changelings. Je suis sûre que les coffres royaux vont pouvoir le supporter, » dit Celestia.

« Je ne sais pas quoi dire. Merci Princesse. Humm… vous n’avez pas parlé à Ruby de cette ligne temporelle où je les avais volées, pas vrai ? »

« La ligne temporelle où tu as fait quoi !? » demande la voix de Ruby du fond de la pièce.

Quelle délicatesse, Twilight. Vraiment très délicat.

« On t’a am’né quequ’chose aussi, sucre d’orge, » dit Applejack. Elle tend son présent. Il est entouré d’un ruban, mais elles n’ont pas pris la peine de l’emballer.

Après tout, une batte de base-ball a une forme très reconnaissable.

Je me mets à rire, et elles le brandissent en l’air de façon à ce que je puisse mieux l’admirer. Il y a même les mots HOME RUN, gravés au feu dans le bois.

« Tu réalises que maintenant tu vas être obligée d’apprendre à jouer vraiment au baseball, n’est-ce pas ? » demande Rainbow Dash. « Oh, et ta maman m’a dit de te dire de ne pas faire peur à Butterscotch avec. »

Nous recommençons à rire et la fête démarre vraiment. Ma première priorité est de trouver Ruby et de m’excuser. Elle est un peu énervée, mais c’était dans une autre ligne temporelle, et comme elle a reçu une belle somme en paiement pour les boucles d’oreilles en question, ça ne lui prend pas beaucoup de temps pour mettre cette histoire de côté et me pardonner. Elle m’aide même à mettre les boucles d’oreilles et Rarity vient à côté de moi pour juger si elles me vont bien. Bien sûr elle se répand en compliments.

Je présente Ruby et Rarity l’une à l’autre, et Rarity reconnait une occasion de se faire des relations quand elle en voit une. Elles sont en train de parler boutique quand je m’éloigne pour aller parler aux autres invités. Les poneys ne sont pas tous au courant des boucles temporelles de la même façon. J’y vais de l’histoire officielle avec franchise, bien que Celestia m’aie demandé de ne pas révéler comment la boucle avait commencé. Je suis assaillie de questions et on me demande de raconter des anecdotes pendant tout l’après-midi.

Je parviens enfin à trouver un moment de tranquillité pour pouvoir rejoindre Princesse Celestia.

« Bonjour, Twilight. Tu t’amuses bien, j’espère ? » demande-t-elle.

« Oh oui, Princesse. Je sais que vous ne m’avez écrit cette lettre que pour m’attirer ici, mais auriez-vous malgré tout fait des progrès dans vos recherches sur la nature de ce sort ? Ou pourquoi Starswirl avait commencé ces recherches à l’origine ? » demandé-je.

« Autant que je puisse en juger, ce sort n’était pas conçu pour être exécuté. Il semblerait qu’il l’ait imaginé comme un simple exercice théorique, purement académique. Il était bien trop dangereux pour être gardé à la bibliothèque. Je l’ai recopié et remanié en un nouveau texte, avec des avertissements très clairs. Mais je suis certaine maintenant que tu es sortie de la boucle.

— Mais Starswirl ne pouvait pas savoir que les Éléments parviendraient à rompre la boucle.

— Il n’y a aucun système à l’intérieur du sort lui-même qui permette de mettre fin à la boucle. Que tu sois morte par blessure, ou maladie, ou même de vieillesse, cela t’aurait immanquablement ramenée au même point. Je ne vais pas te mentir, Twilight, tu en aurais perdu la raison. La vie éternelle n’est pas une chose que des esprits mortels soient capables de supporter. »

Je m’asseois et réfléchis aux implications de ceci. Je n’en étais vraiment pas loin. « C’est une bonne chose que je sois une porteuse d’un Élément, alors. Quelles étaient les chances ?

— Peut-être pas si improblables qu’on pourrait le penser. La plupart des licornes ne seraient pas du tout capables de lancer ce sort. Starswirl a ramené à son époque l’Élément de la Magie du passé, tu sais.

— Il a quoi ? J’ai lu tout ce qu’il y a à lire sur Starswirl le Porteur, mais je n’ai trouvé aucune mention de ça. »

Quelque chose d’insondable passe sur le visage de la Princesse. « Non, il n’y en a pas. Tous les deux, vous vous ressemblez par beaucoup de côtés. Beaucoup plus que tu ne l’imagines en fait. Peut-être que je deviens un peu trop fantaisiste, mais peut-être a-t-il veillé sur toi d’une certaine manière par delà le temps à travers les Éléments.

« Veiller sur moi ? Plus semblables que je ne le pense ? Que voulez-vous dire, Princesse ? »

Encore ce sourire énigmatique. « Je te raconterai cette histoire une autre fois je pense. Luna le ferait mieux que moi de toute façon. Je sens une envie de punch, veux-tu que je t’en ramène ? »

Je secoue la tête et elle s’éloigne. Ce genre de conversation avec la Princesse me laisse toujours avec plus de questions que de réponses.

La fête touche à sa fin peu après, et je dois dire au-revoir à chaque poney avant de retourner faire mes bagages. Mes amies et moi avons pris le même wagon de façon à pouvoir être entre nous pour bavarder tranquillement. Cela fait des mois, de mon point de vue, la dernière fois où j’ai vu Ponyville. Comme nous approchons, je réalise qu’il y a quelque chose qu’il faut que j’éclaircisse avant que nous arrivions.

« Les filles, j’apprécierais beaucoup que vous gardiez pour vous pendant un certain temps le fait que j’aime les juments. Ce n’est pas que j’en aie honte, mais le fait de l’assumer est un peu nouveau pour moi, et j’aimerais pouvoir le dire aux autres poneys à mon propre rythme. »

Toutes les cinq se raidissent tout d’un coup, se jetant des coups d’œil entre elles. Non. Elles n’ont pas pu… je me tourne vers la plus menteuse de la bande.

« Applejack… »

Elle avale sa salive, et ouvre grand les yeux, « Hé là, Twi. Y’a-t-il quequ’chose que tu voulais nous dire ? »

« Applejack, est-ce que l’une d’entre vous a parlé à quelqu’un de ce que je vous ai dit ? »

Pendant une seconde ou deux elle ne répond pas et je peux voir son esprit bouillonner pour essayer de trouver quelque chose. Son visage s’illumine alors qu’elle vient de trouver une idée.

« Twilight, j’ peux franch’ment dire que pas une de nous n’l’a dit à un seul poney. »

Elle a trouvé une échappatoire. J’en suis sûre, et elle le sait. J’essaie de la faire avouer en la fixant du regard, mais c’est Fluttershy qui craque la première en pleurant.

« Oh, Twilight, je suis tellement désolée ! Je jure que c’était un accident. S’il te plait, ne me déteste pas pour toujours !

— Fluttershy, tu l’as dit à quelque poney ? » demandé-je. Fluttershy n’est pas du genre à raconter des ragots, surtout pas au sujet de quelque chose dont elle sait que c’est important pour moi. Je m’en serais peut-être doutée avec Rarity, mais Fluttershy…

« Je ne l’ai dit à personne. Mais, tu sais parfois, quand je suis toute seule avec mes petits animaux autour du cottage, j’aime bavarder avec eux et leur raconter ma journée. Je leur ai dit sans réfléchir. Je suis vraiment une mauvaise amie ! »

Je me détends. Comment rester en colère face à une Fluttershy en larmes ? Je suis sûre que je parviendrai à gérer les commérages des lapins pour quelques jours.

« Ne t’en fais pas, Fluttershy, si ce sont juste tes animaux…

— J’ai, hum, oublié de mentionner que je faisais du perroquet-sitting pour Rose. »

Oh. C’est donc ça.

« Rose a découvert que j’étais gay grâce à son perroquet ? » demandé-je. Mes pensées s’accélèrent en passant en revue l’étendue des dégâts. Rose est un bon poney, et je connais son cercle d’amies assez bien. Il me reste une chance de sauver la situation.

« Eh bien je ne savais pas que le perroquet allait répéter ce que j’ai dit, bien sûr, et Rose est un poney très occupé qui vit plutôt loin, alors quand je lui ai ramené le perroquet, c’était normal de nous rencontrer sur, hum, la place du marché, le jour il y a le plus de monde, en milieu de matinée, quand tout le monde sort pour faire ses courses. »

Je reste assise là et la fixe. Le train ralentit et arrive à la gare.

« Alors, laisse-moi bien comprendre, » dis-je tandis que mon tic à l’œil recommence. « Tu es en train de me dire que toute la ville… est au courant… à cause d’un perroquet ! » Je me demande si la boucle temporelle inclut les morts de honte. Trop tard pour essayer de le découvrir.

« Je suis désolée. »

Ma première réaction serait de commencer à hurler et de me jeter sur elle, Fluttershy ou pas. Son manque de discrétion vient juste d’exposer mon secret à la ville toute entière.

Et pourtant, vous savez quoi ? Peut-être que c’est mieux ainsi.

« Ne t’en fais pas, » dis-je en me levant et en commençant à attraper mes bagages.

« Je sais que tu dois être en colère contre moi, si tu veux me crier dessus, ou ne plus être mon amie… »

Je lève un sabot pour l’interrompre. « Peut-être bien que je devrais être en colère, et sans doute je le suis un peu, mais ça va. C’est comme arracher un pansement. De cette façon tout le monde le sait, et s’ils ont un problème avec ça, eh bien ils n’ont qu’à faire avec. »

Nous descendons du train, et je me rends compte qu’on m’envoie quelques regards curieux, et certains poneys chuchotent sur mon passage. Certains de ces regards sont plus que curieux, et ceux-là ont tendance à durer plus longtemps. Peut-être que je devrais prendre des notes.

Ponyville est une ville plutôt ouverte d’esprit, et bien que quelques poneys me fassent signe et me disent bonjour, personne ne nous arrête, Spike et moi, sur notre chemin vers la bibliothèque. On dirait que personne ne va en faire toute une histoire finalement.

« Salut, Twilight ! Arrête-toi, » dit une voix au-dessus de moi. Je m’arrête et lève les yeux vers une pégase couleur fuschia, en train d’atterrir.

Loupé.

« Salut, Cloud Kicker, » dis-je, saluant l’adorable obsédée sexuelle, telle qu’elle se décrit elle-même. Exactement le poney que j’ai le moins envie de voir à l’instant. Heureusement, j’aperçois ma porte d’entrée.

« J’ai entendu la nouvelle. Je voulais juste te dire… » Argh. Nous y voilà. «… merci.

— Hein ?

— J’ai entendu parler de tout ce que tu as fait à Canterlot, avec les changelings et tout. J’ai de la famille chez les gardes, et si tu n’avais pas été là, beaucoup d’entre eux seraient morts à présent. En plus, je suis au courant pour les boucles temporelles, tu as dû surmonter beaucoup d’obstacles. Tu es une héroine, Twilight. C’est tout ce que je voulais te dire… » Cloud Kicker fait un salut militaire. « … merci. »

Ouah, c’est le plus long discours que Cloud Kicker ait fait à un poney selon moi. Peut-être l’ai-je mal jugée, peut-être est-elle un poney tout à fait convenable, quand elle tombe le masque.

« De rien.

— Bien, je pense qu’il se fait tard, et que tu dois avoir hâte de rentrer chez toi et de poser les bagages. Je ne vais pas te retenir, » dit-elle en levant sa patte avant et en cognant mon sabot avant.

Je continue à avancer, pensive.

« Hé Twilight ?

— Oui, Cloud Kicker ?

— Est-ce que tu penses qu’on pourra baiser avant la fin de cette semaine, ou pas avant la semaine prochaine ? Je sais que tu aimes bien planifier les choses à l’avance. »

Voilà la Cloud Kicker que je connais.

« Ce n’est pas parce que j’aime les juments que je suis désespérée. J’ai une batte de base-ball et je sais m’en servir.

— Je connais de nombreuses manières de me servir d’une batte de base-ball aussi, et je suis sûre qu’elles sont bien plus amusantes que les tiennes. »

Je deviens toute rouge. Cloud Kicker trotte vers moi et pose un sabot désagréable sur mon cou comme si nous étions copines, arborant son sourire auto-satisfait habituel.

« Réfléchis, Twilight, qui connait mieux que moi l’art de draguer les juments dans cette ville ? Pense à tout ce que tu pourrais apprendre si tu me laisses te prendre sous mon aile ? Ou te prendre dans l’autre sens du mot ? Je pensais que tu aimais apprendre. Je pourrais te nommer quatre, non, cinq juments que tu séduiras en un claquement de sabot, quand tu auras appris comment les aborder.

— Pas intéressée.

— Laisse-moi au moins te parler du meilleur avant de dire non, » dit Cloud Kicker.

« Hé ho, Twilight, » dit une autre voix derrière moi.

Je me tourne vers l’autre pégase. « Salut Cloud Kicker, » dis-je et me retourne vers Cloud Kicker, qui est toujours là avec sa jambe avant sur mon…

Attendez.

Retour en arrière.

Cloud Kicker, celle qui est accrochée à moi, est en train de sourire comme une idiote. Je la regarde. Puis je regarde l’autre Cloud Kicker, qui est en train de me faire signe et de porter le même sourire idiot. Ensuite retour à la première tandis que mon cerveau se débat avec la logique d’un univers dans lequel ceci est devenu possible.

« Oh Celestia. Vous êtes deux maintenant.

— C’est pas formidable ça ? Bien sûr, je ne devrais pas être surprise qu’un changeling ait voulu prendre la forme du poney le plus sexy de la ville, pas vrai ? Et ensuite, quand tu as fait tes trucs avec les Éléments, eh bien… »

J’ai sauvé Equestria. J’ai brisé cette boucle temporelle où je suis morte d’une multitude de manières brutales et horribles. J’ai arrêté une guerre avant même qu’elle commence.

Si c’est ça le prix à payer, ça n'en valait pas la peine.

« Alors tu vois ? On te doit beaucoup toutes les deux. Il y avait cette décision impossible que j’essayais de prendre depuis des mois, et c’est devenu beaucoup plus facile. Oh, et tu peux me dire d’aller me faire voir moi-même, j’ai une réplique imparable pour ça maintenant. »

Je me mets à hurler et galope vers ma porte d’entrée.

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Les jours suivants, la vie dérive lentement vers quelque chose qui ressemble à la normale. Des poneys viennent voir comment je vais, et empruntent des livres à la bibliothèque. Mon emploi du temps a de moins en moins de places de libres, tandis que mes amies font des projets et des missions qui doivent être accomplis. Un observateur extérieur pourrait penser que je m’en sors remarquablement bien, après tout.

Il aurait tort.

Je n’arrive pas à m’habituer à la façon dont les choses se passent. Pas seulement les choses mauvaises ou bizarres, mais des choses comme une conversation banale au détour d’une rue avec une connaissance me remplit d’angoisse.

Je n’arrive pas à agir sans savoir ce qui va se passer. Après toutes ces boucles, j’arrivais à prédire ce qui allait se passer dans la seconde suivante ; je n’arrive plus à gérer les surprises. J’agonise de devoir faire de simples choix, parce que je sais que quoi que je choisisse, il n’y aura pas de retour en arrière possible.

J’ai peur de Pinkie Pie. Elle me terrifie. J’ai peur de l’une de mes meilleures amies parce que quand elle est aux alentours je me sens constamment sur le qui-vive, et dois prendre garde à ses fantaisies habituelles et ses gags innocents. Je lui cache ce que je ressens et elle me cache combien ça la blesse quand elle s’en aperçoit malgré tout.

Je passe beaucoup plus de temps chez Fluttershy que j’en avais l’habitude. J’aime la sérénité du lieu, où rien ne semble vraiment se passer. C’est… agréable.

Tout ça serait déjà suffisamment pénible s’il n’y avait pas en plus ces cauchemars.

Toutes les choses sombres que j’ai vécues ou ressenties, et dont je n’ai jamais parlé, me reviennent alors, quand j’arrive à dormir. Et mon cerveau en imagine même des nouvelles aussi.

Une nuit, j’ai rêvé que tous les poneys de la ville étaient infectés par cet esprit venimeux. Pas les changelings, mes vraies amies dont la Reine savait que je ne lèverai jamais un sabot sur elles. J’ai rêvé qu’elles me pourchassaient jusqu’à ce qu’elles m’attrapent, et me chuchotent à l’oreille comme ça serait bon de servir l’essaim, tout en me trainant devant Chrysalis. Je me suis réveillée en criant au moment où elle commençait à me briser la nuque.

Une autre nuit, j’ai rêvé que j’étais suspendue à un cocon de changeling dans les ruines du château de Canterlot. Tout ceci relevé par le fait que j’avais l’illusion obscure qu’ils étaient en train de me nourrir alors qu’ils étaient en train de me vider.

Je pense sincèrement que si Luna ne s’était pas montrée et dit que ce n’était qu’un rêve, j’aurais perdu la raison cette nuit-là.

Peut-être que c’est déjà fait, car j’ai finalement accepté l’offre de Cloud Kicker de m’apprendre comment flirter. Cela n’a duré qu’une dizaine de minutes, jusqu’à ce que je me rappelle pourquoi j’avais refusé au départ, mais ce n’est pas bon signe. Est-ce que je vais finir ainsi, sautant de lit en lit, non pas parce que je cherche l’amour, mais parce que j’ai désespérément peur de me retrouver seule ?

Alors, cet accès de panique ce matin, dans la cuisine, uniquement à cause de ces quatre petits mots prononcés par Spike, me prouve que je suis au bout du rouleau.

Je fixe la boite d’œufs écrasée pendant un long moment tout en me remettant peu à peu de ma frayeur, assez longtemps pour examiner chaque détail. Les œufs sont en fait plutôt intéressants, structurellement parlant. Ils sont en forme de coupole, et considérant à quel point la matière de leur coquille est fragile, ils parviennent à résister à une quantité impressionnante de compression. C’est ce qu’ils font le mieux : protéger leur précieuse cargaison du poids constant, persistant et écrasant du monde qui les entourent.

Et pourtant, qu’on les heurte d’un coup violent et rapide ? Eh bien le jaune d’œuf et les éclats de coquille sur mon pelage parlent d’eux-même. Ma télékinésie parvient à faire des manipulations très précises. Je pense que je pourrais rassembler les coquilles d’un œuf, les recoller tellement bien que personne ne se rendrait compte qu’elles étaient brisées. Mais ça ne serait plus un œuf alors. Juste une coquille morte et vide.

« je n’ai pas bien dormi, Spike. Je vais tout nettoyer et ensuite me remettre au lit.

— Twilight, qu’est-ce qui ne tourne pas rond ? Tu devrais parler à quelqu’un de tout ça.

— Parler ne va pas m’aider, Spike. Je suis juste crevée. Je te verrai plus tard. »

Je me mets sous la douche, jusqu’à ce qu’il ne reste plus d’eau chaude, restant là et laissant l’eau tomber sur ma nuque jusqu’à ne plus supporter le froid. Je sors et me sèche. Je reste encore assise seule sur le tapis de bain plusieurs minutes avant de trouver l’énergie de me trainer dans le couloir en direction de ma chambre.

En sortant de la salle de bain je me trouve nez à nez avec cinq poneys m’attendant sur le palier.

« Que faites-vous là si tôt ? » demandé-je, mécontente de leur intrusion.

« C’est moi qui leur ai demandé de venir, » dit Spike. « Tu me fais vraiment peur, Twilight. Depuis que tu es revenue de Canterlot, tu n’es plus la même. Tu n’as écrit aucun compte-rendu sur l’amitié depuis des semaines, tu ne lis presque plus, , et quand j’ai écrit aux Princesses, Luna m’a dit que tu faisais des cauchemars horribles. »

Elle a parlé de mes rêves ? C’était vraiment déplacé.

« Nous ne te laisserons pas tant que tu ne nous auras pas parlé, vraiment parlé. Considère ça comme une intervalle, » dit Rainbow Dash.

« Tu veux dire intervention, chérie, » dit Rarity.

« L’un ou l’autre. »

Tout ça est ridicule. Elles ne se rendent pas compte de ce qu’elles me demandent. C’est pour leur bien que je ne leur parle pas. Elles peuvent s’estimer heureuses de ne se rappeler que des derniers moments de la bataille, du moment où tout s’est arrangé. Je ne veux pas leur enlever ça.

« Il vaut mieux que vous ne sachiez pas. Je suis sûre que je vais aller mieux. J’étais bien à Canterlot, pas vrai ? On s’amusait bien là-bas.

— Ou peut-être aussi que ça allait parce qu’il y avait des distractions, et que maintenant que tu es rentrée chez toi, tout ça te rattrape de plein fouet, » dit Rarity.

Sans doute Rainbow Dash a-t-elle décidé que tout ça n’allait pas assez vite, car un éclair multicolore descend sur moi et me soulève du sol.

« Hé !

— C’est toi qui veut que ça se passe par la force. Je t’ai dit que nous ne partions pas. »

Elle me transporte au milieu du salon et s’assied sur mon dos. J’essaie de me dégager mais n’y parviens pas. Les autres descendent les escaliers et s’assoient en demi-cercle de façon à ce que je puisse toutes les voir.

« Si vous vouliez qu’on discute, ça n’est pas le bon moyen pour que je coopère, vous savez, » dis-je.

« Eh bien, si tu ne veux pas parler, tu vas peut-être nous écouter alors ? » dit Fluttershy, comme si j’avais le choix… « Si tu permets, il y a quelque chose que j’aimerais dire, et je pense que les autres aussi. » Elles hochent toutes la tête. « Je pense que c’est à moi de commencer. Twilight, tu sais que j’aime bien que tu viennes à mon cottage, que tu es toujours la bienvenue là-bas.

— D’accord, je t’ai rendu visite souvent depuis que je suis revenue de Canterlot. Tu vois ? Pas de problème du tout.

— Eh bien, euh, non Twilight, ce n’est pas seulement ça. Parfois quand tu es là, tu fais des choses , eh bien, qui me font un petit peu peur. Des fois tu restes juste là assise dans le fauteuil à bascule, et tu fixes le mur pendant des heures, ou bien je t’appelle par ton nom et je dois m’y reprendre à quatre ou cinq fois avant que tu le remarques. Ou alors, quand j’essaie de te dire qu’il est tard et que j’ai besoin d’aller au lit, eh bien tu ne t’en vas pas, bien que sans doute, ça doit être sûrement ma faute si je ne suis pas assez claire je suppose.

— Je suis désolée, Fluttershy. C’est juste que j’ai beaucoup de choses qui me trottent dans la tête en ce moment. C’est tout.

— Oh, Twilight, » dit-elle. Elle se met ventre à terre et s’étire en avant de façon à ce que je n’ai pas d’autre choix que de la regarder. Au moins ce n’est pas son super-regard perçant. « Est-ce que tu crois que, surtout moi, je ne reconnais pas une jument qui se cache du monde quand j’en vois une ? En fait, eh bien, c’est ce que tu es en train de faire. Celle que j’étais avant de te rencontrer avait peur de tous les poneys qu’elle rencontrait. Cette personne n’était pas vraiment heureuse, et je pense que tu n’es pas très heureuse en ce moment non plus. Tu m’as tellement aidée, Twilight, laisse-moi te rendre la pareille et t’aider.

— C’est… merci, Fluttershy. Si je pensais que j’avais besoin d’aide, je n’hésiterais pas à t’en demander, promis. Mais dans ce cas précis, personne ne peut m’aider. Je dois seulement prendre un peu plus soin de moi.

— Oh voyons, c’est ce que tu appelles prendre soin de toi ? » demande Rarity. Fluttershy se met de côté pour lui laisser la place centrale. « Tu es dans un sale état, Twilight Sparkle, et n’aie aucun doute là-dessus.

— Eh bien, je viens juste de sortir de la douche, et on ne m’a pas vraiment laissé le temps de…

— Je ne parle pas de ça, et tu le sais très bien. Je suppose que les cauchemars expliquent les valises sous tes yeux et le fait que leurs vaisseaux soient tous éclatés, mais on dirait que ta crinière n’a pas été brossée depuis des jours. Je ne pense pas que tu te nourrisses correctement non plus, pas vrai ?

— Bon, j’ai peut-être pris quelques kilos, mais pas de quoi en faire toute une histoire. Je ne l’avais même pas remarqué, » dis-je. Ce n’est pas vrai. Depuis que j’ai commencé à éviter de voir du monde, je n’ai plus fait attention à ce que je mangeais et utilisé la nourriture pour passer le temps. Il y a eu une augmentation très nette de la quantité de nourriture ingérée aux dépens de la qualité.

« Pas toute une histoire, mon œil ! Tu es littéralement gonflée comme une baudruche. Sans mentionner le fait que ton pelage est gras. Tu ne peux pas attendre de ton corps qu’il récupère, si tu ne lui donne pas la bonne énergie pour récupérer. Sans mentionner mes invitations au Spa que tu as rejetées trois fois de suite. Si tu ne l’avais pas fait, tu serais en train de profiter d’un bon massage au lieu de subir cette discussion. »

Un massage aurait sûrement été plus agréable qu’être ainsi bloquée au sol et sermonnée de la sorte. « C’est bon . Je promets de prendre plus soin de moi à l’avenir, d’accord ? On a fini maintenant ?

— Je n’pens’ pas, Twi. Pinkie Pie, pourquoi tu prends pas ton tour ? » demande Applejack.

Ça fait un moment que je n’ai pas bien regardé Pinkie Pie, mais maintenant que je le fais, je m’inquiète de ce que je vois. Le sourire qui ne la quitte jamais a disparu, et toute sa personne semble introvertie. Même sa crinière parait beaucoup plus plate et sans vie. Elle hoche la tête vers Applejack, et après un instant d’hésitation, fait un pas en avant.

« Twilight, pourquoi tu ne veux plus être mon amie ? » demande-t-elle.

« Quoi ? Pinkie, bien sûr que je suis toujours ton amie, » dis-je.

« Ouais, mais tu ne le veux pas vraiment. À chaque fois que je viens te voir et te parle, ou essaie de te donner un cadeau ou simplement te faire un câlin, tu me regardes comme si j’étais une sorte de monstre. Comme si je te faisais peur, et tu as hâte de t’en aller. Pourquoi ? Est-ce que… est-ce que j’ai fait quelque chose d’horrible dans l’un de ces trucs temporels dont tu ne veux pas me parler ? Parce que si c’est le cas, je suis super désolée.

— Mais non, bien sûr que non Pinkie. Tu n’as jamais fait quoi que ce soit d’horrible, et je sais que tu ne le ferais jamais. » lui dis-je. Me suis-je vraiment montrée aussi affreuse ?

« Alors pourquoi tu as peur de moi, Twilight ? Je t’ai vue marcher droit sur Reine Chrysalis, et tu n’étais pas effrayée. Tu étais super extra brave et incroyable et elle t’a sûrement fait plein de mauvaises choses. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour effrayer un poney qui était assez courageux pour braver ça ? Pourquoi suis-je plus terrible qu’elle ? Je ne comprends pas.

— Pinkie, c’est… compliqué.

CE N’EST PAS UNE RAISON ! Nous ne sommes pas stupides, Twilight ! Peut-être que nous ne sommes pas des poneys super mega intelligents comme toi, mais ne dis pas que nous sommes trop stupides pour comprendre pourquoi tu nous détestes tout d’un coup et ensuite agis comme si tu n’étais pas obligée d’en expliquer la raison. Ce n’est pas juste. Tu n’as pas été correcte avec nous, Twilight. Nous voulons juste que les choses redeviennent comme elles étaient. »

Elle ne me laisse même pas une chance de m’expliquer et s’enfuit dans un coin de la bibliothèque. Fluttershy me lance un regard de reproche et la suit, et bientôt j’entends des sanglots étouffés provenant d’un endroit que je ne peux pas voir. Je n’ai jamais voulu ça, je le jure. J’essaie de les protéger, pas ça.

« Tu vois pourquoi on fait ça, Twilight ? On veut comprendre, mais toi, tu veux mêm’ pas nous voir pour nous en parler ? » demande Applejack, se préparant à me donner le coup de grâce.

« … je ne peux pas. Ça fait trop mal, Applejack. Je t’en prie, ça fait trop mal. Ne me demande pas de vous en parler. C’est mieux comme ça, si je suis la seule à souffrir. Je peux vous protéger de ce que j’ai vu. De ce que j’ai ressenti. »

Applejack s’en moque. « Twilight, arrête de parler. Et arrête de penser à tout, au moins pendant une seconde. »

Nous nous taisons toutes. J’entends juste Pinkie pleurer, ses sanglots résonnent dans la bibliothèque à présent silencieuse. Nous restons assises là, sans rien dire, et plus je l’entends, plus j’ai envie de pleurer avec elle. Juste au moment où je me sens le plus mal, Applejack reprend la parole.

« Alors, tu entends ce que ça fait de protéger tes amies de la souffrance ? » demande-t-elle.

C’en est trop. Je m’effondre enfin totalement, submergée de ridicules larmes pleines de morve et de gros sanglots. Rainbow Dash doit surement avoir desserré son étreinte, permettant à Applejack d’attirer mon corps qui se relâche contre elle, jusqu’à ce que j’ai expurgé tout mon chagrin. Pendant ce temps, toutes mes amies se sont rassemblées autour de moi, prêtes à écouter ce que j’ai à leur dire, ce que je suis prête à leur raconter. Je suppose qu’elles ont toujours été prêtes à ça.

« Je suis désolée. J’étais si seule. Tout le temps. Je me sentais terriblement seule, » dis-je, comme si cela devait excuser mon comportement horrible.

« Hé, tu ne peux pas dire que tu as pensé que je laisserais tomber une amie qui a besoin de moi. Pas cool, Twilight.

— C’est vrai, tu n’es plus du tout seule, ma chérie.

— Tout va s’arranger. Si, hum… si tu as besoin de l’aide de quelqu’un, je serai là pour toi aussi longtemps que tu en auras besoin.

— Je veux aider aussi ! On va faire en sorte que tu te sentes à nouveau bien, et après on va faire une mega super extra fête pour fêter ça !

— Hé, bien essayé, mais on dirait bien qu’ t’es pas arrivée à t’débarrasser de nous, sucre d’orge. »

Je ne résiste plus. J’avais presque oublié ce que c’était que d’être en paix comme ça.

« Je ne sais vraiment pas par où commencer, » dis-je.

« Eh bien, n’est-ce pas évident ? » dit Rarity. « Tout ce que tu as à faire c’est revenir en arrière, et recommencer à nouveau, pour la dernière fois. Nous serons à tes côtés tout le long du chemin. »

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