Bienvenue à Manehattan

« Arrivée en gare de Manehattan dans 10 minutes ! » hurla le contrôleur. Sa voix était presque masquée par le bruit du train qui commençait déjà à ralentir.

Un frisson d'appréhension me traversa alors que j'étais allongée sur ma banquette. C'était une sensation très étrange, comme si j'étais à la fois heureuse de changer de décor et nerveuse de voir ce qu’il me réservait.

« Il devrait y avoir un mot pour ça. » me dis-je, pouffant à l’idée qu’un tel mot puisse exister.

Les rideaux fermés m'empêchaient de voir au dehors, ce n'était pas plus mal, sinon je n’aurais pas pu dormir du tout. Me redressant, je décidais de lire la dernière lettre d’Apple Jack. je l'avais reçue un peu avant de partir pour Manehattan et ne l'avais toujours pas ouverte.

« Ça me changera les idées. »

Je passais mon sabot dans une de mes sacoches pour y trouver mon coupe papier … qui n'était pas là... Ronchonnant sur le fait que les terrestres étaient toujours la cinquième roue de la charrette des avancées technologiques, je saisis précautionneusement le bord de la lettre avec les dents et tirai pour extirper son contenu. Évidemment rien n'est simple sur cette terre, je dus donc m’y reprendre à trois fois avant de dévoiler le trésor tant convoité.

Encore un frisson ! Ça devenait désagréable. Pour y échapper, je me plongeais dans la lettre de mon amie d’enfance.

Hey Rara.

Alors comme ça c’est le grand départ ? Quelques années ont passées depuis le camp de l’Amitié, nous avons toutes les deux grandies, assez pour pouvoir nous débrouiller seules, surtout toi d'ailleurs. Je suis tellement heureuse que tu puisses enfin accomplir ton rêve ! C’est pas donné à n’importe qui de devenir une grande artiste mais te connaissant je ne me fais pas de souci, non vraiment pas. Montre leurs de quel bois de pommier tu te chauffes !

Ton amie,

A.J

Essuyant une larme qui perlait de mon oeil gauche, je ne pus m'empêcher de sourire en voyant les quelques ratures ça et là. AppleJack avait essayé de ne pas laisser son accent prendre le dessus sur son écriture. Ces efforts me touchèrent beaucoup. Je repliais soigneusement la lettre et la rangeais entre deux magazines, quand, je m'aperçus que le train ne bougeait plus.

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Ce genre de chose nous est tous arrivé...le sentiment que, peut-être on avait raté notre arrêt car on a été trop lent à la détente. Ce sentiment qui vous serre l’estomac, qui vous fait tirer une grimace abominable et qui vous envoie une salve non conseillée d'adrénaline dans le coeur.

« Célestia ! » jurais-je, sortant du compartiment au galop et manquant de laisser mes affaires sur place.

Bon… je n’aurais pas perdu grand chose, tout le plus gros avait été déposé à mon nouvel appartement. Quoique après mûre réflexion, mes clés étaient dans mes sacoches… Non j'avais bien fait de les prendre.

« Mais à quoi je pense ?! » dis-je tout haut en me frappant le visage du sabot.

Le choc de l’un contre l’autre fut bien plus fort que prévu à cause d’un poney distrait, me faisant tomber sur les fesses. Un frisson bien connu me parcoura de nouveau.

« Célestia ! Que le marbre est froid ! »

Frottant mon museau endolori avec un sabot qui n'était pas en meilleur état, j'ouvris les yeux, et la bouche aussi, très grande la bouche. Manehattan était là ! Devant moi se dressait la grande, majestueuse, et glaciale Manehattan. Cosmopolite parmi les cosmopolites, surnommée la Métropole de tous les possibles.

Il était presque 11h et la ville grouillait d’activités, les quais de la gare étaient bondés, une grande partie des poneys se dirigeaient vers leur trains ou, comme les passagers du mien, se pressaient vers les taxis qui faisaient la queue à l'extérieur. Les Taxis Jaunes de Manehattan avaient la réputation d'être de très bons et de très discrets chauffeurs, pour peu que vous ayez de l’argent.

La gare était une anomalie dans ce paysage urbain. Flanquée entre deux grattes-ciel, elle était le seul bâtiment de moins de 5 étages aux alentours. A dire vrai, elle était sans doute le seul bâtiment ne possédant aucun étage de tout Manehattan.

Au delà, longeant la gare, s'étendait un grand boulevard dans lequel pouvait s'engouffrer les taxis grâce aux feux de signalisation. Ceux si alternaient d'ailleurs très vite, peut être même un peu trop vite...Si un taxi avait le malheur de rater le créneau, il recevait un tombereau d’insultes fleuries de la part de ses collègues mais aussi des clients.

Quelque chose me chiffonna, malgré l’heure avancée, une légère brume persistait, ternissant les couleurs de la ville, et j’aurais juré que le soleil l’était aussi.

Je revins brusquement à moi quand un étalon me bouscula derechef.

« Hé ! » grognais-je, déçue que ma rêverie se soit arrêtée si vite. L'étalon ne fit même pas mine de m’entendre et continua son chemin.

Regardant autour de moi je m’aperçus que je ne m’étais toujours pas relevée et le froid me mordait la peau. Je me redressai rapidement, les joues incandescentes, m’assurant que personne ne m'avait remarqué. Gauche… Droite… Derrière...On ne sait jamais. Voyant que ce n’était pas le cas je me détendis, laissant de nouveau le sang circuler normalement.

Passé l’émerveillement de la première impression, je me dirigeais vers les taxis… enfin... "tentais de me diriger" serai plus précis. La foule était très dense et allait dans le sens inverse, je me faisais pousser et écraser sans ménagements. Je me sentais comme un marin abandonné en pleine mer, prêt à suffoquer à la moindre vague trop brusque.

Quelque chose tira mes sacoches qui faillirent glisser de mon dos. Pensant m’être accrochée quelque part je les agrippais avec les dents et tirais un grand coup pour les débloquer. Après deux essais infructueux, le troisième fut le bon; mes sacs se décrochèrent d’un coup, me projetant à travers la foule dans une ... autre foule... Mais qui, cette fois ci, allait dans le bon sens !

Réajustant mes sacoches récalcitrantes, je calquais mon rythme de marche sur celui de la masse. J’émergeais enfin à l’extérieur à proprement parlé. Un taxi se présentait déjà à moi, prêt à m'amener n’importe où. Ne connaissant pas, mais alors pas du tout, Manehattan, je préférais le prendre plutôt que de me perdre dans les innombrables rues de la métropole.

Lui indiquant l’adresse, il me dit de prendre place et d’attacher ma ceinture. Je m’exécutais docilement. L'étalon s'ébroua et s’en alla au quart de tour, me scotchant au siège. Il passa à l’orange, ce qui me donna des cheveux blancs quand je vis les autres carrosses partir juste derrière nous.

« Je ne sais vraiment pas comment font tous ces poneys à courir tous les jours partout avec ces énormes carrosses accrochés… ou même sans d’ailleurs ! »

Le chauffeur avait annoncé une quinzaine de minutes de voyage, ainsi que le prix évidemment : 45 pièces la course de quinze minutes c'était quand même un peu cher.

Plongeant le sabot dans les profondeurs de mes sacoches, je me mis à chercher mes clés d'appartement, et pour la deuxième fois de la journée, je ne trouvai que du vent...plutôt froid de surcroît. L'inquiétude me gagna en cherchant dans l’autre sans rien trouver.

« J'ai pas pu les oublier à la maison ! J’avais déjà vérifié dans le train !!! »

Puis le souvenir de mes sacs refusant de céder sous mes assauts me revint en mémoire…

« OhcélestiaOhcélestiaOhcélestia..... »

Je cherchai frénétiquement mon portefeuille.

« Dîtes moi pas que je me suis faite volée ! Non ! Nooooon !! Pas maintenant ! Surtout pas mon portefeuille ! Mes clés d’appart' sont dedans !!! »

Je me figeai. Rien... plus de portefeuille, plus de clés, plus rien...

« Pourquoi ?! Au nom de Célestia ! Cette ville est pourtant si parfaite ! »

Un caillou sur la route secoua le taxi.

« Taxi ?? Comment je vais faire pour le payer ?!!

Calme toi, Coloratura… Calme toi. Si tu lui expliques poliment je suis sûre que tout va bien se passer. Si on discute entre gens civilisés ça va forcément s’arranger. »

M'éclaircissant la voix, je me décidais à prendre la parole :

-Humhum...Monsieur le chauffeur ?