Bonbon vient de monter sur notre lit, son regard n'a pas changé bien que les années passent sur son corps, la marquant chaque jour un peu plus. Sa robe est toujours aussi belle que quand je l'ai rencontrée, seule sa crinière semble plus terne. Le bleu et le rose ont des tirets blancs et les rides sous ses magnifiques yeux sont marquées. Bientôt, oui, bientôt je devrai lui dire adieu. Il y a quelques années, elle a découvert mon carnet. Elle l'a lu, elle m'a compris. Le jeu auquel elle pensait que je jouais, en parlant des humains et la posture que j’empruntais lui on fait comprendre que je n'imaginais pas. Mais le fait que la vieillesse ne me touche pas l'a convaincue. Elle m'a aidé à trouver ces poneys comme moi, mais nos recherches n'ont mené à rien. Bientôt, je devrai continuer mes recherches seul. Elle m'a demandé de continuer mon récit, de parler des êtres que j'ai rencontrés durant mon errance. Elle tient le carnet dans son sabot et le dépose devant moi. D'un sabot, je l'ouvre, m’arrêtant à la dernière page noircie de mon précédent récit. Je lève de nouveau la plume et en trempe la pointe dans un encrier. Par où commencer, j'ai rencontré tellement d’êtres ? Je me tourne et regarde Bonbon. Elle me sourit : « Commence par là où c'est le plus facile pour toi. » Je lui offre une caresse du museau et pose la pointe de la plume sur la page.
Quel horrible paysage se présente à mes yeux, ces ruines qui m'entourent ! Pourquoi dois-je endurer ça, pourquoi dois-je vivre avec les spectres des morts qui m'entourent. Je viens d'entrer dans ce qui semble être une église, certains bancs sont brisés d'autres sont encore en état, je peux encore remarquer ceux qui sont venus prier ces dernières heures, avant que l'humanité ne s'éteigne à jamais. Je regarde l'énorme trou où se trouvait le cœur de l’église. Il reste encore des bâtiments à moitié détruits. Je suis vraiment seul.
Pourquoi la mort n'est pas venue me chercher ? Les ténèbres m'entourent, suis-je en pleine journée ou est-ce la nuit ? Le soleil ne perce plus depuis que les centrales nucléaires ont explosé. Je regarde le sol recouvert d'une poussière blanche virant sur le gris, des cristaux de glace scintillent. J'en ramasse de ma main et laisse glisser la poussière entre mes doigts. Ma main comme le reste de mon corps ont muté, je ressemble à un monstre, je marche difficilement, j'ai énormément de mal à me déplacer, mes jambes ont du mal à me porter, ma jambe droite a l'articulation inversée et je ne peux que m'appuyer sur les orteils. Je n'ai pas faim, pas soif, mais j'ai froid, la morsure du froid me fait mal, mais je n'ai pas le droit de mourir, je me réveille à chaque fois et je souffre toujours. Pourquoi moi, pourquoi la mort ne vient pas me chercher ?
Je viens de m’arrêter au pied d'un bâtiment, je lève la tête avec difficulté, je cherche un rayon de lumière, rien, il y a rien, je pousse un cri de rage en direction du ciel. Je sens le sol bouger, des secousses, un craquement vient de se faire, c'est le bâtiment qui s'effondre sur moi. Je n'essaye pas de fuir, mais je regarde les gravats qui viennent vers moi, j’écarte les bras comme pour m'offrir à la mort qui m'est destinée. Le calme est revenu à moi.
Mourir, encore mourir, je viens de me réveiller et je suis au bord de la rivière où quelques heures auparavant une créature m'a dévoré. Je ne veux même pas savoir comment je suis, je fais un bond en dehors de l'eau m'aidant de mes pattes arrières. Ce qui est bien en étant un équidé, c'est qu'on a une force phénoménale aux jambes arrières, j'ai dû faire un bond de deux mètres. Je me mets à courir ou plutôt galoper. Je m’emmêle tellement les sabots que je tombe tous les cinq mètres. Après une énième chute sur le sol, je décide d'arrêter de me faire mal. Je me relève et tourne la tête pour regarder derrière moi, finalement je suis rapide, la rivière est à cinquante mètres de moi. Je m’éloigne en marchant lentement pour apprendre à ne pas m'emmêler les sabots. Je me regarde, je suis intégralement de couleur noir, plutôt fin. Je m’arrête et baisse la tête pour la placer entre mes pattes avant. Je suis une femelle, il me manque le...enfin.
Ça fait à peu près un mois que je vis dans ce corps, j'ai essayé de compter les jours bien que je sois sûr de m’être gouré quelque part, enfin... La difficulté de la vie quand on a un corps qui change à chaque fois qu'on meurt, c'est de s'habituer à ce corps et comprendre son fonctionnement. Le premier de ses fonctionnements, c'est de faire la vidange. Avant, c'était simple mais là j'ai bien cru que je n’allais pas y arriver. Bon enfin passons, maintenant je sais que je ne dois pas oublier de lever la queue quand j'urine. Connerie de corps, j'ai empesté l'urine pendant plusieurs jours. C'est dans ces moments-là qu'on est heureux d'être seul.
Ça doit être à ce moment que j'ai entendu des cris ou un bruit qui y ressemble. Je m'y suis dirigé, je n’ai rien à craindre. Si je me fais tuer, je pourrai peut-être ne pas revenir, mais le fait qu'un être crie me réconforte. Je ne suis plus seul. Les cris se font de plus en plus fort et je me suis mis à galoper. Je finis par arriver à ce qui pourrait être appelé un canyon et je découvre quelle créature poussait des cris de douleur. Ça ressemble à une brebis bien que l’apparence soit assez éloignée. Un museau assez long où se trouve une dentition qui ne me rassure pas. Un carnivore il me semble. Il a des sabots doubles comme ceux des bovins et l'un d'entre eux est bloqué par une pierre qui a dû se décrocher de la paroi. Je prend mon courage à deux sabots et me rapproche de la créature. Elle me vit et commença à pousser ses cris contre moi. Elle veut sûrement essayer de m'effrayer, mais quand vous êtes seul et que vous rencontrez une personne, vous désirez rester auprès d'elle. Je me suis approché lentement et il me semble qu'elle a compris que je ne lui voulais aucun mal.
Après quelques minutes, elle finit par se calmer et me laisse approcher auprès d'elle pour que je puisse l'aider. Sa robe est de couleur blanche tirant sur le gris, elle est plus petite que moi, mais de pas beaucoup.
La pierre semble lourde et à chaque fois qu'elle essaye de se retirer, la pierre appuie sur l'articulation du sabot. Je me place sur le côté et du sabot arrière, je pousse la pierre pour la soulever. Quand elle put dégager son sabot elle mit de la distance entre moi et elle. Sa patte lui fait mal et elle boite, elle finit par s'arrêter. Elle ne pourrait pas ressortir du canyon avec trois sabots. Elle tourne la tête pour me regarder, et retourne la tête vers le haut du canyon. Elle me demande de l'aide. Je me rapproche d'elle, bien que je ne sache pas comment faire. Je penche la tête et la pousse pour l'aider à grimper, mais ça ne change rien, elle glisse.
Je me suis senti idiot. Je suis un cheval et je peux la prendre sur mon dos. Je me couche et je pointe du museau mon dos, elle semble comprendre et me grimpe dessus. Je me relève et commence l'ascension du canyon. Une fois en haut, je me tourne pour lui faire comprendre que je vais me coucher pour qu'elle puisse descendre. Elle s'est endormie sur mon dos, depuis combien de temps était-elle bloquée ? Elle semble ne pas savoir parler et je n'aurais sûrement jamais de réponse. Je me mets à marcher avec cette drôle de brebis sur mon dos.
Je me rappellerais pour toujours du moment où elle s'est réveillée. Je l'avais déposé prudemment au sol où se trouvent des arbres fruitiers. Puis je me suis déplacé pour lui en cueillir, une fois fait, je les ai déposé devant son museau et je me suis éloigné pour voir sa réaction. Elle rouvre les yeux, ses naseaux attirés par l'odeur des fruits mûrs. Elle semble étonnée de voir des fruits devant elle et regarde autour d'elle si les fruits lui sont destinés. Elle prit une pomme et la croqua. À ce moment, elle me revit, elle leva la tête pour être sûre puis elle prit un autre fruit et le déposa vers moi le poussant de son museau. Je me rapproche d'elle et m'installe auprès d'elle avant de prendre le fruit qu'elle m'a offert.
Que la vie est courte quand on la partage avec des êtres qu'on apprécie. Je n'ai pas vu les années passer. Oh oui bien sûr que je me suis aperçu qu'elle ne pouvait plus marcher aussi longtemps qu'au début, elle avait de plus en plus de mal à se lever et ses pattes lui faisaient mal. Mais je me refusais à l'éventualité de sa mort prochaine. Quand elle ne pouvait plus marcher j'étais heureux de la prendre sur mon dos. Bien que la vieillesse s'emparait de son corps, elle était toujours à me sourire, enfin je pense qu'elle me souriait. Ce furent de belles années.
Ça devait être un soir de pleine lune, on avait marché et on s'était arrêté à la lisère de la forêt auprès d'une falaise. Généralement elle dormait à un mètre de moi mais cette nuit-là elle se rapprocha de moi pour se placer contre mon corps, elle avait froid, elle frissonnait. Elle plaça sa tête contre mon poitrail et je la recouvris en plaçant mon encolure contre son corps. Elle s'est endormie dans un sanglot. Elle avait sûrement compris que je resterai en vie et que j'allai souffrir. Sa respiration était longue et difficile, ça remonte ma tête à chaque inspiration et je redoutais le moment où ma tête ne serait plus soulevée par sa respiration. Je ne réussis pas à m'endormir cette nuit-là. Je ne voulais par m'endormir et rater notre au revoir. Elle resserra sa tête contre moi, et elle expira une derrière fois. Je restais là à ses côtés, la caressant du sabot et en lui parlant espérant la voir lever la tête, écartant les oreilles à mes paroles. Son corps est maintenant si froid.
J'ai dû mettre deux jours à creuser avec mes sabots. Il m’était impossible de l'abandonner là, elle ne méritait pas d'être abandonnée. Ma première amie depuis longtemps. Ça fait maintenant une semaine que je dors près de cette tombe. J'ai l'impression que je vais l’oublier si je m'éloigne d'elle. Un soir pendant un orage d'une violence que je n'avais pas vu depuis longtemps, la pluie me fouettait le corps. Cette terre désolée pleure avec moi la disparition de mon amie. Le vent est si fort, il frappe les parois de la falaise et provoque un cri ressemblant à celui de mon amie. Je me lève et me rapproche du bord et regarde en contrebas la mer déchaînée. J'arrive mon amie, juste un pas à faire et je serai là.
Je rouvre les yeux, je suis ballotté pas les vagues sur le bord d'une plage. Je me suis relevé et me tourne vers horizon.
« Je suis désolé, je ne peux pas te rejoindre. Pardonne-moi. »
Les falaises ont disparu, la mer a dû me faire dériver très loin de la falaise. Je ne pourrai sûrement jamais retrouver sa tombe.
« Pardonne-moi. »
Je me suis mis à me déplacer, errant dans ce monde qui reprend vie.
Nouvelle vie, nouveau corps. Maintenant la vie est plus intéressante, bien que les poneys que je rencontre ne parlent pas, du moins ils essayent, mais leur voix semble se noyer dans un hennissement grave ou aigu selon le sexe. Je vis dans une petite communauté de poneys aux couleurs bizarres depuis une année et l'hiver approche à grands pas. Bientôt la nature sera recouverte d'un manteau blanc, accompagnée de ses températures glaciales. Depuis le retour des saisons, je déteste le froid, je vois des choses pendant l’hiver, le froid et la neige sont des pièges mortels. Ils ne savent pas faire du feu pour se réchauffer et lutter contre le froid. D'un côté, sans mains, il leur est impossible d'en faire et le soir avant de s'endormir nous nous rejoignons et nous serrons les uns contre les autres, alternant les places pour que ceux qui sont aux extrémités ne meurent pas de froid. Ils ont une certaine intelligence, et arrivent à se regrouper pour récupérer quelque chose que seuls, ils ne pourraient.
Dans ce groupe de poneys, j’essaye de ne pas trop m’attacher à ces individus, j'ai souffert de la perte de mon amie et de celle de mon enfant, je ne veux pas recommencer. Pourtant, il y a cette jument à la robe grise et à la crinière bleue, ses yeux marron me font penser à cette brebis, elle me manque.
Je l’appelle ma Douce et je l'aime. J'aime une jument qui a dix-neuf printemps, enfin je crois qu'elle a 19 ans. Et moi quel âge j'ai ? J'ai l’apparence d'un poney de 20 ans, mon corps n'est pas atteint par la vieillesse et je ne reviens jamais dans le corps d'un poulain. Cette fois-ci, ma robe est très claire, beige et ma chevelure est jaune pastel et je suis un mâle.
Je suis parti un petit matin pour rechercher une grotte où on pourrait se mettre à l’abri pour cet hiver. Le froid est mordant la nuit, pire que la journée et quelques années auparavant, j’avais découvert des corps de poneys qui étaient endormis pour ne jamais se réveiller. Morts de froid pendant leur sommeil. Un de ces corps reste ancré dans ma mémoire. C'était un matin et je marchais pour trouver quelque chose à me mettre sous la dent et j’avais remarqué la forme de deux poneys l'un contre l'autre pour se réchauffer. Et quand je me suis retrouvé à quelques mètres d'eux, j'ai compris que ce n'était plus que des statues de glace. Entre ces deux poneys se trouvait un poulain, lui aussi était parti pour un monde meilleur. Si jeune, né au mauvais moment et dans l'incapacité de se protéger du froid, ses parents s'étaient résignés à mourir essayant de protéger de leur chaleur, leur enfant. Et avec un peu de chance, des poneys seraient passés et l'auraient récupéré. Mais personne n'est passé. Je serais passé quelques heures auparavant il aurait peut-être été encore en vie. Monde cruel et injuste.
J'aimerais éviter d’avoir à revoir ça cet hiver, bien que je craigne que ça ne change rien. Si seulement je pouvais utiliser ces sabots comme des mains, j’attraperais deux silex ou avec deux branches et de la mousse je pourrais créer un feu, mais la chance que j'arrive à le faire est de zéro. Il y a plus de chance d’avoir la foudre qui frappe un arbre et déclenche un feu...hé oui s’il y a un orage, je pourrai récupérer une branche ensuite il faudrait juste entretenir le feu pour qu'il tienne tout l'hiver. J'espère qu'il y aura un orage très rapidement. J'ai réussi à trouver une grotte assez grande et vide de locataire. Après plusieurs essais à leur faire comprendre qu'on pouvait aller se mettre à l’abri du vent dans la grotte, j'ai réussi à faire venir cette jument, elle m'a suivi et les autres ont fini par faire de même. On n’était pas à l’abri du froid mais du vent, c' était déjà bien. Le froid s'est installé petit à petit et j'ai commencé à avoir peur pour la suite de l'hiver, cette année avait été plutôt maigre en pâturage et les plaines avaient peu donné d'herbe grasse. Il y avait trop de poneys pour les nourrir tous. Et ils risquaient de connaître la famine bientôt. Je veux protéger ma Douce, cette jument. Si je peux la protéger, c'est la seule chose que je demande, je veux la voir heureuse et finir sa vie de vieillesse.
Les jours passent et pas un seul nuage gris à l'horizon. Les températures commencent à chuter de plus en plus, bientôt la neige fera son entrée. La tension est palpable entre les poneys qui commencent à rechercher de quoi se nourrir. Les arbres n'ont plus de fruits et l'herbe a pratiquement disparu des plaines. Il y a quelques courageux qui prennent le risque avec des champignons, mais la plupart tombent malade et finissent par disparaître emporté par la mort ou la folie. Ce que je trouve de comestible, je le donne à Douce. Elle commence à perdre du poids, moi qui ne me nourris plus je ne m'amaigris pas ou peu. Je me sens sale au fond de moi. Elle souffre, le froid lui mord la peau et la faim lui tiraille l’estomac. Et moi qui n'ai aucun souci, oui je ressens le froid, mais si je meurs je reviendrai. Mais ma Douce, si elle vient à partir, elle ne reviendra pas, comme mon amie la brebis, comme mon fils. Un matin, je m’étais réveillé plus tôt que d'habitude, j’embrassais Douce et me levais pour aller chercher quelque chose pour qu'elle se nourrisse, je lui offris une caresse. Elle me regardait quitter la grotte avant de se rendormir contre un autre poney. La recherche de nourriture me poussait à aller plus loin, de plus en plus loin. Je m’arrêtais et tournais la tête pour regarder au loin les collines rocailleuses où se trouvait ma Douce. Pour elle, j’étais prêt à faire le tour du monde pour trouver de la nourriture. J’avançais et je finis par entendre le bruit des vagues, je tendais l'oreille pour voir d’où venait le bruit, c’était sur la droite. Je suivis le bruit recherchant au sol, racine ou champignon comestible. Je finis par atteindre une falaise. Le bruit des vagues qui se brisaient contre la paroi, ce vent glacial me revivifiait. Je commençais à me déplacer le long de la falaise. Au bout de quelques minutes, je l'ai retrouvée. Mon amie, ma première amie. Toujours à sa place. Elle attend patiemment que je vienne la rejoindre. Des fleurs ont poussé sur sa tombe.
Je me rapproche et laisse mes sentiments se déverser. Je m’écroule à côté d'elle, je pleure. Je l'ai enfin retrouvée. Combien d'années se sont écoulées. « Mon amie, tu vois, quelque chose m'empêche de te rejoindre. Je souffre de voir mourir ceux qui m'entourent pendant que moi, je vis. Toi qui est enfin délivrée de la peur et la souffrance, sais-tu pourquoi je dois rester ici ? Tu me manques. J'ai l'impression de te voir dans certains poney que je croise. En ce moment je vis avec un groupe, et l'une de ses juments te ressemble. C'est toi ? Es-tu revenue dans un nouveau corps, une nouvelle forme ? Si c'est toi, j'aimerai que tu me le dises. J'ai peur pour elle. Comme toi, elle commence à ne plus pouvoir se déplacer. Mais elle, c'est parce que la faim la tiraille. Si ça continue, je devrai encore creuser un trou. Si ça doit arriver, je voudrais la mettre à tes côtés. J’aurais aimé y mettre mon fils aussi... Les créatures n'ont rien à laisser. Tu m'en veux d'être encore en vie ? Mon amie, j'ai envie de te rejoindre, rejoindre ceux qui sont mort et maintenant je ne le peux plus. Je suis si fatigué... Je m'allongerai bien à tes côtés et laisser le temps filer. Mais une jument m’attend. Mon amie ? Puis-je te prendre quelques fleurs pour ma Douce, ça la nourrira un peu le temps que je lui trouve autre chose... Merci mon amie, un jour je reviendrai et je te présenterai ma Douce... Et je resterai avec vous. »
Je me relève et cueille quelques fleurs avec ma bouche, je regarde la tombe avec les larmes aux yeux. Je pose un sabot sur l'une des pierres. « À bientôt mon amie, maintenant, je sais que tu es là. Merci. » Je repris ma route. L'hiver passa et ma Douce survécut, un peu grâce à l'aide de mon amie qui fit fleurir des fleurs sur sa tombe malgré le froid et la neige. Quelques années passèrent avant que je comprenne qu'elle n'allait pas bien. Malgré les sentiments partagés, elle m'avait repoussé lors de ses chaleurs, ça ne m'avait pas vraiment gêné. Elle continuait de maigrir malgré qu'elle se nourrisse correctement. Elle était atteinte d'une maladie, qui la dévorait de l'intérieur. Je pense qu'elle devait avoir un cancer. Je m'efforce d’être là, présent pour elle, bien que je veuille fuir la situation. Un matin, j'étais à côté d'elle. Ma douce releva la tête et me déposa un baiser sur les lèvres. Elle ouvrit la bouche et sortit deux mots compréhensibles. « Je t'aime ». Elle reposa sa tête sur mon épaule, avant que sa tête glisse le long de mon épaule et se dépose sur ma patte. Je ressortis de la grotte avec ma Douce sur le dos. Les autres poneys du groupe m’ont suivi, ils restaient silencieux comme s'ils comprenaient que je transportais un corps sans vie. Ils n'avaient guère l'habitude d'une telle cérémonie. Généralement, ils sortaient les corps et les mettaient à distance de la grotte. Une fois arrivé à la falaise, je déposais le corps de ma Douce avant de commencer à donner des coups de sabot pour creuser le sol. D'autres poneys se rapprochaient et commençaient à faire pareil que moi. Après que le corps eut été recouvert, les poneys se retirèrent, me laissant seul. Je m'allongeais auprès des deux tombes. Caressant les pierres du sabot. Pourquoi vous me laissez seul. J’aimerai vous rejoindre.
Les jours et les nuits se suivent et se ressemblent. Ça fait maintenant... J'ai arrêté de compter les hivers qui m'ont recouvert moi et mes deux amies de ce manteau de neige. J'ai ressenti des tremblements et des bruits, des craquements. La terre continue de changer. Depuis le dernier tremblement de terre, je n'entends plus le bruit des vagues. Les arbres de la forêt ont bien grandi et maintenant, ils sont à moins d'un mètre de moi. C'est calme. Des fois j'entends les hennissements des poneys qui vivent non loin. Ils ne s’approchent pas de moi. Ils doivent avoir peur. Combien d'années se sont écoulées depuis que je suis allongé ici auprès de mes amies. La mort me refuse le droit de rejoindre mes amies. À chaque fois que je me sens partir, je rouvre les yeux avec un corps neuf. Je ne veux plus de cette vie. Je suis fatigué de rencontrer des poneys, de les connaître et souffrir quand ils partent. Je suis seul, le dernier humain dans un corps qui ne me ressemble pas. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? J'ai toujours été bon, ai-je fait quelque chose pour mériter ça ? Des bruits viennent d'apparaître derrière moi, sûrement des bêtes sauvages qui vont se régaler. Au moins je sers à quelque chose. Je ressens sa présence. Cette créature est juste derrière moi. Elle me contourne et se place devant les tombes. Elles sont deux. Deux jeunes pouliches. L'une est blanche et sa crinière est rose quant à l'autre, elle est plus petite et de couleur sombre. Sa robe est violette et sa crinière est noire. Elle semble avoir plus peur que la blanche.
Bonbon vient de s’endormir, je repose la plume pour ce soir et ferme le carnet pour quelques jours, je dois finir ce récit avec ma bien-aimée. Je soulève le carnet et le pose sur la table de nuit. Je me tourne et enlace Bonbon entre mes pattes, un petit scintillement de ma corne et la couverture vient nous couvrir. Je dépose un baiser sur le front de ma bien-aimée. « Dors bien, on continuera plus tard, je t'aime. » Je lève la tête et souffle sur la flamme de la bougie.
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Au passage salut Lulu et celi
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