Chapitre 1: Le viticulteur

La vie avait repris son cours normal dès le lendemain de l’incident. Son premier réflexe le matin était d’aller arranger son épais pelage devant un miroir. Muni de sa brosse, il remettait son corps alicornesque en état d’être aussi superbe que son exploitation. Après ce méticuleux retapage, il put enfin observer son sublime pelage vert clair parfaitement lissé. Et il put également observer que sur sa croupe ne figurait point la grappe de raisin et la bouteille de vin qui évoquait la beauté de son talent à ceux qui le voyaient : un rouleau de parchemin et quelques plumes ornaient désormais honteusement son gracieux postérieur. Le terrestre resta donc quelques minutes, la bouche bée, les pattes tremblantes, les larmes aux yeux devant cette petite erreur de mère nature. Une cutiemark de licorne. Sur un terrestre. Il descendit les escaliers vers le salon, blême, les pensées floues, voir la jument qui partageait sa vie.

Etant boulangère, elle avait pour habitude de se lever très tôt, même lorsqu’elle prenait quelques jours de congés. La jument trentagénaire était alors tranquillement couchée sur un canapé, un livre sur la mythologie équestrienne entre les sabots. De son délicieux regard rubis, que l’on voyait rouler de ligne en ligne, lisaient paisiblement. En sentant son époux arriver, elle s’extirpa de son ouvrage et le dévisagea d’un air intrigué.

« Tout va bien, Generous ? » Demanda-t-elle, inquiète.

Elle se releva et trotta vers son amant. Quelle fut sa surprise quand elle vit que sa cutiemark n’était plus la même ! Elle recula et plaça un sabot sur ses lèvres graciles. Ses grands yeux rouge foncés prirent une expression intriguée. Hier même, elle avait également recouvré son talent de boulangère, sa cutiemark avait repris sa place, une ravissante baguette fraiche croisée d’un rouleau à pâtisserie décorait de nouveau harmonieusement son doux pelage bleu pastel.

« Mais… Comment ça se fait ? » Reprit-elle, reposant son sabot à terre. « Moi j’ai retrouvé ma cutiemark hier, et toi, tu en as une qui ne t’appartient visiblement pas. Pourquoi ? »

« Je…Je ne sais pas. » répondit-il, un peu rassuré de par la présence de son épouse.

« Attends un peu. Cette cutiemark me dit quelque chose, vraiment. » Elle trotta vivement vers une bibliothèque blindée de livres divers et variés et en sortit un grimoire.

Quand elle revint vers lui, elle lui tendit le livre. La cutiemark qui avait atterri sur sa croupe était imprimée sur la couverture.

« Je pense que la cutiemark que tu as est celle d’un grand magicien nommé Shivering Quill. Je me disais aussi, ça me rappelait quelque chose. » Elle sourit a son mari. « Logiquement, ta cutiemark devrait être à Canterlot ! »

Generous fit un petit rire faussement rassuré.

« Bon, je pense que nous n’avons pas d’autre choix que d’aller voir à Canterlot… » Soupira-t-il.

Il haïssait cette ville. Les habitants, les masses de touristes, le monde dans les rues… L’étalon s’imaginait à peine reposer un sabot là-haut, y étant déjà allé quelques fois.