Awakening

« Tu grattes encore tes plaies ? Et ça ne veut pas guérir. C’est encore plus douloureux que les flammes du Tartare, mais ce manque d’oxygène n’est dû qu’à tes poumons de plomb ! »

La jument se redressa aussitôt en prenant une profonde inspiration comme-ci elle était en train de se noyer. De l’air, il y a un moment qu’elle n’en avait plus besoin, mais c’était un réflexe encore présent à certaines occasions, le réveil en faisait partie.

Se recouchant lentement, elle tenta de reprendre son calme. Ses cauchemars ne la laissaient jamais tranquille, en fait, aucun des batponies ne passaient de nuit paisible. Il n’y avait qu’une seule échappatoire.

Toujours allongée sur le dos, elle fit un rapide tour de la pièce, comme d’habitude, tout le monde était dans la chambre, en fait, tous occupaient le même grand lit. Luna connaissait leur problème, et leur avait donné le seul conseil qu’elle pensait véritablement utile pour les aider : rester ensemble. Et si aucun d’eux n’a vu de réelle amélioration lorsqu’ils dormaient, personne n’osait vraiment se détacher des autres pour affronter seul le sommeil. Pas même Funk.

La jument sentit du mouvement derrière elle et se retourna pour observer Grunge qui la serrait contre lui. Il était impossible pour l’un d’eux de se mettre à bouger lorsqu’ils dormaient, c’est donc qu’il s’était endormi avec elle. Mais la sensation d’être observé persistait au fond du crâne de la jument qui releva la tête pour observer le batpony bleu qui était en train de grogner en se levant.

Elle eut aussitôt un mauvais pressentiment, mais cela devenait habituel quand elle était dans la même pièce que lui. Ce dernier remarqua aussitôt le regard rubis qui était posé sur lui et adressa un sourire dont seul lui avait le secret à la batpony.

« Bien dormit Jazz ? » Demanda-t-il comme s’il ne connaissait pas la réponse.

La jument ne répondit pas et reposa sa tête dans les coussins, juste au côté de Grunge et d’Opera. Elle savait que le batpony était juste en train de démarrer, d’ici quelques minutes, il serait en pleine possession de tous ses moyens. Le réveil était une étape particulière pour les batponies, leur corps ne se réveillait que lentement après eux, les obligeant à attendre un moment avant de pouvoir véritablement se lever.

Funk qui avait réussi à se relever au point d’être dressé sur ses quatre pattes se mit à se baisser pour ramper lentement vers Jazz, escaladant les corps de Blues et de Grunge avant de mettre tout son poids sur la batpony. Elle le dévisageait sans rien dire, sachant pertinemment qu’il allait tout faire pour qu’elle passe un sale quart d’heure. Il finit par se recoucher contre le ventre de la jument en posant sa tête juste en dessous de son menton.

Jazz voulu avoir un mouvement de recul, mais était déjà plaquée contre le lit, elle finit par basculer simplement leurs deux corps pour se retrouver allongée juste face à lui. Il lui jeta un regard qu’elle jugea de froid avant qu’il ne referme les yeux et qu’il se rapproche encore d’elle pour se mettre contre son ventre en soupirant, la tête contre son poitrail.

« C’est étrange, d’habitude tu es la dernière à te lever.

-Comment tu sais ça, tu me surveilles ? » Un moment de silence mit Jazz sur la piste de la réponse.

« Oh je n’ai pas besoin de te surveiller pour savoir ça, en fait, l’ordre est toujours le même. Je me réveille le premier, ensuite, dix bonnes minutes après, c’est au tour de Grunge et d’House quasi en même temps. Après c’est au tour du soldat puis de la barge. Et pour finir, on a l’autre coincé puis la lopette et enfin toi. »

Cette énumération surprit Jazz. Cette liste représentait exactement l’ordre dans lequel ils sont arrivés dans la garde lunaire.

« Mais pourquoi plus d’une fois, je me réveille dans tes bras ? Quand ce n’est pas Grunge ou Punk qui me surprennent quand je me réveille. »

Le batpony bleu se mit à soupirer de l’air chaud dans le cou de la jument qui eut un léger frisson. Serrant les dents, elle tentait de paraître le plus stoïque possible.

« On a tous des soirs avec des réveils difficiles, non ? Un cauchemar qui persiste encore alors même que tu es réveillée et consciente. Te laissant paniquée en réalisant que le cauchemar est bien présent alors même que tu es réveillée. Tu n’as jamais ressenti ça Jazz ? »

Cette question ressemblait fort à un défi, mais Jazz ne pouvait le nier, certains soirs, quand elle se réveillait, elle ne pouvait que pleurer et redouter encore plus la prochaine fois qu’elle devrait aller dormir.

« Tu n’as jamais essayé de rester éveillé, Funk ? » Demanda-t-elle plus pour changer de sujet que par réel intérêt. Son camarade se mit à glousser brièvement avant de se serrer un peu plus contre elle, donnant l’impression à cette dernière qu’il la maintenait de plus en plus pour pouvoir la torturer par la suite sans difficulté. Mais il semblait réellement être apaisé à son contact, cela faisait encore plus froid dans le dos selon Jazz.

« Une fois, et encore, je n’ai pas tenu jusqu’à l’heure de midi. C’est douloureux, éreintant. Tu te sens lourd, incapable de faire le moindre mouvement sans avoir mal, tu as l’impression que ta peau va se déchirer, que tu vas briser tes os à la moindre chute. Et tu as chaud, incroyablement chaud. » Il ne s’en rendait pas compte, mais il se serrait un peu plus contre la jument qui finit par poser un sabot sur son épaule pour le lui faire remarquer. Est-ce qu’il comprit le message, ou était-ce par simple mouvement de recul qu’il se détendit quelque peu, pour la batpony, ça ne faisait aucune importance. « Dis-moi Jazz… » Reprit-il d’un ton qui se voulait joueur, mais qui était en réalité loin d’être appréciable. « C’est quand la dernière fois qu’on a baisé ensemble ? »

La jument grise réprima un bruit de dégoût avant de baisser son regard vers l’étalon qui avait toujours le museau enfoui sous son cou. Son regard était pourtant planté dans le sien. Elle tentait de paraître le plus neutre possible quand elle lui dit : « La dernière fois, ça remonte à neuf jours.

-Ah ah, non Jazz, je veux dire juste toi et moi, sans les autres et surtout sans Luna qui me retient de t’arracher la gorge ? » Se faisant, il entrouvrit légèrement la bouche pour souffler encore un peu d’air dans le cou de la jument qui ne put retenir un frisson. Elle se figea complètement, les yeux écarquillés quand elle sentit la langue de l’étalon glisser le long de sa fourrure jusqu’à son menton.

« Jamais, Funk ! » S’exclama-t-elle sèchement avant de se pincer les lèvres, appréhendant la suite des événements.

Le batpony bleu se mit à sourire de toutes ses dents, un sourire qui avait le don de mettre mal à l’aise toutes personnes vers qui il était dirigé.

« Je crois qu’on devrait essayer une fois, ça pourrait devenir intéressant.

-Pourquoi est-ce que tu es comme ça ? » Demanda brusquement la ponette grise pour changer à nouveau de sujet. « Tu passes ton temps à essayer de nous intimider, à nous faire peur, et à nous mettre mal à l’aise. Qu’est-ce que tu gagnes à faire ça ? Tu ne nous aimes pas ? Je suis sûre que si tu essayais de discuter sans vouloir forcément montrer que tu es le plus fort, tu finirais par nous apprécier…

-Oh, mais je t’apprécie Jazz. » Coupa-t-il en redressant la tête pour se mettre face à elle. « Je t’apprécie vraiment énormément, et c’est pour ça que je te déteste. » Son visage s’était assombri lentement jusqu’à n’avoir plus rien d’amical. Puis, il se blottit à nouveau contre Jazz avant de passer un sabot le long de son corps, comme pour lui faire comprendre qu’elle n’avait surtout pas intérêt à partir.

La batpony fronça les sourcils en comprenant le message, mais décida de tout de même y répondre en se plaquant à son tour contre l’étalon pour avoir une position plus confortable et en les recouvrant de l’une de ses ailes de cuir. Funk entrouvrit un œil pour l’observer en train de lui sourire avant de le refermer et de dire : « Je te déteste vraiment, Jazz. »