« Wow … Docteur, c'est normal tout ça ? »
Le TARDIS était agité de violents soubresauts, se balançant d'un côté et de l'autre, comme un navire au beau milieu d'une tempête. Toute la machine émettait des grincements, comme si quelque chose était en train de se frotter contre tous les murs en même temps. Twilight avait du mal à rester debout, et pour le Docteur, manipuler les commandes du vaisseau dans ces conditions, en se tenant uniquement sur ses sabots arrières et en se servant de ceux de devant, le pilotage devenait vraiment acrobatique.
- Souvenez-vous que le TARDIS est en rodage : ce sont ses premiers pas dans cet univers, il n'a pas l'habitude. Et puis … je dois avouer que je n'ai jamais piloté avec des sabots…
- Mais… on est vraiment en train de nous déplacer dans le temps ?
- Le temps et l'espace. On risque de dévier un peu de notre itinéraire d'origine, mais je pense que nous atterrirons en un lieu et une époque assez proches. Oups … non ! Pas par là !
Le Docteur tourna rapidement autour du tableau de commande, attrapa une manivelle entre ses dents, et la tourna rapidement, il tira sur un bouton-poussoir, puis sur un levier. À la seconde où il acheva son action, une violente secousse le renversa, lui et Twilight. Puis plus rien, le TARDIS s'était arrêté.
- C'est fini ? Demanda Twilight.
- Oui, j'ai posé le TARDIS.
- Mais où sommes-nous ? Et quand ?
- vous voulez aller voir par vous-même ?
Le Docteur se releva, et se dirigea vers la porte, invitant Twilight à y aller d'un geste du sabot. Cette dernière se remit également debout, et regarda l'étalon, anxieuse.
- Nous n'avons aucune idée de ce qui nous attend dehors.
- Normalement, nous sommes quelques siècles dans votre passé, à Ponyville, ou dans les environs.
- Ça ne m'aide pas vraiment.
Le Seigneur du Temps lui envoya un regard confiant, et lui tendit son sabot.
- Oh, un petit plongeon dans l'inconnu, vous n'êtes pas curieuse ? Demanda le Docteur
- Si, juste nerveuse.
- C'est normal.
La licorne, hésitante, plaça son propre sabot dans le sien. D'un geste, le Docteur l'invita à le suivre. Il marcha vers la porte fermée, suivi de très près par Twilight. L'étalon posa son sabot contre la poignée, tira, et sortit, sans quitter la jument des yeux.
- Ne vous en faites pas, je suis sûr qu'il n'y a rien à craindre…
Il s'arrêta brusquement en se retournant : des dizaines de lances étaient pointées sur son poitrail, maintenues magiquement en l'air par un groupe tout aussi nombreux de licornes en armures.
« Qui êtes vous ? » tonna l'un d'entre eux.
Le Docteur leva ses deux sabots avant en l'air, rapidement imité par Twilight.
« Bravo Docteur ».
***
Doctor
Whooves
équinox
partie 1
***
« Je vous le redemande, qui êtes vous ? » Se répéta le même poney.
Ils étaient dans une forêt, au milieu d'un campement fortifié : des palissades en bois, grossières, entouraient des dizaines de tentes simples, en toile blanche, parfaitement alignées. Ils avaient atterri à proximité du centre du campement, où s'élevait une autre tente, un peu plus grande que les autres. Le Docteur étudia rapidement le groupe de soldats qui se tenait face à lui. Leurs armures, qui luisaient à la lumière du soleil couchant, avaient un style qui faisait penser à une combinaison entre les cultures médiévales et gréco-romaine de la planète terre … mais adaptées à la carrure d'un poney. Elles étaient fraichement lustrées, sans doute neuves. Cela ajouté à l'apparence visiblement jeune de la plupart des soldats, l'étalon en déduit qu'il ne s'agissait probablement que de novices, tout juste recrutés, et n'ayant encore jamais vu la moindre bataille.
À part peut-être celui-ci, au milieu, qui venait de leur adresser la parole, plus âgé, blanc aux yeux jaunes, et avec une étoile dorée fixée sur un plastron argenté. Et si les crins qui dépassaient de l'ouverture à l'arrière de son casque étaient les siens, alors ils étaient noirs grisonnants.
Dans tous les cas, ils pointaient toujours leurs dizaines de lances sur les deux intrus. Il fallait bien leur répondre quelque chose.
- Je … commença à articuler le Docteur.
- Twilight Sparkle ! S'écria la licorne violette. Et voici … Time … Time Turner !
- « Time Turner » ?
- Et que faites vous ici ? Enchaina le soldat gradé.
- On … on est arrivé par accident. Time Turner a fait une erreur de manipulation avec la … cabine de téléportation.
Le soldat regarda l'étalon marron, comme pour le jauger.
- C'est un terrestre, dit-il. Comment peut-il utiliser un objet magique ?
- Il est conçu pour être utilisable sans magie.
Le soldat gradé regarda curieusement le TARDIS, visiblement sceptique.
- Pourquoi faire, un artefact de ce genre ?
- c'est une expérimentation.
- Quoi qu'il en soit, les civils ne sont pas tolérés dans le campement. Je vais devoir vous demander de quitter les lieux.
- Excusez moi, Lieutenant Strong Hoof, l'interrompit un autre soldat, mais cette licorne a appelé le terrestre « Docteur » …
- Je vois où vous voulez en venir, Virtuous Sword, mais il en est hors de question.
- Vous avez besoin d'un docteur ? Demanda ledit terrestre.
- Ça ne te concerne pas, paysan !
- Paysan ? Je ne suis pas un paysan !
- Pour autant que je sache, tous les terrestres sont des paysans, à moins qu'une quelconque blessure ne t'empêche de travailler, flanc terreux.
- Avez-vous quelque chose contre les terrestres ? Demanda alors Twilight.
Le regard du Lieutenant passa du Docteur à Twilight. Il réfléchit quelques secondes, puis s'adressa à nouveau à la licorne violette.
- Si je puis me permettre, madame, vous avez de drôles de fréquentations.
- Non, mais vous…
Twilight s'arrêta brusquement, comme si elle venait de comprendre quelque chose. Elle jeta un regard au Docteur, puis se retourna vers Strong Hoof.
« Peu importe. Où sommes-nous ? Et en quelle année ? »
Les soldats se regardèrent mutuellement, intrigués. Qu'ils soient perdus, d'accord, mais ne plus se rappeler de l'année…
- Vous êtes dans notre camp militaire provisoire, aux abords du massif Maremoriquain. Pour l'année, cela dépend à quel calendrier vous vous référez. Nous sommes dans la cent seizième année de l'existence du royaume licorne, et dans la treizième année du règne de notre roi, Maximus.
- Maximus Premier ? Le magnifique ?
- Oui, qui d'autre ?
- Haem … vous pouvez m'excuser une seconde ?
Elle se retourna, face au TARDIS, et fit signe au Docteur de faire de même. Il s'exécuta. Elle posa son sabot sur l'encolure de l'étalon pour le faire se rapprocher, puis s'exprima à voix basse :
- Franchement, Docteur, bravo ! Juste quelques siècles, vous disiez. Vous nous avez ramené presque deux mille ans dans le passé ! Avant même la création d'Equestria !
- Ah … et… ça pose un problème particulier ?
- Oui : les trois grandes races de poneys sont en conflit à cette époque, et ils le seront pendant encore plusieurs siècles. Ensuite, cela m'éclaire énormément sur vos capacités à piloter votre TARDIS. Et franchement, j'ai de bonnes raisons de m'inquiéter.
- Il est en rodage, et moi aussi.
- Vous avez intérêt à me ramener chez moi, quand nous en aurons fini avec eux.
- C'est promis.
- Madame, pardonnez-moi d'insister, reprit le Lieutenant Strong Hoof, mais vous devriez vraiment quitter les lieux.
Twilight semblait se souvenir qu'ils étaient encore entourés par des soldats, et se retourna vers ces derniers.
- Nous le ferons, dès que nous aurons trouvé un moyen, répondit-elle en jetant un regard accusateur au Docteur.
- Lieutenant ?
Un autre soldat s'approcha du demi-cercle que formait ses camarades autour du TARDIS, et se dirigea résolument vers son supérieur, n'accordant qu'un bref coup d'œil aux deux intrus.
- Qu'y a-t-il Caporal ?
- Ça a recommencé.
Strong Hoof dévisagea le Caporal, visiblement partagé entre la surprise et l'effroi.
- Qui ? Demanda-t-il simplement.
- Le soldat Skilled Blade, pendant sa ronde.
Le Lieutenant poussa un grognement frustré. Visiblement, ils avaient des problèmes qui ne s'arrangeaient pas.
- Que lui est-il arrivé ? Voulut savoir le Docteur.
- Cela ne vous concerne pas ! Aboya Strong Hoof, à présent hors de lui.
Il se retourna ensuite vers ses soldats.
- Je vais en informer le Commandant. Vous, escortez ces deux intrus à l'extérieur. Je ne veux pas de problèmes supplémentaires.
- A vos ordres.
***
Le TARDIS claqua au sol, lorsque les soldats le posèrent sans ménagement sur le chemin, à l'extérieur du camp.
- Hey ! Allez y doucement ! S'écria le Docteur. Ce n'est pas un ballot de paille !
- Voilà, dit l'un d'eux, sans se préoccuper des indignations de l'étalon brun. À présent, vous ferez route sans nous. Ce n'est pas contre vous, mais nous sommes en mission pour sa majesté, et nous ne pouvons prendre le risque d'être retardé.
- En mission pour quoi ? Demanda Twilight par curiosité.
- Je suis désolé madame, mais je n'ai pas l'autorisation d'en parler avec des civils. La mission est classée secrète.
- Et vous savez quel mal a touché votre camarade ? Voulu savoir le Docteur. Il n'était pas le premier apparemment.
- Les affaires des licornes ne concernent pas les paysans, répondit-il sévèrement.
- Je ne suis pas un paysan !
- Le Docteur … heu … Time Turner n'est pas un paria ! S'énerva Twilight. C'est un poney comme vous, et vous devriez le traiter comme tel !
Le soldat concerné, un jaune avec une crinière rouge, regarda bizarrement la licorne violette, comme si elle avait quelque chose de visqueux collé sur le visage.
- Et d'ailleurs, la question m'intéresse également, précisa Twilight.
Un autre soldat s'avança. C'était Virtuous Sword, le même qui avait fait remarquer à son lieutenant que le terrestre était docteur. Il était bleu pâle, avec une crinière bleue foncée, et des yeux roses, pleins d'intelligence.
- Je suis désolé, mais nous ne pouvons pas non plus vous divulguer ces informations, ordre de nos supérieurs.
- Il est inquiet, dit le Docteur. Et vous aussi, apparemment.
- Je ne vous le cache pas …
- Virtuous Sword ! Laisse ce terrestre hors de nos affaires ! Le coupa le premier garde.
- Il pourrait peut-être nous aider, si le Lieut …
- Nous n'avons rien à faire avec eux !
- Ils nous fournissent les trois-quarts de nos vivres ! Nous avons beaucoup à faire avec eux !
- C'est pour eux que nous faisons se lever le soleil et la lune ! Ils nous doivent le respect !
- Non, mais vous vous entendez parler ? S'offusqua Twilight. Vous vous dites seigneurs et vous vous comportez comme des tyrans !
Le soldat sursauta aux accusations de Twilight, et la dévisagea à nouveau comme une bête curieuse. Finalement, il renonça à argumenter davantage. « Bonne route madame », dit-il rapidement avant de se retourner pour revenir au campement, sans avoir manqué de lancer un regard haineux à Virtuous Sword. Il fut rapidement suivi par les autres soldats, mais Virtuous resta quelques instants avec les deux voyageurs.
- Vous savez, on ne pense pas tous de la même manière. Dit-il. Je suis désolé que Clashing Zeal soit aussi hargneux.
- Ça ne fait rien, le rassura Twilight. Vous, au moins, vous êtes compréhensif.
- Merci. Bien, alors je vous souhaite une bonne route. Madame Sparkle. Monsieur Turner.
Le soldat leur fit un bref salut avant de partir à la suite de ses camarades. Le Docteur se tourna alors vers Twilight.
- « Time Turner » ? Vous n'avez rien trouvé de mieux ?
- Je n'allais quand même pas leur dire que vous vous appelez « le Docteur ».
- Et qu'est-ce que c'est que cette histoire de faire se lever le soleil et la lune ?
- Mais d'où est-ce que vous… Ah, j'oubliais, vous n'êtes pas vraiment d'ici. En fait, avant l'arrivée des sœurs célestes, la Princesse Celestia et la Princesse Luna, ce sont les licornes qui faisaient se mouvoir les deux astres autour de la planète.
- Ils ne bougent pas d'eux-mêmes ?
- Non. Depuis des milliers d'années, il faut les faire bouger par magie. Les scientifiques s'interrogent encore sur ce qui a provoqué cette situation. Mais beaucoup pensent qu'il s'agit d'un cataclysme magique astrale.
Le Docteur était stupéfait : de tous ses voyages, il n'avait jamais vu une conception astrologique comme celle-là.
- … Vous savez, votre monde m'intrigue de plus en plus. Et comment vous faites ça ? Il doit falloir une quantité d'énergie phénoménale pour faire bouger un astre entier.
- En fait, selon les écrits de l'époque, il fallait mille licornes surentraînées pour chaque astre.
- C'est loin d'être suffisant. Il doit y avoir quelque chose d'autre qui joue là-dedans…
- Docteur, avant que vous n'essayiez de comprendre les mécanismes cosmiques autour de notre planète, je pense que nous avons des questions plus importantes à régler.
- Vous avez raison. Quel genre de problème ces soldats cherchaient-ils à nous cacher ?
- En fait, je pensais à un moyen de rentrer au départ.
- Oh, ça. Ne vous en faites pas. Une fois recalibré, le TARDIS sera capable de nous ramener chez vous sans encombre.
- Je l'espère pour vous.
- Ne vous en faites pas pour ça. Mais je vous avoue que pour le moment, je suis surtout curieux de savoir ce qui se passe dans ce campement. Je n'aime pas les militaires d'habitude, mais là, ça m'intrigue.
- J'admets me poser quelques questions également. Mais il ne faut pas compter sur eux pour nous l'expliquer.
Le Docteur lança un regard complice à Twilight, comme un poulain prêt à demander si elle voulait jouer avec lui.
- Vous avez envie de savoir ?
Twilight dévisagea l'étalon pendant quelques secondes. Qu'avait-il encore l'intention de faire ? Les espionner ? Au risque de se faire arrêter ? Cela en valait-il le coup ? Ce n'était définitivement pas raisonnable.
Remarque, s'embarquer pour une aventure à travers le temps et l'espace, en compagnie d'un étalon qu'elle ne connaissait que depuis douze heures… le fait même de pouvoir se mouvoir dans le temps dépassait toute raison. Alors mener une simple enquête…
Et puis, elle devait l'admettre, elle était curieuse de savoir quel phénomène terrifiait à ce point les soldats de cette expédition. Il était peu probable qu'il s'agisse d'une attaque ennemie : le caporal a précisé « ça », et non « il ».
Et va savoir pourquoi, mais l'attitude du Docteur se répercutait quelque peu sur la licorne : partir à l'aventure pour découvrir un mystère… était une idée assez… réjouissante.
Finalement, la curiosité l'emporta sur la prudence. Elle sourit au Seigneur du Temps.
- J'ai très envie de savoir.
***
- Franchement, il finit par en devenir agaçant, à force, protesta Clashing Zeal. Comme si on pouvait ramener au même niveau les licornes et les autres races.
- Personnellement, j'espère que sa sympathie ne va pas aux pégases, ajouta son voisin, un soldat à la robe noire. Ils arrivent du sud et sont sur le point de se lancer à la conquête du ciel Prançais.
Les deux compères faisaient partie d'un groupe de quatre soldats. Des éclaireurs partis surveiller les alentours du campement pendant la nuit. Chacun avait sa corne allumée, pour lui servir d'éclairage, leur lance au côté, et tous suivaient un Caporal, vert kaki à crinière noire, qui essayait de trouver un chemin praticable parmi les buissons qui peuplaient la forêt.
- Ils ne pensent qu'à étendre leur empire, mais ils oublient que nous pouvons également influencer la météo par magie. Nous n'avons pas besoin d'eux, et nous ne devons pas les laisser prétendre à leur suprématie.
- Je suis d'accord.
- Restez concentrés vous deux ! Lança le Caporal. Vous discuterez de tout ça pendant votre temps de repos. Pour le moment, essayez de garder les yeux ouverts.
- Bien Caporal.
Ils n'en rajoutèrent pas plus, et se tournèrent à droite et à gauche, guettant le moindre mouvement suspect. Mais les ombres dansantes à la lueur de leurs cornes ne leur facilitaient pas la tâche. Les formes étranges et inquiétantes données par les branches étaient omniprésentes, la forêt elle-même semblait réticente à les laisser patrouiller, et laissait planer une atmosphère pesante partout où elle s'étendait.
Un craquement de branche fit sursauter Clashing Zeal, qui se tourna immédiatement vers un ensemble de buissons proche.
- Attendez, je crois que j'ai entendu quelque chose, dit-il.
- Bah, probablement un lapin. Il y a pas mal d'animaux dans cette forêt, dit le Caporal.
- Vous ne voulez pas vérifier ?
- Vas-y si tu y tiens, mais crois moi, tu ne verras rien de très intéressant.
Clashing Zeal jeta un regard étrange à son supérieur, puis reporta son attention vers le bosquet. Il fit quelques pas entre les buissons, contourna les branchages, et s'enfonça dans la verdure, disparaissant à la vue de ses camarades.
- On voit qu'il n'a jamais fait d'expédition en forêt, commenta le Caporal.
Le soldat s'aventura parmi les plantes menaçantes, cherchant ce qui avait bien pu provoquer ce craquement. D'humeur joueuse, les autres éclaireurs commencèrent à se moquer.
- Non, il a raison, si ça se trouve, ça pourrait être un énorme timberwolf, dit le troisième soldat, un gris à crinière mauve, assez fort pour que Clashing Zeal entende. Ou peut-être un manticore.
- Ou alors… la « chose », plaisanta le deuxième soldat.
- Black Spear, ne plaisante pas avec ça ! Le réprimanda le Caporal.
- Si je meurs, vous l'aurez sur la conscience, lança Clashing Zeal.
Frustré, et se sentant soudainement ridicule, le soldat voulu faire demi-tour, mais quelque chose attira son attention : au loin, à l'ombre des arbres, il y avait une silhouette. Une silhouette qui se déplaçait.
Elle avait la taille et la forme d'un poney, marchant perpendiculairement au soldat, et ondulant avec le vent, comme s'il portait une cape.
Non, en fait c'était un poney avec une cape. La capuche était remontée, cachant sa tête au regard de Clashing Zeal. Impossible de déterminer si il s'agissait d'un terrestre, d'un pégase ou d'une licorne.
Rapidement, la silhouette changea de direction et s'éloigna, passant derrière une rangée d'arbres, hors de vue du soldat. L'apparition donnait froid dans le dos à l'éclaireur … mais il se ressaisit rapidement : c'est vrai, ce n'était qu'un poney ordinaire. Lui, était un soldat de l'armée licorne, entrainé à l'art du combat magique. Qu'avait-il à craindre ?
- Alors, qu'est-ce que tu fais, demanda Black Spear.
- Je crois avoir vu quelqu'un.
- Quelqu'un ? Il n'y a pas d'habitations à des lieux à la ronde. À part les deux intrus de ce matin, nous n'avons vu personne aux alentours depuis notre arrivée.
- pourtant, je suis sûr d'avoir vu un poney là-bas… Attendez, je vais voir.
- Clashing Zeal, attends-nous ! On n'est pas sensé se quitter d'un fer !
- Soldat, revenez ! C'est un ordre ! Lança le Caporal.
Clashing Zeal ne les écoutait plus. Il sortit des fourrés et partit à la poursuite de l'inconnu. Il se rendit d'abord sous l'arbre où il l'avait aperçu pour la dernière fois, puis suivit la direction que le poney avait prise. Mais étrangement, ce dernier avait comme disparu : il n'était plus devant le soldat. Intrigué, ce dernier regarda autour de lui. Partout, des arbres, des bosquets, des plantes, quelques formations rocheuses, mais aucune trace de l'inconnu. Où avait-il bien pu passer ?
Clashing Zeal regarda autour de lui, essayant de déterminer la route la plus vraisemblable qu'il ait pu suivre. En cherchant, il fit le tour d'un rocher…
Et c'est là qu'ils les virent : ils étaient trois, en demi-cercle, tous de dos, le corps couvert par une grande cape et une capuche. Ils étaient tous identiques, impossible de déterminer lequel était celui qui lui était passé devant. Ils discutaient à voix basse, de sorte que Clashing Zeal ne puisse pas les entendre. Finalement, il décida de les interpeller, et pointa sa lance sur eux.
- Hey, vous, déclinez votre identité !
L'un d'eux bougea légèrement la tête, mais ils ne réagirent pas plus, du moins en apparence. Refusant de se laisser ignorer, il se répéta :
- J'ai dit : déclinez votre identité !
- Tu ne nous intéresses pas, licorne, répondit l'un d'eux.
Sa voix était profonde, sans être vraiment grave, presque irréelle, mais Clashing Zeal ne s'en préoccupa pas, furieux d'avoir été dénigré de la sorte.
- Vous allez me répondre ! Je suis soldat de l'armée licorne, et je ne laisserai pas des poneys vulgaires me tenir tête !
- Tu n'as pas besoin de savoir qui nous sommes, répondit un autre avec la même nonchalance que le premier. Et nous n'avons pas besoin de toi non plus.
- À quelle race appartenez-vous ?
Clashing Zeal s'approcha du groupe, déterminé à recevoir une réponse. Entre-temps, il pu entendre quelques mots de leur conversation :
- Pourrions nous ? Ils se montreraient plus méfiants encore.
- Il n'est pas utile, et aucun d'eux n'est indispensable.
- Alors c'est entendu.
- Pour la dernière fois, qui êtes-vous ?! S'énerva le soldat en agrippant magiquement le vêtement du plus proche.
L'individu se retourna vivement tandis que sa capuche tombait.
Un hurlement de terreur s'éleva dans la nuit, mais il ne dura pas.
***
Le hurlement retentit dans une bonne partie de la forêt, faisant sursauter Twilight et le Docteur, qui s'étaient abrités derrière un fourré pour épier l'entrée du campement.
- C'était quoi ça ? Demanda la licorne violette, nerveuse.
- Soit c'était un éclaireur attaqué par une bête sauvage, soit c'était le phénomène qu'ils cherchent tant à nous cacher. Répondit le Docteur.
- Et vous penchez pour quelle solution ?
- Plutôt la seconde.
Le Docteur sortit précipitamment des fougères et galopa dans la direction du cri. Twilight réalisa soudain ce qu'était en train de faire l'étalon, et sortit à son tour pour se lancer à sa suite. Elle fit luire sa corne afin d'éclairer le chemin.
- Docteur, ça pourrait être dangereux ! Dit-elle.
- Oui, sans doute.
- Et nous sommes en train de galoper directement vers le danger.
- Oui.
- Dites, vous faites ça souvent ?
- Très.
Le Docteur s'arrêta soudainement et regarda autour de lui.
- Ça devait être quelque part dans le coin. Vous voyez quelque chose ?
- Non… si ! De la lumière là-bas !
- Une patrouille. Celui qui a crié devait être un des leurs, et maintenant, ils le cherchent eux aussi. Venez.
Le Docteur se remit en marche, Twilight sur les sabots. Ils allèrent au-devant des soldats, vers un ensemble d'énormes rochers, qui dressaient leur masse imposante à quelques dizaines de mètres. Sans hésiter, l'étalon se faufila entre les formes sombres.
- Normalement, ça a dû se passer quelque part par ici, dit l'étalon.
Il inspecta rapidement les lieux, mais il y avait quelque chose d'étrange dans cet environnement. Le Docteur renifla. Intrigué, il renifla encore.
- Twilight, vous sentez ça ?
-Oui, on dirait … une odeur de brulé … ou du métal en fusion.
- Peut-être les deux. Je crois qu'il y a eu une altération de la réalité ici.
Alors que le Docteur cherchait autour de lui, Twilight aperçu de la lumière : le faisceau d'une corne, qui se rapprochait de leur position.
- Docteur ?
- Une altération assez violente d'ailleurs. En comparaison avec la magie licorne. J'ai connu des créatures dans mon univers qui en étaient également capables.
- Docteur ?
- Mais ça n'explique pas cette odeur de brûlé. Je ne vois aucun signe de combustion. Peut-être que…
- Docteur !
- Quoi ?
- Qu'est-ce que vous faites là ? Cria une autre voix.
Les deux complices se retournèrent au moment où un soldat licorne pointa sa lumière directement dans leur direction.
- Tiens, bonsoir caporal, dit alors le Docteur en reconnaissant le soldat qu'il avait aperçu plus tôt au campement.
Le caporal pointa sa lance sur les deux poneys.
- J'ose espérer que vous n'avez rien à voir avec ça. Pourquoi est-ce que je vous retrouve aux alentours du campement alors que nous vous avions clairement demandé de passer votre chemin ?
- En fait, on a entendu crier, et on a voulu voir ce qui se passait.
Deux autres soldats arrivèrent à la suite du caporal, et l'imitèrent avec leurs propres armes.
- Mais vous deviez bien vous trouver dans les environs, pour être venus aussi rapidement.
- Haem … c'est pas faux.
- Pour le moment, je ne vous poserai qu'une question : où est Clashing Zeal ?
- Clashing Zeal ? C'est lequel déjà ?
- Ce n'est pas le jaune avec la crinière rouge de tout à l'heure ? demanda Twilight.
- C'est lui. Alors pouvez-vous nous dire où il est ?
- En fait, reprit le Docteur, si c'est celui qu'on a entendu crier, non : on le cherche nous aussi.
Alors que les étalons continuaient à discuter, Twilight regarda à nouveau autour d'elle. Si il s'était passé quelque chose ici, il devait bien y en avoir des traces quelque part…
- Et qu'espériez vous faire après l'avoir trouvé, demanda le Caporal.
- À votre avis ? S'offusqua le Docteur.
L'attention de Twilight se porta sur un étrange changement de couleur sur le rocher directement à côté d'elle. Il y avait une grande marque noire, comme une fine couche de charbon. Et entrecroisé avec, il y avait d'autres parties où la pierre était recouverte d'un autre matériau, rugueux, mais brillant, comme si on y avait projeté du fer en fusion.
- Docteur ?
- On allait quand même pas rester là alors qu'une pers… qu'un poney était en train de hurler !
- Docteur !!
- Quoi encore Twilight ?
Pour toute réponse, Twilight éclaira à nouveau la surface de l'énorme pierre, si étrangement décorée.
- Mais qu'est-ce que…
Le Docteur voulut approcher pour observer les marques, mais son sabot butta contre un objet, long et arrondi. Il baissa les yeux. Il était en bois, mais ce n'était pas une branche, ni une racine. C'était une lance. Une lance abandonnée. Une lance de soldat licorne. Il releva nerveusement la tête, et vit Twilight approcher curieusement son sabot de la formation.
« Twilight … »
La licorne se retourna, et vit le Docteur, un de ses propres sabots sur la lance au sol. Elle se retourna vers le rocher, puis à nouveau la lance, et encore la marque, qui avait une forme vaguement équine…
Soudain, elle plaça un sabot sur sa bouche, étouffant un cri en comprenant l'horreur qu'elle avait en réalité sous les yeux.
« Je crois que nous avons retrouvé le soldat Clashing Zeal ».
***
« Il a littéralement été carbonisé ».
Le Docteur était en train de scanner les restes du soldat avec son tournevis sonique, qu'il tenait pour une fois entre ses sabots, pour pouvoir parler en même temps. Twilight le regardait travailler, assise à quelques mètres, tremblant comme une feuille. Les autres soldats, s'ils essayaient visiblement de rester stoïques, n'arrivaient pas à cacher leur propre appréhension.
- Il ne reste que du carbone et le fer de son armure. Tout le reste a été vaporisé. Ça a dû se passer en quelques secondes, et l'énergie déployée devait être énorme pour arriver à ce point de combustion.
- Eh bien, je crois qu'on l'aura sur la conscience, dit alors le soldat Black Spear.
- S'il te plaît Black, n'en rajoute pas ! Le réprimanda le Caporal.
Le chef d'équipe pointa à nouveau sa lance vers le Docteur.
- Et vous, vous allez vous éloigner de ce rocher ! Cette affaire ne concerne que l'armée licorne !
Le Docteur rangea son tournevis dans son col de cravate et fit face au Caporal.
- Et avez-vous ne serait-ce que la moindre idée de ce qu'il lui est arrivé ? Vous cachez vos problèmes aux yeux du monde parce que vous êtes trop fier pour avouer que vous avez des difficultés !
- Il a été victime d'une combustion instantanée ! C'est un accident magique qui arrive parfois aux licornes désespérées lorsqu'elles subissent un stress important !
- Ne racontez pas de bêtises ! L'instinct de survie est trop solidement ancré dans votre psychique pour vous permettre un suicide involontaire ! En plus, même volontairement, il aurait été incapable d'atteindre un tel niveau de combustion par lui-même !
- Qu'est-ce qui vous permet de prétendre en savoir autant sur les licornes ? Vous êtes un terrestre ! Un vulgaire paysan ! Qu'est-ce que vous comprenez à la magie ?
- Pour la dernière fois, je ne suis pas un paysan !
- SILENCE !
Tous se tournèrent vers Twilight, qui avait l'air à bout de nerfs, et prête aussi bien à piquer une crise de colère qu'à fondre en larmes.
- S'il vous plaît, taisez-vous. Un poney vient de mourir, et je suis sûre que ce n'était pas le premier. Alors arrêtez de vous chamailler et essayez de trouver une solution, s'il vous plaît.
Alors qu'elle finissait sa phrase, Twilight semblait perdre sa force mentale. Elle baissa la tête, comme prise d'une soudaine fatigue. Les étalons se regardèrent, peu sûrs de savoir comment réagir. Finalement, la licorne violette soupira, se remit debout, et se tourna vers le Caporal.
- Est-ce que vous savez réellement ce qu'il leur est arrivé ? Pourquoi ils sont devenus des tas de cendres ?
Le soldat marqua un temps d'hésitation.
- Je ne devrais pas en parler… j'ai des ordres de mes supérieurs…
- S'il vous plaît, laissez-nous vous aider. Le Docteur est très doué pour ce genre de chose. Je l'ai vu en action. Si il y a bien quelqu'un pour ce genre de situation, c'est lui.
Le poney vert se tourna vers le Docteur, indécis.
- Vous êtes un terrestre.
- Je suis bien plus que ça.
Il hésita encore plusieurs instants. De toute façon, ils avaient déjà compris une bonne partie de l'histoire. Il soupira bruyamment.
- En fait, nous n'en savons rien. Depuis que nous sommes partis, plusieurs de nos éclaireurs et soldats ont disparu de la même manière, partis en fumée. Nous pensions d'abord à la combustion instantanée, il y a des rumeurs à ce sujet, et certaines maladies peuvent déclencher ce phénomène. Nous pensions envoyer un messager demander l'aide d'un docteur, au cas où l'origine soit médicale, mais certains ont eu le temps de crier avant d'être changés en cendres. Pas de douleur, mais de terreur. Certains pensent maintenant que c'est quelque chose de vivant qui provoque ça.
Il se tourna brièvement vers les restes du soldat, sur le rocher.
- Clashing Zeal suivait quelqu'un dans le noir quand on l'a perdu de vue. Maintenant, il n'y a plus de doutes possibles. Tous ces poneys ont bien été assassinés.
- Mais chef, les interrompit Black Spear, c'est peut-être ces deux-là que Clashing Zeal suivait. Ils pourraient être impliqués.
Le soldat pointa sa lance vers Twilight, menaçant. Cette dernière se mit immédiatement à paniquer.
- Quoi ? Mais nous n'y sommes pour rien ! On vous le jure !
- Black Spear, ça suffit ! S'énerva le Caporal. Redresse ta lance !
Le soldat grogna, mais obéit malgré tout. Le Caporal revint vers les deux suspects.
- Vu votre réaction en découvrant les restes de Clashing Zeal, je doute que vous y soyez pour quelque chose. Mais Black Spear a raison : nous avons de bonnes raisons de vous suspecter. Alors voilà ce qui va se passer, je vais vous amener à mon supérieur, et essayer de vous placer sous surveillance. Si les … incidents se reproduisent, nous serons fixés.
- Vous voulez qu'on fasse le voyage avec vous ? Voulut s'assurer le Docteur.
- C'est le seul moyen de vous garder à l'œil. À moins que le Lieutenant Strong Hoof en décide autrement. Et puis… si vous pouvez vraiment nous aider, ainsi, vous aurez une bonne raison de nous suivre. Mais n'allez pas vous imaginer des choses : vous êtes un terrestre, vous n'avez aucune importance pour nous, et cela restera ainsi.
- Ah bah, c'est sympa de votre part !
Les deux autres soldats regardèrent avec étonnement leur Caporal, presque choqués par la décision qu'il venait de prendre. Accorder sa confiance à un terrestre ? Un paysan ? Peut-être pas : il fit signe à ses coéquipiers de baisser leurs lances, ce qu'ils firent.
- Passez devant.
- Ce serait trop demandé que vous pointiez vos armes vers autre chose ? Protesta le Docteur.
- Malheureusement pour vous, oui.
Le seigneur du Temps grogna de frustration.
- Je déteste quand on se balade près de moi avec une arme.
***
"Vous avez quoi ?!"
La troupe d'éclaireurs se trouvait à présent dans la tente la plus grande du campement, où était installée une table couverte de cartes, ainsi que la couchette du Commandant de la mission. Ce dernier était présent : grand, musclé, gris foncé à crinière gris clair, et vêtu d'une armure dorée très reconnaissable. Il observait la scène qui se déroulait sous ses yeux : le Lieutenant Strong Hoof, hors de lui, était face à face avec le Caporal vert, derrière lequel se tenaient ses deux derniers soldats, encerclant Twilight et le Docteur.
- Ils en savaient déjà autant que nous, se défendit le Caporal. Voir plus. Ils me paraissent de bonne foi, mais dans le doute, j'ai préféré les emmener au campement, sous bonne garde.
- Vous auriez dû les embrocher sur-place !
- Calmez-vous Lieutenant Strong Hoof, ordonna calmement le Commandant. La question n'est pas de savoir ce qui aurait dû être fait, mais de ce qui doit l'être maintenant.
- Eh bien, nous pourrions commencer par mettre le Caporal Reliable Stone aux arrêts, pour insubordination !
- Lieutenant, vous ne trouvez pas que nous avons déjà perdu suffisamment de soldats pour nous permettre de nous débarrasser d'un poney de plus ?
- Non, mais…
- Alors laissez Reliable Stone tranquille, et occupons-nous plutôt du cas de ces deux fouineurs. Que faisiez-vous aux abords du campement ?
- Je suppose que mentir ne servirait à rien, commença le Docteur. En fait, nous avons compris en arrivant que vous aviez un gros problème dont vous refusiez de parler. Alors on a voulu essayer d'en connaître la nature.
- Vous voyez ? Tonna à nouveau le Lieutenant. Des espions ! Des traitres, probablement à la solde de rebelles !
- Taisez vous Lieutenant Strong Hoof, répondit le Commandant. N'allez pas trop vite en conclusions.
Strong Hoof se retourna vivement, cherchant comment répliquer. Mais contester son supérieur étant peu recommandé, il se contenta de pousser un grognement frustré et de se décaler pour laisser le Commandant se rapprocher.
- Qu'est-ce qui vous a motivé dans cette entreprise ? Demanda ce dernier.
- La curiosité, et le besoin d'aider, je suppose, répondit le Docteur.
Le Commandant regarda l'étalon plus en détail, comme pour le jauger. Ses yeux se posèrent quelques instants sur le sablier sur son flanc.
- Vous prétendez être docteur, mais votre marque de beauté montre plutôt une prédisposition pour les choses liées au temps.
- Je suppose qu'on a le droit d'exercer une profession qui n'ait pas forcément de rapport avec ses talents.
- C'est inhabituel, mais vrai. Mais pouvez vous prouver vos dires ? Avez vous un doctorat ?
- J'en ai un dans mon… dans la cabine qu'on a laissée sur la route, mais il y a eu un problème avec la date, du coup, il ne vaut rien.
Le Commandant leva un sourcil, intrigué, mais n'en dit pas plus. Il préféra se tourner vers Twilight.
- Et que pouvez-vous nous dire à propos de vous ? Je crains de ne pas comprendre la signification de votre marque.
- En fait, mon talent est la magie.
- Et que fait une jeune licorne magicienne en compagnie d'un terrestre ?
- En fait… disons juste que nous faisons route ensemble.
- Où vous rendiez vous ?
- Ah … eh bien… à la ville la plus proche.
Le Commandant prit un air suspicieux.
- Pour y faire quoi ?
- Juste… pour voyager. Vous savez ce qu'on dit, les voyages forment la jeunesse …
Twilight était de plus en plus nerveuse. Comment réagirait-il si elle disait qu'elle avait voyagé dans le temps avec un extra-terrestre ? Dans le doute, elle préférait s'abstenir de le révéler. Mais alors que lui dire à la place ? Il paraissait de plus en plus septique, et qui sait ce qu'il pouvait leur faire en cas de doute ?
- Je ne connais pas ce proverbe, reprit le Commandant.
- Oh, mais on ne vient sans doute pas de la même région que vous, c'est pour ça.
- Et d'où venez-vous alors ?
- De … euh … Scoltland.
Devant l'air intrigué du militaire, elle désigna le Docteur de la tête.
- Allez, vous avez bien entendu son accent. (note : dans la version originale, le dixième Docteur a un accent écossais, Scotland en anglais).
Le Commandant regarda brièvement le Docteur, néanmoins peu convaincu. Il réfléchit quelques instants avant de reprendre.
- J'ai l'impression que vous me cachez quelque chose.
- C'est ce que je disais, Commandant : des espions, s'exclama Strong Hoof.
- Lieutenant, il me semble déjà connaître votre avis. Ce que je voudrais surtout savoir, c'est si il y a un lien entre vous deux, et la disparition de mes soldats.
- Permission de m'exprimer Commandant ? Demanda le Caporal Reliable Stone.
- Permission accordée.
- Si je puis me permettre, je ne prétends pas savoir si ils ont effectivement un lien avec le phénomène, mais je pense qu'ils sont capables de nous apporter des éléments de réponse.
- Je ne demande que ça, commenta le Docteur.
- Alors je suggère de les garder avec nous, sous surveillance, afin d'en apprendre davantage, et de les garder à l'œil si ils sont effectivement impliqués.
Le Commandant mit un sabot à son menton, pensif.
- Oui, votre idée est très sensée, et très bien pensée. Alors… Vous et vos soldats, vous chargerez de surveiller nos deux invités.
- Monsieur ?
- Et vous prendrez un quatrième soldat avec vous, pour compléter votre équipe.
- Euh … bien monsieur. À vos ordres Commandant.
- Bien. Veillez à ce qu'ils se reposent, et à ce qu'ils reçoivent une ration de nourriture.
- Monsieur, deux bouches à nourrir supplémentaires ? S'offusqua le Lieutenant. Et un terrestre en plus !
- Vous ne voudriez pas que nos suspects meurent de faim. Et puis, ceux qui devaient en profiter ne sont malheureusement plus de ce monde. Vous n'y voyez pas d'inconvénient ? Si ?
Encore une fois, Strong Hoof se trouva à cours de mots. Il secoua la tête, mais ne chercha pas à contester davantage.
- Bien. Alors vous pouvez disposer. Trouvez-leur une tente utilisable, et surveillez les jusqu'à demain. Nous lèverons le camp à l'aube.
Sur ce, les trois soldats saluèrent leurs supérieurs et firent demi-tour pour sortir de la tente. Le Docteur et Twilight n'eurent d'autres choix que de marcher avec eux. Ils passèrent devant et retournèrent à l'extérieur. Une fois seul avec Strong Hoof, le Commandant se tourna vers ce dernier.
- Vous devriez prendre exemple sur ce prometteur Caporal, lui dit-il. Lui, au moins, il arrive à proposer des solutions alternatives n'impliquant pas la nécessité de supprimer un poney.
Le Lieutenant voulu répondre, mais son supérieur le coupa d'un signe du sabot.
- Je sais à quoi vous pensez. Mais vos solutions sont loin d'être les plus sûres. Vous avez de la chance d'être sous mon commandement : un autre n'aurait pas été si indulgent à votre égard, face à tant de protestations et d'agressivité. Me suis-je bien fait comprendre ?
- Tout à fait monsieur.
- Alors vous pouvez disposer également.
- Merci monsieur.
Strong Hoof sortit à son tour de la tente. Le Commandant retourna à sa table de fortune. C'était bien beau toute cette histoire, mais si il arrivait à régler cette affaire avant d'arriver à destination, ce serait préférable.
***
- Vous aurez cette tente à disposition pour la nuit, expliqua Reliable Stone, devant l'entrée de l'abri. Installez-vous. Black Spear et Swift Axe resteront ici pour vous surveiller. Pendant ce temps, j'irai vous chercher de quoi vous restaurer, ainsi qu'un garde supplémentaire.
- Et je vous préviens, si vous êtes responsable de tout ça… menaça Black Spear.
- Ne vous en faites pas : ce n'est pas le cas, le coupa le Docteur.
- Vous avez intérêt.
Le Docteur entra avec Twilight, laissant leurs deux geôliers à l'extérieur. La tente ne contenait que deux couchettes. Twilight s'allongea directement sur l'une d'elles, tandis que le Seigneur du Temps grimpait sur l'autre. La licorne violette semblait épuisée, sans doute plus mentalement que physiquement.
- Ça ira pour vous ? S'inquiéta l'étalon.
- Je ne sais pas… je me sens… vidée. Tout ça, c'est difficile à assimiler.
- Le fait de voyager dans le temps ?
- Pas ça, mais tout le reste. Il y a quelque chose ici… qui réduit les poneys en cendres en quelques secondes, et… ça me fait peur Docteur.
- C'est normal. Seul un idiot n'aurait pas peur dans ce genre de situation.
- Mais vous Docteur, vous… ça n'a pas l'air de vous étonner. On dirait que vous avez déjà vu ça au moins une centaine de fois.
- « Un millier » serait plus proche de la réalité.
Twilight tourna la tête dans sa direction, comme si cet aveu l'avait frappée au visage.
- On voit pas mal de choses quand on voyage dans les étoiles pendant neuf cent ans, dit-il simplement.
- C'est vraiment votre pain quotidien ?
- Ça dépend. Mais… en fait, oui.
- Comment faites-vous pour vivre parmi tant d'horreur ?
Le Docteur ne répondit pas, et préféra se retourner pour regarder le plafond. Comprenant qu'elle n'aurait pas de réponse, Twilight l'imita avant d'enchaîner avec une autre question.
- C'est toujours comme ça quand vous atterrissez quelque part ? Vous trouvez quelque chose de dangereux à proximité et vous décidez de lui courir après ?
- Non, il y a des coins dans l'univers… enfin, en tout cas dans mon univers, qui sont assez tranquilles. Le danger n'est pas tapis dans chaque recoin de l'existence. J'ai aussi eu l'occasion de voir des choses magnifiques. Le monde est comme ça, une part accueillante, une autre moins. Il faut juste apprendre à vivre avec chacune d'elles.
La licorne le regarda, pensive. Ce Docteur paraissait assez jeune, mais c'était presque un millénaire de connaissance et de sagesse qui venait de s'exprimer. Certes, la Princesse Celestia, celle de son époque tout du moins, était encore son aînée, mais elle et sa sœur, la Princesse Luna, étaient les seuls autres êtres dotés d'une telle longévité qu'elle connaissait.
Presque par respect, Twilight resta silencieuse quelques instants. Le Docteur parlait souvent de ses voyages, mais étrangement, jamais de sa planète d'origine. Il avait décrit la beauté de sa propre planète, Gaia, au centre du système Equis, et il l'avait comparée à une autre planète, appelée littéralement Terre, mais Gallifrey, il n'en avait mentionné que le nom. Pourquoi ? La question commençait à trotter dans la tête de la licorne. Elle finit par tourner la tête dans la direction du Seigneur du Temps.
- Docteur, à quoi ça ressemble chez vous ? Sur Gallifrey ?
L'étalon regarda brièvement la licorne, comme surpris par la question. Il soupira, et se tourna à nouveau vers la toile tendue au-dessus de lui, visiblement réticent. Twilight ne put s'empêcher de remarquer son air attristé.
- C'était … Je me souviens encore, le ciel brun orangé, l'herbe rouge, qui s'étendait dans d'immenses vallées, à perte de vue. Les arbres aux feuilles argentées … lors que les soleils levants s'y reflétaient, ils semblaient prendre feu. C'était vraiment magnifique.
Le Docteur poussa un soupir nostalgique, tandis que Twilight tentait d'imaginer les paysages de la planète. Mais l'intonation du Seigneur du Temps, ses tournures de phrases… quelque chose n'allait pas.
- Vous en parlez au passé, dit-elle.
- Oui. Maintenant, tout ça, c'est du passé.
- Mais… en voyageant dans le temps…
- même avec les voyages dans le temps, je ne peux plus y retourner.
Twilight se remit sur le ventre pour regarder le Docteur, attentive à chaque mot prononcé par l'étalon, chacun chargé de plus de tristesse que le précédent.
- Qu'est-il arrivé ?
- La guerre. La plus grande guerre que mon univers ait jamais connu. Une guerre du temps. Il n'y avait plus que deux issues possibles. C'était soit la réalité, soit les Seigneurs du Temps. L'enjeu était trop important, alors … ça a été les Seigneurs du Temps. Ils ont brûlé, tous, avec Gallifrey. Ma famille, mes amis, mes semblables, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un.
Twilight ne savait plus quoi dire. La tragédie qu'avait vécue le Docteur dépassait de loin son niveau de compréhension, même la Princesse Celestia n'a, à sa connaissance, jamais subi quoi que ce soit d'aussi traumatisant.
Le Docteur se redressa et s'assit, posant ses sabots sur son visage, comme pour essayer de chasser ses sombres pensées.
- Docteur… je suis désolée… lui dit Twilight.
- Bah, vous n'y pouvez rien. Les choses sont ce qu'elles sont, il faut faire avec.
- J'espère que je n'interromps rien.
Le Caporal Reliable Stone passa sa tête par l'ouverture de la tente. Il jeta un bref coup d'œil aux deux complices et entra. Il faisait flotter deux écuelles à côté de lui.
- Le soldat Virtuous Sword s'est porté volontaire pour intégrer notre groupe de garde. Nous resterons cette nuit autour de la tente, pour être sûrs que vous ne chercherez pas à nous fausser compagnie.
- Ce n'est pas dans nos intentions, répondit le Docteur.
- J'espère bien. Tout le monde au camp a envie de savoir de qui ou quoi ils doivent avoir peur.
- Plutôt « de quoi ». Je doute que votre agresseur soit un poney.
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- La magie utilisée n'avait rien à voir avec celle des licornes. Je l'ai senti.
- Nous-mêmes licornes avons du mal à sentir les événements magiques. Comment auriez-vous pu ? Vous, un terrestre ?
- Je vous l'ai dit : je ne suis pas un simple terrestre.
Le Caporal regarda le Seigneur du Temps quelques secondes, pensif, puis se détourna. Il fit voler les écuelles vers chacun d'eux.
- Enfin, nous verrons tout cela demain. Voilà de quoi vous restaurer pour le moment.
- Heu… qu'est-ce que c'est ? Demanda Twilight.
- la tambouille militaire classique : le foin, l'avoine, les pommes et le fromage. Tout est cuit ensemble pour aller plus vite.
- Je vois…
- Au moins, ça a l'avantage de tenir au corps. Sur ce, je vous laisse.
Il sortit de la tente, laissant les deux poneys face à la douteuse mixture. Aucun des deux ne semblait tenté de commencer avant l'autre. Pour le Docteur, ce n'était peut-être pas un bon départ pour s'essayer à la gastronomie équestre. Quand à Twilight … si son bon sens lui conseillait de laisser son plat de côté, son estomac, lui, grondait, réclamant la nourriture.
- Finalement, j'aurais mieux fait d'écouter Spike et de prendre un de ses sandwichs avant de partir, dit-elle.
- Bah, je suppose qu'on en verra d'autres, se consola l'étalon. Vous savez, à ce qu'on dit, plus la nourriture est mauvaise, plus les armées sont puissantes, parce que ça maintient le moral des troupes.
Ils se regardèrent, hésitants. Ils attendirent encore quelques secondes, pour voir si l'autre allait commencer en premier… finalement, c'est l'estomac de Twilight qui fut le plus rapide. Elle mit le nez dans son écuelle et prit une bouchée.
La grimace qu'elle fit ensuite était juste indescriptible. Impossible de savoir quels muscles étaient les plus crispés.
- Wah … qu'est-ce qu'elle est puissante leur armée !
***
Comme prévu, le camp fut levé le lendemain matin. Les tentes furent démontées, et le matériel chargé dans des charrettes, tractées par certains soldats. Après insistance du Docteur, le TARDIS fut également ajouté à l'arrière d'un des chariots.
Les soldats qui les avaient gardés au cours de la nuit, lui et Twilight, étaient toujours présents, mais montraient des signes de fatigue évidents. Ils bâillaient régulièrement et somnolaient parfois. Même en se relayant, leur nuit avait été assez courte.
Twilight, assise à côté de la charrette qui contenait la cabine bleue, attendait en compagnie des quatre gardes que le Docteur ressorte du vaisseau : il avait expliqué vouloir y récupérer du matériel. Mais sachant que la boite pouvait se « téléporter », les soldats ne leur avaient permis que d'entrer un-seul à la fois, pour éviter qu'ils ne cherchent à s'enfuir ensemble.
« Vous pourriez vous dépêcher ? » Le pressa Swift Axe, le jeune soldat gris à la crinière mauve. « Le convoi ne va pas tarder à repartir ».
Justement, c'est cet instant-là que choisit l'étalon marron pour ressortir de la cabine. Il entrouvrit les portes et sortit à reculons, traînant avec lui une caisse de différents équipements, dont il était presque impossible pour Twilight, ou quiconque vivant à cette époque, de comprendre la fonction.
- Twilight, vous allez devoir m'aider, dit-il en lâchant la boite de matériel.
- Pour quoi ?
Le Docteur prit dans sa bouche quelques pièces, ayant vaguement l'apparence de circuits électroniques, et les déposa sur les planches qui composaient le sol du chariot.
- Pour du bricolage. Je ne suis pas assez précis avec mes sabots pour faire toutes les connexions. Je vais avoir besoin de votre magie.
- Mais c'est quoi tous ces trucs ? Demanda le Caporal Reliable Stone.
- c'est ce qu'on appelle de la technologie.
- Et d'où est-ce que ça vient ?
- de très loin. Tiens, Twilight, vous pourriez retirer la gaine de protection autour de ces câbles électriques et les nouer ensemble ?
- Sans problème.
Le Docteur sortit son tournevis et commença à s'en servir pour fixer les différents éléments entre eux, tandis que Twilight s'approchait du plan de travail improvisé pour se mettre à l'œuvre.
- Tiens, et pourriez vous faire tenir cette vis droite, ici, le temps que je la resserre ? Enchaina-t-il.
- D'accord. Mais dites-moi, à quoi ça va nous servir ? Qu'est-ce que vous êtes en train de fabriquer ?
- Concrètement, un détecteur de fluctuations quantiques. Le ou les agresseurs d'hier ont utilisé une grosse quantité d'énergie pour faire subir ce sort à Clashing Zeal, et ont déformé l'espace-temps en conséquence. Une fois complet, cet appareil va nous permettre de localiser les déformations de la réalité.
- Qu'est-ce que ça veut dire ce charabia ? Demanda Black Spear.
- Ça veut dire qu'on pourra les retrouver quand ils décideront de réutiliser leur magie, répondit le Docteur.
- Et qu'est-ce qui nous dit que vous n'êtes pas en train de construire une arme ? Vous êtes les seuls à connaître la fonction de ces objets !
- Vous trouvez vraiment que ça ressemble à une arme ?
- Pour moi, ça ne ressemble à rien du tout.
- Black Spear, je sais que tu ne leur fais pas confiance, mais si ils ont décidé de nous venir en aide, je pense qu'on devrait leur laisser la possibilité d'agir, lui dit Reliable Stone.
- Sauf votre respect Caporal, ils pourraient aussi être responsables de ces attaques, et chercher à nous duper pour…
- C'est pour ça que nous les gardons à l'œil, soldat. Et puis, qu'avez-vous à craindre d'un terrestre ?
Black Spear sursauta en entendant cet argument, blessé dans son amour-propre. Il poussa un grognement frustré, tandis que son supérieur, lui, affichait un sourire moqueur.
- Rien, mon Caporal.
- Alors nous sommes d'accord. Docteur Turner, vous en avez fini avec votre… truc ?
Le Docteur attacha une sangle à son appareil et la passa autour de son cou. Il faisait à-peu-près la taille d'un gros dictionnaire, et les différentes pièces semblaient, pour un observateur extérieur, reliées de manière complètement anarchique. Sa forme était vaguement rectangulaire, et il y avait un ensemble de compteurs fixés sur un des côtés, donnant des informations dont seul le Docteur pouvait comprendre la signification.
- Il est complet, répondit l'étalon. Nous pouvons nous mettre en route. Vous verrez. Si utiliser la magie est normal pour eux, alors on ne devrait pas tarder à leur remettre la main… le sabot dessus.
***
- Docteur, ça fait maintenant six heures que nous sommes partis. Vous êtes sûr qu'il marche votre machin ?
- Bien sûr qu'il marche ! C'est juste qu'ils ne se sont pas encore manifestés.
Il était presque midi. Le convoi continuait d'avancer à travers les montagnes basses. Heureusement pour ceux qui tractaient les chariots, la route qu'ils suivaient n'était pas en pente. Par contre, elle était bordée d'arbres, marquant une frontière avec une forêt toujours aussi dense.
Le Docteur suivait docilement celui qui contenait son TARDIS, lui-même suivit par Twilight, ainsi que leurs quatre gardes. La tension était palpable entre ces derniers : Black Spear supportait difficilement la présence de Virtuous Sword, tout comme du Docteur, Swift Axe, avait un côté moqueur assez irritant pour certains, en particulier Twilight, et le Caporal Reliable Stone s'impatientait de ne voir aucun résultat de la part du Seigneur du Temps.
- Je suis sûr qu'il bluffe depuis le départ, intervint Black Spear.
- Black, fais-lui confiance bon sang ! Dit alors Virtuous Sword. D'accord, c'est un terrestre, mais ce n'est pas pour ça qu'il va forcément chercher à nous tromper !
- Quand on invente la moitié de son vocabulaire, c'est rarement pour aider son entourage.
- Il a bien le droit d'être un érudit !
- Ça suffit !
Tous deux se tournèrent vers leur Caporal.
- De savoir si il est digne de confiance ou pas, pour le moment, on n'en sait rien. Ce qui importe, c'est d'avoir des résultats !
Ils ne cherchèrent pas à argumenter davantage. Satisfait, Reliable Stone se retourna vers le Docteur.
- Tâchez de ne pas nous décevoir.
- Je ne suis pas un soldat sous vos ordres, répondit l'étalon, offensé.
Twilight soupira : elle n'était pas sûre d'aimer cette époque. Cette manie qu'avaient ces licornes à ce croire supérieures aux autres poneys… c'était méprisable. Enfin, sachant qu'elle était elle-même licorne, cela lui procurait un avantage certain sur le Seigneur du Temps. Désireuse d'en tirer profit, elle se tourna vers le Caporal.
- Mais si je puis me permettre, quel est le but de votre mission au juste ? On vous suit, mais on ne sait pas du tout où on va.
- Je vous l'ai dit, la mission est classée secrète. Normalement, même les civils licornes ne devraient pas être au courant de cette expédition.
- Vraiment ? Qu'est-ce que le roi a donc de si important à cacher ?
- C'est… Il vaut mieux que personne ne sache.
- Et est-ce qu'on a le droit de connaître notre destination ? Si on continue de vous suivre, on finira par savoir de toute façon.
- Haem … c'est…
Reliable Stone tourna la tête à droite et à gauche, vérifiant que personne ne l'écoutait. Les autres gardes avaient repris leurs conversations, et le Docteur était absorbé par son appareil de fortune, guettant le moindre changement sur les cadrants. Le Caporal se rapprocha alors de Twilight, parlant aussi bas qu'il le pouvait.
- Pour être franc, nous n'en savons rien nous-mêmes : on ratisse le massif à la recherche de notre objectif.
- Vraiment ? Vous ne savez pas où ça se trouve ?
- Pas précisément. Selon nos informations, ça se cache quelque part dans ces montagnes.
- « Ça » ou « il » ?
- Peut-être les deux en même temps, mais je ne peux pas vous en dire plus.
- Est-ce si dangereux que je sache ce que vous cherchez ?
- Ça pourrait l'être, ça dépend à qui vous décidez de le répéter.
- Allez, ça restera entre nous. Vous pouvez le dire.
- Non ! Désolé, mais je ne peux vraiment pas. Le destin du monde entier en dépend.
- Du monde entier ?
- Et là, j'en ai déjà trop dit. Maintenant madame, soit vous changez de sujet, soit vous vous taisez. Désolé, mais vous ne saurez rien de plus.
Sur ce, le militaire redressa la tête et pressa le pas, décidé à clore la conversation. Twilight n'avait pas appris grand-chose, mais au moins, elle était un peu éclairée.
« Pause déjeuner ! On s'arrête une heure et on repart ! » cria le Lieutenant Strong Hoof depuis l'avant du convoi.
Sitôt l'arrêt ordonné, les soldats sortirent de la route pour aller s'installer sur un terrain à peu près plat. Certains vinrent se placer autour du bataillon, en sentinelle, tandis que le cuisinier commençait à installer un feu au centre, afin de préparer son infâme mixture.
- Dites, ça lui arrive de changer de menu ? Souffla Twilight à Virtuous Sword.
- Pendant les expéditions, non. À moins de croiser des arbres fruitiers sauvages.
- et vous en croisez souvent ?
- Non.
- Je ne sais pas comment vous faites. Moi, je ne sais pas si je serais capable d'en reprendre encore une fois.
- Bah, on s'y habitue à force.
Tandis que la licorne violette était occupée avec le soldat, le Caporal Reliable Stone se tourna à nouveau vers le Docteur.
- Monsieur Turner, j'aimerais profiter de cette pause pour prolonger votre interrogatoire.
- Je vous ai dit tout ce que je savais à propos de cette histoire.
- Mais toujours pas à propos de vous, ni de votre compagne de voyage. Si, personnellement, je ne vous crois pas responsable, vous faites toujours partie de notre liste de suspects.
- Je vois… mais vous savez, il n'y a pas grand-chose à dire.
- Laissez-moi en juger par moi-même. Mais ce que j'aimerais surtout connaître, c'est la nature de cette « technologie », lui dit le militaire en désignant du sabot le détecteur bricolé du Docteur. Ça ne ressemble pas aux objets magiques que je connais.
- En fait, c'est parce que ce ne l'est pas. C'est principalement un circuit logique qui se sert de signaux électriques pour coder et interpréter des informations, dont celles qui viennent de ce capteur. Il est réglé sur les ondes résiduelles des fluctuations quantiques. Vous, licornes en produisez également en utilisant votre magie, mais celui ou ceux qui s'en prennent à vous en produisent de bien plus violentes lorsque…
- S'il vous plaît, taisez-vous une seconde ! Je ne comprends rien à ce que vous me dites !
- Ah. Je suppose qu'ici, ce sont des notions encore inconnues.
- Bon, est-ce que vous pouvez réexpliquer en utilisant un vocabulaire plus simple ?
Le Docteur réfléchit quelques instants, cherchant comment satisfaire le soldat. Puis, il débuta sa nouvelle explication :
- En fait, il faut voir le monde, la réalité, comme une toile tendue. Cette toile, il y a toutes sortes de choses qui peuvent en déformer la surface, comme les grosses masses, ce qui provoque la gravité, ou votre magie. Et chaque mouvement produit des ondes, comme quand on lance un caillou dans l'eau. Plus le mouvement qui produit l'onde est important, plus l'onde sera forte. Mon appareil la réceptionne, et l'interprète, grâce à un système de circuits électriques, avant de l'afficher sur ces cadrans.
- D'accord… en fait, c'est une sorte de machine.
- C'est ça.
- Mais d'où est-ce que ça vient ? Et d'où tenez-vous toutes ces connaissances ?
- Si je vous le disais, vous ne me croiriez pas.
Le Caporal le regarda d'un air suspicieux, que le Docteur eu du mal à maintenir. Finalement, il essaya de changer de sujet :
- Mais passons. Vous voulez des résultats, mais ils ne viennent pas d'eux-mêmes. Alors, il va falloir partir les chercher.
- Quoi ?
- Quelque soit ce qui a carbonisé vos soldats, il a l'air de ne pas vouloir être dérangé. Alors la seule solution, c'est de le pousser à se mettre à découvert.
- Vous n'y pensez pas sérieusement !
- Écoutez, il y a quelque chose de très dangereux à proximité, avec des capacités magiques hors du commun pour cette planète. Et si il se permet de carboniser une espèce douée de sensibilité de cette manière, je doute que ses objectifs soient bienveillants.
- Vous pensez au fait qu'on risque nous aussi d'être réduit en cendres en partant à sa recherche ? Je suis censé vous surveiller et vous empêcher de vous enfuir ! Pas participer à votre chasse !
- Vous ne voulez pas savoir jusqu'où s'étend cette menace ?
- Si mais …
- Alors venez avec moi ! Peut-être qu'on pourra tirer ça au clair !
Reliable Stone regarda autour de lui, visiblement embêté. C'est vrai que la situation était délicate, et il devait avant tout accomplir son devoir. Mais… le Docteur avait raison : ne mettait-il pas tout le bataillon, voir plus, en danger si il ne permettait pas ces recherches ? Qu'était-il vraiment en train de faire ?
Finalement, il secoua la tête, vaincu.
- D'accord… je vais m'arranger pour nous faire sortir. Suivez-moi.
Il fit signe à ses soldats de l'accompagner, et escorta le Docteur et Twilight jusqu'à l'extrémité du cercle défensif. Sous le regard interloqué des sentinelles, le Caporal expliqua :
« Ils doivent faire leurs besoins. On revient tout de suite. »
Puis, peu après, une fois hors de portée des gardes, il ajouta à destination du Docteur :
« Maintenant, si vous savez comment procéder, nous avons quarante-cinq minutes maximum pour agir. Dépêchons-nous. »
***
- Vous ne voyez toujours rien ? Demanda le Docteur.
- Rien du tout, répondit Virtuous Sword.
Le petit groupe était à nouveau en milieu forestier. Sous les directives de l'étalon terrestre, ils s'étaient éloignés les uns des autres, afin de chercher tout ce qui pourrait sortir de l'ordinaire, mais en veillant à ne pas se perdre de vue. La forêt, dense, n'était plus plongée dans l'obscurité nocturne, mais les ombres des feuillages planaient toujours sous la cime des arbres.
- Ça me parait un peu hasardeux, comme recherche, commenta Swift Axe.
- Suivre les ordres d'un terrestre, c'est un comble, maugréa Black Spear. Et notre suspect numéro un en plus !
- Je vous rappelle que je ne maîtrise pas la magie, souligna le Docteur.
- Cela ne semble pas vous empêcher d'utiliser vos artefacts !
Le Docteur l'ignora, et s'arrêta pour sortir son tournevis sonique de son col à cravate. Twilight s'extirpa d'un buisson à ce moment-là pour s'approcher de lui.
- C'est inutile Docteur, on a cherché partout, des deux côtés de la route, sans résultat. Et je pense que nous n'avons presque plus le temps de continuer…
- C'est vrai : plus qu'une quinzaine de minutes avant la fin de la pause, confirma Reliable Stone depuis des fourrés proches.
- J'ai peut-être une idée qui pourrait nous avancer, reprit le Seigneur du Temps.
- Expliquez-vous.
- Si il ne laisse pas de trace matérielle, et qu'il s'obstine à ne pas utiliser ses sortilèges, alors on pourrait essayer de chatouiller un-peu sa magie.
- Comment ça « chatouiller sa magie », demanda Twilight.
- Vous vous souvenez quand je vous ai parlé de votre connexion, entre votre corne et la réalité ?
- Oui ?
- Normalement, quoi que ce soit qui puisse modifier l'espace-temps de manière naturelle possède une liaison directe avec le tissu spatio-temporel. Par conséquent, ils peuvent aussi y être réactifs. Alors je vais utiliser mon tournevis sonique pour envoyer un signal qui va secouer un-peu ces connexions et les faire réagir. J'espère juste que j'ai assez de portée avec ça.
Il mit l'outil argenté à sa bouche et l'alluma. Le bourdonnement familier du tournevis se fit entendre, alors que le signal se propageait dans l'espace. Le Docteur tourna lentement sur lui-même, tâchant de couvrir la plus grande distance possible. Curieusement, les cornes des cinq licornes présentes se mirent à crépiter.
- Hi hi… ça chatouille ! Pouffa Twilight.
- Oups, mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? Demanda Black Spear, visiblement inquiet.
Le Docteur n'y prêta pas attention, et continua à émettre, espérant obtenir un résultat plus intéressant.
Soudain, un bruit, semblable à celui d'une forte détonation, retentit au loin dans la forêt. L'étalon marron porta un regard à son capteur de fortune. Les compteurs étaient affolés.
« Je l'ai ! »
Le Docteur s'élança à travers les buissons, bientôt suivi par ses complices.
- Docteur attendez ! Cria Reliable Stone. Je n'ai pas envie de revivre ça encore une fois !
- Dépêchez-vous ! Lança-t-il en retour. On va le perdre !
Le groupe galopa, à travers les arbres, se faufilant aussi rapidement que possible entre les troncs qui se dressaient en travers de leur route, à la poursuite de la redoutable créature. Mais la forêt était réticente à les laisser passer : des branches et des racines semblaient surgir de tous côtés, comme pour chercher à les ralentir… sauf en un endroit, lorsque le Docteur le traversa avec Twilight et les soldats. Le tapis de feuilles était devenu de la cendre, et les plantes alentours étaient devenues charbon, dans un cercle de cinq mètre de diamètre. Le Seigneur du Temps s'arrêta devant ce paysage.
« Il était ichi. Il ne defrait pas être loin. »
Ayant encore son tournevis dans la bouche, il le ralluma, et envoya à nouveau le signal, tournant rapidement sur lui-même. À nouveau, une détonation retentit, plus proche. Au loin, entre certains arbres, des étincelles d'énergie volèrent, luisant d'un violet sinistre, suivant d'étranges éclairs pourpres. Puis, elles disparurent, comme elles étaient apparues.
« Par là ! » cria le Docteur, à travers son tournevis.
À nouveau, il se lança à la poursuite de sa cible. Mais alors, un flash lumineux survint, au même endroit que les lueurs violettes. L'étalon marron regarda rapidement son capteur.
« Déplachement quantique, il vient de che téléporter à proxchimité. Venez ! »
Suivant les indications de l'appareil, il repartit encore une fois. La trajectoire de la créature, si c'en était une, semblait prendre une voie descendante…
« Là ! »
Le Docteur s'arrêta net : en face de lui, entre un amas de rocher, contre le sol, se trouvait une profonde fissure. Une ouverture, à peine assez grande pour permettre à un poney de passer, derrière laquelle une cavité, occupée par les ombres, empêchant quiconque d'en voir l'extrémité, si il y en avait une. L'étalon marron s'approcha, cherchant à l'éclairer avec son tournevis, mais même la lueur de l'outil ne permettait pas d'en voir plus, sinon que le boyau continuait à s'élargir en s'enfonçant dans les ténèbres.
- Ça ressemble à l'entrée d'une caverne, nota le Docteur.
- Vous pensez qu'il s'est caché là-dedans ? Demanda Reliable Stone.
- Je ne le pense pas, j'en suis sûr.
- Laissez moi deviner : vous avez l'intention de descendre le chercher, dit alors Twilight sur un ton suspicieux.
- Je suis si prévisible que ça ?
- Vous n'allez quand même pas descendre là-dedans ! S'écria Virtuous Sword. Qui sait ce que cette chose peut bien nous réserver au fond !
- Vous êtes des éclaireurs, c'est bien à ça que vous servez dans l'armée licorne !
- La chasse aux monstres cavernicoles ne fait pas partie de nos attributions, Docteur Turner !
- Docteur, nous ne pouvons plus continuer ! Intervint Reliable Stone. On doit retourner au convoi avant qu'ils ne repartent.
- Vous savez quelle route ils vont suivre en repartant ?
- Oui, mais je n'ai pas envie d'être accusé de désertion !
- Désertion ? Vous ne faites que votre devoir en continuant de nous surveiller. Non ? Allez, on l'avait presque à côté de nous ! On ne va pas abandonner maintenant.
Le Caporal lui jeta un regard réprobateur. Devoir faire confiance à un terrestre ne lui plaisait déjà pas beaucoup, mais là, le suivre en territoire inconnu, avec aussi peu de visibilité, à la poursuite peut-être d'un monstre assoiffé de sang, ce n'était plus de la folie, mais du suicide. Protéger les autres licornes qui pourraient croiser cette chose passait presque en second plan …
Non, à quoi était-il en train de penser ? Bien sûr que ça restait au premier plan ! Un soldat licorne se devait toujours de mettre sa magie au service des plus démunis … à moins que ce ne soit lui, le plus démuni dans cette histoire.
- Alors ? Le pressa le Docteur.
- Vous êtes fou à lier !
- C'est aussi ce que je me suis dit la première fois, commenta Twilight, qui se rangeait déjà aux côtés de l'étalon.
Reliable Stone les regarda, pensif. Il devait prendre une décision, rapidement.
Finalement, il se tourna vers Black Spear :
« Black Spear, tu passes devant ».
L'étalon noir sursauta en entendant l'ordre de son supérieur.
- Quoi ? Mais … Caporal !
- Je sais, c'est un terrestre, et moi non plus, je n'aime pas avoir à lui faire confiance, mais je ne remets pas en doute sa sincérité. Si on rate l'occasion de se débarrasser de cette chose, d'autres poneys risquent de finir comme Clashing Zeal. Alors ne discute pas et rentre là-dedans !
Black Spear resta là quelques secondes à regarder son supérieur, puis grogna de frustration en s'approchant du trou. Il fit luire sa corne alors qu'il se faufilait entre les rochers.
« Ce terrestre nous mènera jusqu'au Tartare ! »
***
Les sabots du Docteur glissèrent sur la roche calcaire humide alors qu'il descendait prudemment vers le boyau suivant. Le sol du massif Maremoriquain était un véritable gruyère, parcouru de dizaines de galeries et d'autant de grottes remplies de stalactites.
Le groupe traversait le fond d'une faille dans la roche, large, mais peu étendue. Toutes les licornes avaient leur appendice frontal allumé, mais le Docteur, sans corne, ne pouvait se contenter que de son tournevis sonique.
- Docteur, avez-vous songé au fait que nous n'avons pas de corde ? Demanda Twilight. On ne peut ni s'aventurer dans les crevasses profondes, ni en ressortir.
- Vous avez raijon Twilight. Mais la télékinéjie est une de vos capachités de base, vous pouvez vous faire léviter entre licornes. Ou vous faire léviter vous-mêmes, non ?
- C'est vrai, mais porter un poney à une trop longue distance est très fatiguant, et se porter soi-même encore plus difficile.
Alors qu'ils parlaient, le Caporal Reliable Stone posa sa corne sur une des parois de la grotte et y traça par magie une croix luminescente.
- Quoi qu'il en soit, nous devons éviter de nous perdre, expliqua-t-il. Ces tunnels forment un véritable dédale. Notre monstre pourrait se cacher à peu près n'importe où.
- Non, pas n'importe où, répondit le Docteur. L'endroit où il ch'est téléporté est de che côté, pas très loin.
Il désigna un autre tunnel naturel, à proximité. Black Spear s'y avança pour éclairer le chemin. À première vue, l'endroit aurait été très mal choisi pour tendre une embuscade : les irrégularités ombragées, bien que nombreuses, étaient trop réduites pour pouvoir s'y cacher.
Les deux voyageurs temporels allèrent à sa suite, accompagnés par les autres gardes. Ils progressaient lentement dans la galerie, tous leurs sens en alerte alors qu'ils se rapprochaient de la chose qu'ils poursuivaient, et qui allait peut-être essayer d'inverser les rôles. Nerveusement, ils tournaient leurs oreilles dans toutes les directions. Le moindre son les faisaient sursauter, mais difficile de reconnaître un bruit suspect à travers les échos de leurs propres pas.
La sortie du boyau leur apparut, donnant visiblement sur une grotte. L'air semblait devenir lourd alors qu'ils avançaient. La plupart pouvaient sentir les gouttes de sueur perler sur leur encolure alors qu'il se rapprochaient.
Ils entrèrent finalement dans la caverne, craignant autant que désirant voir la « chose » en face d'eux, mais la réalité les fit rapidement déchanter.
La caverne était une cavité irrégulière, faisait une dizaine de mètres de diamètre. Mais le détail le plus frappant : il y avait des entrées de tunnels partout. Près d'une douzaine d'ouvertures se présentaient dans les parois rocheuses.
- Et maintenant, de quel côté il est allé ? Demanda Virtuous Sword.
Tous se tournèrent vers le Docteur, qui rangea son tournevis et consulta rapidement son capteur de fortune.
- C'est ici qu'il a arrêté d'utiliser sa magie, expliqua-t-il. À moins qu'il ne recommence plus tard, nous ne pouvons plus le pourchasser avec cette technique.
- Alors comment on va le suivre maintenant ? Pesta Reliable Stone.
- Laissez moi réfléchir…
L'étalon se mit à tourner en rond dans la grotte, plongé dans ses pensées. Il continua à parler tout en inspectant chaque tunnel.
- Il n'y a pas de terre ou de boue ici, donc pas d'empreintes. Je ne suis pas sûr de savoir à quoi il ressemble, alors on peu oublier l'écholocation. Peut-être … snif … snif snif … vous sentez ça ?
Les gardes reniflèrent à leur tour. Tous se dirigèrent vers l'ouverture devant laquelle se tenait le Docteur.
- Quelle puanteur ! On dirait… du fumier ! Remarqua Twilight.
- Ou quelque chose de même nature : des excréments, rajouta le Seigneur du Temps. Il y a quelque-chose de vivant là au fond.
- La « chose », vous pensez ? Voulu savoir Swift Axe.
- Peut-être. Il n'y a qu'un seul moyen de vérifier.
Le Docteur avança dans la galerie, suivi par les licornes. Le tunnel était identique au précédent, sombre et inquiétant, à part l'odeur, de plus en plus forte à mesure qu'ils progressaient. Leurs pas résonnaient, leurs cœurs s'accéléraient, mais ils hésitaient à laisser leur respiration s'intensifier : les effluves de fumier semblaient redoubler d'intensité.
Après plusieurs longues et interminables minutes, une nouvelle cavité se présenta à eux. La puanteur devenait insoutenable. Mais rien, aucune lumière, ni aucun autre signe visible ne trahissait une quelconque présence.
Aussi silencieusement que le permettaient leurs sabots, les six poneys pénétrèrent dans la caverne. Elle était immense, trop grande pour permettre à la lueur de leurs cornes d'en éclairer l'autre extrémité. Nerveusement, les gardes se rapprochèrent les uns des autres, préparant une attaque imminente, tandis que Twilight, elle, se collait au Docteur, derrière les militaires.
- Je ne sais pas si c'est l'odeur qui me donne cette impression, dit Twilight, mais on dirait qu'il fait plus chaud ici que dans les autres grottes.
- Non, vous avez raison Twilight. Il fait chaud… et je crois que nous ne sommes pas seuls.
Il désigna du sabot quelque chose, dans le noir, à bonne distance du groupe. Il y avait deux points lumineux, côte à côte, d'un inquiétant jaune vif, qui luisaient dans l'obscurité.
Les soldats se tournèrent immédiatement dans leur direction, préparant leurs lances, prêt à transpercer quoi que ce soit qui pourrait décider de s'approcher. Mais un élan de panique les traversa soudain alors qu'une autre paire de points jaunes apparut à proximité de la première. Puis une autre, puis une autre…
Il y en avait des centaines, partout dans la grotte. Des petits points brillants, qui semblaient tous les observer. Et eux-mêmes, contemplaient cet inquiétant spectacle, les yeux écarquillés.
« C'est une colonie ! », souffla le Docteur.
Les points jaunes, une armée d'yeux brillants, se mirent en mouvement. Ils se déplaçaient autour des intrus, s'en rapprochant méthodiquement, accompagnés par un bruit de sabot foulant le sol rocheux, décuplé par les échos de la caverne. Certains bougeaient plus rapidement, planant au-dessus d'eux, avec un son de toile tendue. Les soldats licornes étaient littéralement tétanisés, cherchant désespérément à viser les créatures avec leurs lances, sans penser à la possibilité de s'enfuir.
Twilight tressaillit quand l'une des créatures passa particulièrement près en volant, mais elle n'eut que le temps de voir sa forme sombre s'éloigner pour replonger dans les ténèbres. Elle avait l'impression d'être tombée dans le repaire de chauves souries géantes…
Il y eut soudain un déclic dans le cerveau de la jeune licorne violette : ces créatures avaient tout pour ressembler à des chauves-souris. Elles vivaient dans le noir d'une grotte profonde, en colonie, volaient avec ce qui, au bruit, ressemblait à des ailes membranaires, mais marchaient sur le sol avec des sabots…
- Ce sont des bat ponys ! Dit-elle, juste assez fort pour que le reste de son groupe l'entende.
- Des bat ponys ? Demanda immédiatement le Docteur.
- Une autre race de poney, dont les caractéristiques se rapprochent beaucoup de celle des chauves souris.
- Ce sont des vampires ! S'écria Black Spear, affolé.
- Des chauves-souris frugivores, précisa la licorne violette, consternée par la réaction du soldat.
- Mais si un seul d'entre eux peut réduire un poney en cendres… intervint Reliable Stone.
- Ils ne le peuvent pas : ils ne maîtrisent pas la magie. Ce n'est pas eux que nous cherchons. Nous ferions mieux de les laisser en paix.
- Les laisser en paix ? Ce… ce sont des monstres ! Répliqua Swift Axe.
- Elle vient de le dire, ce sont des poneys ! La défendit Virtuous Sword. Je suis sûr qu'on peut essayer la diplomatie.
Un sifflement fit sursauter Virtuous Sword, qui se retourna brutalement, pour voir un des bat ponys, les yeux plissés, montrant les crocs dans une expression des plus menaçantes. Le soldat recula subitement pour se coller à Swift Axe. Les maîtres des lieux s'étaient rapprochés, à la limite que formait le cercle lumineux autour des soldats. Visiblement, aucun d'eux n'appréciait de voir des intrus dans leur grotte.
Prit d'une soudaine crise de panique, Black Spear brandit sa lance, prêt à la planter dans le premier bat pony venu, lequel poussa immédiatement un sifflement furieux à son agresseur… mais Reliable Stone fut plus rapide : il se jeta vers lui et du sabot, plaqua son arme au sol.
- Baisse ton arme imbécile ! Nous n'avons pas l'avantage ici !
- Mais … Ils vont nous déchiqueter !
- Virtuous Sword a raison : ce ne sont pas des animaux, mais des poneys. On doit pouvoir leur parler, et utiliser la voie diplomatique.
Le Caporal se releva et s'avança vers les bat ponys, qui, étonnamment, n'avaient pas essayé d'avancer davantage. Ils restaient à la frontière entre la lumière des licornes et l'obscurité de leur propre grotte.
« Nous venons en paix », déclara Reliable Stone. « Nous sommes à la recherche d'une créature ou d'une chose, qui est venue se cacher quelque part dans ces galeries ».
Ses paroles ne semblaient pas avoir beaucoup d'effet sur les bat ponys. Leur humeur ne s'améliorait pas… l'un d'eux fit un pas en avant, s'exposant un-peu plus à la lumière. Comme la plupart de ses congénères, il avait une robe grise, une crinière noire, et des yeux jaunes en amande, qu'il plissait furieusement, visiblement gêné par la luminosité, mais continuait de fixer le soldat licorne.
- Depuis quand les poneys du dessssus viennent-ils en paix avec des arrrrmes ? Demanda-t-il d'une voix sifflante.
- C'est que la chose que nous poursuivons est très dangereuse. Et nous ignorions que vous aviez élu domicile ici. Nous vous avons découvert complètement par hasard.
- Mais maintenant, vous sssavez où nous trrrrouver. Les poneys du dessssus ne doivent pas ssssavoir.
- Je comprends, et je promets de tenir ma langue une fois revenu à la surface.
- Non, vous ne comprrrrenez pas. Les poneys du dessssus se haïssssent les uns les autrrrres, mais nous, ils nous crrrraignent tous. Nous, ils veulent toujourrrrs nos éliminer, dés qu'ils voient l'un des nôtrrrres.
- C'est compréhensible, intervint Black Spear.
Le bat pony siffla furieusement à l'étalon noir, montrant les crocs. Le soldat sursauta, et instinctivement, fit un pas sur le côté pour se rapprocher de son groupe. Le poney ailé lui jeta un regard noir quelques instants, avant de revenir au Caporal.
- Nous ne faisons pas confianssssce à ceux du dessssus. Ils sont mauvais, desssstructeurs.
- Nous pouvons prouver notre bonne foi ! La chose que nous poursuivons a réduit certains des nôtres en cendres, et sûrement des vôtres aussi… non ?
Le bat pony, méfiant, considéra Reliable Stone, d'une manière qui rendit ce dernier nerveux. Finalement, il reprit :
- Aucun de nous n'a été rrrréduit en ssscendres. Ssssce que vous chhherchez ne sssss'en est prrrris qu'à vous.
- Quoi ?
Le stratagème du Caporal tomba à l'eau. Nerveusement, il se tourna vers ses coéquipiers. Aucun d'eux ne semblait avoir de solution au problème.
- Mais … comment ? Pourquoi ? Ce n'est pas logique.
- Non, en effet, intervint le Docteur.
L'étalon marron s'avança, pour se placer à côté de Reliable Stone. Les bat ponys le regardèrent sans comprendre : les terrestres et les licornes n'étaient-ils pas sensés être rivaux ?
- Ce que nous suivions, la « chose », elle ne s'est pas aventurée ici par hasard. Elle devait connaître l'existence de votre colonie.
- Qu'esssst-ce que vous insssinuez ?
- Rien, j'essaie de comprendre.
Le bat pony siffla de plus belle, visiblement inquiété… ou énervé, par les propos du Docteur.
- Nous n'avons pas de ssssang ssssur les ssssabots !
- Night Storm, il ne nous a pas accusé spécifiquement !
Un autre bat pony sortit du groupe pour se rapprocher du premier. Les autres s'écartèrent à son passage, plus par mépris que par respect. Il ressemblait beaucoup au premier, Night Storm, mais ses yeux étaient rouge vif. Et sur son flanc, se dessinait une marque de beauté représentant un œil, identique aux siens, entouré par deux ailes de chauve-souris. C'est alors que le Docteur remarqua : presque aucun d'eux n'a de marque de beauté. Celui-là était différent.
- La nuit dernière, j'ai vu cet étalon essayer de venir en aide aux licornes alors qu'ils sont de race différente et qu'eux-mêmes se méfiaient de lui. Cette jument l'accompagnait. Ils ne sont pas hostiles.
- Vous étiez là à ce moment-là ? Demanda le Docteur.
- Suspendu à une branche. C'est drôle, mais presque personne ne fait attention à ce qui se passe au-dessus de lui.
- Vous avez vu l'attaque ?
- Non, c'est vous que je suivais à ce moment-là.
- Ah. Et vous êtes quoi ? Une sorte d'éclaireur pour la colonie ?
- C'est ça. Je m'appelle Spotter. Je suis chargé de me tenir au courant de tout ce qui se passe à la surface.
- Oui, j'ai remarqué que vous n'avez pas l'accent sifflant de vos congénères. Vous passez plus de temps à l'extérieur.
- C'est vrai.
- Je veux bien te crrroire pour ssssces deux là, Sssspotterrrr, mais je ne fais pas confianssssces aux autrrrres. Ce sont des guerrrriers, dit alors Night Storm.
- J'avoue qu'ils ne m'inspirent pas vraiment, moi non plus. Qu'est-ce que vous faites en sa compagnie ?
- Nous avons été chargés de les garder à l'œil, au cas où ils auraient des choses à nous cacher, répondit Reliable Stone.
- Vous ne lui faites vraiment pas confiance ?
- Disons juste que je le crois sincère.
- Sssspotterrrr, au lieu de disssscutter, on devrrrrait sssse débarasssser d'eux, intervint Night Storm. Ils ssssavent où nous trrrrouver, ils peuvent rrrrevenir plus nombreux pourrrr nous chhhhasssser.
Spotter se tourna vers Night Storm, considérant ses paroles. Il réfléchit quelques secondes avant de se retourner vers les intrus.
- Alors on doit s'assurer qu'ils ne nous trahirons pas.
- Je penssssais les éliminer au départ.
- Si ils sont de bonne foi, nous n'en avons pas besoin. On doit juste s'en assurer.
Night Storm souffla, n'approuvant visiblement pas la décision.
- Si nous les éliminions directement, nous prendrions moins de risques.
- C'est drôle : vous êtes le troisième poney que je rencontre à penser de cette manière, nota le Docteur. On dirait que c'est à la mode en ce moment.
Night Storm lui jeta un bref coup d'œil, mais ne porta pas plus d'attention à l'étalon terrestre. Spotter, lui, se retourna et replongea dans l'obscurité.
- Suivez-moi. On sera plus à l'aise à l'écart.
- Tu trrrouves ? Demanda Night Storm en allant à sa suite.
- Pour eux, oui.
Les soldats se regardèrent, puis regardèrent le Docteur. Le Docteur les regarda à son tour… puis marcha dans les pas de Spotter, accompagné par Twilight. Les militaires les suivirent, sans discussion, les yeux des autres bat ponys toujours braqués sur eux.
***
Spotter amena ses hôtes jusqu'à une cavité dans le mur de la grotte, légèrement sur-élevée par rapport au sol de la caverne. Il y avait quelques meubles rudimentaires, de simples morceaux de bois attachés ensemble avec des lanières en écorce. Le mobilier comprenait entre autres une table avec plusieurs tabourets.
- Plutôt sympa pour un abri de bat pony, nota Virtuous Sword. Au moins, ça sent un peu moins le fumier ici.
- La fosse à ordures est de l'autre côté de la grotte, expliqua Spotter. On la vide tous les trois jours à peu près, et on se sert du contenu comme engrais sur certains arbres fruitiers sauvages de la forêt, pour qu'ils donnent plus de fruits. Ce n'est pas ragoutant, mais au moins, c'est pratique, et écologique.
- C'est plutôt bien organisé, remarqua Reliable Stone.
- C'était un peu obligé, vu que nous passons presque toute notre vie sous terre. Nous ne sortons que pour chercher à manger, et limitons nos sorties pour éviter de tomber sur les autres races. Je suis le seul de la colonie à les prolonger, pour me tenir informé de ce qui se passe au-dessus.
- Et c'est pourquoi vous nous avez espionnés, dit alors Black Spear.
- Je dirais plutôt que j'ai glané des informations.
- Ssssscessez de papoter ! S'énerva Night Storm. On a pas que ssssça à faire.
- Je m'occupe de tout Night Storm.
Spotter désigna la table au centre de l'alcôve.
- Installez-vous. Et… si vous pouviez me faire une faveur, baissez votre lumière. Vous me brûlez les yeux à chaque fois que vous m'éclairez.
- Oh, désolée… s'excusa Twilight.
Les quatre soldats, le Docteur, Twilight et les deux bat ponys prirent place. Les licornes prirent soin de réduire au maximum leur éclairage. Seul Black Spear semblait réticent, mais le Caporal parvint à le convaincre d'un simple regard.
- Simple curiosité, commença le Docteur. J'ai remarqué que vous étiez un des seuls dans cette colonie à avoir une marque de beauté.
- Et vous voulez savoir à quoi c'est dû, devina le bat pony. En fait, ici, nous survivons plus qu'autre-chose. Ce n'est pas vraiment facile de se trouver un véritable talent, si on passe sa vie à manger et à se cacher.
- Vous voudriez ne plus avoir à vous cacher.
- Nous ne demandons que ça.
- Mais ce coin ne me semblait pas habité. Vous craignez tant que ça les autres poneys ?
- Croyez-moi, c'est plus habité qu'il n'y parait. Je vois des passages assez réguliers. Enfin, passons. Vous savez, vous m'intriguez un peu de votre côté, Docteur. Docteur …
- Juste « le Docteur ».
- D'accord, si vous voulez. Vous êtes un terrestre, normalement la classe la plus basse chez les poneys du dessus. Pourquoi vous obstiner à aider les autres races ?
- Je suppose qu'on peut dire que c'est une vocation.
- En même temps, si on se fait appeler « Docteur » … Enfin, et vous, euh… c'est comment déjà ? Starlight ?
- Twilight.
- Bon, Twilight, qu'est-ce qui vous a décidé à suivre le Docteur ? C'est un membre de votre famille ? Un cousin ?
- Non, juste un ami. C'est surtout par curiosité que j'ai voulu voyager avec lui.
- Ssssce sssssont les ssssoldats que tu devais interrrroger !
- Du calme Night Storm. J'y viens. Alors… vous, vous êtes le chef du groupe si j'ai bien compris.
- En quelque-sorte. Caporal Reliable Stone, premier groupe du cinquième bataillon du troisième régiment de l'armée licorne au service de sa majesté le roi Maximus.
- … Pardonnez moi, mais je ne suis pas vraiment familiarisé avec le vocabulaire militaire… enfin, ce qui importe : je vous ai vu quand vous avez rencontré le Docteur. Vous n'avez pas l'air de beaucoup l'aimer, parce que c'est un terrestre. Pourtant, il est venu avec vous jusqu'ici.
- En réalité, c'est lui qui nous a conduits. Quand j'ai cru comprendre qu'il était capable de résoudre notre problème, alors je l'ai laissé mener l'enquête. C'est vrai, je n'aime pas avoir affaire avec les autres races, mais nous avions besoin de lui.
- Intéressant…
- … Mais je n'ai rien contre les bat ponys ! Même si vous êtes… un peu plus … effrayants que les autres. Au moins, nous ne sommes pas en conflit direct… enfin … je pense ?
- Si vous parlez de conflits d'intérêts, alors non. Mais nous craignons les poneys du dessus autant qu'ils nous craignent. Ils nous prennent pour des monstres et nous attaquent à vue. Nous n'avons pas choisi de ressembler à des chauves-souris.
- Je comprends.
- Et je pense que c'est ce qui a failli arriver avec votre sous-fifre.
Spotten se tourna alors vers Black Spear.
- Vous avez essayé d'embrocher l'un des nôtres, et nous avez qualifiés de vampires. En d'autres termes, vous vous êtes montré très agressif.
- Je voulais juste me défendre.
- Nous ne vous avons pas attaqués. C'est vous, les intrus dans cette grotte.
Black Spear souffla, mis en faute, détournant le regard. Spotten interrogea alors son voisin.
- Vous… Euh… Votre nom ?
- Virtuous Sword.
- Vous avez l'air de quelqu'un d'intelligent. Dites moi : Black Spear, il est pareil avec les autres races ?
- Plus ou moins. Il pense que les licornes sont la race supérieure et déteste que ce titre soit mis en doute, par exemple avec les pégases.
- Ces prétentieux cherchent à nous asservir ! Je refuse de me laisser faire ! S'expliqua l'étalon noir.
- On asservit bien les terrestres, nous.
- Mais… mais là, c'est différent !
- Tu trouves ? En quoi ?
- Vos hisssstoires de guerre rassssciale ne nous intéresssse pas ! S'énerva Night Storm. Vous finirrrrez détrrrruit de toute fassssçon. Plus rrrrrien ne peut l'empéchhhhher maintenant.
Le groupe de soldats se tourna vers lui, comme choqué. Spotter lui jeta un regard noir.
- Bel exemple de diplomatie Night Storm.
- Qu'est-ce qu'il veut dire ? Demanda le Docteur, visiblement interloqué.
- Je connais assez bien la situation à l'extérieur. À l'évidence, une guerre est en train de se préparer au-dessus. Et globalement chez les bat ponys, tout ce qu'on attend, c'est qu'elle démarre, pour que vous vous entretuiez et que nous puissions avoir le champ libre à l'extérieur. Plus besoin de se cacher. Ça fait des siècles qu'on attend ça. Et… toutes ces années ne nous ont pas vraiment fait du bien : vous l'avez vu. Nous nous comportons plus comme des chauves-souris que comme des poneys.
- Oui, j'ai vu ça.
- Ce n'est pas contre vous, nous ne vous sommes pas vraiment hostiles, mais on aimerait bien que ça arrive.
- Mais maintenant qu'ils sssssont là, nous n'aurrrrons plus à attendrrrre longtemps.
- Pardon, qui « ils » ? demanda le Docteur.
- Vous le ssssavez.
- les… choses ? Demanda Twilight. Ils sont plusieurs ?
- Night Storm, arrête ! Ordonna Spotter, presque affolé.
- Ils ssssont venus, ils nous ont prrrromis une plassssce à l'airrrr librrrre quand tout sssserrrra terrrrminé.
- pourquoi n'as-tu pas tenu ta langue ?
Tous sursautèrent en entendant cette nouvelle voix gronder dans la petite cavité. Une forme encapuchonnée sortit des ténèbres, leva ce qui ressemblait à un sabot noir, et poussa Night Storm vers le mur de l'alcôve. Des étincelles violettes surgirent de la créature quand il entra au contact. En un flash d'un bleu lumineux, le bat pony disparut à la vue, laissant place à un nuage de fumée, et une marque rougeoyante en forme de poney sur la parois rocheuse, comme des braises chaudes, qui moururent et devinrent noires en quelques instants. Tous les autres poneys restants bondirent de leur tabouret, horrifiés. Twilight poussa un hurlement que même Rarity n'aurait pas pu imiter. Un autre poney était mort, et il était mort SOUS SES YEUX !
- Qu'est-ce qui vous prend ? S'écria Spotter. Vous prétendiez ne tuer que lorsque nécessaire !
- Votre silence faisait partie du marché, répondit simplement la créature.
Sa voix était étrange, c'était comme si on entendait plusieurs poneys parler en même temps. Tout son corps, de forme équine, était recouvert d'une grande cape sombre, avec une capuche remontée sur la tête, où la lumière même semblait refuser de s'aventurer. Les soldats étaient terrorisés. Par magie, ils ramassèrent leurs lances, mais de nouveaux éclats violets apparurent, et les armes se changèrent en poussière, se désagrégeant dans l'aura magique des licornes. Le dernier bat pony présent voulut sortir de l'alcôve, mais la créature se déplaça à une vitesse fulgurante, pour s'interposer entre les poneys et la seule sortie disponible. Reliable Stone se tourna furieusement vers Spotter.
- Vous nous avez piégés !
- Ce n'est pas ce que je voulais ! Je ne savais pas qu'il allait faire ça !
- Twilight, ça ressemble à quelque chose que tu connais ? Demanda le Docteur.
- Non. Je n'ai jamais rien vu ou entendu parler de quoi que ce soit s'en rapprochant.
- Vous, vous êtes une gêne dans notre marche, et à présent, vous allez en payer le prix, reprit la créature.
- Attendez un instant, juste un tout petit instant, le coupa le Docteur, en essayant visiblement de garder son sang-froid. Visiblement, vous avez très envie de vous débarrasser de nous, mais nous-mêmes ne savons ni par qui ni pourquoi. Alors, vous êtes…
- Je suis Xuthe. Et nous sommes les équinox.
- Vous venez des étoiles, n'est-ce pas ?
Soudain, deux lumières apparurent sous le capuchon, blanche et éblouissante. Il venait d'ouvrir les yeux.
- Vous êtes bien inspiré. Nous parcourons l'espace depuis des millénaires, afin d'apporter la paix dans l'univers.
- La paix ? Vous carbonisez des poneys vivants. Cela ressemble plus à une agression.
- La mort de certains est nécessaire afin d'apporter la paix à d'autres.
- Alors c'est ce genre de paix que vous voulez apporter ? Une dictature où vous décidez vous-même de qui doit vivre ou périr ?
- Ce n'est que par des sacrifices que les conflits peuvent être évités.
- Alors c'est pour ça que vous êtes venus ? Pour exterminer les trois-quarts des habitants de cette planète et permettre au dernier quart de profiter des places vides ?
- Nous pensions les asservir au départ, mais ce n'est pas pour cela que nous sommes venus.
- Alors pourquoi ?
- Sur cette planète se trouve un grand pouvoir, assez grand pour déplacer les astres. Nous voulons cette puissance.
- D'accord, ils sont capables de faire tourner leur soleil et leur lune autour de leur planète, mais c'est uniquement grâce à la construction quantique de ce système. Une armée de licorne serait insuffisante pour déplacer de telles masses. Et après avoir carbonisé certains d'entre eux, je doute qu'ils se montrent coopératifs.
- Nous ne convoitons pas les licornes.
- Quoi ? Mais alors… ça n'a pas de sens !
- Ce n'est pas important. Votre monde devra se plier à notre volonté, c'est inévitable. Il est donc inutile de résister.
- Mais si on accepte, plus besoin de nous tuer, n'est-ce pas ?
- vous êtes des troubles-fêtes. Vous avez poussé mon frère Colus à lâcher des explosions, deux fois de suite. Et vous l'avez pourchassé jusqu'ici, et maintenant, cet affront sera puni.
- Votre frère ? Combien êtes-vous ?
- Trois sur cette planète. Mais c'est bien assez pour renverser votre ridicule civilisation.
- J'admets que votre magie est puissante, mais… trois me paraît bien peu.
- Vous n'aurez pas la chance de constater votre méprise.
À ce moment-là, ce qui semblait être la peau de l'alien se mit à changer d'apparence : des petites lueurs blanches commençaient à apparaître, partout, comme si une constellation venait de se réveiller en lui. Sa cape se souleva, révélant la silhouette d'un corps équin, où scintillaient des milliers d'étoiles. Certains auraient pu le trouver beau, mais pour le groupe de poney, il n'en devenait que plus effrayant. La mort était sur le point de leur tomber des étoiles.
À suivre …
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Des révélations choc :
"Et si ils vous ont suivi depuis votre départ, comme vous l'avez prétendu, alors ça veut dire que vous recherchez la même chose. Si ça se trouve, ils se sont eux mêmes arrangés pour lancer votre expédition, et que vous serviez leurs intérêts."
Nos héros partirons à la recherche de la clé de l'énigme :
"Selon nos sources, elle se trouverait quelque-part dans ces montagnes, mais jusqu'à maintenant, nous n'avons trouvé aucune trace de sa présence."
seront littéralement dépaysés :
"Alors ça … si je m'y attendais …"
et frôleront la catastrophe :
"Non ! Ce n'est pas possible ! Comment ont-ils fait pour nous retrouver aussi rapidement ?"
"Nous prendrons ce pour quoi nous sommes venus. Vous ne pouvez nous en empêcher."
"Pas tant que je serais là !"
rainbownuit: #24047Au passage : en relisant, j'ai remarqué qu'en faisant les copier-collers, certaines phrases ont été coupées, ou remplacées. Je me suis empressé de corriger ces erreurs.