Dans les rues sombres de Canterlot, éclairées par une lune qui brillait haut dans le ciel, une jument claqua brutalement la porte de sa maison. Ça n'était pas vraiment son domicile, mais celui de sa tante ; la seule famille qu’il lui restait. Tandis qu’elle déambulait comme une âme en peine au milieu de ces nombreuses rues qu'elle ne connaissait pas, une sensation désagréable s'installait dans son cœur : comme si l'échec s'était imposé à elle comme une fatalité. Il était douloureux de ressentir ce poids.
Sa robe grise la faisait passer inaperçue dans l'obscurité ambiante de la capitale, mais cela importait peu. Même en plein jour, elle avait l'impression d’être invisible. Pourtant, sa crinière blanche et ses yeux rouges dénotaient beaucoup avec sa fourrure si fade… mais cela ne semblait pas la rendre attirante aux yeux de quiconque. Après tout, elle ne venait pas d'ici.
Fille d'une licorne talentueuse qu'elle avait toujours voulu suivre en marchant sur ses traces, l'absence d'appendice frontal lui avait refusé ce doux rêve. Mais comment se démarquer quand on était toute petite dans une ville aussi grande ? Elle voulait partir, quitter cet endroit qui l’étouffait, qui la rendait aussi sombre qu'une nuit sans Lune.
Sa mère était professeur à l'université de Manehattan, dans la section magie astrale. Elle était très gentille, et se souciait à tout instant des besoins de sa fille. Elle ne s'énervait que très rarement, même sur ses élèves, et faisait preuve d'une grande empathie. Sa mère lui avait appris beaucoup de chose sur les astres : comment se plaçaient les étoiles dans le ciel chaque soir, l'influence de la lune sur les marées et les êtres vivants, l'énergie toujours croissante dégagée par le globe d'argent depuis le retour de sa maîtresse. Elle manquait à sa fille, et chaque souvenir était douloureux à se remémorer.
À force d’errer sans but entre ces immenses maisons qui l'écrasaient, elle finit par arriver près de la fontaine de Canterlot, une splendide construction qui représentait les deux princesses de ce pays. Même elles semblaient se moquer de la terrestre, avec leurs sourires figés dans la pierre. La plus jeune des deux alicornes avait vu sa statue être érigée quelque temps après son retour, un simple rocher avait réussi à s'élever bien plus haut que la petite ponette ne pourrait jamais le faire. Elle se mit à suivre du regard l'eau qui coulait de la fontaine pour rejoindre le canal qui traversait la ville en son centre et qui tombait en cascade aux abords de Canterlot.
Elle voulait disparaître. La terrestre leva ses yeux vers l'astre lunaire, la seule lumière qui l'empêchait de déjà disparaître de ce monde. Elle avait tourné dans son lit durant des heures sans pouvoir trouver le sommeil. Le deuil n'était encore que trop récent, et jamais la nuit n'avait semblé aussi longue alors qu'elle avait observé l'ascension de l'astre d'argent depuis la fenêtre de la chambre qu'elle avait abandonnée.
La lune n'était jamais qu'une immense pierre, une roche morte qui se présentait chaque soir pour refléter la lumière de la véritable étoile de ce monde. Pourtant, cette nuit, elle semblait briller d'une clarté tellement pure qu'on aurait pu croire qu'elle possédait son propre éclat.
...
Depuis une des tours du château, sur son balcon caressé par le vent, l'alicorne nocturne regardait son globe d'argent en penchant la tête sur le côté, l'air songeur.
« La lune est étrange ce soir, ma reine… » Fit une voix grave derrière elle.
La princesse Luna se retourna alors sur son garde, un étalon sombre dans une armure aux couleurs de la jument. Il lui afficha un sourire qui fit dépasser l'un de ses crocs.
« Oui, je vais devoir répondre à son appel. » Elle tenta de sourire à son soldat, mais ne réussit qu'à afficher une grimace triste.
« Vous ne faites que votre devoir ma reine… ne regrettez pas votre geste, nous-mêmes vous devons la vie. »
La régente lunaire baissa quelque peu la tête avant de s'approcher de son gardien. Elle posa alors un sabot juste sous son menton pour l'approcher lentement de son visage. Ses yeux bleus plantés dans ceux faits d'or de l'étalon, elle lui offrit enfin un véritable sourire avant de dire :
« Merci Blues, vous êtes tout pour moi.
— Et nous ne sommes rien sans vous. »
L'alicorne fit quelque pas en arrière avant de tourner le dos à son batpony et de déployer ses ailes.
« Dis aux autres que je suis partie, et à mon retour, fait en sorte que Funk ne fasse pas d'histoire.
— Funk, ne pas faire d'histoire ? Désolé ma reine, mais je pense que vous êtes en train de rêver.
— Un doux rêve... » Elle rabattit ensuite ses ailes vers le sol et se propulsa dans les airs.
Ce genre de sortie était très rare, assez pour que la jument soit capable d’en connaître le nombre exact. C'était la huitième si on comptait cette nuit. Huit fois, et pourtant elle avait l'impression d'avoir fait ça pendant mille ans… Une étrange sensation poussait son corps à se diriger dans une direction bien précise, l'entraînant presque contre son gré. Cette étrange force la poussait, lui permettant même de fermer les yeux sans risque, toujours guidée instinctivement. Néanmoins, à la seconde où elle survola la fontaine de la grande place, elle vit quelque chose qui attira toute son attention et elle se mit à descendre brusquement.
...
La terrestre grise à la crinière blanche ne comprenait toujours pas comment elle en était arrivée à avancer vers le bord de la cascade, observant la chute en contrebas qui venait remplir l'immense bassin qui se trouvait juste en dessous.
« Pourquoi j'en suis arrivée là ? » murmura-t-elle en secouant la tête. « Pourquoi tu m'as abandonnée maman ? » Elle savait que ses mots étaient injustes, sa mère n'avait pas décidé cela, c'est le destin qui avait simplement décidé de les séparer. C’était à cause des graves problèmes de santé de cette dernière. « Je ne suis rien sans toi, je voulais juste être comme toi, mais maintenant je n'ai plus de modèle, plus d’attache, plus de but… Je t'aime maman… Je veux te retrouver. » Relevant son regard vers la lune, elle observa l'astre qui brillait d'une intense lumière avant de dire : « Je n’en peux plus. »
Elle sentit alors du mouvement juste derrière elle. Quelqu'un qui viendrait l'arrêter ? Ça serait fort étonnant venant des habitants de cette ville. Elle aurait voulu lui hurler de partir, mais elle n'avait plus la force du tout.
L'ombre derrière elle demanda : « Est-ce que ça va ? »
La première réponse fut un rire qui ne cachait en rien la nervosité de celle qui le lâchait. Pourtant, elle garda le sourire lorsqu'elle dit : « Je ne peux pas aller mieux... » Elle ne chercha pas à poursuivre cette discussion. Pour parler de quoi ? À quel point la vie vaut la peine d'être vécue, qu'il ne faut pas baisser les bras, qu'il y a toujours quelque chose à prouver à quelqu'un ? La seule personne qui avait de l'importance pour elle venait de la quitter, et maintenant il n'y avait plus rien.
La grise se pencha légèrement en avant, mais lorsqu'elle entendit du bruit derrière elle, elle ne put s'empêcher de se retourner. Il était déjà trop tard. Son coeur manqua un battement lorsqu'elle se sentit tomber dans le vide, pourtant, elle eut le temps nécessaire pour observer la personne derrière elle.
Elle était belle, magnifique. Sa crinière était emplie de plusieurs constellations qu'il aurait fallu des années pour identifier. Son visage semblait sévère, mais il possédait néanmoins une certaine ligne qui arrivait à adoucir ses traits au point qu’il semblait chaleureux. Ses yeux turquoise reflétaient une lumière tout à fait surnaturelle. Ses yeux… La ponette grise aurait pu dire les avoir contemplés pendant des milliers d'années ; pourtant, leur contact ne dura qu'une fraction de seconde. Ils étaient resplendissants et on aurait dit que l'alicorne était inquiète pour elle… ça n’était sûrement qu'une impression.
Le corps de la terrestre se mit à paniquer naturellement lorsqu'il perdit son équilibre et qu'il sentit la chute survenir. Son corps se serra dans sa poitrine, mais pourtant, elle n'avait pas peur, elle n'avait plus peur. Sa décision était prise depuis un long moment déjà. Elle ne voulait pas vivre ici, quitte à être invisible, autant disparaître pour de bon.
Tournant le dos au sol qui ne cessait de se rapprocher, elle pouvait apercevoir la lune juste au dessus d'elle, à moitié cachée par la falaise. On aurait dit que l'astre était à moitié penché sur le vide et la toisait comme pour se moquer. Cela ne lui faisait même plus mal, tout ça allait enfin s'arrêter. La jument se mit à sourire lorsqu'elle vit l'alicorne sauter à son tour. Essayerait-elle de la sauver ? Cette douce pensée réchauffa le cœur palpitant de la terrestre qui restait pourtant incroyablement sereine. Elle sentait déjà sa chute prendre de plus en plus de vitesse ; jamais elle n'arriverait à la rattraper.
Luna tendait les sabots en avant, espérant déjà pouvoir la toucher, mais elle était encore trop loin. Elle avait hésité trop longtemps avant de la rejoindre, il fallait dire que sa réponse avait de quoi être troublante. Voulait-elle vraiment en finir ? L'alicorne ne voyait pas les choses sous cet angle et continua à battre des ailes de toutes ses forces pour couvrir la distance qui les séparait. Même en s'approchant, la ponette ne semblait pas vouloir être sauvée, elle se contentait de simplement l’observer. La princesse de la nuit ferma alors les yeux pour se concentrer un maximum en faisant appel à la lune pour lui donner le pouvoir dont elle avait besoin.
Paisiblement, la grise se mit à respirer lentement, la chute n'était certainement plus très loin, d'ici quelques instants seulement. Elle pouvait encore apprécier le spectacle de voir une alicorne se battre pour elle. Elle lui tendait sa patte, ça ne l'arrêterait certainement pas, mais elle semblait se donner tellement de mal pour elle… C'est pourquoi elle tendit à son tour son sabot, même si elle ne pouvait plus l'empêcher de tomber, elle pourrait au moins apprécier un dernier contact avec quelqu'un qui semblait se soucier d’elle.
Elle tendit son sabot le plus possible, et vit la princesse se rapprocher de plus en plus, une patte pointée vers elle. Quand il ne resta plus que quelques centimètres, la jument planta son regard dans celui de la régente lunaire et fut surprise de voir ses yeux briller d'une lumière quasi aveuglante. Quand leurs sabots entrèrent enfin en contact, quelque chose se produisit dans le corps de la terrestre. Elle vit ensuite l'alicorne déployer ses ailes pour ralentir sa propre chute, alors que juste derrière elle, la lune se mettait à briller du même éclat que celui de ses yeux. Elle ferma alors ses paupières pour ne pas être aveuglée.
C'est à ce moment-là qu'elle heurta la surface du lac. L'eau était glacée et la morsure du froid se fit sentir sur l'entièreté de son corps alors qu'elle n'arrivait plus à bouger. Elle avait un mal de crâne infernal et avait l'impression que les os de son dos étaient complètement broyés, du moins, c'est ce que la douleur dans son dos semblait lui indiquer. Est-ce qu'elle était encore en vie ? Pourtant, une telle chute aurait dû la tuer sur le coup, même en atterrissant dans le lac.
Incapable de se mouvoir, elle se sentit peu à peu sombrer dans les profondeurs obscures. Pour la première fois depuis qu'elle avait fait le pas pour en finir, elle avait peur, et espérait plus que tout qu'on l'aide à se sortir de là. Le manque d'oxygène lui fit ouvrir la bouche et ingurgiter de l'eau directement dans ses poumons. La douleur était telle qu'elle aurait voulu recroqueviller tout son corps, mais elle était toujours dans l'impossibilité de se mouvoir.
Quelque chose attira son regard au niveau de la surface : c'était l'alicorne qui l'avait rejointe dans l'eau… En voilà une qui n'abandonnait pas. Néanmoins, la jument était plutôt soulagée de la voir arriver. Ses yeux brillaient toujours d'une lumière blanche surnaturelle tandis que sa crinière se répandait tout autour de son visage et se mettait à resplendir de milliers d'étoiles. Elle était magnifique.
La terrestre aurait voulu dire quelque chose, mais elle ne réussit qu'à avaler d’avantage d'eau jusqu'à ce que la princesse arrive sur elle.
La régente lunaire s'empressa alors de passer ses sabots autour de sa taille pendant que son regard perdait peu à peu en intensité. On aurait dit qu'elle attendait quelque chose avant de la sortir de l'eau, comme si elle hésitait encore à la laisser sombrer dans les profondeurs. Mais la ponette fut très vite rassurée quand elle vit l'alicorne déployer ses ailes dans l'eau afin de les faire revenir à la surface.
Une fois hors de l'eau, la lumière lunaire était devenue presque insoutenable pour la terrestre qui ne put que garder les yeux fermés. Une extrême fatigue finit par envahir tout son corps, et sans qu’elle ne puisse résister, elle perdit conscience.
...
La douleur dans tout son corps était insoutenable, elle avait l'impression que cela durait depuis une éternité. Elle réussit pourtant après une longue agonie à revenir à elle. Tous les muscles de son corps la faisaient encore souffrir, mais son dos semblait être en meilleur état. Si ses os s'étaient brisés lorsqu'elle avait heurté la surface de l'eau, plus aucune trace de cet incident ne semblait subsister. Elle avait l'impression d'avoir tout simplement changé de corps.
Quand la jument rouvrit lentement les paupières, elle constata ne plus être à l'extérieur : en fait, elle ne savait pas où elle se trouvait. C'était une immense pièce dont le sol était fait de marbre, une grande arche menait sur un balcon et plusieurs rangées de livres reposaient dans une bibliothèque qui occupait tout le mur du fond.
Elle baissa les yeux et comprit qu'elle se trouvait dans un lit… mais celui de qui ? Elle eut très vite la réponse quand elle vit une forme sombre se mouvoir juste à côté pour rabattre une aile sur elle. La jument resta complètement figée, le regard planté dans celui de l'alicorne qui semblait la juger silencieusement.
Elle ne saurait dire pourquoi, mais une étrange sensation la démangeait au niveau de son dos. Elle s'étira lentement en chassant les bribes de douleur dans un grognement, mais sentit à nouveau quelque chose appuyer contre ses omoplates. Elle tordit son corps en imaginant voir des cicatrices, mais fut rassurée en voyant une simple paire d’aile de cuir…
La ponette se retourna brusquement tandis qu'elle se mit à respirer frénétiquement. Elle tira sur l'étrange membre et sentit un léger tiraillement au niveau de son dos. Poussant un cri de surprise, l'ancienne terrestre se mit à tirer encore plus, espérant voir cette mauvaise blague s'arrêter, mais l'aile était soudée à son corps. Elle voulut protester davantage, mais une autre sensation la stoppa, dans sa bouche cette fois-ci. Utilisant sa langue pour identifier ce nouveau changement, elle se surprit à sentir des dents beaucoup plus longues et pointues de chaque côté de ses mâchoires.
« Mais… qu'est-ce que… »
Un mouvement derrière elle la fit se retourner pour voir l'alicorne qui s'était dressée sur ses pattes. Cette dernière qui était restée sur le côté du lit était maintenant tout près de la jument qui était toujours en proie à la panique. Elle posa alors un sabot garni de son ornement contre le torse de celle qu'elle avait ramenée dans ses appartements et approcha son museau près de son oreille pour lui murmurer :
« Bienvenue chez les batponies, Jazz. »
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Merci pour les fautes, je corrigerai ça quand j'y penserai. La fic est très courte parce que le but premier de ce projet était de le traduire en anglais pour le mettre sur FIMfiction. Donc ouais, j'avoue que j'aurais pu m'attarder bien plus sur la errance de Jazz dans les rues, accentué l'histoire avec sa mère, mais non, à force de devoir réduire un maximum pour ne pas rendre ça trop dur à traduire ben on a condensé beaucoup de choses ^^.
Pour le passage avec Luna, disons que si elle avait simplement utilisé sa magie… ça aurait fini beaucoup plus vite. Pour moi c'est simple, s'ils utilisent pas la magie pour faire quelque chose, c'est que ça ne marchera pas, donc un sort de lévitation était à éviter parce que… parce que… parce que ta gueule.
Pourquoi Luna hésite ? C'est encore pour une autre histoire. La première fic « Lunar Obsession » est bien différente, disons que celle-ci était censée donné une intro de départ avant… avant une orgie d'accueil… Mouais.
Et oui, je viens d'ajouter le tag.
Bon, niveau de l'écriture, j'ai personnellement pas grand chose à dire. Vite-fait une ou deux répétitions pas bien méchantes ("poussait", "alors" qui se remarque très facilement). Une faute "Son corps se serra dans sa poitrine" c'est plutôt coeur non ? C'est pas spécialement fluide, mais pas non plus lourd.
Dans le fond, bon, c'est dur de faire avoir de l'empathie pour un perso aussi vite (même si je sais ce qu'elle ressent) et peut-être que ses paroles sont un peu trop... Mesurées pour rendre ça poignant.
Après, pour Luna, j'ai surtout eu envie de lui gueuler "Mais utilise ta f*cking magie alicorne pour la rattraper !" Bon, apparemment elle hésite à la sauver, ok. Mais dans ce cas pourquoi la changer en batpony ? Surtout qu'elle prend cette décision avant que celle-ci ne heurte le sol, donc toujours le temps de la rattraper par magie et de lui proposer après.
Mais voilà, c'était plutôt bien. Par contre, ça me donne pas tellement envie de lire la fic de base...
Oh, et il manque le tag OS non ?