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Chroniques du Ragnarök

Une fiction écrite par Nochixtlan.

Spin-off : Entre Chien et Loup - par FluffleJigglypuff

Je savais que tu viendrais tôt ou tard… Dis-moi, jusqu’où serais-tu prête à aller pour protéger ton peuple ?

La voix qui émanait du miroir était mielleuse, mais l’alicorne savait quel danger se cachait au-delà du reflet nacré de son pelage.

“Tu le sais très bien. Si je suis là c’est que je ne sais plus quoi faire pour repousser nos ennemis. Je suis prête à tout.

- Si tu m’offrais la liberté, je pourrais…

- Je suis désespérée mais pas folle,” le coupa-t-elle sèchement. “Ce serait troquer un ennemi contre un autre encore plus puissant. Je veux un moyen d’utiliser ta puissance.

- Qu’est-ce que j’obtiendrais en échange ?

- Tout ce que tu désires.”

Une paire d’yeux d’un jaune sale se superposèrent à ceux magenta du reflet de Celestia, qui garda son calme. Elle restait de marbre, déterminée. Jadis elle avait juré de défendre Equestria et elle était prête à tout les sacrifices pour obtenir la puissance pour repousser les prédateurs qui les assaillaient. Même pactiser avec cette chose qui la répugnait tant et qui prit quelques instants avant de répondre.

Es-tu vierge ?

- Cela ne te regarde pas.

- Je peux t’offrir ce que tu désires, mais pour cela il me faut une jument… si tu desserres mes liens le temps de la féconder, elle donnera naissance à un hybride qui sera plus puissant que n’importe quel être originaire de cette terre…

- Cela me semble raisonnable.

- Oh, j’oubliais,” susurra d’une voix grinçante la créature, “la conception d’une telle bête demandera à celle qui l’accueillera en son sein un sacrifice… celui de sa fécondité.

La Princesse esquissa un mouvement de recul, seul signe trahissant sa nervosité. Derrière le miroir, son interlocuteur se mit à rire et sa silhouette apparut partiellement, dissimulée en partie par l’obscurité de sa prison planaire. Elle lutta pour ne pas détourner la tête en songeant à l’apparence hideuse de la créature ; la malheureuse qui devrait s’offrir à cette chose le verrait dans toute son horreur, elle. Seulement, Celestia n’avait presque plus d’option si elle voulait en finir au plus vite avec cette guerre qui lui avait déjà tant coûté…

“Très bien,” déclara l’alicorne d’une voix légèrement tremblante, “je te trouverai une jument prête à payer ce prix.

- Oh non, je ne veux pas n’importe quelle jument ; je te veux toi. Alors, es-tu vierge ?...”

Sa respiration s’accéléra et ses pupilles s’étrécirent, seuls signes visibles de la panique qui commença à l’envahir. Puis ses pattes se mirent à trembler, le rythme de son cœur s'accéléra… Il était impensable pour elle de faire cela, se donner à une telle abomination… mais elle sut qu’elle n’avait pas le choix. C’était une chance pour elle de donner à Equestria une puissance incomparable face à leurs ennemis.

Après un léger silence, la Princesse déglutit et parvint difficilement à parler.

“Oui… je le suis…

- Bien. Je veux que tu sois mienne le temps d’une nuit, que ton corps m’appartienne du moindre de tes crins à la plus infime de tes perles de sang. Laisse-toi abuser sans souffler un seul mot et alors tu auras l’enfant que tu désires. Cela te convient-il ?

La jument marqua une longue pause, crispée, prenant conscience de l’horreur qu’elle allait vivre, même si ce serait le temps d’une nuit. Elle avait préservé sa pureté et allait la lui céder, passer le reste de ses jours avec le souvenir de ce qu’elle allait faire… et lui enlever à jamais le choix de pouvoir donner ou non la vie après cette fois-ci. Sa réponse allait sceller son destin jusqu’à sa mort, qui peut-être ne viendrait jamais.

Mais elle allait aussi sceller celui d’Equestria.

“Oui. Pour une nuit, je serai tienne.”

La louve n’avait jamais aimé les fleurs de cette contrée. Son odorat, bien plus fin que celui de la plupart de ses compagnons, se retrouvait souvent dérangé par les effluves si fortes qui émanaient des buissons. Une odeur étrange lui avait démangé la truffe, mais elle avait du mal à la cerner à cause des fleurs qui pullulaient dans les environs. Ses deux comparses n’avaient rien senti et voulaient continuer leur ronde, qui était bientôt finie, mais elle avait insisté pour faire quelques recherches.

“Vous devriez avoir honte d’être aussi pleutres !” aboya-t-elle aux deux jeunes, qui baissèrent les oreilles. “Couvrez-moi.”

Sa lance, qu’elle trouvait habituellement gênante, se révéla bien utile pour sonder les buissons. Fixée à un harnais et faisant partie du matériel réglementaire pour les rondes, cette branche munie d’une pointe en acier permettait de charger un ennemi, en étant assez fragile pour se casser rapidement et pouvoir se dégager sans encombre, le temps de dégainer l’épée de gueule qu’ils possédaient aussi tous les trois.

Avec précaution elle explora les buissons de fleurs aux abords du sentier, tâtant de son arme avant d’y entrer et de chercher à repérer cette odeur qu’elle avait captée. Quand enfin ce fut fait, elle se tapit rapidement dans les fourrées, faisant disparaître son pelage noire marbré de gris.

“Hjördis ?...” appela timidement le plus jeune des deux mâles.

“Tais-toi Radulfr,” le rabroua le second, “tu vois bien qu’elle a trouvé quelque chose.

- Justement, c’est ce qui m’inquiète.”

C’était censé n’être qu’une petite patrouille, la première pour ces deux jeunes qui avaient plus l’air d’être des louveteaux à qui on venait de mettre une épée entre les crocs. Malgré leur entraînement, c’était la première fois qu’ils étaient en mission et ils voulaient impressionner leur tutrice, même s’ils avaient l’impression de s’être ratés.

Hjördis quand à elle avançait prudemment, en silence. Son odorat était infaillible et elle était une chasseuse hors pair, l’une des plus silencieuses. Elle espérait que cette démonstration mettrait du plomb dans la cervelle des deux pipelettes qu’elle essayait de former. Ils étaient dissipés et plus prompts à parler de la meilleure manière de se lustrer le poil plutôt qu’à être vigilants. Ça ne faisait aucun doute qu’elle aurait fait semblant de pister quelque chose pour les surprendre et leur faire comprendre qu’ils devaient rester en alerte ; ils étaient plein de bonne volonté et avaient juste besoin d’un petit coup de patte pour faire de bons patrouilleurs.

Seulement, cette odeur lui était totalement inconnue. Elle donnait le sentiment d’appartenir à un poney, mais en plus dangereux, bien qu’elle ne sache pas en quoi… rien de très rassurant. Quand elle arriva devant le buisson d’où émanait l’odeur, elle se releva et voulut appeler Radulfr et Sindri. Mais quand aucun son ne sortit de sa gorge, elle comprit que quelque chose n’allait pas, avant même de voir les crocs qui fondirent sur sa gorge.

Voyant cela, les deux loups voulurent crier, mais rien ne se fit entendre. Paniqués, ils se placèrent dos à dos et cherchèrent la créature qui avait échappé à leur regard dans la panique. C’était le moment où jamais de garder leur calme, et de faire comme à l’entraînement…

Lorsqu’un grand étalon arriva dans une petite clairière non loin du sentier, il ne restait de la patrouille que trois corps de canidés partiellement dévorés. Un autre poney se trouvait allongé à côté d’eux, les lèvres et le pelage maculés de sang.

La lumière jouait sur les pièces de métal sanglées sur le corps musculeux du terrestre qui s’avança près des cadavres mutilés. Il y avait du sang, des morceaux de chair et d’os un peu partout autour et l’on pouvait encore voir les organes dans les carcasses qui attiraient déjà les mouches. Il s’assit face à son ami taché de sang, qui évita soigneusement son regard. Pourtant il n’y avait nul reproche dans les yeux de l’imposant étalon, pas plus qu’il n’y avait de peur. Seulement de l’inquiétude.

“J’avais faim,” déclara simplement d’une voix cassée le poney couvert de sang.

“Leur disparition risque de compromettre nos chances de passer inaperçus.

- Je sais !” s’emporta brusquement le meurtrier, qui se leva d’un même mouvement. “Mais ils m’ont senti… je ne pouvais pas…”

Un haut le cœur secoua le poney, qui se retourna pour vomir. L’étalon en armure ne bougea pas, sachant de quoi il s’agissait. Son compagnon avait besoin de chasser, de manger de la viande, mais son corps la refusait. Alors il vomissait après chacun de ces repas un mélange de bile et de sang. Il le regardait alors, incapable de faire quoi que ce soit.

“Il va bientôt être tard, partir comme ça ne serait pas prudent. Cachons les corps et trouvons un abri pour le nuit ; ce sera plus sûr. On avisera ensuite.

- Toute l’histoire de ma vie…” soupira son compagnon.

Ce dernier jeta un dernier coup d’œil aux corps dont il s’était nourri, avant de s’en détourner avec un haut-le-cœur et de s’en aller vers une petite rivière afin de se débarbouiller.

Rapidement, les deux voyageurs étaient prêts à partir. L’imposant terrestre vérifia les sangles qui harnachaient son armure de fortune, dont les morceaux venaient d’ensembles épars trouvés sur les restes de champs de bataille. Cela faisait bien longtemps qu’ils parcouraient Equestria sous le même ciel où se disputaient le jour et la nuit... et l’étalon s’était armé en cours de route. L’épée attachée à son flanc avait été récupérée dans les ruines d’un campement loup et devait avoir appartenu à un commandant ; ils avaient eu la chance d’être parmi les premiers pillards.

Son ami lui n’avait aucune protection, sinon la cape qu’il venait d’attacher et qui recouvrait tout son corps à l’exception de la tête. Le tissu marron terre se mariait bien avec son pelage gris sale. C’était bien là la seule coquetterie qu’il pouvait se permettre, car son apparence lui donnait l’impression d’être malade à cause des touffes de pelage qui manquaient ici et là. L’effet était accentué par sa mine toujours sombre, mais surtout par l’une de ses oreilles qui était déchiquetée et le bandeau qui masquait son œil droit.

Les gens le regardaient souvent comme s’il était un pouilleux, un moins que rien, d’autant plus à côté de son ami, plus grand, plus fort, au beau pelage d’un blanc tirant légèrement sur le jaune et au sourire optimiste. Cependant, l’étalon en armure était le seul qui posait les yeux sur lui sans le juger, car ils se connaissaient depuis l’enfance. Jamais le poney à la cape n’aurait imaginé passer plus de quelques heures loin de son ami, qui était aussi son protecteur.

“Désolé, je n’ai pas voulu nous mettre dans cette situation…” lâcha subitement le poney de sa voix éraillée.

“Ce n’est pas ta faute, ta… nature exige cela et ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment. Ne t’en fais pas, je pense connaître quelqu’un dans les environs qui pourrait nous héberger pour une nuit.” L’étalon marqua une pause, avant de reprendre de sa voix grave. “Bon, il ne reste plus qu’à faire disparaître les restes.”

Il se recula, laissant son compagnon plus chétif s’approcher. Entre ses crins d’un noir de jais, sa longue corne s’illumina d’une aura jaune qui grésilla, alors que l’étalon se concentrait pour essayer de contrôler son sort. Les corps et tous les morceaux épars qui provenaient d’eux furent entourés d’un halo de magie, avant de se retrouver lentement compressés les uns contre les autres. Ils s’imbriquèrent, la pression de plus en plus grande afin de réduire les cadavres en une fine poussière. Quand ce fut fait, le licorne poussa un petit grognement et l’aura se dispersa, éparpillant les infimes fragments de corps aux quatre vents, le plus loin possible d’eux.

Un instant de repos fut nécessaire pour récupérer de ce sortilège, avant qu’ils ne reprennent la route. Ils se trouvaient à peine à quelques minutes de Ponyville, où le terrestre savait qu’avait habité une amie de feu son père. Avec de la chance, elle devait y habiter encore.

Fort heureusement, ils arrivèrent sans rencontrer d’autres patrouilles lupines. Le petit cottage où devait se trouver celle qu’ils recherchaient était même tellement en retrait qu’ils ne croisèrent personne. Comme souvent, le licorne se tint en arrière, laissant son compagnon plus engageant parlementer ; d’autant qu’il connaissait la propriétaire, si elle n’avait pas déménagé.

Après quelques coups de sabots, la porte s’ouvrit sur une petite pégase jaune qui manqua de refermer la porte en voyant l’imposant étalon en armure.

“Je… je peux vous aider ?...” demanda timidement Fluttershy.

“Fluttershy ! Tu ne me reconnais pas ?” demanda-t-il de sa voix grave mais enjouée.

La jument au crin rose secoua la tête en se reculant un peu.

“C’est vrai, tu ne m’as pas revu depuis ma naissance,” s’amusa l’étalon. “Tu te souviendras peut-être de mon père, Goldengrape.”

“Morning Star ?” s’enquit Fluttershy, qui vit le concerné opiner du chef. “Que tu as grandi ! Mais que fais-tu ici ? Enfin, si ce n’est pas indiscret…”

“Ça ne l’est pas !” lui affirma le terrestre avec un grand sourire. “Je suis en voyage avec mon ami Eclipse et plutôt que de dormir dehors je me suis dit que je pourrais venir te voir. Papa m’avait souvent parlé de Ponyville et des aventures que tu avais vécues avec tes amies…

- Et comment va Golden Grape ?

- Il est mort,” lâcha simplement le grand étalon.

Le visage de la jument se teinta d’un profond rouge, alors qu’elle baissa les yeux et marmonna de nombreuses excuses alors que Morning Star essayait de la rassurer, comme quoi il avait fait son deuil et qu’elle ne pouvait pas savoir, que tout allait bien et qu’elle n’avait pas à s’excuser.

Finalement, elle les laissa entrer et les installa autour d’un thé afin de discuter. La jument était heureuse de revoir ce poulain qui avait quitté Ponyville depuis si longtemps, ses deux parents étant partis au front et ayant dû l’élever dans les campements militaires. Fluttershy et lui parlèrent longuement en riant des souvenirs qui lui avait été transmis auxquels la pégase insufflait encore plus de vie. Cela donnait à Morning Star l’impression d’être de nouveau plus proche de son père.

Ecplise resta silencieux durant toute la conversation, observant le fond de sa tasse sans y toucher. Il n’écouta rien, ne se sentant pas concerné par ce qu’il se disait, jusqu’à ce que son nom fut prononcé.

“Ton ami n’a pas l’air bien. Eclipse c’est bien ça ? Y a-t-il quelque chose que je puisse faire ?”

Il ne répondit rien et ne releva même pas la tête, tout juste la secoua-t-il pour refuser poliment.

“Il ne parle jamais,” lui confia le grand étalon avec un brin de gêne. “C’est un ami d’enfance et j’ai juré de le protéger. C’est pour ça que nous sommes partis loin du front et que l’on cherche tant bien que mal un endroit où vivre.

- Vous pourriez habiter Ponyville, non ?” lui proposa gentiment Fluttershy.

“Nous préférerions éviter… nous ne sommes pas très à l’aise avec les loups.”

A ces mots, la pégase se raidit, sous le regard intrigué de Morning Star. Comme pour expliquer sa soudaine tension, la porte d’entrée s’ouvrit et laissa entrevoir un être canin qui s’avança d’un pas lourd dans le salon.

“Qu’est-ce que… que font ces étrangers ici ?” grommela le loup en gonflant son pelage blanc. Lorsqu’il vit l’armure et l’épée de Morning Star entassées dans un coin, il se mit à grogner. “Et armés en plus ?!”

“Ori, s’il te plait…” commença doucement la pégase. “C’est le fils d’un vieil ami, il… il était juste passé pour que je lui parle de son père qui est… mort… et je ne peux pas lui demander de… de dormir dehors…”

Le loup se détendit, mais continuait à fixer les deux intrus avec agressivité. Il s’installa aux côtés de Fluttershy, qui essaya de détendre l’atmosphère.

“Je vous présente mon mari, Ori. Ori, voici Morning Star et Eclipse. Ils ne restent ici qu’une nuit puis ils s’en vont.

- Très bien…” soupira son époux.

Le licorne sembla trembler légèrement. Il n’avait pas quitté sa tasse des yeux, mais quelque chose se dégageait de lui. Voyant cela, l’étalon blanc demanda à ce que Fluttershy accompagne son compagnon pour qu’il aille se reposer. Eclipse se leva donc et suivit la pégase sans quitter le sol des yeux.

Ori et Morning Star se retrouvèrent donc seuls, se dévisageant mutuellement, le regard ambre du loup affrontant les pupilles d’un élégant bleu ciel de l’étalon.

“Je n’aime pas que l’on ramène des armes dans ma maison,” déclara le loup.

“Croyez bien que j’aimerais m’en débarrasser,” soupira l’étalon en fermant les yeux un instant. “Seulement, je dois pouvoir protéger mon ami, tout comme vous prendriez les armes pour défendre votre épouse.”

Le canidé blanc resta un instant sans mot dire, avant d’acquiescer.

“Votre ami n’a pas l’air de me porter dans son cœur,” ajouta-t-il.

“Il n’a rien contre les loups si c’est la question. Son malaise était déjà présent avant que vous n’entriez ; Eclipse supporte assez mal la proximité d’autres personnes.”

Le silence s’installa de nouveau, jusqu’à ce que Fluttershy ne revienne quelques instants plus tard.

Morning Star entra dans la petite chambre d’ami quelques heures plus tard avec une assiette de tarte aux oignons encore chaude. Le repas s’était déroulé sans encombre et il avait même pu détendre Ori à son sujet autour de quelques verres d’hydromel. Le licorne était resté allongé sur le lit, enroulé dans sa cape.

“J’espère que tu as faim. Ce sac à puces était pas si désagréable finalement, en plus d’avoir un sacrément bon hyd…”

Le terrestre s’interrompit, alors qu’il remarqua l’œil jaune qui était fixé sur lui. Eclipse se redressa et glissa hors du lit pour approcher de son ami ainsi que du repas, il ouvrit la bouche et dévoila des dents pointues à l’allure tranchantes entre lesquelles il saisit la part de tarte. S’asseyant, il découvrit une de ses pattes antérieurs et s’aida de son sabot pour tout enfourner dans sa bouche.

Une fois la tarte avalée, il retourna s’allonger sur le lit, avec un soupir.

“Eclipse…

- Je n’ai pas envie d’en parler.

- Ça a encore progressé, c’est ça ? Montre-moi.”

Le licorne, à contre-cœur, défit sa cape alors que Morning Star s’approchait. Il en profita pour étirer ses ailes, chose qu’il ne pouvait pas faire habituellement pour ne pas trahir sa vraie nature. Mais il cachait surtout ce qu’il y avait sous sa taille ; tout le bas de son corps était couverts d’écailles violettes à l’apparence huileuse, entre lesquelles poussaient des plumes. La jonction avec le pelage, juste avant ses omoplates, n’était qu’un agrégat de ces trois éléments. Ses pattes postérieures étaient plus fines, reptiliennes, pourvus de puissantes serres noires, alors que sa queue était entièrement écailleuse et souple.

Le grand étalon s’était approché du lit et regardait l’avancée de la métamorphose de son ami avec un pincement au cœur.

“Ça me fait de plus en plus mal…” déclara l’alicorne d’un ton monotone. “Et j’ai de plus en plus envie de… de sang… j’ai eu tellement envie de dévorer ce loup…

- Mais tu ne l’as pas fait. C’est tant mieux.

- Il le faudra pourtant. Je dois achever de me…

- Non !”

Le grand terrestre s’était soudainement crispé, alors que son compagnon se retournait pour fuir son regard.

“Non… je ne veux pas que tu continues.

- Cela te chagrine tant que je devienne un monstre ?” cracha-t-il.

“J’en ai assez de te voir souffrir !” s’emporta le guerrier. “Tu ne peux pas continuer à faire ça.

- Je n’ai pas eu le choix. Tu ne peux t’en prendre qu’à la Princesse…”

Eclipse refusait de se référer à sa mère autrement qu’ainsi et, habituellement, il n’abordait jamais le sujet. Le terrestre lâcha un soupir et s’assit sur le lit à côté de son ami.

“Tu sais qu’elle t’as toujours aimé, malgré…

- Malgré mon père, c’est ça ? Elle s’est vendue comme une traînée pour enfanter un monstre… et regarde le résultat !

- Tu as vu aussi bien que moi les ravages de la guerre,” soutint le guerrier. “Elle a souffert autant que toi du choix qu’elle a dû faire et elle t’a toujours aimé. Toujours. C’est pour ça qu’elle m’a demandé de veiller sur toi et qu’elle nous a ordonné de rester le plus loin possible du conflit.

- Ou peut-être était-ce parce qu’elle en avait assez que je lui rappelle mon père. Qui voudrait côtoyer un être aussi immonde que moi ?...”

Il tourna la tête vers son ami, après avoir retiré son cache-œil, révélant son globe oculaire entièrement rouge, comme rempli de sang. Il sentait au contact de sa langue sa dentition carnassière et ses yeux dérivèrent vers le mélange d’écailles et de plumes qui le rongeait progressivement. Il était laid, défiguré, informe…

“Moi, Eclipse. J’ai grandi à tes côtés et j’ai toujours vu plus que ce que ton… héritage provoque chez toi. Même si tu es né pour devenir une arme, tu es bien plus que ça.

- Je ne crois pas. Cette guerre ne me concerne que parce que je suis né pour elle. Juste… une abomination de plus engendrée par cette folie…”

Morning Star se releva et fit le tour du lit afin de s’y allonger à son tour. Une fois bien installé, il prit l’alicorne entre ses sabots et l’enlaça. Ce dernier fut tout d’abord surpris et manqua de paniquer, mais se laissa faire. Son ami ne le jugeait pas et osait le toucher. Il pouvait entendre leurs cœurs… ils n’étaient pas si différents, exception faite du mal qui rongeait son corps, qui finira tôt ou tard par l’emporter…

“Morning… je ne veux pas devenir un monstre…

- Quoi que tu deviennes, tu seras toujours mon ami et je sais que ta mère t’aimera toujours. Quand tout sera terminé, on trouvera un moyen d’annuler cette transformation. Il y en a forcément un.”

Tout deux restèrent enlacés un long moment, avant de se décider à dormir.

Le lendemain matin, les deux amis se levèrent le plus tôt possible, afin de s’éclipser sans un bruit, mais surtout pour qu’ils puissent être loin avant qu’Ori ne signale leur présence ; une patrouille avait disparu dans le même temps, ça ne pourrait pas être une coïncidence à leurs yeux.

Ce fut quand Morning Star commença à enfiler son armure qu’il s’aperçut qu’on l’observait. Le loup se tenait dans un coin de la pièce et fixait Eclipse, qui le regardait lui aussi de son œil jaune.

“Vous nous quittez déjà ?” s’enquit le maître de maison.

“Nous avons une longue route à faire,” affirma avec une légère gêne le guerrier, “et nous ne voulions pas vous déranger…”

“Tu me déranges, toi,” lâcha-t-il à l’intention d’Eclipse. “Ton odeur me dérange… tu as quelque chose de plus que les autres poneys, quelque chose de… malsain.

- Ça n’est pas grave, de toute façon, on allait s’en aller…

- Que caches-tu sous ta cape ?” Continua le loup en ignorant Morning Star.

“Viens donc me l’enlever.”

Eclipse avait laissé entrevoir ses dents avec ses mots, ce qu’Ori remarqua. Il banda ses muscles, prêt à bondir sur le poney, qui lui aussi se préparait à attaquer, une folle envie de sang dans le regard… mais le grand étalon s’élança sur le loup blanc et commença à lui asséner des coups de sabots. Son adversaire ne manqua pas de répondre, balafrant le visage de l’équidé de ses griffes. Ils luttèrent furieusement, essayant de rejeter l’autre pour le charger de nouveau, fracassant la table du salon, se cognant contre les meubles. Fluttershy, alertée par le vacarme, se mit à hurler, intimant à Ori d’arrêter. Les deux adversaires cessèrent de se battre et se toisèrent, prêts à remettre ça. Morning Star semblait le plus amoché à cause des imposantes griffures, mais il avait asséné au loup blanc de puissants coups qui se ressentaient dans sa posture.

“Je vous l’ai dit…” souffla l’étalon, “je le… protégerai…

- Sortez de chez moi !” hurla Fluttershy.

Le guerrier boitait, son pelage souillé par son propre sang. Il s’écroula sur le sol devant la maison, épuisé, suivit par son compagnon.

“Morning… pourquoi ?...” lui demanda-t-il avec un profond malaise.

“Parce que tu es toute ma vie. Tu es ma seule famille… je sais à quel point tu souffres et je ne veux pas que tu sois malheureux d’être aussi… unique…

- Morning…” Eclipse eut envie de pleurer, mais il se retint tant bien que mal.

Il ôta sa cape et, par magie, la déchira en lambeaux qu’il noua en pansements de fortune sur les blessures de l’étalon.

“Mais…” commença-t-il à protester.

“Ta santé est plus importante que le regard des autres…”

Eclipse voulut ajouter quelque chose d’autre, mais un hurlement se fit entendre, venant du seuil de la maison. Ori s’y trouvait, fixant l’alicorne et son corps hybride. L’alicorne sentit la soif de sang monter en lui ; il montra les crocs et déploya ses ailes, auxquelles il manquait de nombreuses plumes. Ce fut au moment où il allait bondir qu’il se retint. Au moment où il vit Fluttershy, cachée derrière Ori, terrorisée. Ce n’était pas son apparence qui l’effrayait, mais le monstre qu’il était, celui assoiffé de sang. L’arme qu’il était devenu.

Il se retourna et posa le sabot sur Morning Star. Se concentrant, un halo jaune les enveloppa et, dans un flash, ils disparurent.

Une ancienne maison abandonnée les accueillit. Eclipse ignorait où il les avait amenés, mais ils étaient pour le moment en sécurité. Il aida son compagnon à s’installer confortablement, puis il s’assit dans un coin en regardant le guerrier.

“Tu sais, la Princesse ne m’a jamais serré contre elle. De toute façon, elle était toujours trop occupée.” Il marqua une pause. “Pourquoi devrais-je tuer des loups ? Pourquoi… pourquoi…”

Il y avait beaucoup trop de questions et Morning Star se contenta de faire une moue désolée. Il ne connaissait aucune de ces réponses. Il n’était là que pour le protéger et ils étaient tout l’un pour l’autre.

“Pourquoi devrais-tu souffrir en me regardant devenir un monstre ? Et moi… devrais-je le devenir et tuer uniquement parce que… parce que j’ai été conçu pour ça ?

- Eclipse…

- S’il te plaît, laisse-moi finir. Je ne veux plus continuer. Les transformations, ces envies de meurtre et toute cette viande qui me répugne… je suis désolé mais je ne suis pas ce que maman attendait.

- Eclipse… avant notre départ, Celestia… elle m’a demandé de veiller à ton bonheur. Elle voulait que tu sois heureux.”

L’alicorne détourna le regard. Le cœur serré, il ne put retenir quelques larmes qui perlèrent sur le gris de son pelage.

“Je veux mourir, Morning. Je ne veux pas faire souffrir d’autres gens, même pour sauver Equestria.

- Non… je refuse. Je refuse que tu meures, tu m’entends ?!” hurla l’étalon blanc.

“Préférerais-tu que je souffre toute ma vie ?

- Je… je ne veux pas passer le reste de la mienne à souffrir… je ne veux pas vivre sans toi…”

Le silence s’installa un long moment. Chacun à un bout de cette vieille bâtisse abandonnée aux meubles brisés et au sol recouverts de plantes sauvages poussant entre les interstices des dalles brisées, les deux poneys évitaient de regarder pleurer l’autre. Des sanglots en silence, car ils savaient où tout cela allait les mener.

“Partons ensemble,” finit par déclarer l’alicorne.

“Eclipse…

- Tu sais… tu es la seule personne que j’ai aimé dans ma vie. Tu m’as regardé sans me juger, as vu plus en moi qu’une arme ou un monstre… tu as vu ma détresse, ma douleur… si seulement je n’avais pas cette malédiction en moi…

- Tais-toi. Et finissons-en…”

L’alicorne se releva et approcha de son ami, couché sur le sol. Il se lova contre lui et tout deux restèrent ainsi sans bouger. Ils étaient seuls, dans le silence le plus complet et profitèrent d’un dernier instant de quiétude. Eclipse se sentit plus en paix que jamais et eut l’impression que ses douleurs l’avaient quitté. Sa corne se mit à briller d’une lueur dorée qui les enveloppa et, après quelques instants, leurs corps se mirent à se désagréger petit à petit, s’évaporant en petites particules de lumière, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien d’eux.



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Note de l'auteur

Pendant que je suis occupé à ne rien foutre, il y en a visiblement que l'univers intéresse et qui en profitent pour faire leur pain avec, pour mon plus grand plaisir.
Un grand merci donc à FluffleJigglypuff, qui a eu l'énorme gentillesse de faire un petit OS sur mon univers chéri, ce qui me fait on ne peut plus plaisir.
Et en plus ça s'insère tout bien dans Ragnarök, si c'est pas beau ça.

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FluffleJigglypuff
FluffleJigglypuff : #22965
@ironponymaiden Merci pour ton commentaire et de ne pas avoir eu envie de jeter Eclipse au bûcher.
Il est vrai que l'histoire a été conçue pour se suffire à elle même et j'espère que la mention spin-off qui a été ajouté (sous ton conseil judicieux ais-je ouï dire) rendra cela plus clair. C'est purement du slice of life se suffisant à lui-même, là pour étoffer l'univers avec une aventure en marge de la trame principale.
Il faut aussi se dire que, comme tu l'as soulevé, cette histoire se suffit en quelque sorte à elle-même, mais elle a besoin d'un contexte pour avoir du sens et j'ai trouvé que celui de Ragnarök étai parfait, en plus de beaucoup aimer l'univers qui en découle, avec des Démons et une guerre dantesque.
Concernant plus particulièrement Celestia il y avait une nécessité ne serais-ce que d'un point de vue symbolique. Même si d'autres personnes auraient pu faire ce sacrifice pour obtenir une arme, Celestia a déjà fait de nombreuses choses peu éthique pour la guerre, mais qui ne la touchait finalement qu'au niveau moral et ajouter une dimension plus physique et personnel était intéressant ; autant que d'avoir une alicorne blanche incarnant finalement le "bien" s'accouplant avec un être identifiable comme étant le "mal". Il y a tout une symbolique de paradoxe et de dualité autour d'Eclipse, tant dans ses origines que son apparence, la manifestation de sa nature et même son but originel : instaurer la paix par la guerre.
Ce texte manque du coup d'enjeu, j'en conviens, mais il n'est pas censé en avoir. Il présente juste quelque chose qui se suffit à lui-même, qui n'a pas d'incidence dans la globalité de l'histoire mais j'ai trouvé que ça enrichissait l'univers à son propre niveau ; même si, je le conçois, il était osé de présenter un alicorne, un semi-démon et un enfant d'une des deux sœurs. On ne peut que s'attendre à ne pas aimer ça et je suis quelque part content de voir qu'il n'y a qu'un point qui t'a dérangé sur les trois. Et je peux comprendre pourquoi tu ne l'as pas aimé, j'aurais pu faire autrement mais je trouve qu'autrement, ça n'aurait pas été pareil.
Il y a 3 ans · Répondre
ironponymaiden
ironponymaiden : #22902
J'avoue que... Je suis pas convaincu. Pas forcément pour des raisons de contenu. Je veux dire, même l'OC alicorne je me suis surpris à pas avoir envie de jeter un OS au bûcher (même si... j'y reviendrais).

C'est plutôt à cause de ce que j'appellerait, faute de connaître le terme technique, d'un effet "bulle". L'histoire part de "rien", c'est à dire de rien qui ne soit dans l'oeuvre de base (du moins, selon mes souvenirs, Tia n'a jamais sacrifié sa virginité pour enfanter un monstre), pour aboutir à "rien" c'est à dire que les personnages et ce qu'ils ont fait n'ont aucun impact sur l'Histoire globale. Il y a un manque d'enjeux qui contraste énormément avec la nature d'Eclipse. Nom de Zeus, c'est le fils de Tia et d'un démon, né avec une soif de sang de loup, moitié alicorne moitié reptile.

D'où, d'ailleurs, je reviens sur le coup de cet OC Alicorne. Je ne trouve nécessaire nulle part d'en faire un fils de Celestia, ou une alicorne, ou autre. Si, justement, son retrait me fait plus digérer ce qui est communément admis comme une faute de goût, d'un autre côté, ça rend encore plus inutile de lui avoir donné un tel background.
Mais ce n'est absolument pas ce qui me dérange. S'il avait eu un meilleur rôle, je pense que ça serait passé. Là.... ça manque d'enjeux. De quelque chose qui inscrive cet OS dans l'Histoire. Ou même dans Ragnarok, s'il le faut. Trois loup, Fluttershy mariée à Ori, voilà tous les liens avec l'oeuvre originale. Même le démon du début et les origines d'Eclipse sont casable dans un autre contexte.

Je ne suis pas contre cet Os, je suis juste... laissé sur ma faim.
Il y a 3 ans · Répondre
Nochixtlan
Nochixtlan : #22893
Hans30 juin 2015 - #22885
@FluffleJigglypuff
Bien sûr qu'en montrer plus sur Eclipse aurai briser son charme, cela aurai été tout aussi dommageable que si Lovecraft nous aurai donner une description détailler de l'apparence de Shub-Niggurath, ou d'Azatoth.

@Nochixtlan
Bien, si Ori est réellement important pour l'intrigue je comprend.....mais du coup éviscérer Futtershy aurai été possible non?
Comment ça? Tu pense que je ne suis qu'un vils personnage se nourrissant des peurs et angoisses d'autrui? Eh bien sache que.... t'as pas tout à fait tort. ^^


absolument pas, c'est juste que c'est un personnage que j'aime beaucoup et qui sert énormément mes intérêts, tout comme Fluttershy.
Pas que je l'aime bien mais bon, je l'ai dit, elle me sert. Par contre, Rainbow Dash, j'ai pas hésité à m'en débarrasser dans cet univers, t'as vu.
Il y a 3 ans · Répondre
FluffleJigglypuff
FluffleJigglypuff : #22882
@Hans Merci beaucoup, cela me fait chaud au cœur ! J'aurais bien voulu aussi montrer les réels pouvoirs d'Eclipse tout comme son "père", mais je pense qu'en effet on aurait beaucoup perdu sur le côté viscéralement inconnu de l'étendu de ce pouvoir. Quelque part, ne pas savoir est pire...
Et j'aurais pas rechigné à tuer Ori mais ce personnage ne m'appartient pas et je laisse Nochixtlan décider de son sort x) Même si je pense que cela aurait perdu de la symbolique du refus de son "destin" en refusant de tuer un loup, qui est un ennemi.
Encore une fois merci beaucoup ^^
Il y a 3 ans · Répondre
Nochixtlan
Nochixtlan : #22881
Hans30 juin 2015 - #22880
Une bien belle histoire, où l'ont ressent bien la douleur et la détresse intérieure de chaque personnages, l'écriture est assez fluide et se lit facilement. On pourrai éventuellement regretter qu'il n'y ai pas plus de développement sur la nature de Eclipse, mais c'est pas plus mal finalement, cela aurai gâcher l'ambiance de l'histoire je pense.

Bon aller juste pour le "fun", ça aurai été pas mal que Ori se fasse tuer par Eclipse, pour le plaisir de voir la souffrance et la détresse psychologique de Fluttershy. ^^ Oui je suis malsain, c'est pas pour rien que je suis le chroniqueur des manuscrits du serpent.


Merci pour ton commentaire, mais j'aurais trépané Fluffle s'il avait touché à Ori, donc je vais faire comme si je n'avais rien lu ^^"
Enfin, de nouveau merci pour ton comm, ça me fait plaisir, et je pense qu'à FJP aussi!
Il y a 3 ans · Répondre

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