Minor Impact tremblait. Dans la cave éclairée uniquement par une lanterne au plafond, entouré de sa famille, il attendait. Quoi, il ne saurait le dire. La fin du cauchemar, sans doute. La lueur de la lampe vacillait, le sol tremblait, et des volutes de poussière se détachaient du plafond, ajoutant à l'angoisse initiale celle de voir leur foyer s'écrouler sur eux.
Le bruit des chenilles, les éclats de voix, les claquements secs des tirs échangés, les cris de souffrances, et surtout, les bruits d'écroulement, comme si ailleurs, d'autres n'avaient pas eu la chance de garder leur domicile intact. Minor essaya de penser à leurs amis, qui vivaient ailleurs dans la cité, voir même à ceux qui combattaient au nom de...
De foutaises. De bouts de terrain. Toute cette guerre n'était qu'une mascarade qui n'avait jamais rien engendré de bon. Que ce soit ces rebelles brandissant l'étendard d'une liberté qu'il était facile de promettre et beaucoup moins facile d'appliquer ou l'Empire et ses méthodes auquel le grand public ne préférait pas penser afin de continuer de vivre dans leur bulle tranquille, au final, c'était le peuple qui souffrait. Et aujourd'hui, l'étalon pouvait difficilement faire confiance à des gens qui l'avaient enfermé dans sa propre demeure en attendant de réduire la ville en poussière.
Tout ce qu'il pouvait faire à présent, c'était attendre, serrer sa famille, proférer des mots doux pour calmer sa fille en pleurs, caresser la crinière de sa femme qui tremblait, et ne pas montrer qu'il était aussi terrifié qu'elles. En haut, il entendit un bruit sourd, un bruit de canon de gros calibre, et la poussière tomba une nouvelle fois du plafond. Il avait envie de hurler à l'aide, mais à qui ?
Oui, à qui ? Personne de mortel. Ses pensées divergèrent vers la Princesse. Puis à cette image s'ajouta celle des autres princesses alicornes. Celestia ne pouvait pas les aider, depuis son château. Peut-être était-elle en train de combattre, elle aussi, mais Son regard ne pouvait pas se poser sur les petites gens. La princesse Luna devait mener les troupes rebelles, et ne devait sûrement pas se soucier des civils, du moment que son étendard flottait en haut des tours du château avant la fin de la journée. Et Cadence... Les poneys avaient peu entendu parler de cette princesse, jeune par rapport à ses consœurs millénaires, jusqu'à son mariage avec le Prince Shining Armor. Et quand tout a basculé, quand Luna a décidé d'organiser une rébellion pour renverser sa sœur, Cadence et Armor se sont enfuis vers les contrées zèbres, le capitaine de la garde ne voulant pas servir contre ses frères, et la princesse déchirée par la haine qui grandissait entre les deux sœurs. Sans compter qu'il y avait apparemment quelque chose qui liait ces deux-là à la Licorne Suprême, Twilight Sparkle, quelque chose qui les avaient fait fuir ce que l'héroïne était devenue.
Personne ne pouvait les aider.
Minor Impact, et sûrement la majorité des Canterlotiens ne s'étaient jamais préoccupés de la guerre. Et la voilà qui frappait juste à leur porte de leurs balles d'acier, réduisant à néant tout ce qu'ils avaient connus. La Longue Nuit apportée par Nightmare Moon n'avait que retardé le lever du soleil, le Chaos signalant le retour de Discord n'avait, en réalité, pas fait plus de dégât que des nuages de barbe à papa et des pluies de chocolat. Même l'attaque des Changelins n'avait pas autant bouleversé le monde dans lequel vivait le pauvre poney. Parce qu'à chaque fois subsistait un espoir.
Et là, Minor Impact le voyait, Celestia était dépassée, Luna était dans son délire, Cadence et Shining Armor s'étaient enfuis, et les six héroïnes s'entre-tuaient.
Qui prier pour que cette folie s'arrête enfin ?
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Rarity se mit à couvert, tandis qu'une explosion faisait éclater la rue à quelques mètres d'elle. Les morceaux de pavés et de terre retombèrent au sol, salissant sa robe blanche et couvrant sa crinière de poussière. Mais au final, après trois jours de vadrouille, cela n'avait plus aucune espèce d'importance. Sa robe était tâchée de boue depuis quelques temps déjà, et sa coiffure ne ressemblait plus à rien, écrasée par son casque qu'elle avait vite resserré au début de l'engagement.
-Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour un bon bain...
Si tout ce petit monde se retrouvait dans un spa pour profiter des massages d'Aloé et Lotus, elle était sûre que la guerre finirait instantanément. Mais il fallait croire que personne ne songeait aux pattes expérimentées des deux ponettes du spa de Ponyville.
De toute façon, elles ne masseraient plus jamais personne…
Rarity fut secouée par un poney orange.
-Woh ! Rarity ! Ça va ?
Rarity regarda autours d'elle, surprise. Il y avait plus de partisans qu'elle n'en avait vu il y avait quelques secondes, et moins d'éclats de balles. Ils avaient avancés pendant qu'elle était restée à terre. Applejack regarda son amie l'air inquiet.
-T'es sûre qu'ça va part'naire ? Ça fait plusieurs fois qu'tu nous fais l'coup !
-Désolée, fit la belle en raffermissant sa prise sur son arme. Je te suis.
-J'espère bien.
Et la fermière reprit sa course à travers les rues de la ville, Rarity lui emboitant plus ou moins le pas. La terrestre avait raison. Depuis le début de cette bataille, Rarity passait un temps non négligeable à se perdre dans ses pensées, la plupart du temps incluant la fin de la guerre avec une idée ridicule inspirée par la situation dans laquelle elle se trouvait. Mais le stress, la pression, la peur de mourir, l'angoisse permanente de devoir tirer lui donnait envie de quitter la réalité.
Car oui, elle n'avait pas tiré une seule balle. Pas sur un ennemi en tout cas. Enfin, personne de visible, et cela pour deux raisons. Elle ne parvenait toujours pas à se faire à l'idée de tuer. Elle avait subi son entrainement il y avait à peine quelques semaines, et cette bataille était son premier combat. Elle qui avait passé les treize dernières années à vouloir sauver des poneys en leur confectionnant les meilleures protections que son cerveau pouvait concevoir au détriment de sa sensibilité artistique, voilà qu'elle voulait prendre part à ce qui serait la bataille la plus meurtrière de l'Histoire. Elle n'était pas prête. Mais elle n'aurait reculé pour rien au monde, pas quand ses trois amies ayant participé à cette guerre étaient présentes. Et cela était la raison pour laquelle elle ne se laissait pas distancer par Applejack.
D'ailleurs, celle-ci était la seconde raison pour laquelle Rarity n'avait pas encore tué. Qui, de toute façon ? Applejack, elle, n'avait aucun problème à écraser ses ennemis, les voir mourir devant elle. Et hormis les rares instants de lucidité pendant lesquels elle s'occupait du bien-être de la licorne, elle s'adonnait pleinement au massacre d'impérial, privant Rarity de toutes ses cibles. Pire encore, Applejack était depuis toujours une fervente partisane du corps-à-corps, secondée par une chance, ou un talent, exemplaire pour éviter les blessures. Elle s'était rarement pris des projectiles, et tous avaient été arrêtés par le gilet que Rarity lui avait confectionné. Et renforcé. Rarity n'aimait pas le favoritisme, mais la perspective de perdre son amie à cause d'une protection inefficace l'avait empêché de dormir quelques nuits. Alors, elle avait renforcé son équipement.
Perdre son amie.
Rarity leva les yeux au ciel. Les Faucons avaient battu en retraite vers le château. Elle se demanda si Rainbow Dash avait survécu. Oui, sûrement. Et d'après les survivants des Night-Ops, Twilight ne s'était pas montrée non plus. Elles étaient toutes saines et sauves, pour le moment. Rarity se demanda ce qui se passerait si elles se retrouvaient. Si elles étaient toutes les quatre réunies, l'arme au sabot, se tenant en joue telle une mauvaise impasse mexicoltienne. Tireraient-elles ? Est-ce que l'amitié qui les unissait il y avait quelques années comptait encore à leurs yeux ? Elle connaissait sa réponse personnelle. Elle ne pourrait pas. Elle chérissait le souvenir de ses amies telles qu'elles étaient, quand la vie était belle et sans soucis à Ponyville. A quoi ressemblaient Twilight et Rainbow, aujourd'hui ? Elle ne parvenait pas à se défaire de l'idée que leur apparence n'avait pas changée. Elle regarda Applejack et la réalité la rattrapa, encore. Elle était en train de défoncer le crâne d'un ennemi contre un mur, tandis qu'un partisan en abattait un autre qui la menaçait. La licorne était de son côté complètement inutile, perdue dans les brumes de son propre esprit, qui déniait la réalité de tout cela.
C'était exactement ça. Elle niait cette guerre, même plongée en plein milieu d'une bataille qui en déciderait le vainqueur. Elle pensa un instant à Fluttershy et Pinkie. Que devenaient-elles ? Vivaient-elles en paix dans la forêt, loin de tout ça ? Comment se sentaient-elles ? Savaient-elles ce qu'était devenu leurs amies ?
Reviendraient-elles après tout cela ?
-Grenade !
Rarity fut plaquée à terre par un soldat juste avant qu'une explosion se produise à côté d'elle, et tous les sons se coupèrent, remplacés par un long sifflement. Elle ferma les yeux, sentant le corps massif du soldat la protégeant des éclats. Puis, après quelques secondes, le soldat se releva, et Rarity ouvrit les yeux pour voir Big Macintosh lui tendre le sabot, qu'elle prit, puis elle s'en aida pour se relever.
-Va à l'arrière, lui ordonna le musculeux étalon.
-Mais...
-C'est un ordre.
-Big Mac...
Le poney la regarda droit dans les yeux, un air sévère plaqué sur le visage. Elle perdit toute velléité de protester.
-Bien mon capitaine, souffla-t-elle.
Rarity les regardait la dépasser, puis se retourna et galopa vers l'arrière des forces de Luna. Dans l'autre sens couraient des centaines de poneys en arme et des dizaines de véhicules blindés. Au-dessus du vacarme du déplacement de ces engins, Rarity pouvait entendre les bruits de combat plus avant dans la ville. Elle leva les yeux. Les bâtiments commençaient à accuser le choc de la bataille. Des éclats de balles constellaient les murs, certaines portions de maisons avaient été arrachées par le passage des tanks. Mais le pire était ces centaines de cadavres qui jonchaient le sol, dans les ruelles, couchés au pied des murs dans un sommeil éternel, ou disloqués en morceaux de taille variable à cause des explosions.
Enfin, elle arriva au carnage initial. Les forces spéciales, Night-Ops et Fantômes,pensaient leurs blessures et honoraient leurs morts. Il restait moins d'une dizaine de soldat à Stalker, et une vingtaine pour Black Jack. Elle les rejoignit, et vit Flesh tendre la patte vers un pégase noir aux rayures bleues, qui posa de l'argent de mauvaise grâce dedans.
-Je t'avais dit qu'elle tiendrait pas, Rocket.
-Ta gueule, Flesh...
Rarity resta interdite. Il avait parié sur sa participation au combat ? Elle prit un air outré, blessée dans sa fierté, elle fit immédiatement demi-tour. Mais en se retournant, elle tomba museau à museau avec Windvision.
-Calme-toi, Rarity. C'est notre façon de supporter.
La ponette verte lui fit un signe de tête, et la licorne la suivit. Elles se dirigèrent vers le commandant, qui regardait les corps alignés de ses soldats. Rarity reconnut le corps d'Octavia, une musicienne qu'elle admirait beaucoup autrefois, le torse percé d'un énorme trou sanglant, et le crâne enfoncé sur sa majeure partie. Elle avait envie de vomir. Voilà ce que Stalker créait. D'une artiste accompli dont la musique transportait au-delà des frontières, il avait fait une machine à tuer qui, finalement, était morte de façon atroce. Et certains se demandaient pourquoi elle refusait catégoriquement que le petit dragon qu'elle protégeait, malgré son potentiel martial indéniable, entre dans les rangs de l'armée. Elle jeta un regard dur au terrestre, mais celui-ci ne sembla même pas la remarquer.
Finalement, il leva les yeux vers elle, mais ne fit aucun commentaire et se contenta de se tourner vers ses soldats :
-La pause est finie. On y retourne.
-Reçu, fit l'un d'entre eux.
-Faudra qu'on reparle de cette histoire de paye, quand même.
Des rires gras fusèrent des rangs clairsemés des Night-Ops et des Fantômes, qui reprirent leurs armes posées au sol et emboîtèrent le pas à leur leader. Rarity les voyait faire, bouche bée.
-Vous... Vous n'allez quand même pas...
-Finir cette guerre ? l'interrompit Stalker. Si.
La licorne le fixa l'air horrifié, puis baissa les yeux vers les dizaines de cadavres alignés, et passa du poney au charnier sans comprendre.
-On est proche de la fin, fit le terrestre en guise de réponse à sa question silencieuse. Chaque poney compte, et aucun d'entre nous n'a l'intention de voir Luna échouer parce qu'on a décidé que cette bataille était trop pour nous.
Sur ces paroles, il se détourna, et la trentaine de survivant galopa pour rejoindre le front.
Rarity, quand à elle, desserra légèrement les sangles de son casque. Elle prit une large bouffée d'air vicié, et contempla les corps sans vie qui s'alignaient devant elle. Malgré son dégoût pour les Night-Ops, elle devait reconnaître qu'elle en connaissait un bon nombre. Tant de poneys étaient venus la voir, pour des rafistolages, pour discuter ou juste pour la remercier de leur avoir sauvé la vie grâce à ses protections spéciales.
Chaque poney comptait pour faire en sorte que leur mort ne soit pas en vain.
Rarity baissa la tête, adressant une courte prière à Octavia, puis tourna les ergots et courut rejoindre les forces spéciales.
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-Tenez la position !
-L'ennemi fait une percée sur la droite !
-TAAANK !
Explosion. Crimson Brush fut propulsé en arrière, jeté au bas de la barricade sur laquelle il se tenait. Le monde tournait autour de lui, et ses oreilles sifflaient, mais il se remit debout rapidement. La barricade avait été détruite, et au-delà il voyait les formes des soldats ennemis qui se dirigeaient vers la brèche, entourant la forme massive du blindé qui avait détruit les défenses. Les balles fusaient, et le colonel battit prudemment en retraite derrière des sacs de sables non loin. Mais au moment de prendre son arme pour faire feu, il s'aperçut qu'il l'avait lâché lors de sa chute.
-Putain de bordel de...
Il se mit à couvert au moment où une mitrailleuse balaya ses positions. Trois soldats furent fauchés et s'écroulèrent à terre, les autres repliés sur eux-mêmes, attendant que la tempête passe. Crimson Brush osa un regard par-dessus la barricade. Le tank défonçait la première ligne de défense, et les soldats solaires galopaient en sens inverse pour s'abriter sur la seconde ligne, où se trouvait Brush. Beaucoup tombèrent à terre pendant cette traversée. Crimson prit sa radio :
-Mais bordel, OÙ SONT LES UNITÉS ANTICHAR ?
-*Mortes, mon colonel.*
-ET VOUS NE SAVEZ PAS RÉCUPÉRER UNE ARME, SOLDAT ?
-*Désolé, colonel, elles sont sur la ligne Bêta.*
-ET ?
-*La ligne Gamma est sur le point de tomber. Nous ne pouvons pas envoyer des unités de récupération. A cause des tanks.*
De rage, Crimson commença à écraser sa radio, hésitant entre rage et fou rire. Sans armes antichar, ils ne pouvaient pas récupérer les armes antichars. Il fit un tour du regard de la situation. Les impériaux avaient réorganisés leurs défenses sur trois lignes, Bêta, Gamma et Delta. C'était la dernière vraie défense qu'ils avaient à opposer avant de devoir se replier vers le château. Ils devaient tenir cette position.
Mais c'était impossible. Il devait bien y avoir la moitié de toutes les forces rebelles qui s'était jetée sur la ville, et les défenses de Canterlot étaient affreusement limitées. Ils étaient fichus sans renforts. Et cet idiot de Général Stormbreak qui avait réquisitionné les véhicules blindés pour une offensive sur la frontière, soi-disant pour palier leur défaite dans la guerre des tranchées. Résultat, cinq pauvres tanks portant le soleil impérial devaient faire face à ces foutus monstres d'acier qu'étaient les chars des partisans.
Crimson ne savait pas qui étaient les ingénieurs qui avaient retouchés ces machines, mais il aurait bien voulu avoir les même dans son camp. C'était la dure loi des spécialités. Privés du ciel, les rebelles avaient renforcé leur piétaille et leurs blindés. Les impériaux, eux, avaient tout misé sur les pégases et la puissance des Licornes.
Et aujourd'hui, les hérétiques avaient évité les deux. Les Faucons avaient été décimé par ce qu'ils étaient sensés manger au quotidien, et les Licornes du Soleil, toutes surpuissantes qu'elles étaient, ne valaient rien devant une armée entière si elles n'étaient pas accompagnées par tout un tas de bouclier de chair et de sang. L'Empire était privé de ses atouts, et les rebelles les écrasaient avec les leurs. Armes super-lourdes, tanks modifiés et une grande tradition de combat urbain. Les impériaux avaient cinq trains de retard qu'ils se prenaient maintenant en pleine gueule.
Crimson vit des silhouettes grimper aux bâtiments bordant la place, et d'autres prendre place sur les toits. Il prit rapidement sa radio.
-SNIP...
Il se prit une balle dans le cou, et s'effondra à terre. Il vit la radio tomber non loin de lui, et ses soldats, même à couvert, tomber, le crâne défoncé. Sonné, il sentit quelqu'un le prendre. Il fut mis sur le dos, et vit un médecin qui le tirait en arrière. Sa vue se brouillait, et il avait du mal à respirer. Il fut trainé pendant ce qui lui semblait une éternité, mais le médecin n’avait visiblement pas été pris pour cible par un des snipers. Puis le soigneur le lâcha, et se pencha sur lui, lui appliquant des compresses. Il entendit un vague :
-... de la chance... pas mortel... arrêter hémorragie...
C'était tout ce qui lui fallait. Il tâtonna dans sa veste, et sortit une seringue, qu'il se planta dans la patte. Presque immédiatement, ses sens se stabilisèrent. Il se releva, et constata qu'ils étaient sur la troisième ligne de défense. La dernière.
-Colonel, vous devriez...
-Vous avez arrêté l'hémorragie ? demanda-t-il d'une voix plus rauque que d'habitude.
-Oui, mais...
-Alors allez soigner d'autres blessés et laissez-moi !
Le colonel jeta un rapide coup d'oeil autour de lui et jura. La ligne Gamma était tombée, et tout le monde s'était replié sur la Delta. Dans une des brèches des barricades, il vit un poney orange, coiffé d'un Stetson, qui achevait les soldats solaires en les écrasant à terre, un masque de rage sur le visage. La Terreur des Tranchées, Applejack. Crimson regarda par terre, et avisa le cadavre d'un soldat, auquel il prit son fusil, puis visa la terrestre. S'il parvenait à faire ça, le moral de l'ennemi en prendrait un coup.
Mais juste avant de tirer, il vit le poney rouge massif tout à côté de l’héroïne qui le visait. Crimson se jeta à terre juste avant que les balles ne s'éclatent sur les barricades. Il releva lentement la tête, et jeta un coup d'œil au champ de bataille. Les rebelles avaient parcourus la moitié de la distance jusqu'à la ligne Delta, et arrosaient celle-ci de projectiles. Les impériaux se risquaient peu à découvert, et les rares intrépides se faisaient laminer.
Cette position était perdue. Crimson Brush hurla un juron, puis reprit un semblant de calme, récupéra une radio qui trainait à terre, passa sur la fréquence générale, et lança :
-Repli sur le château.
Ils avaient perdus la ville. Il ne leur restait plus qu'à défendre le château jusqu'à la mort, ou les renforts.
Qui ne viendraient probablement jamais.
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Peace Napper avait entendu l'appel, comme tous les autres, et galopait tête baissée à travers la ville haute, vers le château. Ce n'était cependant pas une fuite désordonnée. Des poneys couvraient leurs camarades qui se repliaient, puis ceux qui reculaient gardaient leur position et couvraient la première équipe pendant qu'elle se repliait à son tour. Les traîtres approchaient, les munitions s'épuisaient, l'air sentait la fumée, la sueur et le sang, et la peur tiraillait ses entrailles.
Etait-ce ainsi lors de toutes les batailles ? Y avait-il toujours cette angoisse ambiante, ce malaise permanent qui tordait le ventre ? Peace Napper avait vu plus de mort et de sang en quelques heures que durant les trois dernières vies qu'il avait vécues, il en était sûr. Cependant, l'adrénaline lui donnait le courage suffisant pour ne pas craquer. Il évitait de penser à sa famille, car s'inquiéter n'avait aucun intérêt, au contraire, cela pouvait l'empêcher de réagir promptement.
Il avait tué aussi. Beaucoup. C'était la première fois, mais il n'avait rien ressentit de particulier. Il y était préparé depuis longtemps, et le chaos général ne lui laissait pas le loisir de s'apitoyer sur ses actes. Pour le moment, l'important, c'était de survivre. Et de protéger ses alliés. Il se mit à couvert, mit un nouveau chargeur dans son fusil, puis se mit à tirer sur les ennemis qui approchaient. Des éclats de balles volaient partout le long de la rue, et des morceaux de plâtres et de pavés s'envolaient, lâchant des volutes de poussières, tant et si bien que le gros des forces de la nuit était cachée par la fumée. Un vrai brouillard de guerre, duquel surgissaient des balles qui allaient frapper pierre, briques et parfois chair. Un allié de Napper s'effondra sans un bruit sous l'impact d'un projectile, et le poney se remit à l'abri, jetant un coup d'œil à l'autre groupe, espérant qu'ils étaient en position de couverture.
Puis il vit dans une ruelle transversale la tête d'un poulain regarder l'action, et s'enfuir. Peace Napper écarquilla les yeux, secoua la tête et tapota l'épaule de son chef d'unité.
-Sergent, un civil ! hurla-t-il.
-Tant pis, c'est pas le moment !
-J'y vais !
Le sergent le considéra. Puis il secoua la tête.
-Fais vite, Napper, ou tu vas rater le coche !
Le poney acquiesça, puis s'engagea dans la ruelle. Il voyait l'ombre du poulain devant lui, et galopa à sa poursuite, mais le jeune poney prit peur, et redoubla de vitesse. Jurant, Peace Napper accéléra, hurlant au poney de ralentir, lui disant qu'il allait le protéger. Mais à quoi cela servait-il ? Le gamin avait vu des choses qu'il n'aurait pas dû voir, et devait être complètement paniqué. Le poulain prit une ruelle à droite.
Merde, non !
A droite, c'était vers les rebelles. Peace galopa le plus vite qu'il put, réduisant la distance qui le séparait du gamin. De toutes parts, il entendait les échos des tirs qui résonnaient dans les ruelles sombres, et le poulain continuait d'essayer de le semer, zigzaguant, prenant un maximum de tournants. Napper était désormais perdu, mais cela passait en second dans ses priorités. Il fallait mettre cet enfant à l'abri.
Soudain, le gamin pila, et Napper fut rapidement sur lui. Mais avant de pouvoir lui parler, il vit ce qui l'avait arrêté. À quelques mètres devant, un soldat ennemi les observait, un long fusil à lunette au sabot. Napper poussa le gamin derrière une poubelle, et visa le tireur d'élite, qui fit de même. Le sniper tira une balle qui ricocha contre un mur sans dommage, et Napper appuya sur la détente. Une demi-douzaine de balles sortit du canon dans un bruit de tonnerre, avant que le claquement fatal ne se fasse entendre. Napper regarda son fusil avec horreur.
Le chargeur était vide.
En face, l'ennemi vacilla, et tomba à terre. Il remua encore, rampant pour se mettre à couvert. Napper soupira de soulagement. Il l'avait eu. Il se tourna vers le poulain terrifié, lui adressant un sourire apaisant. Il tourna la tête vers le tireur, et ce qu'il vit lui fit serrer la mâchoire. Un soldat venait d'apparaitre, fusil au sabot, et le visait. Napper ferma les yeux. L'image de sa femme et son bébé s'imposèrent dans son esprit.
Feather, Gift, je suis désolé...
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Tough Head tendit le sabot vers Four Eyes à terre.
-Ça va ?
-J'ai mal.
Le tireur d’élite prit la patte tendue, et le poney le releva. Une balle avait éraflé son épaule, mais la plupart des munitions avaient impacté son gilet. On pouvait dire ce qu'on voulait sur Lady Rarity, mais ses gilets étaient putain d'efficace. Head sortit une seringue de sa veste, mais Eyes la repoussa en secouant la tête.
-Pas besoin.
Le terrestre acquiesça, puis se dirigea vers le corps de l'impérial à quelques pas. Il ne bougeait plus. Le poney rouge le toucha du bout du canon. Mort, définitivement. En même temps, sa mâchoire à moitié défoncée pouvait faire foi. Mais qu'est-ce qu'il foutait là ? Les fanatiques étaient en train de battre en retraite en ce moment.
Soudain, un bruit tout proche le fit sursauter et il pointa son arme vers l'origine du bruit. Le poulain qui se trouvait là hurla de peur et se recroquevilla encore plus dans son coin. Tough Head baissa son arme, et vit Four Eyes et le reste de son unité le rejoindre. La licorne bleue au fusil à lunette regarda le gamin l’air intrigué. Il le désigna d'un geste de la tête.
-On en fait quoi, caporal ?
Head réfléchi, ce qui lui était un peu difficile, le temps que la brume du combat cesse de brouiller ses pensées. Il avait tendance à ne plus réfléchir en pleine bataille, laissant son instinct prendre le dessus. Il ne s'en plaignait pas, après tout, ça lui avait sauvé la mise plusieurs fois. Le problème, c'est que le sergent de l'unité était mort, et qu'il lui revenait désormais de diriger son groupe, alors que ses capacités de commandement était plus que limités quand son sang bouillonait. C'était la raison pour laquelle il déléguait au sniper, d'ailleurs. Four Eyes était meilleur stratège que lui, et chacun couvrait l'autre avec une relative efficacité, en se complétant mutuellement.
Enfin, la rage de combat s'était suffisamment estompée pour lui permettre de tenir un raisonnement. Il s'accroupit pour se mettre au niveau du gamin.
-'Faut pas rester là, mon p'tit.
Le gamin le regardait avec des yeux terrifiés, sans émettre un son. Head roula des yeux. Ça allait être plus difficile que prévu. Il choppa le gamin par la crinière, et le releva, puis il le regarda droit dans les yeux :
-Tu me suis, c'est bien clair ?
L'autre le regardait, les larmes aux yeux.
-C'est bien clair ?
Le gamin acquiesça avec de rapides mouvements de tête, et Head le lâcha, puis l'unité se mit en route. Le caporal avisa une porte non loin, et la défonça d'un coup de sabot. Il fit un mouvement de tête pour montrer l'intérieur.
-Planque-toi là-dedans, et ne bouge surtout pas avant que la bataille soit terminée.
Puis il replanta ses yeux dans ceux du poulain.
-C'est clair ?
Le poulain s'engouffra le plus vite possible dans la maison, et le soldat referma aussi bien qu'il put la porte, considérant que la serrure avait explosée. Puis il se détourna et secoua la tête. Les civils avaient des comportements bien étranges lors des batailles. Il réajusta son arme, et fit signe à sa troupe de continuer. Maintenant que sa rage de sang était calmée, il repensa à l'impérial, qui s'était présenté seul, et avait lutté au lieu de battre en retraite. Voulait-il protéger le poulain ?
Dans ce cas, il aurait mieux fait de faire comme Head, le mettre à l'abri dans un bâtiment quelconque, au lieu de faire l’imbécile.
La troupe traversa les ruelles de Canterlot, pour rejoindre l'assaut principal. Les forces impériales se repliaient sur le château, et les partisans de Luna avançaient rapidement. Cependant, l'escouade de Tough Head avait été déviée dans les coins les plus sinueux de la ville par des snipers qui couvraient la retraite de leurs camarades, ces même snipers qui avaient abattu leur sergent et avaient propulsé l'étalon au rang de chef d'unité. C'était la loi de la guerre, pas le temps de pleurer les morts, la chaîne de commandement ne devait pas être rompue.
Enfin, le poney se demandait pourquoi on n’avait pas nommé Eyes à un grade plus élevé. La licorne était clairement plus talentueuse en ce qui concernait la stratégie, et lui-même n'aurait pas pu s'en sortir s’il n'avait pas été là. Il ne regrettait pas que le tireur à lunette ait été rattaché à son unité.
Petit à petit, les cris des soldats et les bruits des combats se firent plus forts. Ils revenaient vers une artère principale. Les rebelles devaient emprunter les grosses avenues à cause des blindés, les troupes à sabot servant à se débarrasser d’éventuels tireurs embusqués et de possesseurs d'armes lourdes. C'était d'ailleurs la raison pour laquelle l'escouade de Head s'était perdue. Enfin, le caporal avisa l'avenue principale au bout de la ruelle. Il força l'allure, commandant à ses soldats de se presser. Il s'engagea dans l'avenue.
Une rafale de balle le fit reculer immédiatement à couvert, la douleur explosant dans tout son corps. Il s'adossa au mur, et glissa pour se retrouver assis, serrant les dents pour lutter contre la douleur. Eyes se posta au coin, et jeta un bref coup d'œil vers l'origine du tir.
-Et merde. Ils sont retranchés.
-Je pensais que les tarés étaient en train de fuir vers le château ? dit un des soldats.
-Faut croire qu'il y en a des plus dérangés encore pour ne pas reculer quand il faudrait.
Tough Head baissa les yeux vers son ventre. Une large tâche rougeâtre commençait à s'épancher depuis son abdomen. Sa vue se troublait, tandis que son corps se tendait. Four Eyes se pencha sur lui.
-Caporal, ça va ?
Tuer....
-Tough ? demanda Eyes, inquiet.
Sang...
-Oh ! Tough...
Mais c'était trop tard. L'étalon était connu pour ses accès de violence en cas de coup de sang, et sa blessure n'allait pas aider. Sa patte avant droite pendait mollement, déchiquetée, et du sang s'écoulait en cascade de son abdomen. Si on le soignait immédiatement, il pourrait peut-être s'en sortir.
Mais là, à présent, Tough Head mettrait probablement un uppercut dans la mâchoire du premier qui se mettrait sur sa route.
Four Eyes baissa la tête, tandis que Tough Head prenait son fusil dans la bouche et galopait vers l'avenue. Le poney se posta sur ses pattes arrières, prit son arme dans sa patte avant valide et commença à tirer sur la place forte, en hurlant des obscénités. Son camarade, quant à lui, se posta au coin et visa, tirant sur les impériaux dont les têtes dépassaient des sacs de sable. Les tirs provenant de leur position redoublèrent, et il se remit à couvert.
Il regarda Head, dont le corps accusait les impacts de balles qu'il recevait, reculant tandis que des jets de liquide rouge éclataient de tout son corps. Mais le soldat ne semblait pas les sentir, continuant de tirer en hurlant jusqu'à ce qu'il n'ait plus de munitions. Enfin, son arme émit les cliquetis caractéristiques, et le caporal lâcha son arme. Les tirs ennemis redoublèrent, et le poney s'écroula en arrière. Les impériaux continuèrent de s'acharner sur le corps quelques secondes, avant de stopper leur tir.
Eyes prit sa respiration, puis se mit doucement en position de tir. Il regarda par sa lunette. L'ennemi attendait la prochaine vague, et ne l'avaient pas remarqué. Il cligna des yeux. Décontraction. Maitrise de la respiration. Compensation.
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Un tir éclata, et un soldat se renversa en arrière, tomba dans l'enceinte des sacs. Immédiatement, les fidèles de l'astre solaire se mirent à faire feu vers l'origine du tir. Sterling Vision regarda le corps jeté à bas des barricades, puis l'enjamba. L'un des soldats en position sur le mur protecteur hurla :
-Sniper !
Sterling monta sur les barricade, tête baissé, puis jeta un coup d'œil vers l'extérieur. Il vit le corps d'un poney qui n'était pas là il y avait quelques minutes. Un sourire satisfait s'afficha sur son visage. Parfait. Ils étaient parfaits. Le radio s'approcha de lui, nerveux.
-Hum, seigneur Vision, le QG insiste sur la retraite vers le château.
-Nous ne nous enfuirons pas ! hurla la licorne brûlée. Nous tiendrons cette position aussi longtemps que Celestia nous le permettra !
-Celestia nous ordonne de battre en retraite, en fait.
Sterling tourna son regard vers l'origine de la voix, mais ne put pas discerner quel soldat avait commis l’affront de lui répondre.
-Nous ne fuirons pas ! Nous serons une épine plantée dans le sabot de ces traîtres, un îlot de résistance dans cette tempête qui s'abat sur notre belle capitale ! Et nous serons ici pour prêter assistance à nos camarades, en détournant l'attention d'une partie des forces ennemies pour...
Il fut interrompu par une rafale tiré par l'un de ses soldats, imité par ses camarades. Puis les tirs s'interrompirent. Sterling demanda :
-L'avez-vous abattu ?
-Négatif, commandant.
Sterling Vision redescendit dans l'enceinte de la place fortifiée. Ils étaient cinq soldats ici, attendant une mort glorieuse pour la survie de l'Empire, pointe d'une percée qui permettrait de briser l'assaut des hérétiques. Comme à son habitude, Sterling avait dû passer outre les ordres pour mettre en place cette défense, mais cette technique avait su prouver son efficacité. Même si les détracteurs de la licorne prétendaient qu'elle était coûteuse en soldats de valeur.
Tout à ses réflexions, Sterling vit le chef d'unité se diriger vers lui.
-Seigneur, malgré tout le respect que je vous dois, je me permets de mettre en doute la légitimité de vos ordres.
-Pardon ? tiqua le poney cornu.
Pour toute réponse, le sergent regarda les corps de ses soldats morts. Sur trois corps, deux avaient pour toute blessure un trou dans le front. Le seul qui n'avait pas été abattu par la Licorne du Soleil était celui qui venait de se faire descendre par le sniper. Et tout cela pour quoi ? Seules deux escouades de nuitards étaient passées par là. Toutes les autres étaient déjà au château. Ils ne servaient à rien. Ils attendaient juste de se faire descendre, isolé au milieu des lignes ennemies.
Soudain, un soldat hurla :
-Tank !
Le sergent monta sur les barricades et regarda dans l'avenue.
-Non, fit une voix derrière lui. Il vient du château.
Le sergent se retourna, pour voir qu'un véhicule blindé se dirigeait effectivement vers eux, venant du front du château. Le blindé tira un coup de feu, qui explosa les barricades, faisant voler deux soldats qui retombèrent lourdement dans l'enceinte. Le sergent se dirigea rapidement vers les corps à terre. L'un d'entre eux bougeait encore, mais il n'y avait plus rien à faire pour l'autre. Le sergent secoua la tête. Bloqués entre un sniper et son escouade, et un char. C'était la mort assurée.
-Seigneur Vision, nous...
-Nous combattrons jusqu'à la mort !
Le sergent se retourna vers la licorne. Il affichait un immense sourire, extrêmement inquiétant. L'impression qu'avait eue le poney lorsque la licorne leur avait demandé de mettre en place cette position fortifiée s'était transformée en certitude. Le cornu était complètement fou.
Sterling se tourna vers les soldats sur la barricade, un air inspiré sur le visage.
-Notre sacrifice permettra à nos troupes au château d'affronter un ennemi blindé de moins ! Si nous luttons jusqu'à ce que notre dernier souffle traverse nos lèvres, nous...
Détonation. Sterling cligna plusieurs fois des yeux. Une douleur piquante lui traversa la poitrine. Les sacs devant lui était couvert d'éclaboussures de sang. Il avait du mal à respirer. Il se retourna lentement, pour découvrir le chef d'unité, un pistolet encore fumant au sabot, pointé vers lui.
-Gu... Traitre...
Puis il tomba sur les sacs. Le sergent rangea son arme.
-On ne pourra pas rentrer au château. Dégagez de la route avant que le char nous écrase, et trouvez moi un truc pour faire un drapeau blanc.
-Oh putain, oui ! fit un soldat dans un souffle de pur soulagement.
Les soldats quittèrent leur abri pour se mettre hors de portée dans une ruelle transversale. Sterling resta seul, ayant pour seule vision la forme floue du char qui se rapprochait. Le canon tourna pour suivre les soldats, mais ces derniers disparurent de son champ de tir avant qu'il ne puisse faire feu. Cependant, il continuait d'approcher. Le souffle haletant et la vision trouble, car sa magie était désormais trop faible pour lui permettre de voir clair, Vision tâtonna pour trouver son arme. La forme du char continuait de grossir de seconde en seconde. Sterling Vision tenta de se redresser en s'appuyant sur les sacs, mais glissa et s'étala à terre. Il leva les yeux, pour voir l'ombre du monstre de métal juste au-dessus de lui.
Il n'eut pas le temps de crier avant que les chenilles du blindé ne l'écrase sous des tonnes d'acier.
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Le général Clerical ouvrit la trappe de son char tandis que le pilote finissait de détruire les barricades en roulant dessus. Les obus devaient être gardés pour des choses plus importantes. Il se hissa au-dehors, et vit une escouade alliée sortir du couvert d'une ruelle. Le vieux poney leur lança :
-Alors, qu'est-ce que vous faites ici ?
-Désolés, fit un sniper, à en juger par son arme. Mais nous avons eu des contacts sur le trajet.
Le vieux général hocha la tête, puis d'un signe de patte leur fit signe de les suivre.
-Allez, on va être en retard à la fête.
Le char fit un demi-tour sur lui-même, et se remit en route vers le château.
Iron Gear crevait de chaud. L'intérieur du véhicule était très mal aéré, il s'en rendait compte, maintenant. Il faudrait qu'il pense à prévoir ça la prochaine fois qu'il améliorerait ses bébés. Il n'avait pas l'habitude de prévoir le bien-être des passagers du véhicule au-delà de ce qu'on lui demandait, et à présent qu'il partageait leur fardeau, des tas de détails qui lui avaient échappé lui sautaient aux yeux, ainsi que des solutions pour palier.
Qu'est-ce qu'il faisait chaud. Dire qu'avec un circuit d'air en dérivation récupérant l'air extérieur, on pourrait diminuer la température de chauffe d'au moins cinq degrés. Sans compter qu'on pourrait récupérer cet air pour le refroidissement du moteur. Mais ça nuirait à l'étanchéité de l'habitacle par rapport à l'extérieur...
Iron Gear secoua la tête, et vit le général reprendre place au-dessus d'eux, et refermer la trappe. Gear grimaça. L'ouverture de la trappe avait permis de refroidir un peu l'endroit quelques temps. Le général consulta ses écrans, puis dit à l'équipage :
-Bon, on a récupéré les retardataires. Ne les distancez pas.
-Reçu, répondit le pilote.
Gear sentait le véhicule se déplacer, mais lui-même n'avait pas de vue sur l'extérieur. Son travail de chargeur ne le mettait en face d'aucune fenêtre ou écran. Ceci étant, il se débrouillait bien. Connaissant son bébé comme sa poche, il était rapide pour charger les munitions, et les moindres petits dysfonctionnements qui étaient apparus avaient été maîtrisés en très peu de temps. Ils s'étaient fait prendre pour cible plusieurs fois, et Iron Gear avait entendu avec une certaine anxiété les balles ricocher sur le blindage. Il suffisait d'un coup de chance pour qu'elles touchent un organe sensible et immobilisent le char.
Bon, un gros coup de chance. Mais tout de même. Le pire était quand le général repérait des tireurs armés de lance-roquette, ou pire, des licornes. Dans ces cas-là, c'était à celui qui tirait le plus vite et le plus juste. Et malgré ses récents efforts, la tourelle tournait toujours trop lentement à son goût. La faute à la stabilité de la visée. Pour viser juste, il fallait viser plus lentement. Et les électromagiciens n'avaient pas encore trouvé d'algorithme permettant de mieux compenser l'inertie.
Les joies de la conception. Toujours faire des choix.
Iron Gear n'était pas rassuré au milieu du champ de bataille, mais d'un autre côté, voir ses enfants, ces monstres de métal qu'il connaissait presque unitairement, chacun avec ses propres problèmes, ses propres dysfonctionnements qu'il avait passé de longues heures à réparer, en action lui faisait plaisir. Il voyait le fruit de ses efforts, et se sentait moins inutile.
Mais il y avait l'autre aspect de la guerre. Celui des morts et des amis perdus. Et à chaque explosion, il tendait l'oreille. Il en était venu à reconnaître le son d'un char mit hors de combat. Et le général leur faisait part du déroulement de la bataille, incluant les chars immobilisés, inutiles, voire pire, détruits avec équipage. Le cœur d'Iron Gear se serrait encore à cette pensée. Quelques heures plus tôt, le général avait annoncé la destruction du char Death Flower, et la mort de son équipage.
C'était le char auquel avait été affectée son amie technicienne Oiled Water. A vrai dire, tous les techniciens de son équipe avaient été affectés à différents chars, en place de chargeur, pour s'assurer du bon fonctionnement des engins. Et à chaque fois que le nom des chars correspondant sonnait à la radio, les muscles du pégase se tendaient.
-On arrive, les enfants, dit le général.
Soudain, les bruits de combat s'intensifièrent, et Iron Gear entendait par-dessus les bruits de chenille et le ronronnement du moteur les cris des soldats. Des sifflements suivis d'explosion faisaient se contracter le pégase. Le général remit son casque d'écoute sur ses oreilles, et parla au micro.
-Moon Punishment à Commandement. Nous arrivons sur zone. Quelle est la situation ? À vous.
La voix qui répondit sorti du haut-parleur. Le général ne cachait rien à ses poneys.
-La situation s'est stabilisée. Les impériaux se sont retranchés dans le château même et défendent depuis les différentes ouvertures. Impossible de dépasser les jardins. Nous mettons en place un siège. À vous.
-Un siège ? Platinum, nous ne pouvons pas nous permettre un siège.
-Je sais, Clerical, mais nous ne parvenons vraiment pas à passer. Toutes les L.d.S. nous canardent depuis les fenêtres, Sparkle a mis un champ de force en place pour nous empêcher d'avancer, les Faucons font des raids, bref, c'est la merde.
-Hum...
Il y eut des paroles échangé du côté de l'interlocuteur du général, puis il reprit.
-Platinum Armor à Armée de Libération. Maintenez un tir de suppression sur les murs du château. Faites saturer le champ de force. Restez alerte. Les nôtres tentent de percer les lignes.
Clerical reprit le micro.
-"Percer" ? Je pensais qu'on ne pouvait pas passer.
Il y eu une manipulation de l'autre côté, et le général Platinum dit, l'air amusé :
-Tu connais un endroit au monde où Stalker ne peut pas aller ?
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Night Shine visait l'étrange oiseau qui s'envolait de son nid. Les Faucons diminués faisaient régulièrement des raids au-dehors pour larguer des bombes sur les tanks qui pilonnaient les murs du château. Le bâtiment lui-même n'était pas conçu pour résister à un siège, et rapidement les fenêtres avaient volée en éclat, et les murs étaient constellés d'impacts imposants, traces des tirs de tanks et des armes des licornes lourdes. Cependant, la Licorne Suprême avait mis en place un champ de force empêchant quoi que ce soit de le traverser dans un sens. Par contre, il n'empêchait pas les balles de sortir.
On pouvait dire ce qu'on voulait, la timbrée en chef était puissante.
Quoi qu'il en soit, le Faucon se dirigeait rapidement vers les lignes rebelles.
-Quand le poussin quitte le nid...
Il appuya sur la détente. Peu après, la tête du pégase fut rejetée en arrière, et le poney ailé tomba en vrille et s'écrasa dans les jardins.
-... Il tombe de l'arbre.
Night Shine sentit une pression sur son épaule, et vit Flesh qui lui fit signe de le suivre. Le pégase suivit son congénère, restant tête baissée pour éviter les tirs qui fusaient depuis la forteresse, et bientôt ils rejoignirent les autres Night-Ops et les Fantômes regroupés. Night Shine regarda les commandos et secoua la tête. Stalker, Windvision, Flesh, Drill, Moonface, Storm et lui-même. C'était tout ce qui restait des forces spéciales. Et pourtant, ils ne semblaient pas s'en soucier plus que ça. Ils étaient tous préparés à mourir.
Stalker avait déployé une espèce de plan du château au sol, et montrait des passages qui semblaient situés sous le sol. Il vit Night Shine et Flesh arriver et hocha la tête.
-Pour faire court, certains des passages souterrains n'ont pas été bouchés, et nous allons emprunter des tunnels pour pénétrer directement le château. Des questions ?
-Euh... fit Night Shine, commandant, vous l'avez eu où, ce plan ?
L'étalon rouge leva un sourcil à cette question.
-Question stupide, se rattrapa le pégase. Whisper.
-Ces passages ne permettent pas un assaut en bonne et due forme, je présume ? demanda Black Jack.
-Non. Une petite unité peut s'infiltrer, mais si on se fait repérer on se fera canarder comme des cartons à l'entraînement.
Il traça une route sur le plan.
-Les Night-Ops, nous allons emprunter les tunnels pour infiltrer le château, désorganiser leurs défenses de l'intérieur et couper le champ de force. C'est-à-dire trouver un moyen de tuer Sparkle.
-Dibs ! fit Drill.
-Pendant ce temps, Jack, essaye de trouver un moyen de faire saturer le bouclier de l'extérieur. On a trop de peu de chance de réussite pour ne pas penser à un plan B. Tenir un siège est hors de question, nous n'en avons pas les moyens. Dans les prochaines heures, ou Celestia est à nos sabots ou nous battons en retraite. Des questions ?
-Aucune.
-Alors on y va.
Night Shine remit la sangle de son arme par-dessus sa tête, et les Night-Ops se mirent en route, vers la ville désormais silencieuse. Sur le chemin, le pégase noir rayé aperçu quelques portes entrouvertes, derrière lesquelles des civils regardaient si le cauchemar était fini, et rentraient prestement quand ils voyaient les soldats passer. Night Shine se rapprocha de Rocket Storm.
-Tu trouves pas ça bizarre ?
-De quoi ? demanda l'autre.
-Que Black Jack ait obéi sans proposer que les Fantômes participent à l'infiltration.
-Faut croire qu'il a eu sa dose, répondit son camarade en haussant les épaules.
-Hum...
Stalker les mena auprès d'une bouche d'égout, et ils la soulevèrent, puis descendirent dans les entrailles de la ville. Ils se déplacèrent à la lumière de la corne de Drill, puis s'arrêtèrent devant une portion de mur. Stalker fit un signe de tête, et Flesh donna un puissant coup de sabot dans la zone, qui s'écroula, dévoilant un tunnel envahi par les toiles d'araignées. Stalker prit la tête, et les Night-Ops poursuivirent leur périple souterrain.
Au bout de quelques minutes, ils commencèrent à entendre des grondements sourds au-dessus d'eux. Ils avaient atteint la zone de combat, et la sortie de devait plus être très loin. Les commandos sortirent leurs armes, et continuèrent d'avancer. Mais au bout de quelques mètres, Stalker leur fit signe de s'arrêter, et Drill coupa la lumière. Ils attendirent quelques secondes, puis ils entendirent des bruits de pas derrières eux, et une lumière diffuse à un virage un peu plus loin. Storm et Moonface, qui formaient l'arrière-garde pointèrent leurs armes vers l'origine du son et de la lumière. Puis les intrus s'engagèrent dans le boyau où les Night-Ops attendaient, patiemment, prêt à faire feu au moindre signe d'hostilité. Night Shine ne parvenait pas à identifier les poneys, à cause de la lumière qui les cachaient, mais ce fut Windvision qui calma les esprits.
-Fantômes. Mind Illusion à leur tête.
Les deux Night-Ops baissèrent leurs armes, et Moonface siffla. Les poneys qui arrivaient stoppèrent net, puis sifflèrent à leur tour. Ils les rejoignirent rapidement, et Stalker passa à l'arrière.
-Je ne vous demande pas ce que vous faites là.
-Jack se disait que tu refuserais pas si on était déjà presque arrivés, dit Mind Illusion en haussant des épaules.
Stalker les considéra quelques secondes. Il y avait cinq Fantômes pour prêter sassistance aux Night-Ops diminués. Finalement, il se détourna et reprit la tête de la formation, cependant Night Shine aurait juré voir l'ombre d'un sourire sur le visage de son commandant. Le soldat reprit sa marche, mais quelqu'un lui toqua à l'épaule. Il se retourna pour voir Rocket Storm.
-Tu disais quoi, tout à l'heure ?
-Je t'avais bien dit que c'était bizarre.
Soudain, après quelques dizaines de mètres, le commandant stoppa à nouveau la colonne. Au-dehors, les combats faisaient toujours rage, et de la poussière tombait du plafond. Le couloir s'était élargi, mais malgré le fait qu'on puisse se déplacer à quatre poneys de front, les infiltrés avançaient toujours par binôme, Drill et Stalker en tête. Ces derniers s'accroupirent, et la licorne coupa sa magie. Night Shine vu alors ce qui clochait.
Il y avait de la lumière plus loin. Il ne devait pas y avoir de lumière plus loin. Les commandos pointèrent leurs armes, et commencèrent à marcher, posant un sabot après l'autre, de façon la plus silencieuse possible. Ils n'entendaient pas de sons, hormis les combats qui se déroulaient à l'extérieur, atténués car ils se trouvaient sous l'enceinte du château. Enfin, ils arrivèrent à la source de lumière. Des torches. Et si les torches étaient allumées, cela voulait dire que...
-Commandant, fit Drill. Vous êtes sûr que ce passage est oublié ?
Ils entendirent un raclement devant, après un virage, puis le silence. Les douze soldats visaient la courbure, les muscles tendus, prêts à faire feu sur tout ce qui se présenterait. Les oreilles de Night Shine tiquèrent. Il se gratta, mais la démangeaison continuait. Il tendit l'oreille, et entendit un sourd bourdonnement qui s'amplifiait.
-L.d.S. !
-RETRAITE ! hurla Stalker.
Immédiatement, les infiltrés reculèrent, au moment précis où trois licornes apparaissaient au tournant, leurs cornes phosphorescentes pointées vers eux. Ils ouvrirent le feu, mais les licornes ne bronchaient pas, protégées par un bouclier. Puis les tirs d'énergies fusèrent, mais au lieu de frapper les soldats, ils frappaient le plafond. Night Shine regarda en l'air, et vit que les tirs des licornes fissuraient le haut du tunnel.
-Elles font ébouler le passage !
-On sort de là ! Sortez ! hurla le commandant.
Les soldats stoppèrent leurs tirs, tournèrent les ergots, et galopèrent le plus vite possible. La galerie s'effondrait derrière eux, les rattrapant petit à petit, et la poussière cachait le peu de lumière qui leur restait, et qui s'atténuait au fur et à mesure, comme une mauvaise parodie d'une aventure de Daring-Do. Bien vite Night Shine se rendit compte que le bruit de chute de pierre se faisait moins intense. Il regarda derrière lui, mais il n'y avait plus une source de lumière.
-Je crois que c'est fini...
-Putain, j'ai cru que toute le tunnel allait s'effondrer...
Night Shine identifia cette voix comme étant celle de Flesh.
- On n’y voit rien, dit Mind Illusion. Drill, c'est toi la préposée à la lumière, non ?
Silence
-Drill ? demanda Stalker.
-Elle... elle n'est plus là, dit Windvision.
Il s'écoula quelques secondes dans le noir et le silence, puis une licorne des Fantômes alluma sa corne. Ils se passèrent en revue. Ils étaient tous là. Hormis Polished Drill.
-Elle y est restée ? demanda Flesh.
Stalker se remémora ce qu’il s’était passé pendant la fuite, puis il secoua la tête.
-Je n'ai rien vu. Wind' ?
La ponette regarda au loin dans le noir de la galerie, puis fit « non » de la tête.
-Rien avant les éboulis. Elle est en-dessous.
-Et merde ! fit Flesh.
-J'aurais dû me méfier, dit Stalker d'une voix grinçante. Sparkle nous a baisé.
Le commandant soupira, posant une patte sur les éboulis.
-C'est pas la peine de tenter une autre du même acabit. Sparkle a sûrement verrouillé tous les passages. Reste à espérer que Jack avance avec le plan B.
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Black Jack baissa la tête juste à temps, et des projectiles éclatèrent le muret derrière lequel il avait plongé. La licorne secoua la tête. Ce champ était réellement surpuissant. Au train où ça allait, il leur faudrait pas moins de trois jours pour en venir à bout. Et ils n'avaient pas trois jours, ni les munitions pour maintenir un tir soutenu tout ce temps.
Twilight avait vraiment progressé. La pouliche qu'il avait connue lors de ses études en magie était déjà doté d'une puissance phénoménale, mais les événements de ces dernières années lui avaient donné un surplus sans précédent. Devenir l’Élément de la Magie avait dû aider. Son fanatisme et son envie maladive de protéger la Princesse contre tout et n'importe quoi aussi.
Twilight...
Black Jack se donna un coup de sabot dans la tête. Ce n'était pas le moment de laisser le passé intervenir. Il devait se blinder. Se concentrer sur un moyen de percer le bouclier. La première solution, le saturer, ne donnerait rien. S'en prendre au lanceur serait une bonne solution, mais cela impliquait de passer ce maudit champ magique. Et Stalker mettait du temps, trop de temps. Toujours envisager le pire, et imaginer qu'il ait échoué. Black Jack avait beau réfléchir, il ne trouvait pas de contre-sort qui permettrait de défaire un monument magique de ce niveau. Les faits étaient là : Twilight était devenue trop puissante pour une simple licorne comme lui.
Le bouclier ne pourrait pas être mis hors-jeu complètement. Mais comme le prouvaient les quelques balles qui parvenaient à le traverser, concentrer les tirs sur un seul endroit l'affaiblissait. Restait à trouver comment utiliser cette donnée.
Coffee Crime l'interrompit, avec une tête à annoncer une mauvaise nouvelle :
-Stalker n'est pas passé. Les L.d.S. patrouillent les souterrains.
-On aurait dû s'en douter. Ils vont bien ?
-Drill a disparue. Aucune autre perte.
-Tout repose sur nous, hein ?
-J'aimerais tellement mettre un taquet à cette foutue Sparkle pour autant nous pourrir la vie...
La lumière se fit dans l'esprit de Black Jack. Il passa sa tête au-dessus du couvert, et parcourut la façade du château des yeux.
-Tu cherches quoi ? demanda Coffee.
-Un endroit où poser un portail. Il suffirait d'affaiblir suffisamment le bouclier à un endroit, et on pourrait faire entrer les Fantômes directement à l'intérieur du château.
La jument eut un sourire en coin, et prit son fusil.
-Genre, juste à côté de la greluche violette ? Là où il y a une magnifique fenêtre ouverte qui me nargue depuis tout à l'heure ?
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Twilight parcourut les couloirs en pressant le pas. Sa tête la lançait continuellement, à cause de ces traîtres qui pilonnaient son bouclier, mais elle tenait le choc. Heureusement, elle partageait le fardeau du déploiement d'énergie avec trois autres licornes, qui fournissaient leur magie pour maintenir le bouclier. Mais la Porteuse d'Elément faisait quand même le gros du boulot.
Cette bataille était un vrai foutoir. Et un concentré de mystères. Comment est-ce que les traîtres avaient pu traverser tout l'Empire sans être repérés ? Comment ce groupe était-il entré à l'intérieur des murs ? D'où sortaient ces pégases qui avaient botté la croupe des Faucons de Rainbow ? Sans compter que depuis que l'armée avait pénétré l'enceinte de la ville, c'était retraite sur retraite. Le colonel Brush était pourtant réputé pour son abnégation et son mépris total envers ses subordonnés pour s'assurer la victoire. Twilight avait été surprise de le voir arriver aux portes du château, blessé, avec sur ses talons des soldats ouvrant le feu sur des partisans de la Déchue qui s'approchaient très vite.
Mais l'avantage de Brush, c'est qu'il ne reculait que pour être sûr d'avoir un mur derrière lui afin de s'y appuyer. En se retranchant derrière les murs du château, les fidèles de Celestia avaient moins de mal à tenir leurs position qu'en plein milieu de la ville. Tant pis pour Canterlot, s'ils parvenaient à résister le temps que des renforts arrivent, la capitale ne serait pas perdue longtemps.
Enfin, il avait quand même fallu que la licorne déploie son bouclier. Maintenant, elle comprenait les migraines de son frère quand celui-ci avait protégé la cité contre les Changelins, vingt ans plus tôt.
Shining... Cet imbécile et sa lâche d'épouse s'étaient réfugiés chez les zèbres plutôt que d'aider leur famille à anéantir les traitres à leur pays. Twilight se demanda s'ils reviendraient après la fin de la guerre. Et comment les accueillerait-elle ? Cadence serait sûrement en charge de la nuit, après la mort de Luna, à condition qu'elle prête une allégeance sans faille à la Princesse. Quant à Shining, peut-être autoriserait-elle qu’on lui rende sa charge de capitaine de la garde, après s’être assuré de sa loyauté. La famille, c'était tout ce qui restait à Twilight après que ses amies l’aient lâchement abandonné. Sauf Rainbow Dash, et encore, la licorne la soupçonnait de ne pas y mettre autant de cœur qu'elle ne le pouvait. Mais au moins, elle était loyale.
Rainbow, Shining et Celestia. C'était tout ce qui lui restait. Ses parents étaient morts il y avait un moment déjà.
Twilight pénétra un long couloir, et marcha tranquillement. Elle repensa au rapport qu'on venait de lui faire parvenir. Comme elle l'avait prévu, des unités infiltrées avaient tenté de passer par les souterrains. Une chance qu'au moment où le colonel avait ordonné de faire ce dernier carré dans le château, Twilight ait eu l'idée de consulter ces vieilles cartes. Apparemment, ces lâches d'hérétiques aimaient les coups par-dessous de la queue, les récents événements le prouvaient.
Et la façon dont elle avait retrouvé les cartes prouvait autre chose : il y avait un espion dans leurs rangs. Ça la faisait rager. Elle avait exécuté personnellement cinq espions potentiels, tous de l'état-major, et les fuites persistaient. Mais qu'est-ce qui reliait toutes ces personnes ? Aucune n'avait même avoué être un espion. Ils avaient juste accès à ces informations, de façon parfaitement légale. C'était comme si la taupe arrivait à leur soutirer ce savoir sans qu'ils ne s'en rendent compte.
On se croirait dans une des parties de cartes Black Jack. Ce type arrivait à lire dans le jeu de ses adversaires juste en les observant et en les écoutant parler.
Et pendant ce temps-là, leur propre agent infiltré ne donnait même pas signe de vie. Twilight donna un coup de sabot au sol, qui se fissura. La licorne était saturée de magie, et le moindre de ses mouvement électrisait l'air. Les bruits des combats se faisaient plus forts à mesure qu'elle s'approchait du bout du couloir. Elle avisa une petite fenêtre ronde. Peut-être pourrait-elle jeter un coup d'œil aux combats, bien que ça ne paraisse pas être fondamentalement intéressant de voir des soldats tirer inutilement contre un mur violet en se faisant descendre.
Par contre, la fenêtre était ouverte...
Soudain, un éclair d'énergie doré passa devant la fenêtre et pénétra le couloir pour frapper contre le mur tout à côté. À l'endroit où le rayon avait frappé, il y avait désormais une grosse tâche qui avait des relents de magie. Twilight s'approcha de l'étrange phénomène. Qu'est-ce que c'était ?
La tâche s'effaça pour laisser paraître une image des jardins du château, et une petite troupe de soldats en uniforme bleu. Juste en face d'elle se tenait une licorne noire à la crinière d'or, la corne encore brillante du sort qu'il venait de lancer. D'un coup, des souvenirs de l'école de magie remontèrent dans l'esprit de Twilight. L'étalon en face d'elle afficha un air surprit.
-Twilight ?
Elle sentit la colère monter dans ses entrailles, et sa corne crépita d'énergie.
-Black Jack...
Quand elle prononça ce nom, la rage se concentra dans sa corne.
-SALE TRAÎTRE !
Au moment où Twilight relâcha son rayon d'énergie, une ponette rouge sauta sur Black Jack en hurlant. Le portail disparut immédiatement, et le trait explosa le mur.
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Une explosion retentit dans un des niveaux supérieurs du palais et arracha la Princesse Celestia à sa contemplation du champ de bataille. Il y avait tellement de morts. Le jardin était constellé de tâches foncées là où reposaient des poneys baignant dans leur sang. Le bouclier s'illuminait de lueurs violettes là où les projectiles s'écrasaient dessus. Celestia avait cherché des yeux un long moment, mais elle n'était pas parvenue à localiser sa sœur. Au lieu de cela, elle ne voyait que des poneys courir, tirer, hurler, tomber et mourir.
Depuis le premier coup de feu, elle n'avait pas cessé de trembler. Elle baissa la tête. Ses pattes flageolaient toujours, et son estomac lui faisait mal. Quoi qu'elle se dise, elle trouvait cela insupportable. Insupportable, car ils étaient trop nombreux. Les morts. Des deux côtés, c'était une boucherie qui ne trouverait sa solution que d'une manière : la destruction totale d'un des deux camps. Coincés dans le château, ses fidèles ne pouvaient plus reculer, mais continueraient à se battre pour leur Princesse jusqu'à la mort. Et en face, les partisans ne pouvaient plus se permettre de faire un pas en arrière après ce qu'ils avaient sacrifié pour en arriver là. Celestia n'ignorait pas que pour la plupart des soldats de sa sœur, rejoindre l'armée républicaine et se rebeller contre la Princesse du Soleil revenait à abandonner famille, amis et tout ce à quoi ils tenaient, pour leur assurer un avenir qu'ils pensaient meilleur. Et en face, d'autres soldats se battaient pour leur famille et leurs amis, pour un avenir qui leur semblait meilleur.
Au fond, est-ce que Luna et elle-même ne menaient pas un même combat autodestructeur ? N'y avait-il véritablement aucun moyen d'arrêter cet atroce massacre qui décimait ses enfants ? Toutes ces années, Celestia n'avait jamais désiré qu'une chose : le bien-être de ses sujets.
Et aujourd'hui, en cet instant, ses sujets étaient au plus mal. Elle ne supportait pas de les voir mourir
Il n'y avait qu'un seul moyen d'arrêter cette folie.
Celestia prit une profonde inspiration. Elle vida son esprit. Elle ne voulait pas penser aux répercussions qu'aurait son acte. Il n'y avait qu'un seul effet qui lui importait : l'arrêt des combats et de la mort de tous ces poneys, qui laissaient des proches en deuil derrière eux. La corne de l'alicorne brilla, et la porte-fenêtre s'ouvrit. Celestia se mit à marcher lentement, posant un sabot après l'autre sur le balcon. Enfin, elle arriva à la balustrade. De là, elle dominait le champ de bataille. À sa vue, certains soldats lunaires stoppèrent leur tirs, et levèrent les yeux vers elle. Petit à petit, républicains se désintéressaient du combat pour observer leur ennemi ultime. Et devant cette étrange réaction, les impériaux baissèrent également les armes, se demandant ce que pouvaient bien fixer ainsi leurs adversaires.
La guerre était finie. Celestia ferma les yeux, concentra sa magie dans sa gorge pour prendre la voix traditionnelle de Canterlot, et ouvrit la bouche.
A ce moment, elle entendit un « pop » derrière elle, et se retourna rapidement pour voir Twilight, le poil brûlé, qui s'était téléportée à l'intérieur de la salle.
-Princesse !
Sa corne brilla, et d'une formidable poussée magique, elle tira Celestia à l'intérieur de la salle. Puis, sans dire un mot, elle ferma la porte fenêtre, et sa corne ainsi que les fenêtres continuèrent de briller, comme si elle les bloquait.
-Twilight ! dit la Princesse, qu'est-ce que...
La princesse s'interrompit, entendant un sifflement qui gagnait en intensité.
Une gigantesque explosion eu lieu au-dehors, à l'endroit où étaient retranchés les rebelles. Puis d'autres sifflements se firent entendre, suivis par d'autres explosions. Celestia se releva prestement, et regarda par la fenêtre.
Un bombardement pilonnait les lignes ennemies. Mais, à la grande horreur de l'alicorne, certains tirs imprécis retombaient sur les maisons Canterlotiennes. En contrebas, c'était la panique. Twilight tomba à terre, essoufflée.
-Les... renforts...sont arrivés.
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Nicholaus regardait par ses jumelles, juché au sommet d'une des tours du mur de la ville. À côté de lui s'affairait une équipe de poneys qui prenaient des mesures et donnaient des coordonnées par radio. Par ses jumelles, il voyait les abords du château s'illuminer sous les feux des explosions d'obus. Un sourire satisfait s'afficha sur ses lèvres.
-Monsieur, dit l'un des poneys, nous touchons des bâtiments civils. Nous...
-Et alors ? fit simplement Nicholaus.
-Euh...
-Je prends toute la responsabilité des dégâts collatéraux. Maintenant, continuez le pilonnage, où il n'y aura plus de cour martiale impériale pour nous juger là-dessus.
Le poney hésita, puis se résigna.
-Bien, Monsieur.
Nicholaus baissa ses jumelles, et regarda en contrebas. Son instinct ne s'était pas trompé. Il avait eu raison de défier ses supérieurs et de faire demi-tour vers Canterlot. Tant pis pour ce qu'il adviendrait après. Soit ils perdaient et ça n'avait plus d'importance, soit la licorne à l'appendice brisée devenait un héros salvateur. Nicholaus se voyait bien avec une médaille sur la veste. Non pas qu'il soit très branché reconnaissance. Mais ça ferait un superbe coup de sabot dans le museau tous ceux qui le traitaient de paranoïaque.
Les chars de sa colonne commençaient à franchir les portes de la ville pour se diriger vers les forces ennemies. Nicholaus prit les escaliers pour descendre et rejoindre son véhicule. Les canons-mortiers continuaient de pilonner les positions ennemies, mais il y avait fort à parier que ces derniers bougeraient bientôt.
Et Nicholaus serait là, pour les écraser un par un.
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