Phase II : Echec et Mat

Il ouvrit les yeux, et déjà les traces de son rêve commencèrent à se dissiper. Les parties les plus pénibles. Mais pas l'essentiel. Cela resterait encore un long moment, jusqu'à ce qu'il ait autre chose pour s'occuper l'esprit. Sa bouche était sèche, et il sentait des courbatures inhabituelles au creux de ses reins. Ainsi que quelque chose de lourd sur son torse. Il baissa la tête, et les crins de Windvision lui chatouillèrent le museau.

La jument respirait calmement, encore profondément endormie. Avec des mouvements lents et mesurés, Stalker tendit la patte vers les affaires qu'il avait entassées non loin, et ouvrit son étui à brins, duquel il en sorti un et le planta au coin de sa bouche. De l'autre patte, et caressa la crinière de son amante, qui eut une légère réaction satisfaite, sans pour autant sortir de son sommeil.

N'osant bouger de peur de réveiller la jument, il resta là, à mâchouiller son brin en regardant le plafond plongé dans le noir, le temps que ses yeux s'habituent à l'obscurité dans cette tente conçue pour bloquer la lumière du ciel éternellement rouge et, un plus non négligeable dans sa situation actuelle, les voyeurs indiscrets.

Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas rêvé de Fancy Pants.

Comme tout soldat, le tireur d'élite était souvent visité par ses victimes dans ses songes, mais l'élégante licorne ne s'était invitée que par deux fois : le lendemain de son assassinat, et cette "nuit". Et comme il y avait sept ans, Stalker s'était réveillé avec un goût amer dans la bouche.

Mais c'était de circonstance. La guerre, la vraie, celle qui avait changé à jamais le visage d'Equestria, avait débuté à Canterlot par une simple balle, une déclaration dans le sang, et l'étalon au monocle en avait fait les frais. Aujourd'hui, la fin du conflit allait s'écrire également en lettres écarlates, dans les rues de la capitale. La boucle était bouclée.

Fancy Pants... Un des rares doutes du terrestre pourpre. Et la seule fois où il avait tiré sur un allié. La seule fois où il n'avait pas fait des pattes et des sabots pour évacuer un agent en difficulté. Et depuis, cette question qui trottait doucement dans sa tête : est-ce qu'il n'avait pas fait une erreur ?

Les Night-Ops, Stalker le premier, avaient fait des tas de saloperies. Ils avaient assassiné des officiers pendant qu'ils dînaient avec leurs familles. Ils avaient massacré des camps entiers, sans faire aucune distinction entre les soldats prêts à combattre et les autres, qui n'avaient aucune arme pour se défendre. Ils avaient mis à mal des infrastructures et des civils en avait pâti.

Mais les Night-Ops n'agissaient jamais contre les leurs. Les espions, les traîtres, les éléments perturbateurs, tous étaient gérés par le semblant de police militaire qui avait été créé, sur la base de renseignements parfois fournis par l'unité spéciale. Mais eux-mêmes n'opéraient que derrière les lignes ennemies, et ne mettaient jamais un partisan dans leur ligne de mire.

De ce qu'il en savait, Stalker était le seul des nouveaux républicains a avoir jamais fait un tir allié en connaissance de cause et en pleine possession de ses moyens.  C'était même un de ses meilleurs tirs. Sept ans déjà, et le spectre de la licorne le hantait toujours, comme un rappel permanent qu'il avait un jour outrepassé la pseudo-morale qu'il s'était choisie, et déclenché le plus gros bain de sang de l'histoire d'Equestria.

Un cadavre dans le placard qu'il n'arrivait pas à assumer.

-Ton coeur bat bizarrement.

Windvision leva la tête, et ses yeux désormais adaptés permettaient à Stalker de voir le regard inquiet de la jument. Il fit un mouvement, et la terrestre tendit le cou pour que leurs lèvres se rencontrent. Son instinct continuait à lui hurler que c'était une mauvaise idée, mais pour une fois, il l'avait chassé d'un revers de la patte comme une mouche inopportune. Il n'avait aucun regret, et le spectre de Fancy Pants commençait déjà à se disperser.

-Ça ne te dispense pas, fit la jument en se séparant de lui, de me dire pourquoi tu es déjà en train de mastiquer ton anti-stress.

-Un mauvais rêve.

-Et...

-Un très mauvais rêve.

Windvision resta silencieuse quelques secondes, immobile, puis tourna la tête vers un des pans de la tente :

-On entends les combats d'ici.

-Oui.

En tendant l'oreille, ils pouvaient en effet entendre des sons ressemblants à un orage lointain, étouffé. A des kilomètres de leur position, des centaines de soldats lunaires consacraient toute leur énergie et leurs ressources à provoquer l'Empire, et malmener ses troupes avec le minimum de moyens. Une diversion à grande échelle, pendant que les mâchoires de la rébellion se refermaient à la gorge même de l'ancien royaume d'Equestria.

Encore quelques kilomètres, et Canterlot s'offrait à eux.

Quelques kilomètres, et trois forts lourdement protégés.

Une des rares idées des pontes de l'Empire qui prenaient en compte le risque que Canterlot soit un jour attaquée de front. Toutes les routes d'Equestria menaient à la capitale, mais elles finissaient toutes par se regrouper, pour fusionner en un unique chemin qui grimpait ensuite la montagne sur le flanc de laquelle était juchée la citée. Canterlot n'était accessible que par un endroit, pour une armée en tout cas, et les impériaux avaient eu la présence d'esprit d'y mettre non pas une, mais trois campements militarisés. Tous en communication constante entre eux et avec la ville, notamment le quartier général des fanatiques à corne.

Les Night-Ops avaient mené pendant des mois une opération pour générer du chaos au sein de l'Empire et créer un tel foutoir qu'une armée pouvait passer à travers les mailles du filet. Mais dès que le premier de ces avant-poste serait attaqué, peu importerait la discrétion des lunaires. Ils n'auraient que quelques heures avant que l'alarme ne soit donnée.

Fort heureusement, le groupe de Shadow avait une spécialité : vider complètement et rapidement des campements entiers. Ils s'étaient fait les sabots sur des dizaines de forts, de châteaux, de camps et de bases. Si rien ne venait se mettre dans les rouages du plan, l'armée aurait le temps d'être au pieds des remparts de la capitale au moment où la panique s'installerait.

Le réveil émit un sifflement discret. Les soldats avaient généralement le sommeil léger, les Night-Ops encore plus, ce qui leur permettait d'avoir des alarmes matinales suffisamment silencieuses pour ne pas alerter l'ennemi. Il était temps de se préparer. Windvision roula pour libérer l'étalon, et se leva, étirant ses muscles ankylosés. Shadow fit de même, songeant que les courbatures suite à leur dernière soirée n'allaient pas les aider.

Puis la jument se retourna pour l'embrasser, et il se dit qu'il arriverait à faire avec.

-Je retourne à ma tente du coup, fit-elle avec un sourire. J'ai pas pensé à amener mes affaires.

-Je dois sortir pour vérifier que tout le monde se bouge, de toute façon.

Les deux poneys se dirigèrent vers la sortie, et Windvision s'éclipsa rapidement. Immobile sur le pas de sa tente, Shadow la regarda s'éloigner, et dit :

-T'es là depuis longtemps ?

Flesh, assis juste à côté, fit craquer sa nuque avant de se relever.

-Nan, je viens d'arriver, mais j'ai entendu des voix et je voulais pas déranger.

-Trop aimable.

-Rocket est parti il y a vingt minutes. Le feu d'artifice est prêt à ton signal.

Stalker pris une large inspiration, et cracha son brin de paille.

-Alors finit de réveiller tout le monde. On va mettre fin à ce merdier.

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Bon Bon en avait marre. Il faisait pas chaud en ce moment. Elle aurait bien aimé que la Déesse mette un peu plus d'effort pour réchauffer l'atmosphère, ceci étant, avec les problèmes de ces derniers temps, la Princesse avait peut-être d'autres chats à fouetter que de veiller à maintenir une température estivale. Peut-être même que la Déchue était en train de la surpasser ?

Ôtes-toi tout de suite ces blasphèmes de la tête, ma grande, ou tu vas avoir des problèmes avec les Salopes...

Les « Salopes du Soleil », doux nom qu'elle donnait aux Licornes quand elle était seule, enfermée et qu'elle était sûre que personne n'épiait ses pensées. Elle les appelait comme cela depuis l'accident avec Lyra. La pauvre avait osé faire une petite blague sur Celestia, et une espèce de pervers à lunette à la peau ravagée était sorti d'on-ne-sait-où, et avait ordonné qu'on l'arrête.

Depuis, elle n'a jamais su ce qui lui était arrivé. Et ça l'avait mis en rage. Lyra était sa meilleure amie. Elles étaient inséparables. Elles s'étaient engagées ensemble. Elles avaient combattues ensemble. Elles avaient toujours été fidèles à Celestia. Et cette espèce de vieille mule libidineuse la lui avait arrachée, comme si la vie des citoyens appartenait aux Licornes !

Bon Bon était toujours fidèle à Celestia. Ce qui arrivait n'était pas sa faute. Non. C'était celle des Salopes et de cette cinglée de Twilight. Dire qu'elles vivaient dans le même village auparavant. Lyra était même peut-être passée entre ses sabots pour répondre de son "blasphème". Mais l'aurait-elle seulement reconnu ?

-AAATCHA !

Bon Bon sursauta et se retourna. Un poney montait à l'échelle de la tour de garde, emmitouflé dans son uniforme, avec à peine le museau qui sortait dans la pénombre. Bon Bon reconnu le petit filet de morve qui lui pendait au nez :

-Merde, Sneezer, mouche-toi, c'est deg'.

-Dézolé, fit-il d'une voix rauque.

Bon Bon retourna à l'observation du paysage. L'avantage d'un poste proche de Canterlot, c'était qu'il se ne passait...

Sneezer lui mis le sabot sur la bouche et lui tira la tête en arrière. Un couteau jailli, et une intense douleur lui brûla la gorge alors qu'elle voyait du sang gicler dans l'air. Le liquide poisseux lui rendra dans la trachée, puis lui bloqua les voies respiratoires. Elle tomba à terre, incapable de crier, de bouger, ou de quoi que ce soit. Elle ne pouvait voir que la flaque rouge qui s'étandait sous elle, s'infiltrant entre ses poils et ses crins, et Sneezer, qui retira sa capuche pour révéler quelqu'un d'autre qui n'était pas le petit soldat constamment enrhumé. L'intrus sortit un petit fusil de précision, vissa au bout une chose que le cerveau en manque d'oxygène de la jument ne pouvait plus reconnaître, et le pointa vers une autre tour de garde.

Elle pleurait. C'était injuste. Elle ne voulait pas mourir comme ça. Elle ne voulait pas crever dans l'anonymat, gisant dans son sang qui refusait de s'arrêter de couler. Elle n'avait rien demandé à personne, et n'avait pas croisé le chemin d'un lunaire depuis presque un an. Pourquoi maintenant ? Pourquoi ici ?

Sa vue se voilà doucement, et la peur pris place. Elle aurait voulu penser à Lyra, se dire qu'elle la rejoindrait bientôt, que Celestia guiderait son esprit dans le monde d'après. Mais elle ne vit qu'un monstre à la peau brûlée, la dévisageant derrière ses lunettes ridicules.

Rocket Storm nettoya la morve qui lui sortait du nez, alors que la jument qui gisait à ses pieds avait une dernière convulsion avant de mourir définitivement. Après une rapide vérification qu'aucune sentinelle ne restait dans les tours avoisinantes, il rangea son fusil en bandoulière et se dirigea vers l'échelle. Au moment de descendre, il eut un dernier regard pour le cadavre. La ponette avait les yeux grands ouverts, vitreux, la bouche aussi ouverte que sa gorge, et une expression de peur et de tristesse. Il haussa les épaules. Par contre, ce putain d'uniforme lui serrait les ailes.

La prochaine fois, piquer la place d'un pégase nota-t-il dans un coin de sa tête.

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Les portes s'entrouvrirent, et un poney noir clairsemé de subtiles rayures trahissant ses origines sudiste passa sa crinière dans l'interstice. Stalker fit un signe, et Rocket lui confirma que personne ne se trouvait dans les alentours. Les Night-Ops s’engouffrèrent alors dans le camp, dans un silence religieux. Le poney pourpre se rapprocha de l'infiltrateur et lui chuchota :

-Pas de problème ?

-Aucun, répondit Rocket Storm. Mon épouvantail du jour était un enrhumé chronique. J'adore quand ils sont aussi facile à imiter.

-Les gardes ?

-Plus aucun sur les tours, quelques patrouilles font encore des rondes. Comme elles se croisent régulièrement, j'ai rien pu faire.

-T'as déjà fait ce pourquoi on te paye.

-On me paye ?

Stalker roula des yeux et s'avança pour mener son groupe, tandis que Flesh et Octavia prenaient chacun le commandement d'un autre. Un commando, Night Shine se dirigea vers l'infiltré et lui frappa le sabot quand il le rejoint :

-Alors, alors ?

-Un mec.

-Et merde !

-Pas de bol, le deuxième que j'ai croisé était une gonzesse.

-T'as fait exprès, enflure !

-Hey, les filles, les interromput une Polished Drill visiblement mécontente. On a encore du boulot, alors bougez votre cul !

Puis elle s'éloigna, laissant les deux étalons perplexes.

-Il lui arrive quoi ? demanda Rocket.

-Je crois qu'elle est interdite de faire exploser le moindre truc depuis deux semaines.

-Ah !

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-Princesse, j'ai une question qui me trotte dans la tête depuis un certain temps.

L'alicorne de la nuit s'interrompit dans sa contemplation des plaines de la région de Canterlot, pour tourner son regard vers Soarin.

-Mais je dérange peut-être.

-Non, en fait. Je pensais être plus nostalgique de cette vue, mais je ne peux m'ôter un arrière-goût amer assez désagréable.

-C'est la lumière. Le ciel finit par tout rendre fade. Tout manque de couleurs vibrantes.

-Vous vouliez me parler de quelque chose, Soarin ?

L'étalon eut un mouvement de recul devant la soudaine agressivité de l'ancienne princesse, mais il ne pouvait pas lui en tenir rigueur. De toute l'armée, ce devait être elle qui supportait le plus de pression. il décida de laisser tomber l'idée de tourner autour du pot : 

-Pourquoi accordez-vous autant de crédit à Stalker ?

-Que voulez-vous dire ?

-Il a basiquement mit tout ce plan au point tout seul dans son coin. Il dirige ses No... Night-Ops en roue libre, sans rendre de compte à qui que ce soit, si ce n'est à vous, et vous le laissez faire en lui accordant votre bénédiction. Et je ne parle même pas de son réseau d'informateurs.

-Où voulez-vous en venir ?

-Que depuis que je l'ai rencontré, je suis mal à l'aise. Il est trop lisse. Je n'arrive pas à le lire, et je suis inquiet de savoir qu'un type pareil chuchote à votre oreille sans que personne ne puisse avoir un autre avis sur le sujet.

-Vous ne m'avez toujours pas dit quel était le véritable problème.

-Est-ce vous certaine qu'il ne nous trahira pas ? Le plan est trop beau pour être vrai, et tout se passe trop bien. J'ai du mal à croire que nous soyons si proche de Canterlot sans avoir une lame plantée dans le dos.

-Je partage vos inquiétudes sur le fait qu'il est rare qu'un plan aussi risqué se passe sans accro. Par contre...

Elle se tourna complètement, et s'approcha de Soarin, le dominant de toute sa hauteur. Malgré sa nature de pégase bravache, l'étalon ressentait une petite pointe d'inquiétude devant les yeux sévère de l'alicorne.

-... Je ne tolérerais aucun doute sur la loyauté de ceux qui ont ma confiance. Et parmi eux, il n'est personne, et je dis bien personne, qui n'a autant mérité le droit à ma confiance qu'un survivant de Ponyville.

Luna se détendit légèrement, et s'écarta, relâchant la pression inconsciente qu'elle exerçait sur le pégase :

-Peu m'importe qu'ils aient perdu une part de leur âme ou qu'ils soient à la limite de la folie. Ces gens n'ont pas seulement survécu à un enfer, un massacre aveugle. Ils ont fait en sorte que j'y survive, moi. Je n'ai pas la moindre idée de combien de ponyvillois ont donné leur vie pour prolonger la mienne. Et presque tous ont décidé, alors qu'ils pouvaient fuir, vivre loin de la guerre qui se profilait, de me suivre, et de combattre un pouvoir bien trop grand pour eux.

Son regard se perdit dans le paysage qui s'étendait devant elle :

-Oui, j'écoute Stalker. Non, je ne cautionne pas tout ce que les Night-Ops font. Mais un bon nombre d'entre eux me suivent depuis le début, et leur loyauté n'est pas à remettre en cause, jamais. Ils se condamnent pour que le reste d'entre nous puisse continuer à vivre au-delà de cette guerre, car eux savent qu'ils ne le pourront jamais.

-C'est une pensée dangereusement proche de celle de Sparkle.

-Je le sais. Probablement que Stalker aussi. Et je crois fermement que l'idée le révulse autant que moi. Alors je lui fais confiance pour ne pas subir la même transformation. Les Night-Ops ne changent pas les règles de la guerre à leur convenance comme le font les Licornes. Ils en exploitent les failles.

-Soit.

Soarin jeta un coup d'oeil aux plaines d'Equestria, mais la vue ne lui inspirait rien de bien joyeux, alors il se détourna. Cependant, il resta à côté de l'ancienne princesse.

-Et moi ?

-Pardon ?

-Vous avez des doutes sur moi ?

-Aucun.

Le pégase leva un sourcil.

-Vous avez répondu bien vite.

-Parce que je n'ais aucun doute.

-Vous accordez votre confiance bien vite.

-Je sais pertinemment qu'il y a un traître dans mes rangs, Soarin. Vous aussi, et votre petite enquête ne m'est pas inconnue. Vos soupçons sur Stalker sont légitime étant donnée votre relative nouveauté dans notre armée. Mais j'ai de nombreuses raisons de croire à la pureté de vos intentions. Le coupable est à chercher ailleurs.

-Le fameux Whisper qui nous a refilé le tuyau est fiable ?

-L'agent double le plus efficace de Stalker depuis la mort de Fancy Pants. Et, selon lui, avec un risque de trahison proche de zéro.

-Je suppose qu'il a de bonnes raisons de penser ça.

-Je suppose aussi, parce que c'est les seules informations que j'ai sur cette personne. Son véritable nom m'est inconnu également.

-Ah ?

-Stalker veut éviter un nouveau scénario Fancy Pants.

Luna baissa les yeux.

-On peut comprendre pourquoi...

-Bon, dans ce cas...

Soarin déploya ses ailes et se prépara à décoller.

-Je devrais allez voir les autres. Tout va partir en live très vite.

-Vous pensez ?

-Appelez ça l'instinct météorologique des pégases, mais je sais reconnaître quand un orage va péter.

-Au fait, Soarin...

L'étalon tourna sa tête vers l'alicorne.

-Je ne vous remercierais jamais pour le courage dont vous faites preuve. De vouloir rendre leur honneur aux pégases.

-Laissez tomber, Princesse.

Avec son sourire le plus charmeur, il lui fit un clin d'oeil : 

-Wonderbolt un jour, Wonderbolt toujours.

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C'est pas normal...

Rocket Storm avait bien précisé que les sentinelles étaient toujours en patrouille. Pourtant, les commandos n'avaient croisé personne. Comme si elles avaient disparues. Avaient-ils été repérés ? Ils auraient déjà déclenché l'alarme dans ce cas. Non. Il y avait autre chose. Et Stalker n'aimait pas ça. Ça sentait le piège.

Un frisson lui traversa l'échine quand la pensée que la taupe dans l'armée lunaire avait eut le temps de divulguer ses plans lui traversa l'esprit. Mais il se ravisa. Il aurait été plus simple de tomber sur l'armée entière bien plus tôt, quand ils avaient pris des passages étroits et propices aux embuscades. Jamais Sparkle n'aurait permit qu'ils s'approchent aussi près de Canterlot.

Quoi que la Licorne Suprême pouvait être retorse. Stalker n'avait été confronté à l'Elément de la Magie qu'une seule fois depuis le début de la guerre, et avant cela, elle avait quitté Ponyville bien avant qu'il ne soit en âge de comprendre à quel point elle était importante. Mais le fabuleux génie de la planification qu'on lui avait vanté si souvent n'avait rien d'une légende.

C'était bien avant les Night-Ops, quand il commençait à mettre en place son réseau d'information. Il avait profité d'une mission à Stalliongrad pour créer une cellule de résistance plus efficace que les quelques groupes anarchistes qui sévissaient à l'époque. Malheureusement, la mission avait traîné en longueur, et Sparkle, qui mettait alors un point d'honneur à écraser les rebelles et les hérétiques à l'intérieur du pays, s'était déplacée en personne pour s'occuper du problème.

Le résultat avait été une bataille si silencieuse que les habitants n'en ont jamais eu vent. Mais elle avait été meurtrière, et l'étalon pourpre était passé à deux crins de se faire coincer un nombre incalculable de fois, et avait eu la pleine étendue de sa chance. Sparkle faisait peur au peuple par le spectaculaire de ses exactions, mais elle inspirait la crainte à Stalker par la froide efficacité dont elle faisait preuve dans l'ombre, lorsqu'elle avait fait de Stalliongrad un piège à espion meurtrier et impitoyable. Pas un seul membre de la cellule n'en avait réchappé, et la ville était fermement impériale depuis cette époque.

Quand à l'étalon rouge, il évitait depuis soigneusement de se retrouver confronter directement à la licorne violette.

Cependant, dans le cas présent le piège n'était pas assez subtile. Même un novice n'aurait pas annulé les patrouilles, et les avant-postes n'avaient pas de novices. Plutôt des retraités, en fait.

Ce n'était pas un piège, mais il n'y avait aucune sentinelle.

Ce n'était vraiment pas normal.

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Herd Vice avait le groupe de lunaire dans sa visée. Une vingtaine de commandos, qui se baladaient tranquillement dans le camp, comme s'ils étaient chez eux. Une véritable insulte lancée à la face de l'Empire.

Il n'avait pas vu une patrouille avant de tomber sur les rebelles. Sa petite promenade nocturne avait pris un tournant très désagréable, mais au moins, il avait un os à donner au capitaine pour justifier sa sortie nocturne. Avouer qu'on faisait le mur pour mater une camarade était une très mauvaise excuse devant une cours martiale.

En parlant de ladite camarade, il espérait que Bon Bon allait bien. Vice avait entendu parler d'histoire impliquant des fantômes lunaires, et ça ne se finissait jamais bien pour les sentinelles. Mais il ne voyait pas ce que ces soldats venaient foutre ici. A part son emplacement sur la route vers Canterlot, le camp n'avait aucune valeur stratégique, et le front était encore loin. Une mutation tranquille dans l'esprit de tous les combattants du soleil.

Quoi qu'il en soit, il n'avait pas d'autre moyen de donner l'alerte que hurler ou tirer, et la première solution lui paraissait très conne. Autant abattre quelques-uns des hérétiques dans l'opération, si possible le chef, et c'était ce qu'il cherchait parmi les commandos, mais aucun d'entre eux n'avait de signe montrant son grade, et les ordres semblaient être donnés par des signes relayés par tous les poneys. Pas moyen de trouver un leader dans tout ça.

Finalement, il se décida à tirer dans le tas, et se planquer ensuite. Pas question de mourir tant qu'il n'était pas au front. Il cala la crosse de son fusil sur son épaule, visa, et ressentit un choc sourd sur sa nuque qui le fit sombrer dans l'inconscience.

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Stalker vit des ombres sauter du haut du toit d'un des bâtiment en face d'eux. Il pointa son arme vers les intrus, imité par son équipe, mais Windvision claqua sa langue pour l'arrêter :

-Laisse, c'est Jack.

Stalker poussa un soupir contrarié, et baissa son arme tandis que le nouveau venu le plus proche fit basculer sa capuche en arrière, révélant sa crinière d'or. Les Fantômes de Black Jack sortirent des ombres derrière ce dernier, deux d'entre eux portant un corps que l'étalon carmin devinait encore vivant. Il renifla. C'était vraiment pas le moment.

Cependant, Black Jack lui offrit le plus charmeur de ses sourires, et chuchota d'un air taquin :

-Pas bien prudent de vous promener à découvert comme ça.

-Jack, qu'est-ce que tu fous ici ?

La licorne roula des yeux, et désigna le solaire évanoui :

-Je vous aide. Le temps nous est compté, et les Fantômes sont parfaitement capable de vous donner un coup de sabot pour accélérer le mouvement.

-J'en doute.

-Shadow, tu dois arrêter de nous foutre en arrière. Mes gars sont autant capable que...

-Jack, on a pas le temps pour cette discussion, alors je vais te faire une démonstration.

Sur ces paroles, le terrestre dégaina son pistolet équipé d'un silencieux, et tira une balle qui traversa le crâne du soldat inconscient.

-Je sais parfaitement de quoi sont capables les Fantômes, Black Jack. Et c'est la raison pour laquelle je ne voulais pas que vous participiez à cette opération.

La licorne se retourna, un masque incrédule sur le visage, pour voir ses poneys lâcher le cadavre, comme s'ils avaient subi un choc électrique. Soupirant, Stalker fit signe à Windvision de prendre le commandement de son escouade, et les Night-Ops se retirèrent, laissant leur leader seul avec les Fantômes, dont le chef affichait maintenant une véritable rage, tout juste contenue pour éviter de hurler au milieu de la base ennemie :

-Bordel Stalker, t'as vraiment pété un câble, hein ? Ça y est, la guerre est presque terminée, tu te sens plus pisser ?

Disant cela, la licorne s'approcha du terrestre, et lui prit le col, l'autre sabot prêt à lui briser la mâchoire à la moindre parole déplaisante.

-Va falloir te mettre dans la tête qu'on est pas obligés de tous les...

-Je croyais que le temps était compté ?

Black Jack resta muet un instant, et Stalker planta son regard dans le sien.

-Les Fantômes nous font perdre du temps. Ménager la vie des solaires nous fait perdre du temps. Faire en sorte que les types qu'on met hors-combat ne nous tombent pas sur le dos lorsque l'attaque sur la ville va commencer nous fait perdre du temps. Un temps qu'on a pas.

-On a pas le temps pour éviter d'être des monstres ?

-Non.

D'un geste Stalker se dégagea de la prise de Black Jack, qui resta immobile, ne sachant pas s'il devait laisser éclater sa colère et frapper le Night-Ops jusqu'à ce qu'il retrouve un semblant de conscience, ou s'effondrer là, incapable d'arrêter une machine infernale malgré toute sa bonne volonté.

-Il est beaucoup trop tard pour éviter d'être des monstres.

-Ce ne sont pas les méthodes que la République nous avait promises.

-Non. Ce sont les miennes.

Stalker se détourna, et ajouta, avant de partir rejoindre ses soldats :

-Envoie les coordonnées des patrouilles que vous avez mise hors-combat à Polished Drill. Et après ça, soit tu rejoins Octavia, soit tu rallies l'armée. Mais ne te mets pas dans nos pattes. On reste en contact.

La licorne le vit ensuite partir au galop, et disparaître dans les ombres. Ses muscles tremblaient, et il sentait ses dents grincer tant il serrait la mâchoire.

Depuis qu'il avait rejoint les rebelles, il avait dans l'idée de créer les Fantômes, afin de proposer une alternative aux Night-Ops. D'avoir un groupe de loups solitaires qui ne réfutaient pas la morale exigée par la République imaginée par Luna.

Et aujourd'hui, il apprenait qu'il avait échoué. Les Night-Ops détruisaient beaucoup plus facilement ce que lui mettait tant de temps à construire.

Il frappa le sol avec force.

-ET MERDE !

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-*Traqueur aux Ombres. Fantômes sur site. Les cavaliers sont en échecs, mais pas mangés. Mangez les cavaliers.*

Octavia roula des yeux, et répondit :

-Clé de Sol à Traqueur. Bien reçu.

-*Tant que je te tiens, Clé de Sol, les Fantômes vous sont assignés. Terminé.*

-Clé de Sol, bien reçu. Terminé.

La ponette lâcha sa radio. Donc, cette étrange absence de patrouilles était due à la présence de Black Jack et ses gais lurons. Quelque part, ils avaient battu les Night-Ops à leur propre jeu, et avaient été plus rapides, mais la licorne noire avait une faiblesse qui allait beaucoup leur coûter. Malgré leur réputation, les commandos ne tiraient aucun plaisir d'assassiner leurs victimes lorsqu'elles étaient incapables de se défendre. Black Jack avait transformé une opération de nettoyage déjà peu morale en exécution sommaire de prisonniers.

On n'envoyait pas les Night-Ops pour chouchouter l'ennemi, surtout à quelques heures d'un assaut sur leur capitale.

Gentle Melody, la licorne de liaison qui lui avait été affectée, s'approcha d'elle avec une carte flottante devant elle, les yeux fermés. A intervalle régulier, une marque apparaissait sur le plan. Les licornes de liaison avaient l'avantage sur la radio de pouvoir faire passer des images dans leurs esprits, et donc de visuellement transférer des informations, comme des coordonnées, beaucoup plus rapidement. Cependant, l'entrainement était ardu, et peu de magicienne parvenaient à maîtriser le rituel. Sans compter qu'il était inutile voire dangereux dans le feu de l'action. Néanmoins, dans le cas présent, la licorne se contenta, après que la lueur de sa corne se soit atténuée, de donner le plan à Octavia :

-Les positions des patrouilleurs hors-combats.

L'ancienne musicienne parcouru la carte un court instant, évaluant où étaient les corps inconscients par rapport à son propre objectif, et déclara :

-On fait un détour. Et les Fantômes vont nous rejoindre en route.

-C'est bien, acquiesça Melody. Comme ça je pourrais mettre mon sabot dans la gueule de Jack en personne.

-Tu feras la queue, commenta un autre poney.

Ils s'élancèrent, toujours dans un silence complet, mais avec une allure bien plus soutenue que précédemment. Savoir qu'aucune sentinelle leur accordait plus de liberté, car à cette heure, le seul risque était les soldats ne respectant pas le couvre-feu. Et ils pouvaient facilement gérer un ou deux poneys qui n'étaient pas sur leurs garde.

Mais rien ne vint les interrompre dans leur course, et ils arrivèrent à l'un des points marqués par Melody. Là se trouvaient un groupe de quatre poneys évanouis, un terrestre, deux licornes et un pégase. Ils respiraient doucement, leur poitrine serrée par une corde se soulevant et s'abaissant dans une lente cadence. Le pégase avait les paupières qui tremblaient sous le mouvement des yeux en dessous. Il devait être en plein rêve, et son air béat indiquait que ce devait en être un bien agréable.

C'était difficile. Difficile de se dire que ces types, déjà vaincus et probablement en train de prévoir, dans les brumes de leur inconscience, comment ils allaient s'en sortir en prison, devaient mourir. Octavia, et un bon nombre de ses camarades, faisait une grande différence entre tuer et exécuter. Tuer un ennemi, même de la façon la moins honorable qu'il soit, en faisant sauter un pont sur lequel il se trouve, ou en l'abattant d'une balle dans la nuque à plusieurs centaines de mètres, c'était une chose. Mais un prisonnier, c'était quelqu'un qu'ils avaient déjà battu. Ce n'était même plus un soldat. Juste un civil en attente de retourner à sa petite vie tranquille.

Mais la différence entre un Night-Ops et un autre soldat, c'est que la difficulté ne les a jamais empêché de faire leur boulot. Et que la pitié n'était qu'un état d'esprit, pas quelque chose qu'ils appliquaient. Alors Octavia tira son couteau de combat, et passa la lame affûtée sur les gorge de chacun des quatre prisonniers. Elle ne s'attarda pas sur leur courte agonie, nettoya son arme et la rangea, puis s'éloigna en compagnie de ses soldats.

Ceux-ci ne firent aucun commentaire sur le fait que la ponette avait pris la responsabilité d'avoir tué les quatre prisonniers elle-même sans leur laisser l'occasion de partager les torts.

Ils se dirigèrent vers les quartiers, qui se composaient de trois dortoirs, deux pour les troupes et un autre, plus confortable, pour les officiers. Alors qu'ils s'approchaient, la jument s'apprêta à lancer ses ordres, mais sa radio grésilla :

-*Pokerface à... Mince. Sol Mineur ? Violoncelle ? Bref, on approche, tirez pas.*

Soupirant une nouvelle fois, Octavia répondit :

-Clé de sol, bien reçu, Pokerface. En attente.

Puis elle changea de canal :

-Clé de Sol à Traqueur. Fantômes en approche, nom de code Pokerface.

-*Traqueur, bien reçu. Je transmet. Terminé.*

Elle relâcha sa radio, et vit Black Jack et ses Fantômes sortir de derrière un bâtiment. Les deux groupes se rejoignirent rapidement, dans une méfiance commune. Seul Black Jack semblait légèrement plus détendu :

-"Clé de Sol", c'était ça. J'y étais presque.

-Les noms de code sont rarement très originaux, n'est-ce pas, "Pokerface" ?

-Touché.

-Vous êtes prêts à suivre mes ordres ou il faut que je vous mette dans un coin avec tétines et hochets le temps que l'on fasse le sale boulot ?

L'humeur de Black Jack s'assombrit, mais il ne se laissa pas abattre :

-Il est trop tard pour redéfinir votre magnifique plan, je présume. Mais comptez pas sur nous pour verser dans le sadisme.

-Si j'étais sadique, Black Jack, je vous obligerais à exécuter vous-même vos prisonniers pour vous faire comprendre ce que vous êtes en train de me faire vivre.

L'étalon baissa les yeux, à la fois perplexe et touché par ce que venait de dire la jument, mais celle-ci ne lui laissa pas le temps d'y réfléchir plus avant, et continua :

-Combien de Fantômes sont présents ?

-Tous. Trente-huit.

-Et j'ai vingt Night-Ops sous mes ordres. Nous avons trois objectifs, annonça-t-elle en dessinant un plan sur le sol avec son couteau. Les blocs A et B sont ceux de la piétaille, le C est celui des gradés. Mon unité va encercler le A, qui devrait être plein à craquer à cette heure-ci. Vous, vous allez vous occuper du B, dans lequel dormait la plupart des patrouilleurs et qui devrait être presque vide, et le C, qui est divisés en chambres et plus simple à gérer.

-Vous nous prenez pour des amateurs ?

-Dans l'art subtil du massacre unilatéral, oui. L'objectif n'est pas de faire de prisonniers. C'est de tuer tout ce qui respire à l'intérieur de ces bâtiments, fusse-t-il réveillé ou paisiblement endormi. Est-ce que je me suis bien fait comprendre.

Black Jack poussa un grognement, mais ascquiesça :

-Oui.

-On attend le signal de Stalker. Nous devons être synchronisés avec la coupure de communication. Mettez-vous en position.

-Bien.

Black Jack se retourna, et fit signe à Coffee de rassembler tout le monde. Mais il déclara avant qu'Octavia ne s'éloigne :

-On reparlera de tout ça.

-Je n'en doute pas. Vous avez un certain nombre de gifles en retard.

---

-Black Jack est un crétin.

Flesh se dressait devant les trois corps assommés des patrouilleurs, rangeant sa propre carte mise à jour. Il prit son fusil, et le soupesa, le trouvant beaucoup trop léger. Rien ne valait une bonne vieille mitrailleuse, mais elle manquait cruellement de discrétion pour ce genre de mission. La dure vie d'un commando qui devait s'adapter aux différentes situations.

-Rooh, on peut pas lui reprocher d'être un gentil petit poney.

Polished Drill eut un sourire moqueur en disant cela. S'il y en avait bien une qui ne ressemblait pas à un poney de l'avant-guerre...

-Un gentil petit poney n'a rien à foutre dans une mission conçu spécialement pour les Night-Ops.

-Mazette, mais c'est qu'il joue au méchant, Blanche-Neige.

Pour toute réponse, Flesh tira une rafale dans la direction des prisonniers. A cette distance, même quelqu'un avec aussi peu de précision que le pégase pouvait difficilement rater les trois crânes désormais méconnaissables.

-C'est pas en jouant au gentil qu'on va gagner cette guerre.

-Ma vie, ma guerre, mon incapacité à tirer droit, par Flesh.

-Un best-seller.

-Si seulement tu savais écrire.

-Les gens, vous savez que j'ai appris depuis le temps ?

Drill le regarda comme s'il venait de faire une triple pirouette arrière carpée.

-C'était pas une blague ? Tu savais vraiment pas lire ?

-Pardon ?

-J'ai toujours pensé que c'était une blague, cette histoire que tu savais pas lire. Tu sais, pour se foutre de ta gueule.

-Drill, si t'étais pas aussi jolie, je te défoncerais la gueule.

-Ça serait avec plaisir, mon chou, mais la dernière fois que tu avais prétendu me défoncer, j'ai été très déçue.

Flesh se racla la gorge, et marmonna :

-J'avais pas prévu que tu serais aussi psycho...

-Que veux-tu, j'ai une personnalité... explosive !

La licorne commença à s'éloigner, retenant avec beaucoup de difficulté son hilarité. L'étalon roula des yeux, et fit signe à son unité de se remettre en marche. Au moins, tant que Drill continuait de se foutre de sa gueule et de faire de très mauvaise blague, elle pouvait supporter son manque de chose à faire exploser. L'artificier psychotique était compliquée à gérer depuis quelques jours, surtout avec la promesse que dans un futur proche, les rues de Canterlot brûleraient. Allez savoir ce qui s'était produit dans la vie de la licorne pour qu'elle ait viré cinglée, celle-ci n'en parlait jamais.

Une chose était sûre, ça n'avait nullement affecté son physique, ou alors c'était pour le meilleur. Ayant pris la tête du groupe, elle se trouvait juste devant Flesh, qui pouvait alors admirer la sculpture de ses pattes postérieur, le roulement des muscle fessiers sous sa fourrure bleue nuit, et le fait qu'elle se savait pertinemment épiée et en exagérait le balancier de ses hanches.

Si l'étalon devait faire une campagne de recrutement pour les Night-Ops, il choisirait probablement le slogan "rejoignez-nous et devenez sexy grâce au régime Stalker". L'entraînement pour devenir un membre des opérations spéciales était exigeant, et les capacités physiques demandées par les missions élevées. Il avait entendu quelqu'un dire un jour que là où les soldats étaient des chiens, les Night-Ops étaient des félins. Rapides, discrets, agiles, et toujours capable de briser la nuque de quelqu'un d'un simple mouvement. Le corps suivait la marche, pour le plaisir des yeux de ses ladys et gentlecolts.

Ajoutez au mélange la mentalité "pas de lendemain" des commandos, et vous obtenez des personnes très libérés sur leurs compagnies nocturnes. Après venait le problème de ce qui se passait sous les draps, et c'est là que sa relation avec la bien nommée Drill avait un peu coincé, malgré toute la bonne volonté de l'étalon.

Finalement, ils atteignirent un hangar, un entrepôt d'armes, fermé. Leur objectif. Flesh se mis à côté de la licorne qui observait déjà la serrure, et lui demanda :

-Tu sens rien ?

Polished Drill fit claquer sa langue, avec une exaspération évidente.

-C'est arrivé une fois, Flesh. Y'en avait qu'une, de ses saloperies, on l'a confirmé plusieurs fois. C'est pas comme si Stalker avait passé presque six mois à tanner ses contacts pour savoir s'il y en avait d'autre !

-Shadow pense ce qu'il veut, mais on est jamais trop prudent.

-Non, y'a rien, et sérieux, tant que je vomis pas, arrête de me demander. Ça me gonfle.

-Mais ça fait un tel sujet de conversation !

-Reste à côté de la porte, Flesh, que je puisse te fumer en même temps.

L'étalon s'écarta légèrement, et Drill sorti une pâte de son sac dont elle badigeonna la serrure, puis fit une étincelle avec sa corne. La pâte s'enflamma, et quelque chose sauta à l'intérieur du mécanisme. La porte s'ouvrit toute seule, et Flesh s'engouffra à l'intérieur du bâtiment avec deux autres poneys, l'arme au sabot. Mais, à leur grand soulagement, personne ne semblait garder l'endroit, et il ne leur fallut qu'une minute pour s'en assurer.

-Bon, fit Flesh. Allez mesdemoiselles, on installe le bordel vite fait. Et que ça saute.

-Cette blague était merdique, Flesh, lui lança Drill de l'autre côté de la pièce.

-Je confirme, dit un autre poney.

-Flesh, ferme ta gueule !

-Je vous emmerde tous, déclara Flesh avec un grand sourire. Maintenant, faites ce pourquoi vous êtes payés.

-Sérieux, on est payés ?

---

-*Traqueur à Eclipse. Blanche-Neige vient de confirmer, la tour est en échec. Tout le monde est en position. Vous en êtes où ?*

Night Shine prit sa radio.

-Ici Eclipse. Le fou est presque échec.

Il jeta un coup d'œil à son coéquipier.

-Encore trois coups, je dirais.

L'autre lui fit quelques signes.

-Deux plutôt. Eclipse Terminé.

Il lâcha sa radio.

-Bon, tu t'en sors ? demanda-t-il au poney occupé en face de lui.

-C'est pas évident. On dirait qu'ils ont pas fait le ménage depuis un millénaire, là-dedans.

Night Shine laissa son regard dévier. Dvorak était un électromagicien de talent, à défaut d'être un soldat efficace, et encore moins un Night-Ops en bonne et due forme. Mais parfois, les commandos avaient besoin d'un expert en désamorçage d'alarme, en piratage et autres joyeusetés liées au boum de l'électromagie qui avait eu lieu pendant la guerre. Et quand c'était le cas, ils sortaient l'arme lourde, sous la forme d'un cerveau gorgé de connaissances et de sabots agiles et précis, avec un peu de viande autour de la forme d'un poney qui répondait au doux nom poétique de Dvorak.

En ce moment, celui-ci trifouillait dans une armoire de fusibles et de câbles de couleurs et de tailles diverses et variée, qui déterminait le fonctionnement du poste de communication du camp. Il n'avait pas de plan, il n'avait jamais vu ce genre de système, et pourtant son esprit faisait des corrélations logiques, puisant dans ses souvenirs pour faire des comparaisons avec d'autres systèmes connus. Il lui suffisait d'un rien. Juste d'observer. « L'électromagie, c'est pas compliqué. Juste complètement et entièrement logique » disait-il. Il n'empêche que pour les profanes un peu bourrins tels que l'étaient les Night-Ops, c'était un monceau inextricable de choses compliquées, avec des noms qu'ils prenaient bien souvent pour des insultes.

Night Shine, lui surveillait les environs. Les capacités de combats de Dvorak étaient pour le moins limités. Il savait se servir d'un fusil, et pouvait probablement s'en sortir en cas de duel un contre un face à un ennemi, mais les Night-Ops étaient rarement dans une posture aussi bonne, sans compter que l'électromagicien devait se concentrer sur sa tache. Et dans ces moments-là, la licorne à la crinière chaotique et aux yeux fous oubliait purement et simplement le monde extérieur.

Cependant, c'était efficace. Il avait promis deux minutes au commandant, il lui en avait fallu une pour démêler ce réseau. Il sortit de sa veste un appareil, doté d'un écran et pourvu d'un appendice qu'il clipsa à un câble. L'écran afficha des chiffres qui défilaient, puis se stabilisa. Le poney continua à trifouiller un peu dans les câbles, posant de minuscules charges explosives ici et là, puis fit signe à Night Shine, qui prit sa radio.

-Eclipse à Traqueur. Le fou est en échec. À vous.

-*Traqueur à Eclipse. Vous avez le sabot sur la détente. Dès que la reine est hors-jeu, on attaque.*

Night Shine se tourna vers l'électromagicien, qui plaquait un casque contre une de ses oreilles, et celui-ci lui fit quelques signes compliqués.

-Ils sont en train de le faire. Terminé.

Night Shine rangea sa radio, puis s'approcha de Dvorak, qui lui passa une oreillette :

-*...routine. Pas de dangers immédiats à signaler. Nous...*

La reine, Canterlot, devait être mise hors-jeu, c'est-à-dire qu'il fallait attendre que le rapport soit envoyé, leur octroyant quelques heures de répit avant que quiconque ne s'aperçoive de ce qui se passe.

Et à ce moment, pour eux, ça serait l'apocalypse.

---

-On a également intercepté quelques appels radios... Non, c'était codé, quelque chose en rapport avec des échecs... Aucune idée, nous n'avons pas réussi à les localiser... Je voudrais vous y voir, c'est le bordel en ce moment... Oui, on travaille toujours à réparer les communications, mais en attendant, non, je ne sais pas d'où viennent ces appels... Oui, c'est ça...

L'opérateur se passa le sabot dans la crinière.

-Bon, ceci étant dit, fin du rapport, j'ai rien d'autre à signaler. On se rappelle dans douze heures... Hein ? Ah, oui, six, si tu veux... Je sais qu'il est flippant, mais sérieux, c'est vraiment utile tout ça ?... Mais non, c'est un parano. Le front est encore loin... Bon, six heures alors. Bouclier 1, terminé.

Draft Draw enleva ses écouteurs et les posa sur la table, puis fit basculer un bouton, pour passer en mode écoute. Il fit pivoter sa chaise, et vit le capitaine juste à côté de lui, une tasse de café au sabot. Draw se jeta en arrière de surprise, manquant de peu de tomber à la renverse.

-Vous savez, fit l'officier, vous devriez éviter de parler comme ça du colonel Brush à la radio. On pourrait vous écouter.

-Mon capitaine, fit Draw en esquissant un semblant de salut. Je suis désolé mon capitaine !

-Oh, vous n'avez pas à vous en faire, fit le vieux poney en haussant les épaules. Le colonel prend son travail à cœur pour l'instant, mais d'ici quelques mois, il sera aussi blasé que nous tous ici.

Le pégase fixa Draw droit dans les yeux et bu une nouvelle gorgée de café. Le jeune soldat déglutit, ne sachant pas comment réagir devant cet officier qui l'observait comme s'il le jugeait.

Il y eut un instant de flottement, puis le gradé éclata de rire. Draft Draw eut un sourire gêné.

-'Faut vous détendre, mon vieux, fit le capitaine. On dirait que je m'apprête à vous dévorer !

-C'est que je ne suis pas encore habitué, mon capitaine.

-Ah, oui. Je viens d'être muté, alors on se méfie un peu, hein ? Dire que je serais encore au front s'il n'y avait pas eu un fils de garce qui m'avait fait ça.

Le capitaine montra son moignon d'aile et prit une autre gorgée de café. La radio se mit à grésiller, et Draft Draw se précipita dessus, mettant un des écouteurs de son casque sur une oreille, et touchant à quelques boutons.

-*...queur aux Ombres. Echec et Mat. Je répète, Echec et Mat. Terminé.*

-Encore ce code. Je me dem...

Il fut interrompu par la porte bruyamment défoncée. Les deux poneys se retournèrent vivement pour découvrir un terrestre rouge sombre dans l'ouverture, qui pointait son arme vers eux. Il ouvrit le feu, mais au lieu des bruyantes détonations, seuls quelques plops ridicules se firent entendre. Pourtant, le poste radio explosa, puis les balles déchiquetèrent le crâne de Draft Draw. Le capitaine se jeta en arrière, mais il ne put éviter d'être touché au ventre. Rampant au sol, il voulut crier pour donner l'alerte, mais une autre rafale fit exploser les lattes de bois autours de sa tête, jusqu'à ce qu'une balle atteigne sa cible et met fin à ses tourments.

Stalker désengagea son chargeur et en chercha un nouveau. Quatre poneys le dépassèrent pour se diriger vers la porte vers la salle de repos. L'un d'entre eux l'ouvrit, révélant un solaire, le sabot tendu vers la poignée, visiblement très surpris. Mais il n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait, et le Night-Ops lui logea une rafale dans le torse, le projetant en arrière dans une gerbe de sang. Les commandos investirent la petite salle où se tenaient trois autres poneys, apparemment dérangés en pleine discussion autour d'une cafetière à moitié pleine. Pas un d'entre eux n'eut le temps de dégainer.

Après s'être assuré de la mort de leurs victimes et qu'il n'y avait pas d'autres issues, les commandos ressortirent, en silence. Puis une explosion retentit d'autre part dans le camp. La radio de Stalker grésilla :

-*Blanche-Neige à Traqueur. Tour mat. On s'occupe des cavaliers restants. Terminé.*

-Traqueur à Blanche-Neige. Bien reçu, terminé.

Il manipula l'appareil pour changer de canal.

-Traqueur aux Ombres. Fou et Tour mat. Terminé.

Les communications étaient coupées, l'entrepôt d'armement était détruit. Restaient les pions, les soldats, qu'Octavia et Black Jack devaient éliminer. Cependant, s'ils n'avaient pas déjà terminé, ils risquaient d'avoir des soucis.

-Night Shine, tu prends Rocket, Slash, Moonface et Roads et vous allez vous occuper des types que Jack a capturés. Les autres avec moi, on va voir si on peut donner un coup de sabot à Octavia.

---

Fluffy se dirigeait vers la sortie des toilettes. Les autres dormaient encore, assurément, mais la ponette avait une vessie en carton-pâte, et devait régulièrement se lever pour aller se soulager. Les yeux encore cotonneux, n'ayant pas osé allumer la lumière de peur de s'éblouir, elle tâtonnait un peu dans l'obscurité. Les toilettes n'avaient pas de fenêtres, c'était bien dommage... Enfin elle sentit la porte, et posa la patte sur la poignée.

Elle entendit un fracas à l'extérieur, comme si on défonçait la porte. Curieuse, elle tourna la poignée et ouvrit. Elle se trouva face-à-face avec une ponette grise à l'air hautain. Celle-ci lui plaqua le sabot contre la bouche et la poussa violemment contre le mur. Sonnée, Fluffy ne put réagir quand elle vit la ponette sortir un couteau de son étui, et lui planter vivement en travers de la gorge. Fluffy n’arrivait même pas à crier, avec ce sabot dans sa bouche.

La ponette tira sur son couteau, tranchant carotide et trachée dans le même temps, puis laissa le corps de Fluffy tomber au sol, se vidant de son sang et de sa vie sans un bruit. Octavia se retourna. En face des toilettes se trouvait le bureau-chambre du sergent. Elle ouvrit la porte pendant que les autres membres de l'unité traversaient le dortoir pour tuer les poneys endormis.

Dans le noir, Octavia pointa son arme vers le poney endormi, et tira une rafale. Elle entendit un gémissement, mais qui fut couvert par une sourde explosion venant d'ailleurs dans le camp. L'ancienne musicienne tourna son regard vers la fenêtre. Drill était peut-être cinglée, mais elle savait doser une explosion. Le son avait à peine dû sortir du camp, et ils évitaient ainsi de laisser des armes à des solaires qui se prendraient d'envie de leur tomber dessus par derrière. Octavia se demanda comment se débrouillait Black Jack. Elle sortit de la chambre pour aller dans le dortoir, dans lequel les commandos s'affairaient à nettoyer leurs lames ensanglantées. Elle alla à la fenêtre, et écarta le rideau.

-Mais qu'est-ce que...

Ce crétin n'avait toujours pas lancé l'assaut. Elle vit une ponette s'approcher de lui, pour lui parler.

---

-On voit rien, avec ces foutus rideaux.

-Pas grave. Il faut qu'on se dépêche, lui répondit la licorne. Cette explosion a dû les réveiller. On entre. Apple Red, tu passes devant.

-Bien reçu, chef.

La ponette se plaça en face de la porte, la défonça d'un violent coup de pied, et pénétra à l'intérieur du bâtiment. Puis elle regretta ces foutus rideaux. S'ils n'avaient pas été là, ils auraient vu que les Solaires ne dormaient pas. Cinq poneys la regardèrent, surpris, des jeux de cartes dans les sabots. L'un d'entre eux était à moitié levé toutefois, sûrement alerté par le bruit de l'explosion. Elle pointa son arme vers eux.

Et ne tira pas. Ils étaient désarmés, sans défenses, surpris au milieu d'une partie de carte. Si elle tirait, ça serait une simple boucherie, un massacre. Et Black Jack lui avait appris à abhorrer les massacres.

Ce fut la seconde de trop. Le poney à moitié levé n'était pas aussi désarmé qu'elle l'avait cru, dégaina son arme et tira une volée de balles sur la ponette. Elle sentit quatre chocs sur son gilet pare-balle fabriqué par Rarity, au niveau du torse, mais la cinquième balle lui traversa la gorge, transperçant tout ce qui s'y trouvait. La sixième et la septième atteignirent son épaule et sa patte. Elle s'effondra sous son poids, toussant pour dégager ses voies respiratoires inondées.

Derrière elle, Black Jack et Frostbite, d'abords effarés, puis pris d'une rage indescriptible, ouvrirent le feu en hurlant, tuant net le poney assassin, et continuèrent sur leur lancée en massacrant les autres, qui tentaient vainement de rejoindre leurs lits pour y récupérer leurs armes. Ils n'eurent aucune chance de survie face aux deux poneys réclamant vengeance. Le reste des Fantômes pénétra dans le bâtiment, et commencèrent à fouiller les moindres recoins. Mais comme prévu, il ne restait que cette poignée de soldats, maintenant étendus sur le sol, et les autres devaient avoir été achevé par les Night-Ops. Coffee Crime, le médecin du groupe se précipita sur Apple Red, l'ausculta rapidement, et fouilla dans son sac pendant qu'un autre poney mettait ses sabots sur la gorge de la ponette pour endiguer le flot de sang. Crime sortit différents instruments, des bandages et des compresses, et commença à s'affairer sur la blessée. Black Jack s'approcha, regardant l'opération par-dessus l'épaule de la praticienne. Apple Red tourna légèrement la tête vers lui, des larmes gouttant aux coins de ses yeux.

-J... Jck...

-Chuut, lui intima Coffee. Accroche-toi, Red, mais parle pas.

Le médecin continua de se battre pour sauver cette vie. Il semblait à Black Jack que l'hémorragie s'atténuait. Apple Red recommença à respirer normalement, et Coffee écarta lentement ses sabots.

-Je pense qu'elle est...

Puis la carotide de la ponette explosa, projetant du sang sur les spectateurs. Apple Red eu un dernier spasme, et son corps s'affaissa lourdement.

-Merde ! hurla Coffee Crime. Non, merde, Red !

Elle se pencha sur la jument, mais ses sabots restèrent à quelques centimètres du corps, sans bouger. Le médecin ne savait pas quoi faire. Ou plutôt, elle savait qu'il n'y avait rien à faire. Une carotide tranchée pouvait difficilement être traitée si on n’était pas dans un hôpital, et c'était pire encore en situation de combat. Son rafistolage n'avait pas tenu le choc contre la pression qui s'écoulait dans les vaisseaux de la ponette, c'était tout. C'était... normal.

Mais elle venait de voir une amie mourir entre ses sabots. Encore une fois. Elle se releva, cachant ses yeux et se maîtrisant le mieux possible pour ne pas se laisser envahir par cette tristesse qui l'assaillait, puis se dirigea vers la sortie. D'autres Fantômes regardaient le cadavre de la ponette, partagés entre l'incompréhension, la tristesse et la tentative de se raisonner en se disant que c'était normal. Mais voir un camarade mourir sous ses yeux ne pouvait pas être considéré comme normal. Les soldats sortirent un par un du bâtiment, jetant un dernier coup d'œil au corps ensanglanté, les yeux révulsés. L'un d'entre eux ne put le supporter, et s'appuya sur le mur pour vomir.

Black Jack ne pouvait pas détacher ses yeux de la ponette. Elle avait hésité, il l'avait vu. Elle avait voulu donner leur chance aux soldats adverses, comme lui essayait de le faire. Et elle était morte. C'était aussi facile que ça. Une hésitation, un mort. Soudain, la lumière se fit dans son esprit. Il comprit les méthodes Shadow Stalker et des Night-Ops. Eux n'hésitaient jamais. S'il y avait plusieurs choix, ils prenaient le plus expéditif, sans se prendre la tête. Parce que chaque seconde qu'ils gagnaient sur la réflexion augmentait leur chance de survie.

C'était des monstres, des assassins, mais ils étaient encore en vie. Si Red avait mis l'honneur de côté, si elle avait tiré sur des ennemis désarmés, elle ne serait pas morte. Parce qu'au final, sur cinq adversaire, seul un avait riposté. Black Jack n'avait pas agit mieux qu'un Night-Ops. Il venait de tuer cinq soldats par pure vengeance.Lui qui essayait de montrer qu'on pouvait être mieux, il avait fait pire.

Il n'avait pas réfléchit, et en voulant faire des prisonniers il avait obligé la République à se salir les sabots en les exécutant. Il n'avait pas préparé ses soldats, et Apple Red était morte.

Black Jack se pencha sur le cadavre de sa camarade, et lui ferma les yeux et la bouche. La leçon avait coûté cher. Il était trop tard pour éviter d'être des monstres. Et il valait mieux que le rôle appartiennent à ceux qui savaient être des monstres efficaces.

---

-*Clé de Sol à Traqueur. Pions mats.*

-*Blanche-Neige à Traqueur. Cavaliers mats. On peut arrêter de parler en code maintenant ?*

Shadow Stalker se tourna vers Dvorak, qui regarda un autre de ses appareils, et lui fit un signe.

-C'est bon, Flesh. On en a terminé ?

-*Yep*, répondit le pégase. *On a checké tout le camp. Y'a plus un Solaire de vivant par ici.*

-Bien. Regroupement à l'entrée. Octavia, tu ramènes les Fantômes avec toi. Terminé.

Le brin de paille au coin des lèvres, il se dirigea vers ses soldats, la plupart assis où adossés à divers objects. Si cette mission n'avait pas été la plus éprouvante physiquement, c'était un rituel de s'accorder un instant de repos quand la zone était sécurisée. Il fallut moins d'une minute pour que Flesh et son équipe arrive, le pégase affichant un air radieux sur son visage. Aussi paradoxal que ça pouvait l'être, il aimait les travaux bien faits, et celui-là s'était déroulé sans anicroches. Ce fut légèrement plus long pour Octavia et les Fantômes, et lorsqu'ils apparurent, Stalker nota immédiatement les mines atterrées des Fantômes. Puis il vit que deux d'entre eux portaient un paquet enveloppé dans un drap blanc taché de sang.

Rectification. Tout ne s'était pas déroulé sans anicroches.

Stalker marcha à leur rencontre, se dirigeant directement vers Black Jack. Les Fantômes se rangèrent au milieu des Night-Ops, qui se gardaient bien de faire le moindre commentaire ou de proposer leur aide. Ils n'étaient pas idiots, et leur petite rivalité n'avait rien à faire quand l'un des deux groupes devait faire le deuil d'un de leur camarade. Les chefs s'arrangeraient entre eux, les autres garderaient le silence.

Stalker attendit que Black Jack note et accepte sa présence, avant de désigner le drap :

-Qui est-ce ?

-Apple Red, répondit la licorne d'un air absent.

-De la famille Apple ?

-Oui. Une cousine d'Applejack, je crois.

Ils restèrent silencieux un moment, puis Black Jack demanda :

-C'est quoi la suite ?

-On fait la même chose avec les deux autres camps.

-Vous ne nous aurez pas dans les pattes cette fois.

-J'espère bien. Cette fois on sera en contact.

-J'attendrais l... Pardon ?

Stalker montra les Fantômes d'un mouvement de tête.

-Je vais pas cracher sur une unité qui nous a battu au jeu de l'infiltration.

-Alors quoi ? On est intégré à ton petit plan ?

-C'est ça. Vous passez devant, avec un coup de sabot de Rocket Storm, vous neutralisez les patrouilles, on s'occupe du reste. Avec une bonne coordination on devrait réduire de plusieurs heures le timing initial.

-Neutraliser...

-La mort que tu ne leur accorde pas leur sera donnée par quelqu'un d'autre, tu le sais.

-Oui, je le sais. C'est juste...

La licorne secoua la tête.

-Je sais pas si je me ferais à tes méthodes.

-J'espère bien que non, Jack.

-Et qu'est-ce qu'on fait pour Apple Red ? On ne va quand même pas l'emmener avec nous ?

-On la laisse dans le coin. Je vais prévenir l'armée d'envoyer quelqu'un la chercher.

L'étalon pourpre commença à s'écarter, mais Black Jack releva la tête, et lança :

-J'espère que ça vaut le coup. De vendre nos âmes pour la victoire.

Stalker recracha son brin de paille.

-Ça fait sept ans que je me pose la question.