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Sensation

Une fiction traduite par inglobwetrust.

Chapitre 8

Je suis resté là, à fixer le plafond pendant… trois quarts d’heure, peut-être ? Ça aurait pu être moins, ça aurait pu être quelques heures. Mon corps était exténué, mais je ne somnolais pas. Ma poitrine et mes sabots étaient engourdis, et je ne me serais pas levé si mon dos m’avait tué. Avec un gémissement et un petit étirement, je me suis relevé et j’ai remis la photo sur la table. J’ai regardé de près encore une fois, mais papa est resté silencieux cette fois-là. J’ai quand même souri. Juste un peu. Juste pendant une seconde.

Puis j’ai vu la tronche du canapé. L’un des pieds était presque complètement cassé. Le voir cassé ne m’a pas rendu triste, vraiment, ou même déçu. Juste… tu sais quand tu te réveilles avec une gueule de bois dans le lit avec une jument dont tu ne te souviens même pas du nom ? C’était comme ça. Je réalisais, ‘Ouais, c’est arrivé. Je l’ai fait.’

Le reste de la pièce n’était pas mieux. L’étagère que j’avais achetée une semaine plus tôt tenait à peine, la lampe avait une grande fissure au milieu avec un morceau qui manquait, et la peinture que j’avais eue d’une ex avait un trou dedans. J’ai essayé de trouver une blague, j’ai essayé de rire pour avoir été aussi stupide, mais je butais sur les mots.

J’ai marché vers l’étagère et j’ai prudemment évité les échardes qui jonchaient le sol comme si elles étaient des mines. La pièce avait un calme qui donnait la chair de poule, et j’ai sursauté quand mon sabot a touché un des plus gros morceaux de bois. J’ai passé en revue ce fouillis, la mâchoire tendue. Peut-être que tout semblait inutile, ou peut-être que je me sentais simplement paresseux après la matinée que j’avais eue, mais quelque chose m’empêchait de tout nettoyer. Ma voix était à peine plus forte qu’un murmure, mais elle était toujours brisée. « Ça peut attendre. » Personne n’a répondu.

Ma poitrine était serrée et mon estomac était noué. La pièce était froide, mais je suais. Je baissais les yeux vers mon uniforme. Il était froissé. Les médailles en or et les badges cousus se moquaient de moi, et les souvenirs de mes cérémonies de trophées revenaient dans ma tête. C’était faux, mauvais. Ma peau rampait sous la chemise, et je sentais les larmes commencer à remonter dans mes yeux. Aussi rapidement que je le pouvais, je me suis assis et j’ai tiré la chemise par-dessus ma tête, en la lançant retournée sur le canapé cassé. J’ai pensé que je ne méritais pas de porter cet uniforme, pas maintenant, et peut-être plus jamais. La pression s’accumulait dans ma tête pendant que ma chemise riait de moi depuis là où elle reposait.

Je me suis retourné. Je ne pouvais plus supporter la vue de cette pièce, alors j’ai foncé dans l’entrée, j’ai pris le sac de selle du placard et j’ai trotté vers la cuisine. Il ne restait pas beaucoup de nourriture- juste quelques feuilles de luzerne et quelques biscuits secs- mais j’ai pensé que j’avais plein de pièces pour déjeuner. Ma maison se refermait sur moi, et rien que respirer était comme du travail. Mes genoux tremblaient alors que je courais dehors.

L’air frais printanier a été un GROS soulagement. Après quelques profondes inspirations, j’étais à nouveau bien, mais je n’osais pas regarder en arrière en refermant la porte derrière moi. Mes ailes se sont étirées et m’ont fait décoller dans le ciel avec un rapide battement. Je me suis forcé à voler lentement. Je pensais que c’était mal, mais j’avais peur que si je me laissais devenir dingue, je, ben, je deviendrais dingue.

J’avais du mal à garder les idées claires. ‘Tu vas bien, Soarin’, je pensais. ‘C’est pas la fin du monde. Tu es toujours l’un des meilleurs acrobates aériens du monde.’ Mes ailes s’étiraient, et je glissais sur un courant d’air chaud. ‘Tu ne seras peut-être plus jamais un Wonderbolt.’ Je luttais avec cette idée. Spitfire m’avait dit que c’était juste un break, et je n’avais pas encore été officiellement viré. Pourtant, faire partie des Wonderbolts, ça veut dire être prêt pour le pire, et j’ai compris que je devais mentalement me préparer au cas où c’était vraiment la fin.

Je ne savais pas ce que ‘me préparer’ voulait dire. Une fois que j’étais diplômé de l’école, j’ai été enrôlé. Je n’ai jamais su ce qu’était la vie en dehors du planning tendu de l’escouade, mais j’y étais : un étalon sans direction et presque sans connexions avec quelque chose. ‘Qu’est-ce que je vais pouvoir faire pendant tout ce temps ?’

Le Soleil avait réchauffé l’air, et les nuages en-dessous brillaient. J’ai entendu des gloussements et vu deux pouliches- une bleue et son amie verte- jouant à chat, faisant des loopings en l’air avec toute la grâce que tu espères d’un jeune voltigeur. Une partie de moi voulait les rejoindre, de redevenir un poulain. Peut-être qu’elles faisaient l’école buissonnière comme moi.

« Hé, c’est Soarin ! » J’adore les fans. La bleue a volé vers moi, avec un grand sourire. « Monsieur Soarin ! Faites le truc de l’éclair ! » Elle a atterri sur un nuage en-dessous, et son amie verte n’était pas loin derrière. Elles bondissaient sur place et me donnaient un regard super mignon, tu sais avec les yeux grands ouverts. « S’il vous plaiiiiiiiiiiiiiiit ? » C’était adorable, et ça a détaché mon esprit de tout le reste.

Alors, j’ai fait le truc de l’éclair. Mec, tu aurais dû voir leurs têtes ! Elles étaient si excitées. J’te le dis, impressionner le public me fait toujours sourire, peu importe la taille. Elles continuaient à me tresser des lauriers, me demandaient comment elles pourraient être Wonderbolt. J’en ai profité jusqu’à ce que la petite verte me fasse un câlin et me dise, « J’aimerais bien que tu sois mon papa. »

Je me suis gelé sur place. Je voulais être un mentor pour elle. Vraiment. Je voulais lui dire qu’elle devrait être heureuse de ce qu’elle avait. Que son papa l’aimait. Qu’elle avait de la chance d’avoir encore des poneys dans sa vie qui tenaient à elle et ne l’abandonnerait pas. Au lieu de ça, j’ai sorti un faible, « R… Restez à l’école, les enfants. » UGH !

Mon estomac a grogné pendant que je m’envolais, et je me suis frappé quand j’étais à quelques centaines de mètres de distance. Mes joues étaient sans doute rouges, alors je me suis simplement concentré sur ma faim. Je me suis rappelé de la dernière fois où j’avais eu aussi faim, et bien sûr, je me suis demandé si Braeburn allait bien.

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Soarin s’assoit sur la table en face de moi. Les glaçons fondants dansent dans le grand verre tandis qu’il le fait tourner, fasciné par le mouvement de l’eau gelée et le doux tintement qu’ils font.

J’avale le reste de mon Long Island, un reste édulcoré de sa gloire passée, mais c’est toujours la meilleure chose que j’ai bue depuis longtemps. Le verre cogne contre la table quand je le pose, et Soarin sort de son hypnose. Il me regarde attentivement, et même si je n’essayais pas d’attirer son attention, je sentais qu’il fallait que je dise quelque chose. « Ces quelques heures avec ce cowpony ont vraiment eu un effet sur vous, pas vrai ? »

Soarin sourit et baisse les yeux vers son verre. « Ouais. Il était… quelqu’un à qui parler. Il ne m’a pas jugé, et je me suis senti relié à lui d’une façon que je n’avais connue avec personne depuis longtemps. » Il remet son verre dans sa bouche et croque quelques glaçons. « Hé. J’ai vraiment merdé sur ce coup, non ? »

Qu’est-ce que je dois dire à ça ? Oui ? Non ? Ne vous inquiétez pas, ça va- vous vous êtes presque tiré dans le sabot en partant tout en blessant les sentiments de quelqu’un qui comptait pour vous ?

Heureusement, il remarque mon verre vide. « T’en veux un autre ? Je n’ai plus de thé infusé à la vodka -» ALORS c’était ça ! « -mais je peux mélanger quelque chose d’autre. »

Je ne devrais sans doute pas boire au boulot, mais vu comment j’ai aimé le dernier, je suis impatient de goûter ce qu’il peut mélanger d’autre. Mais les placards à liqueur semblaient presque vide, alors je réponds de façon hypocrite. « Je ne veux pas boire tout votre alcool. »

« Naaaan, c’est bon. » Il agite le sabot. « C’est vieux, et j’ai besoin de m’en débarrasser de toute façon. Autant le partager. »

« Alors okay. Merci ! »

Soarin prend mon verre et retourne vers le placard. Sa tête s’incline sur le côté en examinant la pauvre sélection d’alcools et de mélanges, et je profite de l’opportunité pour prendre mon équipement dans l’autre pièce. Je sors mon carnet de notes juste quand il se retourne, donnant à mon matos un ricanement instinctif qui me fait me sentir mal de prendre des notes.

Il marche vers la table avec nos boissons- quelque chose d’un bleu lumineux- et continue.

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Il y a ce restaurant génial au centre-ville de Cloudsdale. Ils font des petits-déjeuners à toute heure de la journée, et ils ont les meilleurs ingrédients de tout Equestria. Je prends toujours une de leurs boissons énergétiques aux épinards et à l’eau de rose à chaque fois que l’entraînement a été épuisant. C’est stable et toujours la même chose, quelque chose qui m’attend. C’est normal que j’aie voulu avoir cherché à manger là-bas ce jour-là.

J’ai volé très haut dans la ville, esquivant les gratte-ciels faits de nuages et restant à distance des rues peuplées en-dessous. Heureusement, je n’avais pas à aller trop loin en centre-ville pour arriver au Bad Sun Rising Café, et le sigle au-dessus de la porte était facile à trouver. À l’origine, ça montrait une princesse Celestia aux yeux rouges et qui avait l’air torché, mais après une visite d’une agence gouvernementale, ils l’ont repeinte avec une licorne normale. Ça n’a pas le même effet.

J’ai plongé vers le niveau de la rue et j’ai réussi à passer la porte sans que personne ne me remarque. Une cloche a tinté quand je suis entré, et l’odeur des légumes et des épices m’ont rafraîchi les idées. Je passais devant le podium vide des hôtesses pour aller à mon emplacement habituel- un stand avec un rembourrage d’or à côté d’une fenêtre. Tout l’endroit avait cette sensation rustique de dîner qu’adoraient les poneys terrestres, mais c’était trop propre pour être authentique. Au moins, ça t’empêche d’être malade. Et c’est confortable aussi. Les murs sont décorés avec des trucs d’art vieux et élégants, qui veulent sûrement dire beaucoup pour quelqu’un, et les couleurs chaudes te font te sentir à la maison. Si ma mère avait un jour cuisiné, je pense que c’est ce que j’aurais ressenti dans sa cuisine.

L’endroit était calme. Seules deux tables avaient des clients, tous des pégases. Un étalon gris avec un embonpoint se curait les dents en mettant quelques pièces sur sa table, qui était remplie d’assiettes sales et de serviettes utilisées. Il est parti un moment plus tard en passant devant les autres clients, un couple de pégases d’âge moyen. Le pelage orange et la crinière blonde de l’étalon faisaient un joli contraste à la jument rose et bleu nuit, et c’était comme s'ils finissaient eux aussi leur repas.

« Bonjour, Soarin ! Qu’est-ce que je peux te servir ? » Une pégase couleur crème avec une crinière jaune volait vers ma table. Elle gardait un visage très amical, mais la façon dont elle battait des cils me disait qu’elle n’avait pas oublié notre dernière rencontre.

« Heloooooo, Hollandaise. » Je me penchais sur un sabot et la regardait d’un sourire timide. « Tu es aussi hot que d’habitude. Nouvelle coupe ? » Je savais que ça n’était pas le cas.

« T’es mignon. » Elle riait et souriait en retour. « Non, je l’ai juste coiffée un peu différemment. » C’était faux. « On a une salade à l’orange et aux amandes si tu veux. »

« Na, comme d’hab, ça ira. » Je repoussais le menu non ouvert pour qu’elle l’emmène.

« Ça vient tout de suite, chéri. » Elle est partie sans se presser, balançant un peu des hanches rien que pour moi. Hollandaise était toujours attentionnée comme ça. Les bonnes serveuses devraient toujours prendre soin des besoins des clients.

La boisson et la sélection du jardin sont arrivés rapidement, comme toujours, et j’ai mangé. C’était de la haute-qualité, frais, eeeeeet… pas ce que je voulais. Ça ne me satisfaisait pas. Je me suis retrouvé en train de mâcher lentement ma nourriture et de prendre des petites gorgées de ma boisson. Le goût était plat, ennuyeux. Tout aurait dû être aussi délicieux que d’habitude, mais c’était comme si j’avais perdu ma capacité à apprécier les saveurs.

Mes yeux vagabondaient vers l’autre couple. J’ai été un peu surpris quand j’ai vu qu’ils me regardaient tous les deux directement avec des grands sourires. Sur le coup, je savais ce qui allait se passer. ‘Okay’, j’ai pensé. ‘En mode célébrité. On y va.’ Ils ont reculé de leur table et sont venus vers moi, sans que leurs yeux ne me quittent. Je me suis penché en arrière dans mon cou, en leur souriant.

L’étalon a pris la parole en approchant de la table. Sa voix tremblait un peu, et je savais qu’il pouvait éclater à tout moment. « M-Monsieur Windsong ? »

« C’eeeeesst moi ! » Je me suis repenché en avant sur la table et écartais mes ailes derrière moi, juste pour l’effet. J’ai pensé que, puisqu’ils allaient me faire un fan-gasme de toute façon, pourquoi ne pas leur donner une histoire dont ils pourront se vanter auprès de leurs amis ? « Que puis-je faire pour ce bel étalon et sa charmante compagne aujourd’hui ? Et vous avez tous les deux l’air ravissants. » J’ai envoyé un baiser dans leur direction et entendu l’un d’eux couiner. Je ne sais pas lequel, mais la jument me donnait l’impression qu’elle allait exploser.

L’étalon souriait et sa voix palpitait. « Oh, eh bien, ma femme et moi- »

« Je suis Cobalt Breeze et je suis si heureuse d’être tombée sur vous ! » Elle a jeté ses sabots sur sa table, fait sauter les assiettes, et s’est penchée plus près. Je ne l’avais pas encore vue cligner des yeux. « C’est un TEL honneur et je ne peux pas CROIRE à quel point nous sommes CHANCEUX ! » Elle criait presque chaque mot. « Sunburst et moi n’avions jamais pensé que nous tomberions sur quelqu’un de célèbre. »

Je me suis penché en arrière pour avoir un peu d’espace. J’avais déjà eu cette conversation un millier de fois, alors je suis en quelque sorte passé en pilotage automatique. « Eh bien, je suis heureux aussi ! J’ai les meilleurs fans du monde, et j’adore vous parler en dehors des shows. » Ce n’était pas toujours vrai, mais cette journée-là, c’était un grand soulagement de savoir qu’il y avait toujours des poneys qui m’aimaient.

Sunburst dansait presque sur place. « Vraiment ? Merveilleux ! » Encouragé par mes mots, il s’est assis en face de moi à ma table, suivi de près par Cobalt Breeze. « J’espère qu’on ne vous dérange pas trop. On vous a adoré au spectacle de Fillydelphia, et, eh bien, quand aurions-nous une autre chance comme celle-là, n’est-ce pas ? »

Cobalt Breeze était en adéquation, la joie suintant d’elle. « Il ne voulait pas venir du tout. » Elle a tapoté Suburst du sabot, mais l’étalon n’a fait que sourire et lever les yeux au ciel. « Il a dit que vous étiez sans doute OCCUPÉ, mais je lui ai dit que vous aviez l’air d’avoir besoin d’un peu de compagnie à votre table. »

« Je ne voulais pas interrompre votre moment tranquille. » Il sonnait comme s’il était un peu sur la défensive, mais son sourire ne s’est jamais dissipé. « Je suis sûr que vous avez peu de temps pour vous, seul. »

Mon cerveau ne savait pas quoi faire, alors j’ai ri. ‘Seul’. Le mot résonnait dans ma tête, et j’ai dû me forcer pour continuer à sourire. « C’est bon », je crachais. Un silence bizarre pendait dans l’air après ma réponse abrupte, alors j’ai pris les rênes de la conversation. « D’où vous venez ? » J’étais plus heureux de parler directement à Sunburst, et mes oreilles m’ont remercié en silence.

« Nous vivons à Fillydelphia. Nous sommes en vacances pour faire des visites touristiques cette semaine. »

Cobalt Breeze a agité le sabot. « Bien sûr, nous allons vers Manehatten dans quelques jours. J’adore cette période de l’année. Il n’est jamais trop tôt, je le dis toujours. Nous sommes de grands fans depuis que tu vous êtes venu et que vous avez visité notre petite ville. » Je ne pouvais pas suivre ses divagations, mais au moins, elle s’est posée.

J’acquiesçais avec un soupir, me sentant plus à l’aise. « Ouais, c’était un super show. C’est la première fois que Spitfire et moi, on a essayé le Helix Cloudburst. Je pense que ça s’est bien passé, mais bien sûr, c’est l’opinion des fans qui compte le plus. »

« Oh, nous avons ADORÉS ! » Je tressaillais. « Ça a fait de nous des fans pour la vie. J’espère que nous pourrons revoir ce mouvement au spectacle de vendredi. »

Mes yeux se sont écarquillés, et les coins de ma bouche sont retombés. Quelque chose de glacé s’est enroulé autour de mon cœur.

Sunburst a mis un sabot autour de l’épaule de Cobalt et l’a caressé avant de se retourner vers moi. « Nous avions eu des tickets pour les bas niveaux- les sièges inclinables. » J’ai grimacé, et mes ailes et ma queue commençaient à avoir la bougeotte. « Après les cous endoloris de la dernière fois, on a pensé ‘Autant économiser pour les bons sièges’. Après tout, nous sommes en vacances ! »

Je voulais m’envoler loin. Je me sentais paralysé et nerveux à la fois. En colère, aussi. Mon visage était chaud. Mes sabots étaient froids. Ma poitrine était lourde, et ma tête donnait l’impression de vouloir se détacher et s’en aller. Chaque partie de mon corps traversait une émotion différente.

Et me voilà : essayant de m’échapper de tout, de me donner de la distance pour que je puisse penser clairement. J’allais faire face à mes problèmes, vraiment, mais j’avais juste besoin d’un peu de temps pour avoir un peu de perspective. ‘J’ai juste besoin d’un break pour me remettre les idées en place. Et tout ira mieux’, j’ai pensé, comptant en silences le nombre de fois où j’avais eu cette conversation avec moi-même. Quelque part autour des quarante.

J’ai pensé à mentir. Ça n’aurait même pas été un mensonge, vraiment, juste omettre un détail. Hé, j’aurais pu ne rien dire, et ils l’auraient deviné par eux-mêmes. Quand est-ce que j’allais les revoir, de toute façon ? Mais ce n’était pas comme ça que mes parents m’avaient élevé. Enfin, parents. Si j’allais les laisser tomber, je voulais au moins les empêcher d’être déçus et blessés.

Leurs visages rayonnaient en ma direction. Mon estomac se retournait, et je détournais les yeux en disant, « Eh bien, je suis sûr que Fire Streak pourra le faire. » Je n’ai pas entendu de réponse, alors j’ai relevé les yeux. Le visage de Cobalt était gelé dans un grand sourire, mais Sunburst a tourné sa tête et a plissé un œil vers moi.

J’ai poussé un long souffle et pensé, ‘Je n’avais pas vraiment besoin de dire ça, non ?’ C’était super gênant, et c’était encore pire avec une jument gaie qui me fixait. « Je ne suis pas dans le tableau cette semaine. » Je me suis préparé à leur déception.

Cobalt a ri. Elle a frotté le sabot orange enroulé autour de son épaule et a levé les yeux au ciel. « Oh, vraiment ? C’est pas de chance. » Elle ne semblait pas blessée du tout, et la posture de Sunburst restait droite et réconfortante. « J’imagine que ça veut dire que nous devrions revenir un de ces jours ! »

L’électricité passait de mon cœur vers le reste de mon corps, brûlant toutes les mauvaises sensations. Ça ne leur posait aucun problème !

Sunburst a parlé. « On adorerait vous revoir voler, mais je parie que ce Fire Streak sera bien aussi. Il est votre second, c’est ça ? »

J’ai pensé à toutes les fois où Fire Streak avait été là pour moi, juste comme quelqu’un avec qui parler et partager des histoires. Il avait toujours été un incroyable acrobate, mais mes souvenirs étaient toujours saupoudrés avec ses commentaires sur son envie de me dépasser. Pourtant, je pensais toujours à lui comme un ami, peut-être le seul qui me restait. « Ouais, il est super. »

« Le meilleur des seconds, j’en suis sûre. » Tout juste, Sunburst a regardé l’horloge. « Nous devions y aller. Nous avons une visite de la ville dans quelques minutes. Merci pour la discussion, Mister Windsong. »

« Soarin. »

« Soarin, c’était un plaisir. »

Cobalt s’est levé et s’est immiscée. « Et j’espère que vous aurez un break qui vous permettra de vous détendre. » J’ai pensé à la corriger, mais j’avais été assez honnête pour un repas. En plus, Spitfire l’avait appelé un break, non ?

J’ai agité le sabot et je leur ai dit, « Profitez de vos vacances. » Une pensée m’a frappé. « Oh, hé ! » Ils se sont arrêtés net et m’ont regardé avec les yeux grands ouverts. « Photo ? Autographe ? »

Cobalt a rougi. « Oh. Eh bien, nous… nous ne voulons pas vous déranger, et nous avons vraiment aimé que vous preniez le temps de nous parler. En plus, nous n’avons pas vraiment d’argent maintenant. »

J’ai souri. « Offert par la maison. »

Leurs visages se sont à nouveau illuminés. J’ai sorti quelques portraits de mon sac de selle- on sait jamais quand tu en auras besoin- et j’ai écrit quelques mots dessus. Avant qu’ils partent, on a posé pour quelques photos. Je leur ai dit le secret pour m’adresser directement du courrier et leur ai demandé de me prévenir la prochaine fois qu’ils viendraient voir les ‘Bolts. Vu comment ils m’ont remonté le moral, je voulais faire en sorte que leur prochain show soit vraiment quelque chose de spécial.

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« Attendez. » Je repose ma plume et regarde le pégase bleu en face de moi. « Il y a un moyen de vous adresser directement du courrier ? » C’est logique. Les Wonderbolts doivent être inondés de courrier, et ils ne veulent certainement séparer les lettres importantes des habituelles lettres d’amour des fans. Et les menaces. Hé, j’ai eu à peine plus qu’une lettre formelle la première fois que j’ai essayé d’avoir cette interview. « Quel est le secret ? »

Soarin remet sa patte sur la table avec un bruit sourd. Il reposa son sabot contre sa tempe et me regarde, avec un sourire digne de celui d’un petit frère qui a mis du savon dans ton dentifrice.

Je cligne des yeux. Je comprends, et je grogne. « Bon », je grommelle. Je reprends ma plume et continue à prendre des notes.

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Sunbalt et Cobalt Breeze se sont éloignés de mon coin, et je me sentais assez bien. Assez. Ils n’avaient pas été trop déçus de savoir que je ne serai pas dans le show, et j’avais fait le bon choix, mais la pièce était soudain vide, très vide.

J’ai tourné la tête pour les regarder partir. Ils étaient collés l’un à l’autre, se parlant avec excitation mais à peine plus fort qu’un murmure. Sunburst a embrassé Cobalt sur la joue quand elle s’est avancée pour ouvrir la porte. Ils ont ri ensemble et ils sont sortis, en emportant toute la chaleur du restaurant avec eux. Ils étaient tellement, tellement amoureux.

La cloche a sonné, et tout était calme. J’étais content mais complètement vidé de mes émotions, alors j’ai laissé ma tête frapper contre la fenêtre en regardant dehors. Sunburst et Colbalt Breeze se baladaient ensemble, s’arrêtant de temps en temps pour s’ébahir de la taille des bâtiments. Je voulais savoir ce qu’ils disaient, et mon cœur s’est serré quand j’ai compris que je ne le saurai jamais. Leur conversation ne s’est pas arrêtée tandis qu’ils hélaient un taxi, ils sont montés, et ont quitté mon champ de vision.

J’ai retourné la tête vers mon coin, là où un plat à moitié mangé et un siège vide me tenaient compagnie. Le soleil de fin de matinée perçait, faisant briller le rembourrage doré en face de moi.

Je n’ai jamais amené des coups d’une nuit à Bad Sun. C’était hors de question- c’était mon endroit favori, quelque chose de sacré- mais j’ai imaginé ce que ça ferait de s’asseoir là avec quelqu’un. Quelqu’un de spécial avec qui je pouvais parler facilement, quelqu’un qui me détendait, qui me donnait l’impression que je pouvais baisser la garde.

Je pouvais l’entendre. Je veux dire, pas vraiment, mais je me rappelais exactement du rire de Braeburn. Ça a commencé comme un petit, un simple gloussement. Au début, ça sonnait comme un couinement avec beaucoup de trucs mignons, mais si tu écoutais, tu pouvais entendre son rire remuer dans sa poitrine musclé. Il couvrait sa bouche avec son sabot, comme s’il allait tousser, comme s’il était gêné, et ses yeux se plissaient quand il détournait le regard. Ce petit poney terrestre ne pouvait pas tenir longtemps, et son rire devenait plus fort. Ses épaules frémissaient, et tout éclatant dans un énorme rugissement de bonheur. Il penchait sa tête en arrière, riant et riant et frappant du sabot juste pour en sortir l’énergie. Il était plein de vie, plein de… plein de joie. Et quand il s’est enfin calmé, il m’a regardé avec ces magnifiques yeux embués, respirant avec difficulté et toujours en train de glousser, et je me sentais en paix.

La voix de Hollandaise m’a sorti de quoi que je faisais. « T’as pas faim ce soir, chéri ? »

Mes yeux se reconcentraient, et l’image que j’avais de Braeburn a disparu. Non, je n’avais pas faim. Je me sentais juste vide.

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Note de l'auteur

Puisque le chapitre 24 de cette histoire va bientôt sortir sur FIMFiction, je vous invite aussi à lire une clopfic (avec toutefois des spoilers pour la suite si vous lisez d'abord l'histoire en français) publiée il y a quelques jours sur FIMFiction, et narrant la nuit très... chaude passée par Soarin et Braeburn à Las Pegasus.

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