« L’on m’avait demandé, lors du premier colloque que j’organisa sur la Lune, comment j’avais pu, en si peu de temps, m’initier aux connaissances de mes classiques, et faire de celle-ci mon métier. J’étais alors en face d’esprits développés, rompus aux arts du rêve vertueux et pur que constitue la poésie. Prenant deux secondes pour réfléchir à leur question, et, retournant mes pensées dans tous les sens pour y donner la réponse la plus appropriée que possible, je me rendis compte que rien, dans mon passé ou dans ma personnalité ne m’avait naturellement conduit vers ma profession actuelle. Ne voulant malgré tout pas laisser mes auditeurs dans l’embarra que constitue un silence qui s’éternise, je me mets aussitôt à leur répondre : « Eh bien, ma foi, cela doit me venir que j’ai des yeux pour voir et mon savoir pour lire. ». Ce mot eu été bien prit par une assemblée plus familière et moins précieuse mais il avait tout de même fait son effet et la salle partit d’un rire qui n’était nullement forcé.
Cependant, la soirée de cette même journée me laissa dans la solitude, qui entraine l’esprit aux réflexions les plus graves. Cette question était sérieuse. Comment moi, être rompu à des arts inavouables et initié à des secrets qui auraient pu détruire des milliers de vie, comment ai-je pu changer à ce point ? Alors je fis l’expérience, comme si c’était la première fois que je la faisais. J’ouvris le premier ouvrage qui me passa sous le sabot, et je fus consolé dans mes interrogations. C’était l’envie d’un ailleurs trop parfait, trop pur et trop sain pour que l’on puisse le trouver dans cette réalité. Les mots étaient le seul moyen de bâtir un monde qui fut parfait. Depuis ce jour, j’ai continué d’éprouver du respect envers tout bon architecte. »-Journal de Madscroll
Il lui restait encore deux jours avant qu’il que le colloque ne commença, et ce fut pour lui un véritable soulagement. Les préparatifs qu’il n’avait pas eu le temps de réunir correctement avec l’invitation de Luna, il partait les chercher et les installer dans ce temps –ou, pour être plus exact, il envoyait Lackey les chercher pour lui-, ce qui lui donnait une excuse personnelle pour ne pas travailler sur l’affaire du livre du vieux Starswirl. Ce qui, par conséquent, donnait un sursis à son mode de vie et auquel il était d’autant plus attaché qu’il allait probablement disparaitre, comme les mystiques flammes bleues de la cité de Nightmare Moon qui furent remplacées par les néons des bureaux de Manemoorne. Il avait cependant, par acquis de conscience et de nécessité, accompli un petit forfait qui lui fut d’une aide vitale dans sa tâche.
Lackey, le jeune bat-pony campagnard, était venu à sa demande, et il était doublement motivé par les appâts que constituaient le généreux paiements de son patron ainsi que le respect dont les autres villageois le croyait digne pour avoir seul le courage de s’approcher de la tour de celui qu’ils considéraient comme un sorcier et un nécromancien. Ces visites répétées avaient tout de même fait de cet adolescent à la crinière grise et mal coiffée un être quelque peu plus ouvert et tolérant que ses concitoyens qui étaient resté embourbés dans l’obscurantisme des gens de la campagne. Il se présenta, donc, et fit quelque pas de manière respectueuse devant Madscroll, lequel avait pris soin de cacher son œil qui restait grand ouvert avec sa large crinière qui aurait pu aussi bien lui servir d’habit à elle seule, tant elle était longue et drue. Madscroll n’aimais guère parler avec des personnes qu’il croyait assez peu dignes d’intérêt, ce qui excluait tous ceux qui n’étaient ni Luna, ni cultivés. Lackey avait largement toutes les caractéristiques requises pour être exclus de ce compte.
En parlant peu, fort, distinctement et de façon aussi cavalière qu’impérative, Madscroll le somma de rechercher tout ce dont il était nécessaire pour satisfaire l’estomac de ses invités. Il est vrai, Madscroll avait, dans ses annexes, de la nourriture en réserve pour plusieurs mois, mais la modération qu’il s’appliquait à lui-même l’amenait à ne conserver et à ne consommer que des mets forts communs et il se voyait mal dans le rôle d’un hôte qui accueille ses invités les plus chers avec pour seul subsistance du pain et de l’eau. Il est vrai que le lecteur se souvient de son assaut remarquable sur les amuse-gueules de Manemoorne, mais celle-ci avait plus pour but de choquer l’assemblée que de faire bonne chair.
Ce prétexte –qui au final n’en était qu’un demi- l’amena à faire dans la réalité ce que son esprit lui fit concevoir le matin même. Alors que Lackey fit demi-tour après avoir reçu ses instructions, il saisit discrètement une petite pince qu’il mania avec une grande dextérité de manière à retirer le plus rapidement et le plus furtivement possible du poil au paysan. Cela réussit, mais Lackey se retourna assez vivement. Il garda un aspect choqué qui était plutôt dû à l’incompréhension qu’à la sensation d’une agression, car il vit Madscroll impassible et immobile, son œil à semi-ouvert qui avait l’air plus concerné que d’ordinaire devant le curieux mouvement de l’adolescent, lequel demanda avec grossièreté si des moustiques n’avait pas envahis les lieux. Madscroll, faisant semblant d’être peu concerné, avoua vaguement le sombre état de sa retraite. Il souriait intérieurement. Non pas de sa malice, mais en contemplant le spécimen ignare et insignifiant qui serait malgré tout (et malgré lui-même), un déclencheur d’une des avancées scientifiques les plus importantes de tous les temps.
Après que la porte de sa tour se fut refermée derrière le paysan, laissant Madscroll au centre de la pièce qui était rougie par la lumière des torches, Il sortit son butin et l’admira en se parlant mentalement : Un moustique ! Il faudrait un bien gros insecte pour faire ce que je viens de faire… Enfin… Il déposa le poil dans un tube à essais, qu’il étiqueta et rangea dans un gros carton sur lequel il avait inscrit « affaires urgentes ET utiles ». Nom de code domestique et peu original par lequel il avait désigné tout ce qui lui serait d’une aide quelconque dans son entreprise. Il l’avait fait simplement pour garder ce qu’il lui serait vraiment utile dans tout l’attirail que lui avait envoyé Luna. Arrivé au carton, son regard se posa comme par hasard sur la petite caméra qui avait fait son émoi le matin même, et qui amena des réflexions d’autant plus désagréables que Madscroll ne savait pas s’il avait moralement le droit de les avoir.
Il me semble ici indispensable de les retranscrire : Observer au ralenti l’apparition d’une marque… En quoi cela peut être utile ? Tous les témoins affirment que cela se fait en un flash… Observer l’instant précis où se déroule la modification de l’organisme n’influe pas sur le changement… Et admettons que cela serve, ce qui serait une erreur, comment observer un phénomène qui n’est pas propre à mon espèce ? Capturer un poulain equestrien ? Ce serait bien difficile, et je vois mal un enfant en train de se débattre et d’appeler à l’aide obtenir sa Cutie Mark, sauf si celle-ci représente un mauvais destin. Il respira avec difficulté tout en faisant rouler ses yeux en direction de son flanc. Luna m’a défendu de penser à cette solution. Mais enfin… Il n’y a que cette explication possible, elle ne me l’a pas avoué directement, c’est tout.
Donner une Cutie Mark artificielle à un poulain de ma patrie… Soit, mais enfin, les démarches des rituels semblables à ceux qui ont marqués mon flanc ne sont connues que par Luna, qui ne me les révèlera pas. Ils seraient aussi consignés dans la vieille bibliothèque de pierre de la cité de Nigthmare Moon, que Luna fait désormais surveiller activement par les plus assidus de ses gardes, et il faut au moins une autorisation royale pour y accéder, et encore sous une escorte d’autant plus solide qu’elle épie vos moindre faits et gestes. Et la princesse ne me confierait même pas l’autorisation d’y aller. De plus, je parie qu’il faut bien une magie d’alicorne pour les réussir. Oh, non, ce n’est bien une tâche que je ne réaliserai pas. Pour compléter le tout, il faudrait enlever un poulain, car un adulte saurait se défendre et qu’aucune famille sensée ne laisserait son enfant être un cobaye pour un dessein qui tiens autant de la science que de la magie noire. Et où enlever quelqu’un ? Pas ici, la population se méfie tant de moi que je parie qu’ils m’accuseront d’avoir pratiqué les arts occultes dès qu’un peu de grêle s’abattra sur leurs champs.
Nous avons dit à quel point l’esprit de Madscroll avait un aspect pervers et dérangé, mais nous ne l’avons jamais réellement démontré par les actes. Si un tel raisonnement, terrible dans son fond, lui paraissait naturel et d’une parfaite et sage neutralité. Tant que cela était un ordre, c’était un commandement interne que celui qui consistait à tout sacrifier pour sa réussite. Si c’était secondaire, il ne prenait que les difficultés techniques en compte. Dans le cas présent, il ne savait même pas si l’ordre existait, et, ayant trouvé toute une suite de complications qui ne débouchaient sur aucun avantage, il estimait que cette partie de sa mission serait mise de côté, si elle ne serait pas abandonnée par la suite. Il referma le carton, dérangé par les pensées troubles qui le secouaient actuellement. Il aurait voulu réfléchir plus, mais d’autres tâches le préoccupèrent. Il s’évertua à cacher du mieux qu’il put le matériel en attendant le retour de Lackey, qui ne tarda guère.
Il se passait, dans ce temps-là, nous l’avons déjà évoqué, un lent mais sûr changement des mœurs de la Lune. Les bat ponies était fort bon compteurs, des architectes très efficaces, tant en ville qu’à la campagne, et ils savaient mêler un style de vie fort simple à un mode de travail acharné, et rien ne leur était aussi cher que le confort de leur demeure. D’un autre côté, ils étaient assez hermétiques au changement, et leurs rares contacts avec la terre qu’ils avaient connus en l’absence de Luna ne leur avait quasiment rien apporté, si ce n’est que quelques ouvrages romanesques et déjà démodés à l’époque. Ces ouvrages, que l’on s’échangeait entre gens de la haute société, se conservaient fort mal, et se connaissaient fort peu ; nous entendons par là que peu de poneys s’y intéressaient, et que ce peu avait réussi, par la brutalité ordinaire de ceux qui n’ont jamais tenu de livre à abimer ces ouvrages plus qu’il ne l’est permis. En un mot, lorsque Luna revint en personne reprendre les rênes du pouvoir, l’annuaire était alors le livre le plus lu.
Si elle se réjouissait que la comptabilité fût toujours en ordre, Luna se désespérait toujours de savoir qu’elle nécessitait l’appui de tous les travailleurs de la capitale qui ne constituaient pas sa garde. N’ayant aucun autre repère que sa sœur, elle se plaça dans sa voie, et observa Canterlot, ville fascinante et orgueilleuse qui avait remplacé le vieux château qu’elle avait eu en lieu d’habitation commun avec sa sœur. Elle fut presque découragée quand elle se rendit compte que dans la capitale de sa sœur, le moindre citoyen –nous entendons ici, habitant- était un artiste confirmé qui avait à peine besoin de travailler pour assurer son confort. Luna ouvrit les yeux : sa capitale n’était pas une Canterlot, mais une sorte d’usine ou de calculette géante qu’il fallait à tout prix réformer pour atteindre la gloire de sa sœur. La problématique était posée. Il fallait que Manemoorne reste aussi efficace dans ses comptes tout en produisant cette caste d’artistes qui semble inutile mais qui constitue bel et bien le moyen par lequel se bâtissent les grandeurs des nations.
Luna releva le défi, et, sur la brèche, montra elle-même l’exemple. Elle fit détruire l’ancien sénat des vieilles familles de Manemoorne, symbole de la vieille oligarchie, et fit bâtir sur cela le palais le plus moderne que l’on put concevoir dans la forme. Pour se faire, elle observa les différences qu’elle constata entre la citadelle de la forêt, et l’enceinte de tour de la montagne. Elle constata d’abord que si l’on n’avait pas supprimé les remparts, on les avait clairement réduits de taille et d‘épaisseur, tout en utilisant des matériaux moins solides, mais plus précieux. Elle constata ensuite que l’on séparait de plus en plus les bâtiments, et que ceux-ci s’élevaient plus haut alors que l’on aurait préféré par le passé étaler la cité plutôt que de l’agrandir. Bref, le pratique s’effaçait devant l’esthétique et il fallait lutter de préciosité et de diversité pour réussir son pari.
Luna choisit, pour que l’on ne l’accusa pas de copier pierre par pierre la capitale de sa sœur, de pousser ses déductions esthétiques à l’extrême, tout en gardant un seul bâtiment pour constituer son palais, qui serait le symbole de la naissance de la civilisation des bats ponies. Une sphère bleue de nuit, compacte et épurée s’éleva aux milieux de la cité et de l’incompréhension générale des citoyens. La faute n’était pas à Luna, qui avait eu un coup de génie trop grand pour qu’il fût compris de son propre peuple. Elle ne l’avait simplement éduqué avec les rudiments nécessaires.
Elle chercha donc à introduire l’art sous une forme plus sobre et correcte. Madscroll venait alors à peine de s’installer à Starcrops, et se préparait à prendre une semi-retraite, bien qu’il n’avait alors que trente ans. Luna lui fournit la responsabilité de choisir et de faire connaitre et valoriser la littérature sur la Lune. Celui-ci obéit, contribuant à diffuser les ouvrages les plus sérieux de manière à ce que la politique de la princesse n’en fonctionne que mieux. C’est ainsi, que, tenu par la nécessité de se montrer au courant de toutes les nouveautés, sur la littérature comme sur ce qui se disait sur terre à propos de tout, les colloques de Madscroll faisaient autant le plaisir de ce dernier qu’ils constituaient une arme indirecte et une source d’information que Luna ne pouvait ignorer.
Madscroll aurait pu considérer comme insultant que l’on considère ces réunions intellectuelles comme un simple instrument politique, mais, comme nous l’avons dit, il n’avait aucune considération sur rien dès que la volonté de Luna, même si elle ne se montrait pas impérative, était dans la balance. Quelque part, cela l’arrangeait, car il avait de ce fait le soutien de la princesse pour l’organisation de ces réunions quelquefois couteuses. Pour celle que Madscroll organisait à présent, Luna n’avait fait part d’aucune demande de renseignement en particulier, mais Madscroll en avait une. A force de se balader sans occupation et sans réfléchir à ces damnées Cuties Marks, il avait plutôt tourné ses pensées vers les conséquences de sa mission, comme si celle-ci était déjà accomplie.
Il n’avait pas l’inttention de devenir un prince. Soit il devrait s’imposer à la cour, et cela se ferait au détriment de Luna, ce qu’il ne souhaitait pas, soit il devrait tenir un rôle passif, ce qui le condamnerai à passer une vie longue et ennuyeuse. Par un hasard du destin, il avait appris que la princesse Twilight, élève de l’équivalent terrestre de Luna, avait partagé pour un temps sa condition de libraire reclus. A présent, la rumeur dit qu’elle habite un château de cristal entouré de champs et de pommiers. Depuis, Madscroll imaginait sa tour comme transformée par les moyens d’un sort puissant en un donjon qui reprendrait les motifs de celui de Luna. Il semblait que dans ce monde, les nouvelles principautés étaient conçues pour régir les champs de patates. Qu’importe se répétait-il, il y a trois equestriens parmi les invités, dont deux qui ont vécus à Canterlot. S’ils ne connaissent pas la favorite de leur reine, au moins auront-ils des rumeurs pour moi. Je voudrais bien savoir si j’ai réellement un double sur terre, et si sa condition est de la plus heureuse.
Alors que les questions et les images que son imagination produisait tournaient en boucle dans sa sombre mémoire, le temps passa et le jour qu’il avait attendu vint.
Madscroll était heureux. Il avait mis un cache-œil noir sur son œil qui était toujours à demi fermé, afin de toujours avoir l’air attentif à ce qui est dit, ce qui servirait bien durant les premières heures où les platitudes allaient pleuvoir comme une nuée de parasprites sur une bouse de dragon. Ce cache-œil avait aussi la formidable capacité de séduire les esprits romantiques, ce qui ne pouvait qu’aider à faire entrer une ambiance de bon entente, non pas que l’on avait à craindre une bagarre d’écrivain, mais que la moitié d’entre eux étaient –bien malgré leur talent- ennuyeux comme une mer sans vagues.
Il était environ dix heures lorsqu’un bruit de cavalcade battant la terre de coups lourds et véloces se fit entendre. A l’aise dans son habituelle bure, qu’il avait rendue plus élégante que jamais par un lavage minutieux, Il ouvrit sa porte et se tint droit dans l’embrasure, un sourire discret mais sincère sur ses lèvres, dernier détail qui était du plus extraordinaire chez lui.
Un carrosse, peu décoré mais assez grand et tiré par deux rangées de deux bat ponies qui ressemblaient plus à des poneys de trait en civil que les gardes qu’il s’était habitué à voir récemment. Ne pas avoir à penser à leurs armures vulgaires qu’ils aimaient faire voir en toute occasion était une réjouissance supplémentaire pour Madscroll. Ceux-ci firent s’arrêter leur véhicule en plein milieux de la place qui se situait devant sa tour. Lorsque le carrosse s’ouvrit, il en descendit dix personnes.
Ce fut d’abord le mufle imposant d’un bison qui se montra hors du véhicule. Comme tous ceux de son espèce, il avait cet aspect de force formidable qui était présent même chez le plus malingre d’entre eux. Il arborait des joues rougies qui pouvaient annoncer la marque d’un caractère agréable ou encore une passion assez distinguée pour les spiritueux, voire les deux, ce qui était loin d’être incompatible. Il était vêtu de l’habit des colons d’Appleloosa, qu’on avait bien sur ajusté à sa grande carrure. Il n’y avait aucun doute que cet être avait, soit par conscience du fait que les coutumes de son peuple n’avaient guère leur place dans le monde nouveau, soit par réelle fascination pour ce qui n’était pas du milieu dans lequel il avait grandi, renoncé à la culture sauvage et animiste de son peuple. Sa large tête noire salua le bat pony à la bure qui lui rendit son salut.
Tandis que Madscroll poussait sa mémoire avec juste assez d’effort pour se rappeler que le nom de l’être qui le saluait était Proudsod, quoi qu’il ait voulu, dans sa passion pompeuse de romantique, et dans un maigre attachement à la culture de ses ancêtres, que l’on le nomme Thundersong. Le second qui sorti, il l’identifia directement. C’était le poète Cadwaur mac Pawn de Caerdeer en Cervidas. Réputé pour sa pingrerie sans borne et un caractère de cochon, quoiqu’il fût cerf, il dissimulait des traits durs sous un béret aux motifs tartan qui s’accordaient parfaitement à ceux de son kilt. Madscroll l’avait effectivement invité mais il est plus que probable que la perspective d’un voyage gratuit où l’on avait occasion de faire un bon repas sans toucher à une seule pièce d’or l’avait intéressé de façon active. Pour le moment il se montrait sec et taciturne, mais il disposait de la réputation d’un convive fort joyeux dès qu’un ou deux verres de vin avaient passés son gosier.
A sa suite parurent trois poneys equestriens, deux licornes et un pégase. C’étaient là les trois que ses pensées avaient le plus désiré, car ils étaient les seuls qui puissent renseigner le bat-pony sur son potentiel double terrestre, et qui sait, même sur le sujet plus délicat et secret de ses recherches. Etant le seul bat pony à disposer d’une cutie mark, il était également connu pour cette particularité dans son milieu, et il n’aurait donc aucun mal à amener ce sujet dans la conversation. Les trois equestriens étaient des frères jumeaux en ce qui concernait les licornes, qui se nommaient Realscrib et Fantasyscrib, et se reconnaissait facilement avec leur cuties marks qui représentaient tour à tour une loupe sous un stylo, puis une représentation d’ondulations multicolores et bizarre sous un stylo. L’un se plaisait à décrire Equestria dans tout ce qu’elle avait de plus rude et de plus besogneux, tandis que son frère préférait encore les anciennes mythologies de là-bas ou d’ailleurs. Le pégase, poney vert à la crinière de la même couleur quoiqu’un peu plus clair se nommait Skyconfluence, fut le premier à réellement saluer son hôte. C’était un habitué des lieux et sa première question à son arrivée restait toujours la même : «Mon cher Madscroll, quand aurez-vous enfin le bon goût d’inviter ma bonne amie A. K. Yearling ? Il y a déjà bien longtemps que lui faites offense en ignorant son talent. »
En effet, il y avait de fortes possibilités pour que l’auteur de Daring Do, au vu de sa renommée, ai attiré sur elle l’attention de Madscroll. Seulement, quand celui-ci prit le temps de se pencher sur ces ouvrages, la crainte que ceux-ci avait éveillé en lui se confirmait : c’était de la bien basse littérature. Certes bien écrite et prenante mais qui transportait dans ses descriptions et son histoire les marques des plus horribles simplifications et des clichés les moins subtils. Pour Madscroll, dont le but était de tenter d’intéresser la molle population de sa planète à la culture, la littérature était un voyage qui permettait de ne point quitter son fauteuil, avantage d’autant plus admirable que les bat ponies ne détestaient rien de plus que d’avoir à quitter leurs foyers. C’était la seule caractéristique que Madscroll eu en commun avec le plus vulgaire individu de sa race.
Les amis et admirateur de Yearling, ne connaissant guère les visées éducatives du bat-pony, le croyaient jaloux, à tort. Car c’était plutôt du mépris qu’il avait envers une écrivaine qui ne lui avait rien fait, mais dont les textes pouvaient se montrer subversifs pour les librairies lunaires –qui étaient forts rares à cette époque-. A la question que le pégase devait maintenant lui adresser depuis la cinquième fois depuis qu’il le connaissait, Madscroll lui répondit par la réponse qu’il avait adopté les quatre fois précédentes : « Eh bien mon cher, je m’en voudrais de déranger quelqu’un qui peine à tenir ses délais de parution. De plus je préfère laisser la chance à de petits auteurs de réussir ailleurs que là où ils n’ont pas su se faire entendre, alors même que leur talent dispose d’un potentiel certain. ». C’était par ses mots qu’il faisait passer son mépris tout en justifiant celui-ci par une cause noble, qu’il ne défendait qu’à demi, car la plupart de ses connaissances qui avaient pris la plume étaient illustres.
Il descendit enfin un minotaure, trois ânes et un griffon. Des personnes certes méritantes, mais dont les noms n’eurent pas l’influence de leurs voisins de voyage, et par conséquent, n’auraient que peu d’intérêt à être dévoilés. Ils furent salués avec le même entrain plein de droiture et rendirent plus ou moins ce salut à leur hôte en fonction de leurs humeurs respectives. Ils furent par la suite invités à rentrer et à monter à l’étage, où Madscroll avait servi les premières collations.
Il avait organisé chacun de ses colloques autour d’un thème assez vague. Cette année, il avait décidé de choisir « La diversité des cultures de la terre » comme mot d’ordre. Ainsi apparaissait cette ribambelle de quadrupèdes hétéroclites dont les villageois de Starcrops, pour les avoir seulement aperçus de loin, se souviendraient longtemps. Chacun de ses invités avaient, dans leurs œuvres ou dans leur vie, un point de vue, une histoire et un héritage qui les rendaient aptes à débattre de ce sujet d’autant plus délicat que le passé était en jeu. En effet, les cerfs méprisaient les poneys et vouaient une haine mortelle aux griffons, et ceux-ci le leur rendait bien. Les bisons et les poneys n’entretenaient pas de rapports d’amitié solide, même que cela ne tarda pas à se faire, et de toute façon, le seul bison présent dans cette assemblée se croyait plus poney qu’un poney. Les minotaures n’avaient cessé, dans leur amour du conflit et de la virilité, de rechercher le combat sous toutes ces formes, ce qui en faisait une race pratiquement éteinte. Seuls les ânes, qui s’étaient intégrés pacifiquement sous tous les climats de la terre n’entretenaient pas de rapports belliqueux avec personne.
C’est dans cette visée qu’il lui vint l’idée de concilier par les arts de la table toutes les volontés contraires, et tuer dans l’œuf toute éventuelle querelle de ces peuples qui s’étaient longtemps affrontés. Au second étage de la tour étrange, il avait disposé des bougies plus grosses qu’il avait entourées de lampions colorés qui travaillaient l’ambiance de la pièce d’une façon presque mystique. Les invités se voyaient sous une couche de lumière nocturne quand ils prirent tous place autour de la vaste table de bois précieux. Une telle vision leur arracha des compliments mélioratifs qui étaient mérités.
Sur cette même table on voyait disposé dans des plats en argent de la meilleure facture des variations de compositions végétariennes d’une grande délicatesse, exception faite d’un plat qui contenait de la viande crue et fraiche que l’on avait produit sur la lune, les bat ponies étant carnivores. Des bouteilles de vin sans étiquettes et qui avaient été mal époussetées, peut-être volontairement, pour que l’on souligne indirectement leur ancienneté, parsemaient la table. L’intention fut bien prise car Madscroll remarqua que, dès qu’il eut enlevé son béret, le vieux Cadwaur lorgnait le liquide rouge qu’on avait fait importer d’Equestria pour cette occasion.
Il fit un geste du sabot qui indiquait avec style que ses invités étaient autorisés à s’asseoir. L’instant le plus délicat de toute cérémonie est l’ouverture, car les premiers mots sont ceux qui raisonnent les plus longtemps dans la mémoire des interlocuteurs. Madscroll voulait couper court à cela. Il ne savait pas pourquoi, mais ce rituel, qu’il n’avait aucun mal à accomplir d’habitude, lui parut insurmontable sur l’instant. Il se trouva alors à repenser avec trouble à tous les dérangements que les derniers jours lui avaient causé. Voulant éviter les inutiles bavardages en attaquant directement l’affaire, il se proposa de rendre d’emblée la discussion intéressante. Il rassembla ses esprits, bien qu’il n’y arrivait pas tout à fait, et prenant une posture enjouée, domina la table de son œil et de sa voix :
« Gentleman, je déclare ce cinquième colloque lunaire ouvert. » dit-il avec emphase. « Je suppose qu’il n’est nul besoin de nous présenter, nous qui nous connaissons bien, ni ce dont nous allons parler. Qui tient à ouvrir la conversation ? Les convives échangèrent des regards de malice, et aucun d’entre eux n’échappa eu bat pony.
-Eh bien, mon cher, dit Mac Pawn d’une voix enrouée et chevrotante qui trahissait un âge mur, moi et ces personnes d’esprit qui m’accompagnent nous étions mis d’accord en route sur le fait que nous ne savons guère plus de chose sur la Lune que ce que nous voyons depuis la terre. Il était convenu que chacun des convives apporte avec lui l’héritage de son passé. Mais nous nous sommes dit qu’un hôte digne de ce nom se doit de montrer le bon exemple de ses invités. De plus, nous sommes tous bien curieux d’entendre un ami commun que nous ne connaissons pas plus que son peuple. ».
Tous les invités firent un signe de tête qui marquait la positivité des propos du vieux cerf. Madscroll eut un rire stressé.
-Il faut que cette réunion soit une mutinerie, car il n’est pas donné au capitaine d’un navire de devoir lui-même tourner les voiles. Je ne suis moi-même pas écrivain, quant à mon peuple, je ne puis me vanter de bien le connaitre. ».
Il avait bien cent raisons de ne pas répondre à cette question et sa voix s’était montré tremblante alors qu’il parlait, cependant il se força bien à sourire en formulant sa réponse.
-C’est bien triste, intervint alors le soi-disant Thundersong de sa grosse voix de bovidé des plaines, car pour un peuple qui vous doit tant, il faut soit qu’ils vous fuient, ce qui feraient d’eux des ingrats, soit que vous les fuyez…
-Ce qui ferait de moi un original, le coupa Madscroll. Si vous voulez tout savoir, les bat ponies sont des gens intelligent, mais ils n’ont pas d’imagination, pas d’esprit et leur conversation ordinaire est blessante d’ennui. Aussi je vous l’ai dit, je ne suis guère écrivain, mais, j’invite celui d’entre vous qui voudra s’amuser à disserter sur la torpeur que peut générer mon peuple chez tout terrien normal. » Ces dernier mots avaient rehaussés quelques sourires sur les faces dépitées des plus curieux. Comprenant que l’on n’en tirerait rien, les invités répondirent à l’invitation, et de bon cœur.
Parce qu’il avait parlé le premier après son hôte, on invita Cadwaur à parler le premier. Ce fut un soulagement pour le bat pony qui plongea dans une certaine apathie à cet instant. Tandis que le cerf débitait ses références et chroniques, des listes d’artistes issus de son peuple, et dont peu avaient un nom prononçable, Madscroll tacha d’éliminer son malaise et de se concentrer du mieux qu’il put. Il lui vint pour idée que la gaieté était tout ce qui manquait. Tout en jetant un regard furtif sur une bouteille, il pensa qu’il était trop bon hôte pour se servir avant ses invités. « Vous paraissez avoir soif, sir Mac Pawn, dit-il au cerf dès qu’il avala sa salive pour la première fois. Je vous en prie, je serais un tortionnaire pour avoir laissé parler quelqu’un devant moi avec la gorge sèche. ». Il désigna de son sabot la bouteille qui se trouvait devant le cerf au tartan. Celui-ci, dont j’ai déjà souligné le caractère ouvert aux arts de la vigne comme à ceux de la plume, répondit à l’invitation avec une joie empressée, tout en restant digne dans sa tentative de défendre le patrimoine littéraire de sa nation.
Cela fait, et pour ne pas interrompre l’orateur, Madscroll multiplia les gestes qui invitaient ses convives à profiter des mets et de la boisson qui leur étaient pourvus. Lui-même attendit, par politesse d’hôte, que les autres se fussent largement servis avant de remplir son propre verre à ras-bord et en profitant de ce que tout le monde avait les yeux braqués sur Mac Pawn pour le vider d’une traite. Le liquide ne fit qu’embrouiller encore plus son cerveau malade, mais au moins, il avait donné un feu au cerf qui avait l’attention de son auditoire, et qui ne manquait aucuns des bons mots et plaisanteries qu’il avait préparé pour cette occasion. Madscroll essayait de se concentrer sur l’instant présent, mais son cerveau, par une nervosité que le vin ingurgité trop vivement avait exaltée, ne cessait plus de penser tour à tour à la princesse violette de Ponyville et aux cuties marks qui l’obsédaient depuis que Luna décida qu’il en serait ainsi. Cependant il avait gardé son regard tourné vers le cerf joyeux qui avait maintenant parlé depuis une bonne quarantaine de minutes, pour pouvoir prétendre ne pas avoir manqué d’attention.
Mac Pawn se laissa retomber lourdement sur sa chaise en se servant un autre verre. Madscroll était maître de cérémonie et par conséquent le guide des humeurs de la réunion. Aussitôt que s’était assis le cervidé, il nomma Thundersong pour parler à son tour. Et, bien qu’il tenu pendant une heure un propos des plus intéressant sur son histoire et ce qui l’avait amené à quitter son peuple pour lui préférer les Appleloosiens, les même pensées déconcentrèrent le bat-pony. Les invités, les uns après les autres, firent déferler leur flot de thèse, de référence, de projet d’écriture qui se rapportait à la thématique. Madscroll, malgré son inattention qu’il ne cessait pas de maudire, avait retenu des discours de chacun ce qu’il fallait pour mener un débat plus géneral et d’autant plus enflammé qu’il ne restait que peu de bouteilles contenant encore du vin sur la table.
Les discussions menèrent jusqu’à la soirée, et l’on avait sauté et le déjeuner et le souper, pour seule raison que l’on avait passé la totalité de la journée à honorer la table de Madscroll. Ce dernier était satisfait que nulle querelle ne soit éclatée sous son toit à cette occasion, de plus, sa mauvaise humeur était doublement dissipée car il fut bavard dans le débat et que le moment de ce qu’il appelait les conversations du repos allait commencer. Il sortit de sa réserve de larges fauteuils mous et épais, dans lesquels on s’enfonçait si profondément que l’on avait l’impression que ce serait un exploit de s’en extirper. Il les disposa en cercle, laissa ses invités s’y asseoir, et rapidement l’on commença à discuter de tout et de rien. C’était dans ces occasions que Madscroll avait servi d’intermédiaire et d’espion indirect pour le compte de son professeur. Ce soir, son oreille resterait la sienne.
Il capta délicatement et patiemment l’attention de Skyconfluence, qui ne finit par ne discuter plus qu’avec lui. Ils étaient connaissance et se faisaient confiance. Le bat pony attendit que la discussion tourne vers Equestria et l’état de la principauté pour dire : « J’ai ouï dire, il y a moins d’une semaine, à la fête d’inauguration du musée de Manemoorne, que Ponyville était devenu le siège d’une nouvelle principauté.
-Non pas, répondit le pégase vert. Nous avons récemment eu l’honneur de savoir que notre princesse avait une élève, et, que du jour au lendemain, celle-ci se vit couronnée princesse devant tout Equestria, du jour au lendemain, comme ça. Pouf ! (il fit en grand geste avec ses bras pour donner plus de vie à sa réplique).
-Vraiment ? S’étonna Madscroll, elle l’a nommée sur l’instant, sans aucune raison ?
-C’est ce que toute la cour avait d’abord cru. Cela choqua une belle partie de ceux qui admiraient Celestia de loin. On la croyait d’abord favorite et sans aucun poids dans aucune affaire. Apparemment, elle jouait les bibliothécaires pour des paysans que n’ont que faire de notre passion commune.
-Mais alors, ce fut un choix bien malheureux.
-Non pas, non pas, répétait le pégase en battant des bras. Avez-vous entendu parler de Tirek et de la façon dont il fit souffrir notre patrie ?
-J’en ai eu des bribes. Notre reine a souffert pour vous dans cette affaire.
-Certes, elle a été fidèle à sa sœur, comme tous les cœurs braves de notre belle Equestria mais la princesse Twilight, dont on avait à peine retenu le nom, la princesse, dis-je, alors que tous avaient été soumis jusque dans l’empire de Crystal, organisa une résistance et regagna en un jour tout le terrain que nous avions perdu en une semaine. » Un grand étonnement se peint sur les joues de Madscroll. Il connaissait toutes ses affaires à travers son professeur, et l’affaire Tirek l’avait meurtri à un point critique car le lien qu’il avait tissé avec Luna lui fit ressentir la détresse dont avait souffert son professeur. Il en avait même perdu sa Cutie Mark, ce qui lui faisait envisager le pire. Quand Luna revint saine et sauve, son soulagement fut infini.
Il réfléchit une demi-seconde aux paroles du pégase qui lui annonçait les succès de la princesse néophyte. Il s’imagina durant ce cours laps de temps en position de chef de guerre, ce qui, vu sa carrure plutôt malingre, ne s’accordait guère avec ce qu’il était.
«-Et, reprit-il, elle choisit donc de s’installer à Ponyville. Cela reste un drôle d’endroit pour y disposer d’une forteresse.
-Pas plus que cette campagne ne s’accorde à la disposition d’un tel édifice, dit le poney vert avec malice. Ceci dit, des mauvaises langues s’accordent à dire que son choix est trahison envers la noblesse de Canterlot.
-Et qu’est-ce que vous en pensez ?
-Elle est fidèle à son peuple, à son suzerain, et nous a tous sauvé. Personne, aussi noble soit sa naissance, ne devrait parler contre quelqu’un comme elle.
-Cela est vrai ! Renchérit Realscrib, qui, sans avoir abusé du vin, avait l’air assez joyeux pour ignorer la bienséance et qui, restant silencieux un instant, avait écouté la conversation de ses voisins. Et il est dommage que nous n’ayons plus nos verres, car enfin, s’il ne nous est pas donné de trinquer pour elle…
-Paix, gentlecolt, lui répondit Madscroll en riant. Je crois que votre euphorie actuelle est la meilleure preuve de votre admiration, et que tout excès de zèle aboutirait sur un vilain fanatisme. »
Le bon mot provoqua le rire de l’assemblée, qui s’était concentré sur la conversation de Madscroll depuis que le nom de Tirek avait été prononcé. Il fut content de l’interruption que marqua la licorne de Canterlot, car il en savait assez, et qu’il allait chercher un prétexte quelconque pour mettre fin à la conversation. L’excuse de l’ivresse, mêlée à celle de la fatigue, lui donnait une occasion en or pour se retirer et méditer dans le repos ce qu’il avait pu savoir. C’est-à-dire quasiment rien. Il conduisit auparavant ses invités dans l’annexe qui abritait les chambres d’hôtes, où ils continuèrent encore leur conversation jusque tard dans la nuit.
Madscroll était habitué à dormir peu, et, même si le vin pesait lourd sur ses paupières, cette nuit ne ferait pas exception aux autres. Repousser quelqu’un d’aussi grand que Tirek… pensa-t-il et encore, dans une situation désespérée et en peu de temps… Luna avait raison, c’est un pion puissant, une arme, un levier protecteur pour un royaume. Il comprenait mieux les visées de son professeur, et, si, au fond de lui, il réprouvait de devoir sacrifier la petite liberté qu’il avait acquise, il avait désormais la certitude que Luna avait bien pesé le pour et le contre avec toute la bonté qu’elle avait pour lui. De plus, si l’exercice politique la faisait souffrir, il était juste que lui, son serviteur, fasse tout ce qui est en son pouvoir pour la soulager. Ce fut en cette soirée qu’il décida de renoncer définitivement et stoïquement au service de son intérêt, qui de toute manière commençait à être corrompue par les pensées que lui imposaient son devoir.
Dans son zèle absolu, il décida que la tâche qu’il s’était imposée ne pouvait plus attendre. Lorsque les dernières bribes de conversations furent éteintes dans la chambre d’hôtes, il sortit de sa mansarde, et, se dirigeant à sabot de velours vers le rez-de-chaussée, écoutait le tout puissant silence qui régnait en maitre dans ces lieux. Arrivé en bas, il ressorti le grand carton qu’il avait annoté, et en sortit trois tubes à essais. Le premier contenait son poil, prélevé dans une zone marquée, le second contenait la même chose à la différence près que le poil n’était pas marqué. Le troisième contenait celui du pauvre Lackey, dont le flanc était tout aussi pur que celui de tout bat pony ordinaire. Il sortit également un des microscopes dont le verre était d’une couleur étrange. C’était ce genre d’appareil qui laissait voir la magie plus que les atomes physiques.
Il prépara les échantillons, les coinçant soigneusement entre des lames en plastiques. Puis il commença les analyses en notant ses résultats sur un bout de parchemin qu’il gardait à son côté. Comme il l’avait prévu, sa théorie se révéla juste. Tout son poil était empreint de magie, marqué comme vierge, mais celui de Lackey de montrait rien de tel. Je note… se dit-il en mêlant l’action à la réflexion. La cutie mark est un catalyseur magique d’une grande puissance. Elle influe sur les capacités de manière magique, bien que je ne sois en mesure pour le moment de comprendre comment le phénomène de l’apparition se déclenche. Mais qu’importe. Si la magie se repend dans le corps grâce à elle, c’est bien que la marque est déclenchée par quelque chose en nous, ce qui nous ramènerait à la première et à la seconde théorie de Starswirl, mais cela aussi je ne suis pas en position de le prouver. En tout cas, la marque n’est pas qu’une marque et dispose d’un pouvoir réel. J’ajouterais ces détails au livre de Starswirl.
Alors qu’il avait pris ses notes sur un morceau de parchemin de qualité relative, il décida sur l’instant à le mettre dans une enveloppe qu’il cacheta en vitesse, tout en gardant soin de ne pas réveiller ses invités. Le carton fut rangé et Madscroll remonta dans sa mansarde mais ne s’endormit pas. Il pensa à ce qu’il ferait le lendemain, car il avait dès lors prit le parti de résoudre cette affaire au plus vite. Il avait d’abord pensé à expédier sa lettre dès le lendemain, mais il y avait plus rapide. Il eut soudain une révélation. Je dois retourner au palais ! J’ai oublié de noter la nature de la magie et des atomes qui compose la Cutie Mark. Baste ! Cela peut attendre ! J’apporterais moi-même mon message. J’ai besoin de l’appui direct de la princesse, mais il me faudra retourner au palais, et discrètement, en remportant le matériel nécessaire.
Il avait bien arrêté son plan. Il repartirait le lendemain en même temps que ses invités, prétextant quelque visite faite à un ami… Mais il ne pouvait agir sans prévenir qui que ce soit. Il calma son esprit énervé par la pensée dramatique qui l’animait et concentra ses pensées vers Luna. Elle lui répondit mentalement au bout de quelques minutes, et, bien qu’elle fut à moitié endormi, son élève, nullement soucieux de savoir qu’il l’avait réveillée : « Madscroll, que se passe-t-il ? Une autre crise ?
-Non, princesse, je vous informe que je suis à deux doigts d’avoir accompli ma mission. Cette révélation fini de réveiller Luna.
-C’est … incroyable ! Et même merveill…
-Je ne crains fort que ce ne soit moins réjouissant que cela.
-Qu… que veux-tu dire ?
-Princesse, j’apporte dès demain le résultat de mes avancées, mais de votre côté, j’ai des choses à vous demander. L’esprit de Luna tournait à l’inquiétude, et nous ne pouvons nous empêcher de lui donner raison. Ne faites aucun préparatif pour mon retour, surtout rien d’officiel, préparez-vous à me faire entrer dans le palais par la porte de derrière, et cela, sans qu’un garde envers qui vous et moi disposons d’une confiance absolue, n’envoyez pas Strongeye je vous prie.
- Est-ce si important ?
-C’est vital. Il me faut vous demander dès maintenant de me procurer ce qui me manque pour mener mon ultime expérience à bien. Sa voix était devenue extrêmement nerveuse.
-De quoi as-tu besoin ? Parle !
-Il faut que vous me procuriez un poulain. »
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