Chapitre 4

Dès le petit matin, une délégation de gardes royaux et de batponeys avaient décollé, séparément, de Canterlot, pour lancer les recherches dans la forêt Everfree sur ordre des Princesses. Celestia et Luna rentrèrent à Canterlot pour suivre l’emploi du temps prévu, confiante dans le bon travail effectué par leurs gardes respectives et espérant une issue rapide au problème.

Même si le secteur à couvrir était le même pour les deux factions, les gardes se regardaient en chiens de faïence entre eux, chacun évitant soigneusement de croiser la route de l’ennemi. L’un rendait l’autre responsable de la perte d’un des soldats, et les regards noirs s’échangeaient de tous côtés.

Le Soleil venait à peine de se lever, un peu en avance grâce à Celestia, et les gardes royaux furent les premiers à retrouver des éléments de l’armure de Golden près d’un marécage. Certains plongèrent en pensant retrouver son corps, mais ne remontèrent qu’avec une partie de l’armure d’un batponey, que s’empressèrent de reprendre les gardes de Luna. Au vu de la météo de la veille, la solution la plus logique était qu’ils s’étaient réfugiés dans une montagne pour se mettre au sec. Les groupes se mirent en route, en espérant trouver l’un des leurs rapidement, sans s’attendre à ce que la réalité leur réservait.

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Les premiers rayons du Soleil percèrent à travers la cave, et touchaient les paupières encore fermées de Midnight. Ses yeux s’agitèrent et elle fut la première à les ouvrir, encore un peu groggy de sa nuit. Quand ils s’ouvrirent entièrement, elle jeta un œil autour, et paniqua légèrement.

‘Hé, je suis où ? C’est pas ma chambre, qu’est-ce que-‘ Elle se calma en tournant la tête vers la gauche et en constatant la présence d’un pégase. Elle se rappela de toute la journée d’hier. Les changelins, le marais, l’hydre, le sauvetage, les plumes, le froid… Il avait vraiment fait tout ça pour elle ? Elle ne s’était pas encore rendu compte de tout ce qu’ils avaient traversé ensemble, et le voir collé à elle lui fit comprendre que la journée avait été plus mouvementée qu’elle ne l’avait pensé au départ.

En tournant la tête, elle constata l’aile blanche de Golden posée sur son dos, protégeant l’attelle qui tenait fermement son aile froissée contre son corps. La douleur ne l’avait pas gênée, contrairement à ce qu’elle avait craint, et voir cette aile blanche pleine de plumes la recouvrant la fit sourire. Dans la lumière du Soleil, sa crinière dorée resplendissait, et elle profita du calme pour l’observer pendant quelques minutes. Une petite brise faisait souffler légèrement sa crinière et lui donnait un côté majestueux, et Midnight ne put décoller ses yeux de ce spectacle fascinant durant un long moment.

Quelque chose lui frottant la croupe la fit tourner la tête. La queue de Golden avait aussi recouvert une partie de ses flancs, et leurs queues s’effleuraient légèrement. Midnight sourit encore plus, et rougit même, mais ne retira pas sa queue de sa confortable position. Ce garde n’était vraiment pas comme ceux que l’on décrivait à son école. Il se fichait de savoir qui elle était, il l’avait protégée, comme sa devise l’expliquait.

Golden commença à montrer des signes d’éveil, et son corps se mit à s’agiter. Un œil après l’autre, il se réveilla, et tomba sur Midnight qui l’observait. « Salut, Midnight, bien dormi ? » demanda-t-il en baillant, le sourire ne quittant jamais son visage.

« Ouais, Golden. Je suis pas devenue un glaçon, alors merci encore pour… » répliqua la batponey, en cherchant les bons mots. Golden replia son aile, brossant le dos de la batponey, qui frissonna un peu, et commença doucement à se lever et à s’étirer.

« T’inquiète, j’ai pigé. On va pouvoir se mettre en route. Laisse-moi juste… faire mes étirements du matin… » dit-il entre deux mouvements. « Comment va ton aile ? »

Midnight mit quelques secondes à répondre, fasciné en découvrant à la lumière du jour le corps d’athlète du pégase et ses muscles saillants. « Hein ? Oh, ça va, elle ne me fait pas trop mal… » dit-elle en détournant rapidement les yeux.

« T’es sûre ? » s’enquit Golden. « Attends, je vais jeter un œil. » Il finit son entraînement matinal et s’avança vers la batponey, qui hésitait un peu et recula. Devant son mouvement, il tenta de la rassurer : « Midnight, je ne vais pas te faire de mal, promis. Je dois juste m’assurer que son état n’a pas empiré. »

Elle réfléchit quelques secondes, et la batponey finit par soupirer et s’assit en déployant prudemment son aile. Golden rougit un peu en passant un sabot sur son dos, puis sur la base de l’aile, pendant que la batponey poussait un léger râle de soulagement en sentant le sabot de Golden masser son dos endolori. Inconsciemment, et comme encouragé par les yeux fermés et le sourire de la batponey, il commença à le descendre de plus en plus bas. Il pouvait tracer ses courbes bien sculptées par l’entraînement, sa peau gris foncé qui frémissait à son contact. Elle rouvrit ses yeux et tourna la tête vers lui, et tous deux se regardèrent pendant de longues secondes, souriants. Sans contrôle sur son esprit désormais vide, le sabot de Golden s’approcha de sa marque de beauté, et-

« HÉ !! TOI ! LÂCHE-LA !!!! »

Un cri sortit les deux du monde dans lequel ils pouvaient bien se trouver, et ils tournèrent la tête en direction du bruit, qui venait de l’entrée de la caverne.

« ÉCARTE-TOI D’ELLE, PÉGASE !! » La voix se fit encore plus forte et Golden n’eut pas le temps de réagir avant de se faire plaquer au sol par un autre batponey, qui montrait ses crocs, l’air agressif et prêt à mordre. Les deux luttèrent pendant quelques secondes, avant que Midnight ne les sépare. Elle reconnut celui qui venait d’attaquer Golden.

« Starry ! Laisse-le tranquille, je vais bien ! » cria-t-elle pour empêcher son coéquipier d’attaquer celui avec qui elle avait passé la nuit. Starry grogna et le foudroya du regard, avant de se tourner vers Midnight.

« Tu es blessée ? Ton aile ! Fais voir », dit-il en voyant l’aile bandée de Midnight. « Qui t’a fait ça ? C’est lui ?! » vociféra-t-il en se retournant vers Golden.

« Hé ! C’est moi qui lui ai fait cette attelle, mais c’est une hydre qui nous a attaqués ! » répondit-il en s’avançant vers Starry.

« Fais un pas de plus, pégase, et tu vas regretter d’être né ! » rugit Starry en piétinant le sol du sabot. Derrière lui, Midnight semblait peinée et s’excusa du regard auprès de Golden.

« Je ne rentrerai pas dans ton petit jeu, Starry, alors tu vas te calmer et me laisser… » Il se décala pour aller vers Midnight, et se fit sèchement bloquer le passage.

« Rien du tout ! Je savais que c’était une très mauvaise idée de coopérer avec vous, les gardes de Celestia ! Alors. Tu. Ne. La. Touches. Pas », cracha-t-il en mettant l’accent sur chaque mot et en le frappant du sabot sur la poitrine à chaque fois. Golden garda les yeux froncés pendant tout ce temps, et dut se retenir pour ne pas coller une dérouillée à ce batponey, mais il ne voulait pas se mettre en colère devant Midnight, ni devant quiconque. Ce n’était pas ce pour quoi il était destiné.

Golden et Starry ne se quittèrent pas des yeux pendant quelques secondes, jusqu’à ce que des gardes royaux et des batponeys entrent dans la cave après que l’un d’eux ait crié : « HÉ ! ILS SONT LÀ ! »

Très vite, Midnight et Golden furent séparés, tous entourés par leurs semblables, et ils se perdirent du regard. Du côté de Golden, son ami White Spear arriva rapidement devant lui tandis qu’il sortait de la cave. « Golden ! Golden ! » cria-t-il en lui sautant dans les sabots. Un peu surpris au départ, le pégase accepta avec joie le câlin de son ami, et lui tapota le dos pendant que White se mettait à sangloter. « Je suis tellement content de te revoir… Je p-pensais que… » dit-il entre deux pleurs.

« Allez… allez… Je suis là, c’est bon. Whouah, t’as vraiment besoin de pleurer autant ? J’allais tellement te manquer que ça ? » sourit Golden en reculant pour mieux observer son ami aux yeux gonflés, signe d’une nuit sans sommeil. White inspira profondément et passa un sabot sur son visage avant de répondre.

« Hé, je pleurais pas, je pensais juste aux cent pièces que tu me devais et que j’allais jamais récupérer ! » rit-il en essuyant ses dernières larmes. « OUCH ! » Ce bruit résulta d’un coup de sabot qu’il reçut dans l’épaule, suivi d’un éclat de rire de Golden.

« T’es vraiment con, tu le sais, hein ? Mais c’est pour ça que t’es mon pote », dit Golden en étant cette fois celui qui donnait le câlin, sous les rires des autres gardes, tous heureux de revoir leur ami en vie. Un peu en arrière, les batponeys observaient la scène, moins amusés.

« Peuh, quelle bande de pleurnicheuses », cracha l’un des batponeys. Midnight fronça les yeux mais évita de répondre, ne voulant pas créer de pagaille au sein de son unité.

« Midnight, tu peux voler ? » s’inquiéta l’un de ses collègues. Elle déploya son aile pour montrer l’attelle.

« À ton avis ? J’en ai encore une qui marche », rétorqua-t-elle, un peu sèchement.

« On va faire une formation à trois pour te ramener à Canterlot », ordonna Starry Eyes. « En place ! » Aussitôt, deux batponeys entourèrent Midnight et passèrent chacun un sabot autour de son cou, en battant chacun des ailes en rythme pour pouvoir décoller petit à petit. Midnight utilisa l’aile qu’il lui restait pour que ses sabots quittent le sol. Elle tourna la tête en arrière pour contrôler la vitesse de son aile, et vit les gardes décoller en rangs serrés vers la cité royale. Golden lui jeta un dernier regard avant de suivre ses compagnons, qui le bombardaient de questions et lui forcèrent à détourner les yeux de la batponey.

Midnight se retourna et baissa la tête, en laissant les autres gardes la porter en se mettant en route.

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« Vous m’avez fait demander, capitaine ? » demanda Midnight en passant une tête dans le bureau de Moon Dancer, où se trouvait déjà Starry Eyes, aussi sérieux que d’habitude.

« Ah, Midnight ! » s’exclama Moon en levant la tête de ses papiers. « Oui, entre, entre. Comment va ton aile ? » demanda-t-il en lui faisant signe de s’asseoir en face de lui.

Midnight s’avança et répondit à sa question en levant son aile bandée, avec de vrais pansements cette fois. « Le docteur a dit que j’avais eu de la chance et qu’on avait bien fait de poser une attelle. Ça l’a empêché de se casser. Elle n’est que froissée. Encore quelques jours de repos et ça ira », détailla-t-elle. « Je peux dire merci à Golden. »

« Qui ? » Moon leva un sourcil.

« Le garde royal qui m’a sauvé de l’hydre et a posé l’attelle », répondit Midnight avec un grand sourire en repensant aux aventures vécues avec le pégase. Les yeux de Moon se durcirent un peu tandis que Starry Eyes fronçait encore plus ses sourcils à l’évocation de Golden.

« Ah, oui, ce… garde », soupira Moon. Le silence se fit pendant quelques secondes, avant que Starry ne se racle bruyamment la gorge, poussant Moon à poursuivre. « Midnight, sais-tu pourquoi je t’ai fait venir ici ? »

Un peu surprise de la question, Midnight ne se déroba pas et répondit. « Euh, pour prendre de mes nouvelles, capitaine ? »

Moon se releva un peu dans sa chaise et se gratta le menton avec son sabot. « Oui, euh, bien sûr. Mais… » Il expira profondément. « Je voulais savoir ce qui s’était passé entre toi et ce… Golden. Qu’est-ce que tu faisais avec lui dans cette cave ? »

Midnight ne comprit pas de suite ce que demandait son capitaine. « Quoi ? Ben, j’ai été blessé en le sauvant de l’hydre, il m’a ensuite sauvée de la noyade, et puis on est allés se réfugier pour la nuit dans cette cave parce qu’il faisait trop noir et qu’on ne pouvait pas rentrer à Poneyville à cause du temps et de mon aile. Rien de plus, c’est tout », expliqua Midnight.

« Rien de plus ? » s’énerva Starry. « Tu as passé toute une nuit avec un ennemi ! »

« Il m’a sauvé d’une mort certaine ! Et j’avais pas le choix ! » répondit instantanément la jument.

« Qui te dit que ça n’était pas de sa faute au départ ? »

« Qu’est-ce que tu en sais ? Tu n’étais pas là et- »

« Il t’a mis des idées dans la tête, pas vrai ? Ces satanés gardes royaux, il ne faut pas leur faire confiance ! Tu aurais dû t’enfuir et le laisser- » Midnight n’y tenait plus.

« Le laisser mourir ? Tu es dingue, Starry ! Je n’allais pas laisser mourir quelqu’un, qu’il soit notre ennemi ou pas ! Il ne s’est pas comporté comme ça, en tout cas ! » rugit la batponey. « Où est-ce que notre code nous dit de laisser crever quelqu’un en détresse ? »

« C’était un garde royal, Midnight ! Un garde royal ! »

« Et ? Equestria est toujours debout, alors pourquoi tu t’énerves comme ça ?! »

« SILENCE !!!! » La troisième personne du bureau se fit entendre, et Moon Dancer frappa du sabot sur la table, faisant trembler les murs et taisant immédiatement les deux gardes. Il expira profondément et reprit. « Midnight, ce que Starry essaie de dire, c’est que, même si les circonstances t’ont peut-être forcée, ce n’était pas à toi de te mêler des affaires de ce garde. Dois-je te refaire un cours d’histoire ? » demanda-t-il.

« Je ne vois pas le rapport », expliqua Midnight, un peu déconcertée. Starry leva les yeux au ciel.

Moon Dancer soupira et se rassit dans sa chaise. « Midnight, tu sais que depuis un millénaire, nous sommes opposés avec les gardes de Celestia. Que nous avons suivi Luna quand elle s’est transformée en Nightmare Moon, et que cela a conduit au massacre presque complet de notre race après son exil sur la Lune par les gardes royaux et Celestia. Tout ça, tu le sais, pas vrai ? » demanda Moon, devant une Midnight qui resta stoïque et ne fit qu’hocher la tête.

« Tu sais aussi que durant cet exil, nous avons été ostracisés, marginalisés, exilés au sein même d’Equestria et que nous devions sans cesse faire face aux insultes et aux chasses aux batponeys menées non seulement par les gardes de Celestia et la population », poursuivit Moon. « Il a fallu du temps avant que nous commencions à être petit à petit acceptés ici, même si la rancœur contre nous n’a jamais cessé. »

Midnight écoutait religieusement, même si c’était une histoire qu’elle avait entendu des milliers de fois. Au bout d’un moment, Moon se leva et fit le tour du bureau, en s’asseyant face à Midnight. « Le retour de Luna nous a permis de reprendre notre place auprès de notre créatrice, et de recréer une garde de batponeys pour la protéger. Et cela a créé des jalousies chez les gardes royaux, qui n’acceptent toujours pas notre retour au sein de l’armée d’Equestria… »

« Oui, oui, je sais, mais ça n’interdit pas de discuter, parler, ou d’aider quand l’un d’eux est en danger ? Il a fait pareil pour moi », rétorqua Midnight. Moon soupira et se massa les tempes, toujours sous le regard noir de Starry.

« Midnight, depuis le retour de Luna, nous menons une sorte de guerre froide avec les gardes de Celestia. La consigne est claire : nos échanges sont limités à la relève de la garde, et une séparation stricte est faite entre nous et eux au sein de l’armée. C’est la première fois qu’un incident comme le tien vient bousculer cet accord tacite. Tu comprends quand même que la situation est sensible ? » questionna Moon, en reposant violemment ses sabots sur la table. La batponey réfléchit quelques minutes, puis inspira profondément.

« Oui, je comprends. Cet incident ne se reproduira plus », répondit-elle.

« Je l’espère bien. Soldat, rompez », conclut Moon, en saluant. Midnight se leva et fit de même avant de quitter le bureau, sous le regard furieux de Starry. Peu après son départ, celui-ci prit la parole.

« C’est tout ? Elle aurait dû être exclue de la garde pour haute trahison ! » vociféra le garde en s’approchant de son supérieur, qui se remit à se masser les tempes.

« Starry, je sais ce que tu penses, mais au vu des circonstances, je ne peux pas la punir. Je suis certain que le message est passé », expliqua calmement Moon.

« Peuh ! Je ne lui fais pas confiance, ce pégase a dû lui bourrer le crâne avec sa haine des batponeys », continua le garde, la colère augmentant à chaque mot. Le capitaine poussa un long soupir et se tourna vers lui.

« Starry, doucement, tu m’as entendu avant ? Je ne veux pas relancer une guerre qui mettrait Equestria à feu et à sang, pas sans preuves tangibles. Alors, tu te calmes et on reprend tout comme avant, et Midnight réintégrera son poste à tes côtés dès qu’elle sera prête, c’est clair ? » demanda-t-il de son ton martial en fronçant les yeux.

« Mais, capitaine, c’est- »

« Lieutenant Starry Eyes, ai-je été clair oui ou non ? » Son ton ne lui laissait guère le choix. Starry fit un pas en arrière et grogna.

« Très, capitaine », dit-il entre ses dents serrées tout en saluant. Il quitta la pièce sans un mot.

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En raison de l’absence de Golden, deux autres pégases étaient chargés de remplacer les titulaires habituels du poste, ce qui laissa la journée à White et à Golden pour se remettre de leurs émotions. La réunion avec son capitaine avait été brève pour l’étalon, et ordre lui avait été donné de pas ébruiter l’affaire, ainsi que de reprendre le cours normal des choses.

Vers la fin de la journée, Golden retrouva White dans la chambre qu’ils occupaient au sein de l’école des gardes de Celestia. À peine avait-il passé le seuil de la porte qu’il tomba sur son ami, avec un grand sourire montrant sa sincère joie de l’avoir retrouvé sain et sauf.

« Tu m’as attendu là toute la journée, c’est ça ? » demanda Golden en s’avançant vers White, qui hocha la tête. Le duo se refit un câlin, ce qui fit rire Golden. « Hé, deux câlins en une journée ? Fais gaffe, que vont penser les juments ? »

White le relâcha et prit son sourire le plus malicieux. « C’est toi qui me dit ça ? Le type qui a passé une nuit seule avec une batponey ? Allez, raconte-moi tout », demanda-t-il en s’effondrant sur le lit. « Et ne sois pas avare de détails. »

Golden leva les yeux au ciel et s’assit plus calmement sur son lit, avant de commencer son récit. Il n’omit aucun détail, du changelin jusqu’à ce matin, en passant par le lissage de plumes, le plongeon dans l’eau marécageuse et la batponey contre ses flancs pour ne pas qu’elle gèle. Après en avoir fini, le sourire que portait White était énorme.

« On dirait que t’as passé une bonne soirée. T’as suivi mon conseil en fait ? » suggéra son ami en ajoutant un clin d’œil.

Golden grogna et tenta vainement d’expliquer à son ami ce qui s’était passé entre elle et Midnight. « J’ai fait ça pour ne pas avoir un mort sur la conscience. C’est notre devise, faut que je te la rappelle ? »

« Pas besoin », White se racla la gorge. « Protéger et servir, tous les citoyens… »

« … du plus modeste aux plus puissants… » poursuivit Golden.

« … quel que soit le danger », finit White. « Mais avoue, t’en as un peu profité hein ? »

« Qu’est-ce que tu veux dire ? » questionna Golden, jamais à court de surprise devant l’insistance de son ami.

« Ben, y’a pire comme compagnie pour passer la nuit, pas vrai ? »

Le pégase réfléchit pendant quelques secondes et parla. « Ouais, elle est jolie, c’est sûr. C’était sympa de l’avoir avec moi, qu’elle me lisse les plumes, de sentir son corps contre le mien, de toucher ses ailes. Et… » Il rouvrit les yeux, qu’il avait inconsciemment fermé, et découvrit White au-dessus de lui, les deux sabots soutenant son menton dans une pose qui laissait peu de place au doute quant à ses intentions. « Quoi ? » demanda Golden.

« Elle te plaît. »

Golden s’étouffa avec les mots. « Quoi… q-que… elle… Midnight… »

« Tu vois ? Tu l’appelles par son petit nom, elle te plaît, et grave », insista White qui s’était assis à côté de lui. « Je t’ai rarement vu comme ça, encore moins quand on parle de juments. Ouais, tu craques pour elle. »

« Pas du tout », rétorqua Golden, qui commençait à être légèrement agacé.

« Allez… » Il passa ses sabots autour de ses épaules, le releva, et le secoua. « Allez… » Il le secoua à nouveau. « Allez… Tu peux tout dire à ton pote… » Pas de réponse. « Golden, je suis sérieux. Si t’as un truc à me dire, et ça se voit que tu me caches un truc parce que mon sixième sens de super-pote-de-la-mort le sent, tu peux me le dire. Ça sortira pas d’ici… » Il lui sourit, et Golden fit de même.

« Je sais pas, la dernière fois que tu m’as dit ça, il s’est passé moins d’une journée avant qu’on se moque de la peluche avec laquelle je dormais », se souvint Golden. White leva les yeux au ciel.

« Ouais, mais c’était pas pareil, on était plus jeunes, on était bêtes », expliqua White.

« Sur ce point, t’as pas beaucoup changé », se moqua Golden. « Et c’était juste une phase ! » White ne répondit pas de suite et le regarda avec sérieux.

« Golden, je sais qu’on parle rarement avec sérieux, mais là, je te le promets, je le suis. Alors, dis-moi ce que t’as sur le cœur », dit-il calmement. Golden réfléchit pendant quelques secondes, et dit.

« Promesse façon Pinkie ? » tenta l’étalon. Les yeux de White s’illuminèrent et il répondit de suite.

« Croix de bois, croix de fer, si je mens, je mange mon fer », dit-il en faisant les gestes correspondants. « Alors ? »

Golden inspira profondément et s’effondra à nouveau sur le lit. « Ouais. Elle me plaît vraiment. Elle est drôle, elle sait se battre et elle a pas peur de dire les choses comme elle le pense, et… tu aurais dû la voir hier soir. La crinière mouillée, ses yeux, ses courbes… Oh, Luna, ses courbes… Et quand elle m’a lissé les plumes, jamais j’avais ressenti un truc pareil… » Golden avait fermé les yeux et avait, sans s’en être rendu compte, pris le sabot de White pour le caresser. Il rouvrit ses paupières et le relâcha, en rougissant furieusement. « Hmm, ouais, c’est une jument qui est vraiment… cool. »

« Ah ouais, quand même… » dit White en s’écartant du lit. « Tu l’as vraiment dans la peau celle-là. Et elle ? » demanda-t-il, curieux de voir son ami dans ce drôle d’état.

Golden soupira bruyamment. « Je sais pas… Elle s’entendait bien avec moi, et elle a pas flippé quand je lui ai demandé si elle pouvait lisser mes plumes. J’ai vu à un moment qu’elle me fixait pendant que j’essayais de dormir mais… » Il hésita. « J’en suis pas sûr. Ouais, elle m’a laissé lui toucher l’aile, dormir contre elle et elle n’a rien dit quand je baissais le sabot jusqu’à ses flancs… »

« Jusqu’à ses flancs ? » répéta White, en se dirigeant vers la douche. « Ben, mon vieux, t’as pas perdu de temps ! »

Golden rougit, mais continua. « Attends, je sais pas ce qui m’a pris. J’étais là à vérifier son aile, à la regarder et mon sabot a traversé son dos comme ça, comme si j’avais aucune emprise sur lui ! » se défendit l’étalon.

Depuis la salle de bains, White cria : « Réponds juste à cette question : Elle te plaît ? »

Golden n’hésita plus. « Oui. »

« Tu veux la revoir ? »

« Oui, mais c’est une batponey, et tu connais la politique de la maison », soupira Golden. « On risque gros s’il y a quelque chose entre nous… »

White grogna et essaya de réconforter son ami, en revenant vers le lit où il se trouvait. « Écoute, Golden, je sais pas si ça marchera entre vous, mais tu peux compter sur moi pour te couvrir si c’est nécessaire. » Toujours allongé sur le lit, Golden sourit, heureux d’avoir un ami tel que White pour l’aider.

« Merci, White. T’es un vrai ami », dit-il avant d’entendre l’étalon retourner vers la salle de bains. Il ferma ses yeux, et avant de s’endormir, repensa une dernière fois à Midnight, celle avec qui il avait partagé plus qu’une nuit dans une cave humide et froide dans la forêt Everfree.

‘Promis, Midnight, on se reverra.’