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Sensation

Une fiction traduite par inglobwetrust.

Chapitre 5

Je ne suis pas rentré à l’académie cette nuit-là. Tout le monde avait déjà fini sa douche et rentrait à la maison. Ça n’aurait pas été un gros souci. J’avais fait la plupart de mes tours d’endurance, et Spitfire allait me détruire. Je pouvais gérer ça. Mais une autre nuit sans sommeil ? Pas autant. Je me suis assoupi pendant une demi-heure à un moment, mais… tu sais ce grognement hargneux que tu sens dans ton estomac quand tu sais que tu as oublié quelque chose d’important ? Cette sensation comme quelqu’un chose qui te bouffe de l’intérieur ? Ouais, c’était ça.

Au moment où je me suis levé vendredi matin, tout me faisait mal. Mes yeux étaient secs. Mes tempes vibraient. Je pensais que c’était la déshydratation, alors je suis allé dans ma cuisine et j’ai foutu un verre sous le robinet. Le verre frais apaisait mon sabot, mais l’écoulement de l’eau hors du tuyau était aussi fort qu’une cascade. J’ai grimacé et je me suis retourné avant que le verre soit plein. Ça en valait quand même la peine. L’eau froide a lavé ma langue, et j’ai ouvert le fond de ma gorge (ne me demande pas comment j’ai appris à faire ça) pour la laisser couler en moi.

Malgré le bruit, j’ai fini par vider trois verres et demi avant de trouver de la nourriture. Il y avait quelques pommes sur le comptoir, mais, tu sais, elles n’étaient pas très appétissantes. Au lieu de ça, j’ai pris de la luzerne. Ennuyeux, mais remplissant. Bon après une cuite, et j’avais l’impression de m’être pris une sacrée cuite.

Je me suis posé avec mon bol de bouffe ordinaire et j’ai écouté mes dents frotter. Comme chaque autre pièce de ma maison, la cuisine n’avait pas grand-chose. Des murs blancs, des comptoirs blancs, et assez de tables et de chaises pour quelques amis. Juste les bases. Moins à nettoyer comme ça. Pendant une seconde, j’ai pensé à ajouter quelques décorations - quelques trucs pour donner de la couleur. Peut-être une touche de jaune.

J’ai réalisé que mon corps se balançait d’avant en arrière. La luzerne n’avait aucun goût. Je tapotais du sabot au sol et essayait de mâcher en poussant quelques gros soupirs juste pour remplir de sons la pièce. Quand ça ne suffisait pas, je fredonnais une chanson de boîte que j’aimais bien. Ma maison vide ne répondait pas.

Je me suis levé avant que le silence me rend complètement fou, mon plat à moitié fini. Même si j’étais en sécurité dans ma maison, c’était comme si quelque chose me chassait. J’ai ricané et dit à haute voix, « Bonne chance pour m’attraper. A plus, crétin ! » Après un autre coup d’œil tout autour, j’ai foncé vers la porte et j’ai décollé.

Je suis encore arrivé tôt à l’académie. Deux fois de suite. Quelques recrues étaient déjà là et bossaient - courir à travers la course d’obstacle, pratiquer les décollages et la formation en vol, et tout. Ils ont faim de place dans l’équipe. ‘Tant mieux pour eux’, pensais-je. Je ne vois nulle part ce poney vert. J’aurais aimé savoir son nom.

Mon cerveau me piquait, mais d’une bonne façon. Je sentais ce picotement tous les jours à l’académie. Ta tête se remet en place, et soudain, t’es concentré sur ce que tu as à faire. Bien sûr, ça aide quand tu es un leader, quand tu sais que les autres poneys t’admirent et que tu fais un putain de bon boulot. J’ai pris une grande inspiration, cadré mes épaules, et bombé le torse en entrant dans la Green Room.

Ce n’est pas vraiment vert, et ça n’est pas vraiment une pièce. En fait, c’est un long bâtiment en métal poli comme la plupart des autres au sol. Tout à l’intérieur est à angles droits et tout propre. Les portes claquent sans couiner, et les poubelles n’ont jamais rien dedans. Même la vieille fontaine au milieu du couloir principal semble neuve. Je marchais en passant devant quelques petits bureaux et me faufilais à travers une porte avec un grand placard qui disait juste, « Pièce de Préparation A ».

La pièce en elle-même était un peu inconfortable, mais au moins, je n’ai pas besoin d’y être pour longtemps. Des rangées de chaises remplissaient la majeure partie de l’espace, et un projecteur sans diapos se tenait au milieu, ciblé vers le grand mur blanc devant. Quatre autres chaises se trouvaient contre la paroi avant, faisant face au reste. Je m’asseyais dans la seconde et regardais le plafond, pensant, ‘Ouais, nouvelle journée. De la formation aujourd’hui, un show demain, et je peux oublier tout à propos de c’est-quoi-son-nom’. Mon expression s’assombrit et je détournais la tête. « Son nom est Braeburn. »

« J’ai pas entendu, Soarin. » Je détournais mon attention de l’autre côté pour voir Spitfire marcher dans la tête, des diapos dans le sabot. Elle continuait à parler en mettant en route le projecteur. « T’es encore en avance. Ça va mieux aujourd’hui ? » Sa voix était calme. Elle ne me criait pas dessus pour avoir séché l’entraînement. Elle semblait… normale. C’était très déstabilisant.

Je me suis relevé de suite. « A 100% ! » J’arrivais presque à me croire.

« Bien, mais ne t’habitues pas à désobéir aux ordres. » Elle parlait doucement, comme si elle parlait de la météo. Elle a allumé le projecteur, et l’image floue d’un agenda apparaissait sur le mur à côté de moi. C’était difficile à deviner, mais je savais qu’il y avait sans doute des détails du show du lendemain dessus. « C’est mal pour les autres. »

J’ai secoué involontairement la tête et pensait, ‘Alors elle sait ? Et même pas un coup de sabot, à peine une réprimande.’ Ma voix est sortie, plus faible que je le voulais. « Oui, m’dame. »

Spitfire s’est assise à côté de moi et a fixé la porte. Elle avait ce regard stoïque habituel sur son visage, mais quelque chose semblait manquer. Je crois que sa mâchoire était un peu plus serrée que d’habitude, et ça veut dire quelque chose. Quelques fois, elle inspirait rapidement et ouvrait sa bouche, et je pouvais voir qu’elle allait parler, mais rien ne sortait.

Alors on a attendu.

Les membres de l’équipe ont fini par venir, mais personne n’était en retard, bien sûr. L’un d’eux a éteint les lumières. Spitfire a repris son rôle de leader, et on a passé presque une heure à revoir chaque détail du show de demain. On a revu les formations des dizaines de fois, mais Spitfire fait toujours beaucoup d’efforts pour pointer chaque petit détail qu’elle a vu dans l’entraînement cette semaine. Le reste des Bolts appelle toujours cette réunion le ’One-Mare Show’. Tout le monde doit attendre que Spitfire expose ses erreurs en face du reste de l’équipe, et l’anticipation est la pire partie, parce que tu sais que tu vas te faire remettre à ta place. En tant que co-capitaine, je suis exempté. Je m’assois juste là pendant que Spitz distribue les punitions avec une précision froide et chirurgicale, et de temps en temps, je dis quelques mots d’encouragements quand je pense qu’elle a été trop dure.

Quelques-uns des pégases les plus courageux questionnent les critiques de Spitfire, mais ça lui fait juste élever la voix et leur parler. A chaque fois qu’elle commençait à crier ce jour-là, je me reprenais à penser à Braeburn et à la façon dont je l’ai traité. Ça me démangeait, et mon sourire confiant s’était transformé en ricanement à la fin de la réunion.

Spitfire a rangé le tout, et tout le monde a commencé à s’en aller vers les terrains d’entraînement pour travailler nos formations. Je passais devant quelques coéquipiers et dans le couloir, avide de remettre mon esprit sur le show, quand je sentais un sabot me taper sur l’épaule. J’ai bondi un peu et je me suis retourné, en essayant de ne pas aboyer à celui qui m’avait surpris.

Fleetfoot. Je pouvais gérer la façon dont elle jacassait sur tout le monde, la façon dont elle essayait toujours d’improviser durant les shows, et son manque général de respect envers l’autorité. Mais ce que je ne pouvais pas supporter, était la façon affreuse qu’elle avait de traiter les autres en face-à-face, toujours en train de les harceler et de les provoquer pour son propre amusement. Je déteste la désigner aussi négativement, mais elle était une salope. « Tu vas bien, Soar ? »

« J’suis pas d’humeur maintenant… quoi ? » Son ton et ses yeux étaient doux, sincères, même à travers son léger zozotement. Je savais que quelque chose se tramait.

« J’ai dit, est-ce que tu vas bien, Soarin ? Tu sembles assez au fond du trou ces derniers temps. »

Quelques autres passaient devant nous.

Je grognais. « Ouais, ça va. » J’attendais qu’elle s’en aille, mais elle ne l’a pas fait. « Merci de demander. On a un entraînement à faire. » Je commençais à trotter hors de là, tête basse, lèvres pincées et sourcils froncés. J’ai pensé que si je m’y mettais encore plus, je pouvais faire le show, et tout irait bien. Tu parles !

« C’est justement ça », me disait-elle. « Tu n’as pas donné beaucoup de feedback depuis quelques temps. T’as pas l’air d’être complètement là, et c’est comme si l’entraînement était une perte de temps. » Je me disais qu’elle essayait de me percer à jour, que je ferais mieux de continuer à marcher. « Tu fais pas ton capitaine. »

Je m’arrêtais abruptement. C’était la guerre. Je me suis retourné et j’ai frappé du sabot contre elle, sans ciller. « Ah ouais ? Ben voilà du feedback : tes tours à gauche sont nazes et tes plongeons ne sont pas assez serrés. Fire Streak doit constamment ajuster sa vitesse pour rester en formation, vu que tu sembles te foutre de la consistance. » Ma voix devenait plus forte. Les membres de l’équipe qui sortaient de la salle de réunion se retournaient pour me regarder. « Tu mets trop de temps à mémoriser les formations, ta précision en atterrissage est une vaste blague, et en plus de tout ça- », je me suis mis juste devant son visage, « -tu ne sembles pas deviner que peut-être que ton capitaine s’en sortirait BIEN sans une certaine gr- » Je butais sur le mot. J’allais l’appeler grande gueule. C’était méchant, blessant, et quelque chose contre lequel elle ne pouvait rien faire, mais j’allais le dire.

Elle me regardait avec les yeux écarquillés, essayant et échouant à cacher le tremblement de sa lèvre. Cette expression semblait trop familière. Mon cœur se serrait.

J’ai reculé, fermé les yeux, et prit une profonde et tremblante inspiration. « Je suis désolé, Fleetfoot. Tu n’as pas mérité ça. » Je détournais les yeux. « Tu es un grande acrobate, et toutes tes manœuvres sont parfaites, assez parfaites pour me rendre jaloux. » Je jetais un regard vers œil. Elle semblait confuse. « Et ouais, t’as raison. Je ne suis pas moi-même ces derniers temps, et tu essayais juste de m’aider. Désolé. » Le cœur toujours en train de pilonner, je tendais mon sabot en signe d’excuse.

Elle n’y croyait pas. Au lieu de ça, elle a grogné, s’est en allé et m’a donné un plat, « Okay. »

Je tournais la tête et je voyais que Fire Streak me fixait, se déplaçant bizarrement quand je le regardais. Je n’aurais vraiment pas dû l’appeler. Il s’est écarté quand je suis enfin passé devant lui vers la sortie.

Mon escouade m’a évité pendant le reste de la journée.

Le show du samedi était privé. Quelqu’un de riche et d’important organisait une collecte de fonds ou quelque chose comme ça dans un country club à la banlieue de Manehatten, et sortir de la routine était une bouffée d’air frais. Les vestiaires avaient été mis en place pour nous- une grande salle de jeux mal aérée avec la piscine et les tables de ping pong poussées sur le côté- et sentait comme si la femme de chambre avait eu peur de se faire virer et avait tout aspergé de produits chimiques. Au moins, c’était propre, ce qui était mieux que la plupart des endroits où on venait voler, et il y avait un coffre-fort verrouillé pour nous, pour qu’on puisse y mettre nos sacs et équipements.

Mon uniforme bleu des Wonderbolts avec les éclairs jaunes m’allait parfaitement, serré mais pas contraignant, comme une couche supplémentaire de peau. J’ai murmuré, « Je me prendrais moi », en me regardant avec un air enjôleur dans l’un des miroirs polis. Mes épaules se sont relevées automatiquement, et je me tenais droit. Mon expression se changeait en un grand sourire. « Et qui ne le voudrait pas, capitaine ? » Ma voix devenait plus forte. Je brossais ma queue tandis que mes muscles frémissaient et que mon cœur s’accélérait. Je commençais à hocher la tête. « Ouais, ouais ! » Je bondissais de chaque côté et baissais la tête, prêt à charger vers mon reflet. « Qui c’est le meilleur ? C’est toi le meilleur ! C’est qui le meilleur ? C’est toi le meilleur ! » Je galopais sur place avec une cadence serrée. Je prenais de grandes inspirations et m’ébrouais. Mes ailes s’ouvraient en grand. « Okay, les poulains, on y va ! »

Je me tournais vers l’équipe, mon équipe, qui se rassemblait instinctivement autour de moi. Quelques-uns des nouveaux membres semblaient nerveux après mon petit show. Les autres avaient l’air de s’ennuyer.

J’allais changer ça. « Escouade étalons ! En file ! » Les six pégases du lineup retrouvaient leur attention et formaient une ligne parfaite en face de moi. Je trottais de haut en bas du groupe, le dos droit, les ailes complètement étendues. Ma voix prenait un ton grave que j’utilisais seulement pour eux. « Etalons ! Vous pensez peut-être que le spectacle du jour est un truc tranquille. » Je pivotais rapidement en inversant ma direction. « Vous pensez peut-être que ce show privé avec un petit public n’aura aucun effet sur notre irréprochable réputation. » J’ai frappé du sabot en laissant l’écho résonner un moment. « Vous. Avez. TORT ! » Je continuais à parcourir les rangs. « Si l’un de vous dévie rien que d’une plume hors de la formation, j’appelle moi-même les journaux pour leur dire que vous êtes virés ! Est-ce que j’ai été clair ? »

Six voix graves m’ont crié toutes en même temps. « Chef oui chef ! »

« Bien ! Être un Wonderbolt veut dire être le meilleur. Pas le meilleur ? Alors, il n’y a pas de place pour vous ici. Il ne nous reste qu’une question à poser. » Je me suis arrêté en face de Cloudhoof, notre nouvelle recrue, mon nez à quelques centimètres du sien. Son visage était stoïque, sa mâchoire était serrée, et il ne montrait aucune peur. « Êtes-vous les meilleurs ? »

Ils ont répondu ensemble. « Chef oui chef ! »

« Est-ce que vous allez être parfaits ? »

« Chef oui chef ! »

« Et est-ce qu’on va mal dépenser l’argent du client ce soir ? »

Les visages grimaçaient, essayant de cacher des sourires. « Chef oui chef ! »

« C’est ce que je veux entendre ! Wonderbolts, saluez ! » Les sabots grimpaient à toute vitesse vers les fronts, unis et sans défauts. « Escouade étalon, dispersion ! » Battements d’ailes. L’air qui souffle autour. Sept poneys qui décollent et sortent de la pièce en parfaite unisson.

Ils me rendent fier.

Honnêtement, je me rappelle pas grand-chose du show. Les trucs privés ont tendance à se mélanger ensemble, surtout vu que la routine est la même. Pleins de richards qui se vantent auprès de leurs amis, ou bienfaiteurs ou je sais pas quoi. Ne te méprends pas- j’apprécie tous mes fans, vraiment- mais c’est tellement mieux quand tu peux entendre le rugissement de la foule. Bien sûr, on ferait pas ces petits shows si le cash n’était pas là, et les réceptions qui suivent sont souvent assez géniales.

Celle-là était tout juste bien. Un groupe d’environ quarante invités s’est mêlé à nous dans un jardin luxuriant après le coucher de soleil. Un groupe de musique jouait lentement, un bruit de fond classique, et quelques pièces de dentelle décoraient les tables et les haies. On a eu l’habituelle adoration des fans, signé quelques autographes, et je me suis retrouvé à balayer la table des hors d’œuvres. La plupart des trucs étaient des ordures haut de gamme à part cette tartine froide, salée avec une tomate cerise sur un cracker rassis. J’ai rempli ma bouche avec quelques-uns quand j’ai entendu un poney se racler la gorge derrière moi.

Je me retournais pour voir Spitfire. Elle avait pris son visage diplomate : un sourire chaleureux avec un regard qui pouvait te couper en deux. Elle a parlé d’un air laconique. « Soarin, l’un de tes équipiers est complètement bourré. Pourquoi un de tes coéquipiers est complètement bourré à une réception publique, Soarin ? »

Je regardais juste derrière, et j’ai vu Cloudhoof qui riait bien trop fort et devenait un peu trop proche d’une jument dans une belle robe. Les nouveaux. Qu’est-ce que je peux y faire ? Je regardais à nouveau Spitfire. Elle connaissait mes discours d’encouragement. Inutile d’essayer de la tromper.

« Je n’en ai auuuuuuucune idée ! » Je lui ai chanté, en tournant ma tête tandis qu’un grand sourire idiot se répandait sur mon visage. Je fourrais un autre cracker dans ma bouche. « Peut-être que je devrais… Spitty ? » Elle s’est tirée, la tête un peu plus basse. Pas beaucoup, pas assez pour le dire si tu la connaissais pas aussi bien que moi, mais je pouvais quand même le voir. Ça me laissait médusé.

Je devais fixer quelque chose, vu qu’un poney terrestre jaune m’a parlé d’une voix grave et sensuelle. « T’aimes ce que tu vois, beau gosse ? » Je revenais à la réalité, le remarquant enfin. Son corps était pas mal, mais les vêtements serrés et sa crinière bizarre donnait l’impression qu’il essayait de cacher son âge. Ça ne marchait pas.

Mais bon, une baise est une baise, et j’avais jamais été avec un plus vieil étalon avant. J’ai ravalé ma salive, en fronçant les yeux et en mettant en route le bon vieux charme de Soarin. « Nan, ces vêtements sont affreux. Tu devrais sans doute les enlever. » Facile.

« Hé. Très bien, allons trouver un endroit calme pour que tu puisses me donner des conseils de mode. »

J’étais complètement sur lui. Il a commencé à marcher hors du jardin. Je l’ai suivi pendant un petit moment, mais je me suis arrêté quand je suis passé devant Fleetfoot. Ma poitrine se resserrait, et une partie de moi voulait l’ignorer. Une grosse partie, en fait. Mais je ne pouvais pas. « Hé, bon boulot ce soir. » Fleetfoot s’est arrêté, mais elle ne me regardait pas. Je continuais à lui parler derrière sa tête. « Tu pourrais continuer à bosser sur tes tours, mais ton plongeon était super dans le second acte. Ta consistance était mieux, aussi. »

Elle a hésité et m’a dit faiblement un « Merci », avant de continuer sa route. Je me sentais… mieux.

« Tu m’as pas oublié, beau gosse ? » Le vieil étalon revenait pour moi. Il m’a agrippé le sabot et m’a amené derrière le club house, et j’avais hâte d’avoir quelque chose de sauvage et différent.

Il était… bien. Gentil, joli paquetage, mais assez mou et difficile à gérer. J’ai dû tout faire selon ma propre voie, aussi. Il arrêtait pas de vouloir me mettre en bas, mais je ne m’ouvre pas comme ça, surtout pas aux étrangers. Trop risqué. On est juste resté au stade branlette, et ça s’est fini avant que quelque chose d’intéressant n’arrive. Entrer, sortir, dégager, comme c’était le cas depuis un moment. Je pense même pas que j’ai eu son nom.

Qui il était, il ne m’a pas parlé pendant le reste de la nuit, et au moment où j’ai remis ma combinaison et que je suis revenu dans les jardins, la foule s’était rafraîchie. Il y a plein de trucs nouveaux quand tu rencontres des célébrités, mais après quelques heures à se mélanger, l’excitation se dissipe. Je vagabondais dans le coin, en cherchant quelqu’un à qui parler. L’une des invitées, une jument dans une superbe robe blanche qui montrait des courbes vraiment sexy, m’a dit que Fire Streak avait ramené Cloudhoof chez lui. Tant mieux pour lui, mais ça ne me laissait personne avec qui parler.

Heureusement, il y a toujours une chose à faire dans une fête pareille, et je me suis retrouvé au bar. Les installations étaient bien et les sièges confortables, alors je me suis assis là, en buvant pour éviter l’ennui, juste pour sentir le feu dans mon ventre. J’ai pris un shot, j’ai fixé le verre vide, et j’ai réfléchi. ‘Hé, alors le vieux type était pas génial. Mais j’ai quand même fait plaisir à un fan, non ? » Mais mes pensées flottaient toujours vers le même sujet. ‘Braeburn aurait été mieux. J’aurais aimé que ça soit lui à sa place.’ Cette pensée me décourageait un peu plus à chaque fois, et j’ai commandé un autre shot à chaque fois que ce cowpony s’incrustait dans mon esprit.

A chaque fois que le verre était vide, je jouais avec. Le faire tourner autour du bar, l’admirer. Il semblait solide et fragile en même temps. Il ne pouvait pas contenir beaucoup de liquide, mais c’est ça qui le rendait fort. Je continuais à penser, ‘J’aime ce verre’, dans l’état où j’étais. Je sais pas pourquoi, mais j’y suis devenu attaché, alors je l’ai piqué. J’ai failli le laisser au bar, et je peux pas te dire à quel point c’était difficile de le rentrer dans ma poche. Franchement, je suis surpris qu’il se soit pas cassé. J’ai toujours ce verre.

Le reste de la nuit est floue, mais je me souviens que je titubais dans la fête pendant un moment avant de marcher longtemps et d’avoir une conversation avec deux poneys dont les voix semblaient décevantes. Mon corps entier était comme rance, comme s’il fondait, mais l’air frais de la nuit dans mes poumons m’a fait tenir. Une cloche a sonné. Le sol est devenu doux, et l’un des poneys parlait à un étranger. On est allés dans un tunnel rouge. Il y a eu un claquement, et j’étais poussé vers une boîte. Je tombais dedans. C’était doux.

« Monsieur Windsong ? » C’était comme si rien ne s’était passé, mais je me suis réveillé le lendemain matin avec un coup à la porte et une voix féminine. Elle ne criait pas, mais c’était tout comme. « C’est votre appel pour le réveil. Le départ est dans une demi-heure. »

Je gémissais alors que mes yeux s’ouvraient, et j’ai vu un couvre-lit froissé en-dessous de moi. J’ai cligné quelques fois des yeux, et la chambre du motel devenait plus claire. Des trucs cheaps accrochés aux murs au-dessus d’un canapé et d’un bureau, et quelques tâches de lumière qui passaient entre les rideaux. Mon estomac s’est noué quand j’ai vu que la chambre avait un second lit qui avait été occupé, mais j’ai deviné que rien de grave n’était arrivé quand j’ai vu mon sac de selle près de la porte. Il était là avec un morceau de papier plié dessus.

« Monsieur Windsong ? Est-ce que ça va ? »

« Oui » ! Ma voix était rauque, et crier ne soulageait pas mon mal de tête. « Désolé. Ouais, ça va. Je serai dehors dans quelques minutes. Ça va. Merci. » Je n’ai pas entendu de réponse.

Après avoir pris un moment pour apprécier le goût exquis dans ma bouche- acide avec une pointe de regret- je suis sorti du lit. Ma tête tournait un peu, mais j’ai mis ça de côté et j’ai marché vers mon sac, en m’asseyant avant d’ouvrir le papier. Ça disait un truc du genre :

***************************************************************************

Bonjour, Soarin,

Tu sais, tu devrais vraiment faire plus attention. Il y avait pleins de poneys importants là, et je ne serais pas surpris si l’un d’eux avait une photo de toi en train de te comporter comme un connard.

De rien, au fait. J’ai fini par rester ici toute la nuit pour m’assurer que tu allais bien, et pour empêcher cet étalon de te ramener chez lui. Il n’a pas arrêté de dire que tu étais son conseiller mode ou quelque chose comme ça. Un vrai dingue. Tu as de la chance que je ne t’aie pas quitté pour lui. Ne l’oublie pas.

A demain, Capitaine.

-Fleetfoot

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Je l’ai lu quatre fois. Elle avait été très, très gentille, et ça m’a fait repenser à quelques trucs.

Je voulais sortir d’ici, mais je voulais encore plus d’une douche. Après un coup d’œil rapide vers l’horloge, j’y suis rentré et j’ai laissé l’eau fraîche me réveiller. Après ça, c’était rapide de rassembler mes affaires - mon uniforme était plié dans mon sac, toujours avec le verre de shot enroulé dedans- et je suis parti sans autres problèmes. Je m’attendais presque à ce que Fleetfoot paie pour la chambre, mais j’imagine que je demandais trop.

Voler chez moi était un calvaire. Mes ailes étaient lourdes et tremblantes. Le soleil me donnait l’impression d’enfoncer un clou rouillé dans chacun de mes yeux, mais le monde continuait à tourner à chaque fois que je les fermais. J’ai quand même réussi à rester debout, mais ça a pris bien plus longtemps que d’habitude pour rentrer chez moi.

Je me suis arrêté à un stand de hayburger quand je suis revenu à Cloudsdale. La bouffe était grasse et lourde, et a fait un bon boulot pour absorber le reste de l’alcool de mon corps. J’ai fini par commander assez pour déjeuner et dîner avant d’en ramener à la moitié à la maison.

J’ai trébuché en passant la porte, et j’ai poussé un soupir en commençant à m’abandonner à la fatigue. Avec un estomac plein de nourriture et la tête qui continuait à bourdonner, je voulais faire une sieste. J’ai jeté la bouffe et mon sac de selle sur la table de la cuisine et j’ai regardé longuement le canapé dans mon salon. Il me tentait. ‘Nope’, j’ai pensé, ‘On va bien faire ça.’ J’étais toujours dans le brouillard et prêt à m’évanouir, mais je me suis traîné en haut des escaliers, dans le couloir, et dans ma chambre avant de m’effondrer sur mon lit.

J’ai fait un mauvais rêve cette nuit-là.

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