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Applejack se montra particulièrement efficace à transmettre le message et il ne fallut pas longtemps à la troupe pour se réunir. Elles arrivèrent les unes après les autres en intervalles réguliers, Rainbow Dash la première. Cela correspondait bien à la nature impétueuse de la pégase, toujours partante pour la moindre aventure tant que l’on pouvait présupposer qu’il y allait avoir de l’action. Toujours prête à foncer dans le tas sans réfléchir aussi, ce qui dans le contexte actuel convenait parfaitement aux attentes de Twilight.

Même s’il allait sans doute simplement falloir déloger quelques squatteurs en situation d’illégalité, son rôle de princesse la forçait à rester un tant soit peu correcte et à privilégier la diplomatie à la force. Toutefois, si l’une de ses amies déclenchait « malencontreusement » les hostilités, avec en retour une défense « fâcheusement » agressive des opposants, alors il était de son devoir de réagir elle-même par la violence « en dernier recours ». Et par conséquent de botter des croupes, extrémité qui –officiellement- répugnait la princesse au plus haut point, sans doute autant que la langue de bois.

Rarity fut la suivante à apparaître, vêtue d’une tenue de voyage aussi exubérante que prodigieusement inutile et ni l’alicorne, ni la pégase ne firent de commentaire à ce sujet. Cela faisait bien longtemps qu’elles avaient compris que la philosophie de la créatrice de mode pouvait se résumer en simplement deux lignes directrices : se pavaner dès que possible et, surtout, ne jamais laisser passer une occasion de se plaindre.

Quoi de mieux alors qu’une quête au sein de la forêt Everfree pour voir ces magnifiques habits perdre de leur superbe sous les outrages des ronciers et de la boue ? Pour cette raison, la licorne blanche et mauve jubilait intérieurement, impatiente d’utiliser son stock de jérémiades toutes prêtes agrémentées de couinements horripilants récemment remis à neuf. Elle allait bien s’amuser, ça oui.

Puis arriva sans coup férir une tornade rose plus connue sous le nom de Pinkie Pie, comme à son habitude incapable de tenir en place en raison de son hyperglycémie permanente. Elle courait, sautillait et se roulait partout, déclamant de toutes les façons possible et imaginables son empressement fébrile à l’idée de partir résoudre un mystérieux mystère avec ses meilleurs-amies-du-monde-entier-voir-de-l’univers-même-si-les-limites-de-ce-dernier-sont-encore-assez-floues.

Ses compagnonnes restèrent impassibles, habituées qu’elles étaient de son attitude un tantinet excessive. A sa décharge, même le poney le mieux élevé du monde aurait une attitude similaire s’il ingurgitait ne serait-ce que le quart de la consommation journalière de sucreries de la jument. Quoique non, cette seule ration dépassant largement la dose létale pour un équidé de corpulence moyenne, il aurait ce comportement durant environ dix secondes avant de s’écrouler raide mort, les artères définitivement obstruées par le saccharose.

Pour terminer, Applejack et Fluttershy arrivèrent finalement. Il était amusant d’observer le contraste entre leurs attitudes, la fermière se montrant particulièrement motivée à l’idée de cette aventure alors que, comme à son habitude, la timide pégase semblait terrorisée à la seule idée d’aller s’enfoncer dans ces bois où les animaux avaient la fâcheuse inclination de ne pas l’écouter. Voire à essayer de la manger, ce qui pouvait s’avérer un peu plus désagréable.

Néanmoins Twilight savait qu’intérieurement, cette petite et adorable chose était remplie d’espoir. Cela faisait maintenant quelques semaines, après la lecture d’un ensemble de livres de psychologie, que l’alicorne avait enfin compris que Fluttershy était atteinte du syndrome dit « du Sauveur » ; elle avait en réalité comme besoin irrépressible celui de s’occuper des causes perdues, particulièrement chez les êtres les plus odieux. Ou, dans le cas présent, chez des immigrants venus trouver une vie meilleure en Equestria.

Au final, cette irrépressible vocation n’avait pas si mal marché avec Discord. L’esprit du chaos pouvait désormais être considéré comme réformé, même si pour cela il avait fallu passer par une trahison qui aurait pu mettre en péril la pérennité de cette planète. Les choses étaient par contre moins satisfaisantes avec Angel Bunny, ou plutôt de son vrai nom Herr Doktor Engel Von Hase, l’ancien dictateur génocidaire qui avait trouvé refuge dans le cottage de la pégase couleur beurre après que Celestia eut détruit - piétiné avec amusement serait plus juste- son empire censé durer mille ans. Certes, l’on pouvait arguer qu’il n’essayait plus d’exterminer les condylures à nez étoilé, sa Némésis fantasmagorique, mais cela était sans doute principalement dû au fait que l’on ne trouvait aucun de ces braves taupes aux alentours. Car admettons-le bien : si ce n’était ses tendances assassines, il restait absolument exécrable.

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Enfin réunie, la petite troupe se mit en route, avançant avec entrain et discutant gaiement alors qu’elles sortaient du château. Le chemin pour la forêt Everfree nécessitait de passer par le centre-ville de la bourgade et ainsi, tous purent voir que les porteuses des Eléments de l’Harmonie étaient en route pour une nouvelle aventure, l’absence de panier repas indiquant que l’hypothèse du pique-nique était vraisemblablement irrecevable.

« Regarde-les donc » souffla discrètement Bonbon à la licorne vert menthe, attablée à ses côtés à la terrasse d’un café et qui s’amusait à faire des bulles avec la paille de son verre. « Elles partent encore vivre des aventures palpitantes, à tous les coups. »

Lyra cessa son concerto aquatique et leva la tête, surprise. Elle n’avait pas remarqué le passage du petit cortège sur la place centrale, trop concentrée qu’elle était à tenter de faire progresser le monde de la musique en créant de nouveaux instruments inattendus.

« - Et ? lui répondit-elle. Tu as envie de te joindre à eux ?

- Je ne sais pas. Ça pourrait être amusant quand même. Enfin j’sais pas. »

La confiseuse resta un instant silencieuse, réfléchissant, avant de reprendre :

« - Tu ne trouves pas étrange que la princesse de l’amitié favorise toujours les cinq mêmes poneys ? C’est quand même pas très cohérent, tu ne trouves pas ?

- Fallait être choisie par l’Arbre de l’Harmonie ma vieille » répliqua Lyra avant de reprendre ses expérimentations gargouillantes.

Cette réponse ne satisfit pas la jument mais elle se tut quand même, préférant se questionner sur sa place dans l’univers. Elle avait la désagréable impression, aussi profonde qu’inexplicable, que son destin était de rester à jamais un être d’arrière-plan. Lyra, quant à elle, arriva à une conclusion définitive : le monde n’était pas prêt pour les sonorités écumeuses.

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Twilight et ses amies atteignirent enfin l’orée de la forêt Everfree après un trajet aussi agréable que profondément inintéressant. Aucune d’entre elles ne put réussir à réfréner une déglutition purement nerveuse au moment où leurs sabots furent avalés par l’ombre que projetaient les frondaisons du massif. Même si elles étaient désormais un peu plus habituées à ce lieu qu’il y a de ça quelques années, pénétrer en son sein restait toujours un peu hasardeux. Des fois tout se passait bien et d’autres fois vous aviez l’impression d’avoir débarqué en plein milieu du symposium semestriel des créatures sauvages les plus féroces qui soient. Mais où serait l’aventure sans une part d’incertitude, je vous le demande ?

Dans les limites où ladite incertitude ne se montrait pas létale bien entendu.

En tout cas, au fur et à mesure qu’elles s’enfonçaient dans les tréfonds de la forêt, leur malaise se dissipa peu à peu. Il était certes nécessaire de rester alerte mais aucun son inquiétant ne se fit entendre, à l’exception peut-être des cancanements lugubres, au loin, d’un canard qui semblait particulièrement remonté contre un désagrément inconnu. On pouvait même dire que l’atmosphère générale avait quelque chose de bucolique, d’apaisant.

La lumière du soleil traversait la canopée en de multiples endroits, formant un rideau de lanières dorées, alors que le chant de multiples oiseaux et insectes se joignait en une langoureuse chorale. L’odeur même était doucereuse, loin des fragrances de vases et de moisissure qu’il était courant de sentir en ce lieu.

Il n’y avait en fait que les couinements de Rarity, les gloussements hystériques de Pinkie et les grognements impatients de Rainbow Dash qui venaient troubler cette quiétude. Fluttershy avait au moins l’avantage d’être discrète. Quant à Applejack, elle était plus concentrée à retrouver son chemin et à repérer tout discret ravin où elle pourrait malencontreusement faire disparaître sa petite sœur et ses amies.

En tout cas, de l’avis de Twilight Sparkle, l’hypothèse de l’établissement d’un camp de squatteurs dans la forêt devenait de plus en plus tangible. Tous les recoins de ce massif n’étaient pas aussi terribles que l’on pouvait le croire et celui-ci avait l’air particulièrement agréable ; il ne semblait donc pas étonnant que certains essayent de s’y installer.

Ses suppositions se virent malheureusement sévèrement remises en questions un moment plus tard, alors qu’Applejack leur certifia qu’elles approchaient du but. Ce n’était pas tant que l’ambiance avait drastiquement changée mais il y avait quelque chose d’étrange dans l’atmosphère, un élément qui n’avait pas sa place ici tout en étant suffisamment insidieux pour ne pas apparaître de façon évidente.

Ce nouveau climat plomba la bonne humeur du groupe et tous, y compris Rarity, devinrent silencieux, guettant l’arrivée d’un potentiel danger. Le silence était tel qu’il en devenait oppressant, comme si la forêt elle-même était en train de retenir son souffle à l’idée de leurs tourments à venir.

Le silence ! C’était donc ça ! s’exclama intérieurement Twilight Sparkle. Durant l’entièreté de leur trajet, elles avaient été accompagnés par les bruits de la nature alors qu’ici, plus rien, à croire que toute vie avait disparue de ces lieux. Un coup d’œil circulaire lui donna rapidement confirmation de cette impression ; aucun oiseau n’était visible sur les branches, aucun insecte ne rampait au sol et aucune paire d’yeux inquisiteurs ne pouvaient se deviner sous les épaisses ombres du sous-bois. « Que se passe-t-il ici ? » se demanda l’alicorne dans un chuchotement ténu.

Puis un petit bruissement se fit entendre dans les fourrés voisins, unique autre signe de vie dans les alentours immédiats et, pour cette raison, le groupe se dirigea vigoureusement vers la source de ce son. Applejack, qui était en tête, écarta alors doucement un rideau de lianes tombantes, découvrant ainsi une petite clairière au milieu duquel trônait un quadrupède non identifié.

« C’est elle ! » lâcha-t-elle dans un souffle.

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Loin de là, à Ponyville, Derpy laissa échapper un glapissement déchirant. La peste soit son strabisme !

Elle avait encore mal réglé la température de son four et voilà que les muffins étaient trop cuits, presque carbonisés. « Que peut-il y avoir de pire dans la vie que ça ? » se dit-elle alors qu’elle sentait sa colère monter. Puis elle s’arrêta un instant et se mit à réfléchir. Peut-être que rencontrer une créature inconnue aux intentions mal identifiées, le tout en plein cœur de la forêt Everfree, pouvait être considéré comme une expérience encore plus désagréable. Mais pourquoi pensait-elle à ça au juste ? Cela n’avait aucun rapport avec ses problèmes et de toute façon, elle avait des pâtisseries à manger, aussi trop cuites fussent-elles.

C’était un sale boulot mais quelqu’un devait bien le faire.

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La chose était difficile à décrire. On pouvait néanmoins l’associer sans trop de problème aux équidés tant sa carrure était comparable à celle d’un poney. Ses ailes, sans aucune plumes et membraneuses comme celles des chauves-souris, la rapprochait des batponies. Cependant le pelage de ces derniers se situait plus dans des tons bleutés et brunâtres alors que la couleur de la créature tirait sur le vert grisâtre d’une moisissure confortablement installée depuis des jours dans un pot de mayonnaise. A dire vrai, elle ne semblait pas vraiment avoir de poils et paraissait au contraire couverte d’un léger duvet, d’une texture proche de l’une de ces colonies fongiques adoratrices de condiments.

Mais pire que tout était son visage qui ne ressemblait à rien de connu et la légère crête qui se dessinait sur le milieu de son crâne en était de loin l’élément le plus bénin. Non, le plus hideux était l’assemblage de pseudopodes qui se s’établissaient autour de sa bouche, un véritable rideau de tentacules qui dissimulait entièrement le bas de sa tête.

A cette vision d’horreur, l’ensemble des porteuses des Eléments de l’Harmonie ne put réfréner un hoquet épouvanté, ce qui était particulièrement impoli et pouvait même être potentiellement blessant pour ce pauvre être qui n’avait sans doute pas choisi d’avoir ce physique.

Néanmoins la créature ne parut pas s’en offusquer, remarquant seulement avec ce son la présence de ces poneys. Elle releva alors la tête et lâcha une incompréhensible interrogation, qui ressemblait peu ou prou à« Fliïtjh’ ? », visiblement à leur attention.

« On la chope les filles ! » hurla Rainbow Dash avant de se jeter à toute vitesse vers l’étrange équidé.

Twilight eut l’impression que le temps était en train de ralentir devant ses yeux. Elle ne s’était pas attendue à trouver quelque chose d’aussi étrange en se levant ce matin. C’était si… unique. Par conséquent, ses désirs de destruction passaient désormais au second plan, il fallait avant toute chose analyser cette créature, l’étudier. Dans le pire des cas, il restait de toute façon la possibilité de la tabasser une fois ce travail terminé.

Cependant la pégase cyan était désormais en train de foncer droit dessus, mettant en péril les nouveaux projets de l’alicorne. Par Celestia que c’était frustrant !

La porteuse de l’élément de la loyauté approchait en effet à toute vitesse de l’étrange chose, ses sabots parfaitement placées devant son visage de façon à briser tout ce qu’ils rencontreraient, de préférence un visage ceint de tentacules. D’ici moins d’une seconde, son sort serait définitivement réglé.

La créature ne fit quant à elle état d’aucune manifestation témoignant d’une quelconque surprise, comme si voir une pégase aux couleurs de l’arc-en-ciel vous foncer dessus en hurlant n’était qu’une banalité du quotidien. Malheureusement, ce fut à l’instant le plus crucial, celui-ci précédant d’une seconde le choc fatal, qu’elle révéla ses incroyables talents martiaux, déployant avec une maîtrise impeccable et un flegme perturbant une technique aussi puissante qu’implacable : le pas de côté.

Rainbow ne put rien faire, son élan l’empêchait de modifier sa trajectoire et son esprit était de toute façon confus suite à cet échec humiliant. Alors elle percuta avec fracas un pauvre chêne qui ne souhaitait qu’observer la scène et qui n’avait rien demandé à personne.

Cependant, ce ne fut pas suffisant pour lui enlever l’envie de combattre et elle se releva avec vigueur, délaissant l’arbre outragé et se jetant à nouveau et avec véhémence sur cette chose immonde.

Cette dernière répéta à nouveau son esquive dans un timing parfait, toujours sans la moindre réaction émotionnelle autre qu’une vague curiosité, mais en profita cette fois pour placer son sabot sur le dos de la pégase et la plaqua violemment au sol, avant d’approcher sa bouche garnie de pseudopodes du crâne de sa captive.

« Aidez-moi ! Aidez-moi ! Elle me mange ! Elle me mange ! » se mit alors à hurler Rainbow Dash en se débattant en vain.

À l’écoute de cet appel de détresse, toutes ses amies s’élancèrent en galopant vers leur amie sans prendre le temps de réfléchir, elles devaient la sauver. Toutefois elles s’arrêtèrent au dernier moment, freinant avec difficulté et formant un demi-cercle autour des deux équidés. Quelque chose n’allait pas.

« Mais qu’est-ce que vous faites ? continua de plus belle la pégase paniquée. Vous voulez ma mort, c’est ça ? »

Cependant, personne ne répondit, toutes étaient trop confuses et trop gênées pour trouver les mots capables de décrire ce qui était en train de se passer sous leurs yeux. Ce fut alors Fluttershy, sans doute aidée par ses connaissances sur les animaux, qui brisa le silence de sa douce voix.

« - Heu… Je ne pense pas qu’elle soit en train de te manger Rainbow.

- Alors quoi ? répliqua violemment la victime, trop paniquée pour montrer la moindre délicatesse.

- Et bien… heu… c’est-à-dire… » tenta de reprendre avec difficulté la pégase, visiblement mal à l’aise.

« Je pense qu’elle te palpe » réussit-elle enfin à dire.