« Tu ne sentiras rien, je te le promets.
— Mais... mais si je me souviens.
—... Et bien on recommencera. » dis-je doucement pour ne pas l’inquiéter. Je caressais son visage pendant qu'elle me dévisageait, allongée dans son lit. Elle attrapa mon sabot qui glissait sur sa crinière. « Je ne t’abandonnerais jamais.
— Se souvenir... Tu ne peux pas savoir à quel point c'est atroce. Tous les événements se répètent dans la tête, on se voit les revivre comme si c'était la première fois. Je ne veux pas assister à nouveau à ça Chrysalis.
— Shhhht, ne t'inquiète pas, tout se passera bien.
— Et si ça rate ? »
Je ne comprenais plus rien à la situation. Elle avait souhaité ça depuis le début, et maintenant que j'allais lui donner ce qu'elle voulait, elle n'arrêtait plus d'hésiter.
« Je serais là Aloe, je resterais avec toi, comme ta sœur. » L'évocation de sa sœur suffit à la calmer rapidement. Elle s'allongea plus confortablement dans son lit selon mes directives. Je ne voulais pas faire ça brusquement, je voulais la laisser quitte de toute inquiétude avant de ne plus jamais la revoir. Parce qu'être obligé de se cacher pour devenir quelqu'un d'autre, c'était comme se voiler soi-même la face. « Repose-toi maintenant, je vais faire ça le plus doucement possible. »
Je m'allongeais dans le lit à ses côtés le plus doucement possible pour ne pas la déranger. Encore une fois, j'avais envie de ne pas l'inquiéter une seule fois et de la laisser partir de la manière la plus agréable possible. Allongées l'une en face de l'autre, je passais à nouveau mon sabot pour caresser sa crinière. Elle en fit de même avec moi avant de laisser la fatigue fermer ses yeux rouges d'avoir trop pleuré.
« Au revoir Chrysalis.
— Non Aloe, adieu. »
La jument rouvrit les yeux, mais la magie s'immisça dans son regard à ce moment-là. Ses iris passèrent aussitôt au vert, et je sentis toute trace de la jument s'enfuir au plus profond de son être pendant que mon contrôle s'implantait dans tout son crâne.
Je soupirais face à ce que je venais de faire, comme impuissante. Qu'avais-je fait ? J'avais toujours du mal à l'expliquer. Je tuais ma seule amie...
« Rapproche-toi s'il te plait Aloe. »
La jument obéit sans dire mot et je me retrouvais à la serrer dans mes bras. Je sentais les sanglots remonter en moi, mais je les retins fermement. C'était fini, maintenant. Elle me regardait toujours d'un regard lointain, pendant que je tentais de garder mon sang-froid le plus longtemps possible sans pouvoir la lâcher.
« Serre-moi s'il te plait. »
Elle obtempéra et je me retrouvais à me blottir le plus fort possible contre elle. Je ne voulais pas de cette solution, je ne voulais pas me cacher face à elle, je ne voulais pas m'effacer pour elle. Je l'aimais, je voulais rester avec elle, mais si je l'aimais vraiment, ne devrais-je pas faire ce qu'elle me demandait, par amour ? Ce sentiment restait une énigme pour moi.
« Lâche-moi s'il te plait, Aloe. » Je me redressai et la surplombai de toute ma hauteur pendant qu'elle gardait un regard fixe braqué sur moi. Je m'abaissais pour pouvoir déposer un baiser sur ses lèvres. Pensant y trouver du réconfort, ce contact me fit encore plus mal que je croisai son regard perdu. Au fond, je savais que je lui faisais du mal.
Je descendis du lit en me dirigeant vers la fenêtre. Je levais la tête pour voir encore une fois mes enfants qui m'observaient. Les étoiles ne brillent pas quand vous preniez la mauvaise décision. Et j'avais fait mon choix, pas celui d'Aloe, mais le mien.
Je ne resterai pas avec elle. Je ne voulais pas la laisser vivre avec l'esprit voilé, même si je devais la laisser souffrir pour ça. J'allais la quitter, tout simplement. J'allais la laisser vivre sa vie sans lui donner de faux espoirs. Elle se réveillera avec comme seul souvenir que sa sœur avait disparu et qu'un monstre l'avait manipulé avant de s'enfuir. Au final, je redevenais le monstre que je prétendais être.
Je retournai près de la jument hypnotisée et l'observai un moment, je m'arrêtai sur la fleur à son bandeau que je détachai en la faisant léviter jusqu'à moi. Je la respirais un instant avant de la laisser sur le rebord de la fenêtre. C'était mon parfum, mon odeur, elle n'en avait pas besoin, ça n'était pas l'aider que de la lui laisser. Elle ne voudrait pas de ce cadeau empoisonné de toute façon.
J'abaissais la tête pour approcher ma corne près de son front. Six mois, ça n'était pas facile, mais c'était faisable, il me fallait juste du temps. À l'intérieur de son esprit, je cherchais les émotions fortes qui avaient caractérisé sa mémoire. Chaque souvenir que nous gardons en nous était retenu par un sentiment, un ressenti fort qui avait fait que cet instant restait gravé dans notre tête.
Je trouvais bien vite ces émotions fortes qui avaient gravé ces derniers mois. De la tristesse, de la douleur incroyablement forte, mais aussi de la peur, pas de moi, mais de la solitude. Elle semblait perdue. Et c'est pourquoi elle devait se relever. Seule s'il le fallait. Elle s'en sortirait bien mieux sans moi. Je n'avais fait que lui donner de fausses idées sur un possible retour à la normal. Sans moi, elle n'aura d'autre choix que de se ressaisir.
Plus loin dans sa mémoire, je sentis la douleur atroce qu'elle avait ressentie plus tôt ce soir quand je l'avais abandonnée. Je ne pus qu'exprimer du dégoût face à ma propre réaction.
En cherchant encore plus profondément, je trouvais enfin sa joie, ses rires, ses envies, son amour. Toutes les sensations qu'elle ressentait quand elle était avec sa sœur. M'emparant peu à peu des émotions qui ne m'appartenait pas, des images me frappaient en pleine face.
Je connaissais cette joie. Je la connaissais parce que je l'avais vécu avec elle, à la même intensité, quand nous courrions dans la rue toutes les deux, ou encore quand je prenais le petit-déjeuner avec elle. Les images apparaissaient brusquement dans ma tête pendant que j'enlaçais un peu plus ses sentiments. Je la voyais rire à mes côtés quand elle m'apprenait à masser les sabots avec elle comme cobaye. Ou encore quand j'avais apporté des rondelles de banane pour les paupières Rarity et que celle-ci ne s'en était pas rendu compte. Avec l'amour, je vis une image de Lotus, sa sœur, cette jument à la robe bleue et à la crinière rose. Celle-là même qu'Aloe voulait revoir plus que tout. Je n'avais pas ma place avec elle. Je grondais face à l'image de la jument, mais quelque chose me fit stopper aussitôt.
Je m'enfuis rapidement de l'esprit d'Aloe, incapable de bloquer les émotions qui projetaient des images incessantes de souvenirs associés. J'avais un mal de tête insupportable qui se calma nettement quand je m'isolais enfin de la ponette.
Posant un sabot sur mon front pour calmer la perceuse qui me vrillait le crâne, je repensais lentement à ce qui venait de se passer. Je secouais la tête d'incompréhension. Je n'arrivais plus à suivre le raisonnement d'Aloe depuis un moment déjà, mais là c'en était devenu impossible.
« Tu ne peux pas juste me dire ce que tu veux vraiment ? » hurlais-je à la face de la ponette hypnotisée. « Aller Aloe, je t'ordonne de me dire ce que tu souhaites ! » Je vis ses lèvres bouger, sans pour autant entendre sa voix. Bientôt, c'est un léger murmure qui me répondit.
« Ma... soeur.
— Non Aloe, cherche plus loin, regarde au fond de toi, je suis sûr que tu peux voir ce que j'ai vu ! » Ma victime ne répondit rien, se contentant de me dévisager en attendant les ordres. « Aller, cherche ! » Mais elle ne fit rien. « S'il te plait Aloe, cherche, je t'en prie. » Je m'assis devant la jument allongée dans son lit. « Dis-moi que tu vois la même chose.
— Je vois la même chose. » répondit-elle automatiquement face à l'ordre direct que je lui avais donné.
Je dégageais ses mèches de crin qui lui tombait sur le visage avant de sentir mes yeux se remplir de larme, son visage entre mes sabots.
« Dis-moi que tu m'aimes !
— Je t'aime.
— Dis-moi que tu aimes ta sœur !
— J'aime ma sœur.
— Dis-moi que tu veux que je reste !
— Je veux que tu restes.
— Dis-moi que tu veux que je disparaisse !
— Je veux que tu disparaisses.
— Dis-moi ce que je dois faire !
— Ce que je dois faire.
— Nous serons reines, demain ? »
Elle n'allait pas répondre à ce genre de question. Je rapprochais la jument de moi et la serra pendant que je soupirais.
Aloe ouvrit les yeux avec un mal de crâne incroyablement violent. Jamais elle n'avait ressenti ça. C'était comme si on lui avait ouvert la cervelle en deux pour jouer avec une cuillère. Sa première pensée fut de s'inquiéter de ce qui s'était passé. Mais sa seconde pensée la fit aussitôt rejeter la tête en arrière en se collant les sabots sur les tempes.
Elle se rappelait de tout, pas comme-ci elle venait d'émerger d'un long coma qui l'avait laissé en paix pendant un moment, mais simplement comme si elle l'avait toujours su. La douleur n'était pas insoutenable, elle était juste permanente. Chaque jour, le réveil annonçait la même lourde vérité. Il était impossible d'y échapper.
Aloe se calma petit à petit et laissa ses sabots retomber le long de son corps pendant qu'elle scrutait le plafond, attendant une réponse à ce qu'elle devait enduré. Il y avait un seul moyen de s'échapper, et celui-ci la prit dans ses bras pour la rapprocher d'elle. La jument rose tourna son regard perdu vers la changelin.
« Pourquoi, Chrysalis ? » demanda-t-elle doucement.
Elle ne répondit pas tout de suite, prenant le temps de déposer un baiser sur le front de la jument qui la regardait toujours avec un regard maussade. La changelin passa son sabot dans la crinière de la ponette en gardant toujours le même silence.
Aloe attrapa son sabot qui glissait le long de son corps et la fixa intensément.
« Chrysalis ? »
La concernée lui rendit son regard en souriant. Elle se rapprocha légèrement de son visage pour lui chuchoter.
« Je t'aime Aloe. »
Celle-ci ferma les yeux, incapable de soutenir le regard de la reine. Son corps se mit à s'agiter de sanglots.
« Calme-toi Aloe. Je sais, je sais ce que ça représente... J-je ne veux pas m'effacer, je ne veux pas remplacer ta soeur. Je ne veux pas me moquer de toi ainsi et te voir te bercer dans tes illusions. S'il te plait Aloe, écoute-moi. »
La jument avait toujours les yeux fermés et ses sabots lui cachaient le visage. Chrysalis la rapprocha encore d'elle pour lui chuchoter à l'oreille.
« Tu es perdue, mais je t'assure que ce n'est pas la bonne solution. On a vécu un moment ensemble, ça prouve qu'on peut continuer ainsi, non ? J'ai tout perdu avant de vous rencontrer, ensuite, ça a été ton tour. Mais maintenant, on est ensemble, on peut se relever, ensemble.
— Je ne sais pas, Chrysalis... » articula-t-elle contre le torse de la changelin.
« Shhht, c'est normal, c'est tout à fait normal. Tu l'as dit après tout, tu as du mal à prendre tes propres décisions, et bien je serais là Aloe, je serais là pour t'aider à avancer et nous guider.
— Je ne sais pas si j'en serai capable.
— Tu es forte voyons ! Tu es comme moi, aussi grande qu'une reine. Tu n'as même pas besoin de moi, j'en suis sûr. Ta sœur est celle qui a pris la décision de me sauver, mais toi, toi, tu as fait bien plus encore.
— Pourquoi tu dis ça ? Tu veux partir ? » demanda-t-elle inquiète en redressant la tête.
Chrysalis se mit à glousser, ce qui avait le don de réchauffer le cœur d'Aloe.
« Bien sûr que non, je te l'ai dit. » Elle fit briller sa corne pour aller rechercher la fleur qu'elle avait laissée sur le rebord de la fenêtre et la remettre dans le bandeau de la jument avant de reprendre doucement. « Je t'aime. » Elle posa un sabot sur le menton de la jument rose et approcha son visage du sien pour y presser ses lèvres.
Aucune d'entre elles n'hésita sur ce contact. Chrysalis était même confiante à cent pourcent de la réaction de la ponette rose. Elle savait au fond d'elle qui elle aimait, elle l'avait vu. Le sentiment amoureux qui retenait le souvenir d'une image de sa sœur était enfin clair pour elle. Dans ce souvenir, les yeux de sa sœur étaient verts.
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Merci beaucoup.
Personnellement je trouve la fin géniale ! Enfin, je parle de mes goûts parce que Une phrase qui explique tout, qui réduit les soupçons à néant, qui résous tous les nœuds, c'est une fin qui frappe ! :D
Au plaisir de te revoir ;)
au final je ne regrette pas.
c'est pas souvent que je verse une petite larme en lisant une fic.
le caractère de Chrysalis brouille un peu les pistes et permet de garder le suspense jusqu'au bout, et ça j'aime.
a lire sans hésiter.