Chapitre 3 – L'heure d'une histoire

On pourrait penser qu’une ponette enceinte s’arrêterait parfois pour se reposer, mais ce n’était pas le cas de Pinkie Pie. Bien que son ventre continuât de grossir, elle gambadait comme d’ordinaire, souriante et emplie de joie. Discord l’avait amenée à l’extérieur pour s’installer sur le toit et observer Luna lever son astre. Même si Pinkie aimait beaucoup bouger, elle aimait aussi ce genre de moments ; la quiétude qu’elle pouvait ressentir dans les bras de l’Esprit du Chaos était une chose unique qu’elle n’avait jamais trouvée auparavant. Discord voulait qu’elle lui racontât une histoire.

« Dis-moi quelque chose que je ne sais pas sur toi, Pinkie.

— Mmh. D’accord, j’ai un truc. »

Il se recroquevilla, attentif, et claqua des griffes pour faire apparaître un sachet de popcorn dans ses serres tout en s’installant.

« J’étais encore une jeune pouliche et je travaillais à la ferme de cailloux avec mes parents. Ils m’avaient demandé d’aller dehors et de trier les pierres par couleur. C’était loin d’être ma tâche favorite, mais, quand on travaille à la ferme, on exécute et on ne se plaint pas. J’étais donc dehors à m’occuper des cailloux et je m’enfonçais presque dans le sol tellement je m’ennuyais. Je me rappelle ensuite que je suis allée vers la forêt pour rassembler des pierres précieuses, et c’est là que je l’ai vue pour la première fois. Une licorne vert clair, aux yeux roses et à la longue crinière blanche. Je me souviens à quel point je voulais les mêmes crins. Quand j’ai pris une des pierres pour commencer à les faire rouler en direction de la pile, elle s’est approchée après un moment d’absence et a posé sa corne sur le rocher. Il s’est transformé en ballon.

— Cela semble un peu hasardeux de sa part.

— Je ne sais pas pourquoi elle l’a fait, mais ça m’a fait tellement rire que je lui ai demandé de recommencer. Elle a transformé toutes les pierres de la ferme en ballons et les rayons du soleil rendaient les couleurs encore plus belles et vives. Je ne pouvais pas m’empêcher de sourire. Mon père et ma mère sont sortis dans tous leurs états car cette jument venait d’anéantir notre gagne-pain. Après ça, ils ont installé une barrière. »

Pinkie souriait toujours autant, mais l’esprit la regardait avec curiosité.

« Bien sûr, j’aurais aimé que mes parents me laissent devenir amie avec elle. Mais j’avais mes sœurs et mes proches, et surtout mes pierres. J’ai insisté pour que ma mère m’achète des pastels, bleus, jaunes et rouges, pour pouvoir me balader et colorier les cailloux. J’aurais pu faire comme si c’était des ballons que j’aurais jetés dans les airs puis j’aurais fermé les yeux pour ne pas les voir tomber.

— Quel coup dur.

— Ça n’aurait pas pu se passer autrement. À ton tour, Dizzy. »

Il sourit, se frottant les griffes, et commença à ricaner.

« J’étais encore un jeune draconequus et j’étais très ami avec les princesses. Luna avait coupé les crins de sa sœur pendant la nuit, réduisant ses magnifiques mèches en une masse rosâtre désordonnée. Celestia était furieuse, et elle se servit de ses pouvoirs pour rendre Luna toute rose. Les semaines suivantes, elles étaient d’une nouvelle couleur à chaque fois que je les croisais et je m’amusais à deviner quelle serait la prochaine, puis je lançais tout un tas d’objets à Celestia lorsque j’avais raison.

— Tu prenais vraiment du plaisir à torturer Celestia…

— Eh bien, Luna et moi-même étions étrangement similaires, un peu comme des sous-êtres de sa magnificence. On aimait bien la taquiner. »

Pinkie gloussa puis se mit sur le ventre, espérant que Celestia ne pouvait pas entendre ce qu’ils se racontaient.

L’esprit jeta le sachet de popcorn par-dessus bord et les graines jaillirent sur le sol avant de se transformer en colombes qui s’envolèrent sans plus attendre.

« Fluttershy va passer une petite journée sur le terrain. »

***

Elle fredonnait un petit air innocent qu’elle avait créé de toutes pièces, s’agitant sur deux pattes tandis qu’elle utilisait les deux autres pour mettre des légumes à bouillir pour préparer une soupe. Elle avait essayé de manger équilibré – et avait bien évidemment échoué –, mais les sucreries semblaient l’attirer. Elle retira le fait-tout de la cuisinière qu’elle éteignit aussitôt et trotta vers la pièce où se trouvait le draconequus, plongé dans un livre.

Un livre.

Un livre ?

« Qu’est-ce qu’il se passe, Dizzy ?

— Comment ça ? »

Elle pointa frénétiquement le livre et il laissa tomber l’objet défendu comme s’il était devenu brûlant. Pinkie s’avança, ramassant le livre, et se retint de pouffer de rire.

« Faire des cupcakes pour les nuls ? »

Elle lui saisit une serre, le tira dans la cuisine et s’attacha hâtivement un tablier autour de la poitrine.

« Tu vois, c’est ça la meilleure façon d’apprendre. »

Il l’embrassa sur le museau.