Elle n’en croyait pas ses sens... la puissance déployée par son adversaire était juste phénoménale. On pouvait la sentir émaner de son être tandis qu’elle commençait à s'élever dans les airs, pour léviter finalement à près d’un mètre au dessus du sol, rayonnante d’une aura magique qu’elle avait peine à contenir. Celestia ouvrit les yeux, ils étaient d’une blancheur éclatante, mais fixaient la jument avec une colère que l’on n’aurait soupçonné de la part de la princesse d’ordinaire si calme. Et cette fureur se refit sentir lorsque d’une voix forte elle fit tomber la sentence qu’elle réservait a sa sœur déchue. Nightmare Moon en fut si impressionnée qu’elle ne put que reculer, jusqu’à ce qu’un mur bloque sa retraite.
- C’est terminé, Luna... pour avoir tenté de plonger Equestria dans la nuit éternelle, de faire entrer le monde dans une nouvelle ère de chaos, je vous démets de votre titre de princesse, et vous condamne.. à l’exil ! Vous vouliez le règne des ténèbres... ils seront votre nouvelle demeure. Pour toujours !
Alors qu’elle prononçait ces derniers mots, la magie d’harmonie qu’elle contenait s'échappa en un rayon arc-en-ciel, dont la colossale énergie fit trembler les murs, et voler les vitraux en éclats. Il prit de la hauteur avant de fondre sur sa victime. Tétanisée par sa puissance prodigieuse, celle-ci reçut l’attaque de plein fouet, et disparut alors que ce rayon la dévorait, après avoir poussé un hurlement déchirant. Assister à une telle scène était impressionnant, mais ça n’était rien à coté de ce que l’on pouvait vivre lorsque l’on était la cible des Éléments d’Harmonie, qui ce jour là opéraient pour la seconde fois.
Le silence revint. Celestia était désormais seule dans la grande salle, tremblante sur ses pattes et encore sous le choc de ce qu’elle venait de faire. Elle n’avait pas eu le choix... elle n’aurait pu se résoudre à tuer sa petite sœur, mais elle se devait de donner l’exemple : les actes de Nightmare Moon ne pouvaient pas rester impunis. Elle finit par fondre en larmes sur le carrelage froid de la pièce, oubliant toute la dignité exigée par son rang pour laisser libre cours à ses émotions. Elle savait qu’elle ne pourrait pas la ramener, jamais. Elle devrait se résigner à vivre sans l’être qu’elle chérissait le plus au monde, la seule avec qui elle aurait pu partager les souffrances de l’immortalité, sa complice, sa petite sœur qu’elle aimait tant. Tout à son chagrin elle ne remarqua pas à la fenêtre le jour qui se levait, un jour nouveau qui n’avait que trop attendu. Pour l’heure cela ne lui importait plus.
Le silence revint, Nightmare Moon s'écroula sur un sol dur et froid. Tout ses muscles raidis par l’impact, et l’esprit encore brumeux, elle mit un temps à se ressaisir et put alors contempler pour la première fois sa sinistre prison. A perte de vue une roche blanche grisonnante et sans relief se détachait du ciel d’un noir absolu et profond, parsemé de points lumineux dont le pâle éclat semblait prêt à disparaitre à tout moment dans le néant. L’endroit baignait dans un calme parfait, un silence de mort que seuls rompaient le souffle et les battements du cœur de la jument. Elle se remit sur patte et parcourut la zone du regard, cherchant vainement la moindre irrégularité qui aurait pu briser le vide oppressant des lieux, les yeux remplis de terreur alors qu’un doute affreux se formait en elle. Elle n’avait pas idée de l’endroit où sa sœur avait bien pu la bannir, tant il lui paraissait irréel. Elle finit par se convaincre qu’elle avait été envoyée dans une sorte d’univers-prison, lorsque levant la tête elle aperçut une imposante sphère aux teintes bleues et lactées. La Terre. La réponse lui vint enfin comme une évidence : elle se trouvait sur la Lune, ce même astre majestueux dont elle avait voulu faire découvrir la beauté aux habitants d’Equestria. Quelle ironie.
Un sourire illumina son visage : Celestia avait été assez stupide pour penser qu’elle pourrait la maintenir ici éternellement, alors qu’un simple sort de téléportation suffirait à la faire revenir. Se déplacer sur une telle distance n’était certes pas à la portée de n’importe quelle licorne, mais chose aisée pour une alicorne de sang royal. Sa corne se mit à briller alors qu’elle rassemblait la magie nécessaire au puissant sortilège. Lorsque soudain son corps se crispa, sa respiration se fit courte et sa vision brumeuse, comme sous la poigne d’une main invisible. Il faisait très froid. Elle dut stopper son sort, et aussitôt l’impitoyable pression s'arrêta. Elle mordit la poussière une seconde fois, étonnée de se sentir tout à coup si faible. Déterminée, elle essaya une autre fois, pour le même résultat. Quelque chose l'empêchait d’utiliser une grande partie de ses ressources magiques, une entrave de Celestia sans doute. Elle finit par comprendre que cette magie ne pourrait être mise à contribution tant qu’elle aurait à affronter les conditions extrêmes du vide spatial : sa respiration et sa température corporelle étaient maintenues inconsciemment par celle-ci, par automatisme. Il en serait surement de même lorsque se poserait le problème de la nourriture, et elle pourrait demeurer ainsi indéfiniment, tout aussi immortelle que sur Terre, mais privée du gros de sa magie. Elle prenait peu à peu conscience de sa situation, et la peur revint... comme lorsque l’on se réveille soulagé d’un cauchemar pour se rendre compte avec effroi que l’on rêve toujours, sauf qu’ici, il n’y avait aucun réveil possible. Nightmare Moon se mit alors à marcher nerveusement, cherchant désespérément une échappatoire, marmonnant pour elle seule de vains raisonnements entrecoupés de malédictions contre Celestia. Bientôt la colère s’empara d’elle, une rage à la hauteur de la cruauté de sa condamnation. Son cœur et son âme tout entière hurla une haine innommable alors qu’elle levait vers Equestria ses yeux brûlants, en un cri qui sembla ébranler les ténèbres :
- CELESTIIAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!
Elle continua jusqu’à ce que le souffle vienne à lui manquer. Aveuglée par sa rancœur, elle n’avait pas jugé la parfaite inutilité de son acte, et s'attendait presque à ce que quelque chose se produise. Mais évidement, le silence fut le seul écho à ce flot de rage. Elle se trouvait désemparée, envahie par des sentiments contradictoires, elle savait qu’elle ne pouvait que se résigner à son sort, mais au fond d’elle même, elle refusait de l'admettre. L’immense étendue vide ne lui offrait rien pour qu’elle puisse déchainer cette amertume grandissante, elle ne put que taper furieusement des sabots comme une jeune pouliche à qui l’on refuse un caprice. Elle devait être pitoyable, mais elle s’en moquait. Lorsque finalement elle dut se rendre à l'évidence, elle s’effondra en pleurant toutes les larmes de son corps. Sa confusion était telle qu’elle vint à en oublier la cause, ne sentant plus qu’une vive blessure. Nightmare Moon mourut.
Luna s'éveilla, et se remettait peu à peu sur patte. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle dormait, ni quand elle s’était assoupie. À vrai dire, elle ne se souvenait pas de grand chose, et mit un temps à rassembler ses esprits, et la migraine aiguë qui lui martelait le crâne ne l’y aidait pas. Elle parvint à trouver son calme, et se parlait seule, à voix haute, pour se rassurer et pour couvrir l'écrasante quiétude des lieux : elle était sur la Lune, sa sœur Celestia l’y avait envoyé... elle ne se rappelait pas exactement pourquoi, mais elle savait qu’elle avait fait quelque chose de mal.
- Mais elle reviendra bientôt... oui, quoi que j’ai pu faire, ça ne peux pas mériter plus de... quelques heures ou... quelques jours ici. Je n’ai qu’à être patiente. Je vais l’attendre.
Alors qu’elle se taisait, le silence devint oppressant, elle prit peur, et continua donc à marmonner des paroles semblables, réconfortantes. Elle demeura ainsi un moment, assise et perdue dans ses pensées, à sonder du regard l’étendue régulière et vide. Le temps prenait une nouvelle dimension ici, il n’y avait aucun moyen de le compter : elle aurait dit être restée prostrée ainsi à peu près trois jours, mais elle se doutait que c’était sans doute beaucoup moins. Il n’y avait rien, personne. Elle tentait de dormir le plus possible afin que le temps semble passer plus vite, et pour trouver une certaine consolation dans ses rêves, mais elle ne trouvait que rarement le sommeil. Elle hésitait : si elle voulait que sa grande sœur la retrouve, il valait mieux qu’elle reste là où elle était, mais bientôt son ennui devint tel qu’elle se décida à se mettre en marche. C'était déjà une occupation en soi, et si il y avait la moindre chance qu’une distraction quelconque existe ici, elle voulait la saisir. Bien évidemment elle savait que c’était peine perdue, mais elle n’avait que ça à espérer.
Celestia tardait à venir... Luna inventait des histoires pour elle même, pour tuer l’ennui, qu’elle se racontait toujours à voix haute. Elles finirent par toutes se ressembler : elles mettaient en scène une pouliche et sa grande sœur, et toujours leur tendre amitié surpassait tous les obstacles et les désaccords, et elles finissaient toujours par se tomber dans les pattes dans un élan d’amour fraternel, sur la promesse d’un futur radieux. Parfois elle versait quelques larmes au fil de ses récits, et commençait à se demander si elle ne devenait pas un peu... étrange. Mais cela lui était égal, elle se sentait réellement mieux alors qu’elle achevait de telles histoire. C’est sûr, Celestia viendra bientôt. Elle continuait à marcher, et il n’y avait toujours rien à voir. Elle aurait donné une patte pour avoir quelqu’un à qui parler... n’importe qui, ou n’importe quoi qui aurait pu lui servir de distraction. Mais elle endurait.
Une, deux, une, deux... elle regardait ses sabots s’avancer l’un après l’autre en rythme. Regarder devant elle ne servait a rien, elle l’avait compris depuis déjà bien longtemps. Elle marchait depuis des mois, elle en était certaine. Une, deux, une, deux... elle leva les yeux vers le ciel, vers la Terre... elle avait du mal à se rappeler de ce monde de couleurs, de musiques, de sensations... de ces personnes formidables qu’elle aimait. Peut être que ces personnes l’avaient oublié aussi. En tout cas elle se souvenait de sa sœur, Cele... Celestia, oui, c’est ça... sa sœur Celestia qui viendrait la chercher et punirait les gens qui ont osé les séparer, et l’enfermer ici, seule, sur la lune. Mais si Celestia ne revenait jamais ? Et si elle ne la retrouvait pas ? Elle n’aurait sans doute jamais du bouger... Les larmes lui vinrent aux yeux, elle essaya de retenir sa peine, ses doutes... ce n’était pas le moment de craquer. Mais elle n’y parvint pas. Personne ne se souciait d’elle, ne viendrait lui donner un mot d’encouragement, un sourire, ou même un regard, dans l’univers tout entier. Peut être même que plus personne ne se souvenait de son existence. Le néant était son seul confident, et le silence le seul écho à sa détresse.
Une musique berce la nuit éternelle, une mélodie douce et triste, quelque peu troublante, à la limite de la dissonance... Mais toujours assurée, comme obéissante à une logique malsaine. Le chant d’une alicorne à l’esprit torturé, ayant tout oublié de l’harmonie musicale depuis un temps incalculable et fredonnant sous la seule dictée de son cœur. Pour chasser ces démons qui revenaient la hanter, pour ne plus penser à... ces... choses qui la rendent si triste. Elle marchait, tout simplement... en attendant quelqu’un.
Prostrée sur le sol glacé, elle admirait un objet brillant dans ses sabots. Un couteau. Sans doute n’était il pas vraiment là. Peut être rêvait-elle, de ces rêves alimentés d’une unique et morne réalité à laquelle ils ressemblent tant. Elle ne se rappelait pas avoir un jour vu quelqu’un mourir. Elle se souvenait simplement que quelqu’un de mort disparaissait, et que des gens le pleuraient, car ils l’aimaient et le regrettaient. Elle voulait connaitre cela. Sans plus de cérémonie, elle plaça l’arme à son cou, et y fit un large entaille. Elle ne sentit rien, si ce n’est un écoulement froid et poisseux, noir, qui se répandit rapidement sur le sol. Elle regardait cela avec curiosité, mais aussi avec une certaine déception.
Elle se réveilla, encore. Ses yeux lui faisaient mal, elle s'était endormie en pleurant, encore. Un bref instant elle caressa l’espoir d’en avoir enfin fini avec un long cauchemar, et de se retrouver dans un pays dont elle avait oublié le nom... mais un rapide coup d'œil sur le paysage uniforme, blanc, noir, brisa cette illusion fugace, encore. Elle était allongée sur le dos, le regard plongé dans l’infini du cosmos, encore. Elle pensa qu’elle pourrait donner des noms aux étoiles, pour s’occuper. Mais elle l’avait déjà fait. Plusieurs fois. Alors elle ne pensait à rien, et refusait de laisser ses habituelles reflections, ses regrets et ses doutes, l’envahir. Elle faisait durer ce moment, où vide de toute émotion elle aspirait enfin à un peu de repos. Elle ferma ses yeux. Rien.
Une idée lui vint alors à l’esprit... une idée si douce et évidente qu’elle s'étonna de ne pas y avoir pensé plus tôt. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Pourquoi souffrait elle tant après tout ? Pour des chimères et des souvenirs en lambeaux. L'éternité entière elle avait attendu pour rien, se trompant elle même par de vaines illusions. Il était tellement plus simple de se rendre à l'évidence. Tout cela n’existait que dans sa tête... Personne n’existait, rien n’existait, en dehors d’elle et de la lune. Et même si c'était le cas, qu’importe ? Que lui auraient-ils apporté ? Elle s’en voulut d’avoir été si crédule et vulnérable.
Plus rien n’avait d’importance. Elle était ici chez elle. Jusqu’à la fin des temps.
Elle cessa de se raconter des histoires.
On ne saurait goûter à un calme si parfait... Loona avait appris à l'apprécier. En faisant silence elle pourrait se fondre avec l’espace. Le bruit de sa respiration la gênait, alors elle arrêta de respirer. Mais elle n'était toujours pas satisfaite. Un martèlement régulier troublait la douce harmonie qu’elle cherchait à établir. Deux coups, puis une courte pause. Cela venait d’elle, et elle ne parvint d’abord pas à le contrôler. Mais à force d’exercices et de recherche, elle y arriva. C'était comme magique. Elle ferma les yeux... et eut l’impression de ne plus exister. Plus, c'était comme si elle venait de détruire l’univers. Sans bruit, sans vue, sans sensation, sans émotion. Un esprit vide dans un monde vide. En elle s'était créé le néant le plus parfait. Elle resta ainsi des années.
Mais peu à peu, au fil des mois, quelque chose naquit dans son univers mort... une présence, sans forme ni existence compréhensible. Loona ne s’en effrayait pas, ni ne s’en réjouissait. Cela attisait juste sa curiosité.
Il n’y avait plus de temps. Juste un présent. Elle ne se souvenait plus du moment où elle était entrée ainsi en écho avec l’infini, ni de celui ou elle avait repris sa marche. Qu’importe ?
A un moment dans l'éternité, elle se trouva face à un être étrange. Il... ou plutôt elle... avait des ailes et une corne comme Loona, mais son pelage était couleur lune. Quand à sa crinière.. c’était une teinte qu’elle n’avait jamais vu auparavant et qu’elle aurait eu bien du mal à décrire. Ses yeux étaient couleur ciel. Loona n’était pas sûre qu’elle était là, et avait le sentiment diffus qu’elle la connaissait, mais d’une façon étrange, comme si elle eût fait partie de Loona elle-même. A un moment dans l'éternité elle la rencontra, et resta plongée dans la contemplation, l’autre restait interdite, la fixait avec un regard bienveillant mais un peu vide, un sourire rassurant mais un peu faux... elle ne pensait pas qu’il puisse exister quelqu’un comme elle. A un autre moment dans l’éternité elle lui parla. Ses paroles ne signifiaient rien, car elle n’avait jamais parlé ou entendu qui que ce soit le faire, mais toutes deux parvenaient à se comprendre.
- Je suis Loona, et il n’y a rien d’autre ici. Qui es tu ?
- Je suis Céleste, je suis venue pour veiller sur toi.
- Pourquoi ?
- …
Loona attendit longtemps.
- Parce que je t’aime.
Elle n’était pas sûre de bien comprendre...
Inutile de se retourner, elle savait que Céleste la suivait. Elles parlaient peu toutes les deux, car bien souvent leurs discussions ne menaient à rien et se ressemblaient toutes : il n’y avait rien à dire. Mais sa simple présence redonnait une lueur de chaleur dans le cœur éteint de Loona. Sa gardienne blanche ne se montrait pas et n’entamait jamais une conversation.
- Y a-t-il autre chose que la Lune ?
- … Bien sûr que non.
- Y aura t-il une fin ?
- Nous verrons.
- D'où viens tu ? Comment m’as tu trouvé ?
- …
Comme souvent, elle dut attendre longtemps, mais cette fois aucune réponse ne vint. Jamais.
- Tu me disais “je t’aime”, qu’est-ce que cela signifie ?
- …
Les ténèbres semblaient émaner de Céleste au moment ou elle prononça ces mots :
- L’amour, c’est la souffrance
Loona ne comprenait toujours pas.
D’un coup il fit plus sombre. Surprise, elle leva ses yeux vers l’horizon. Devant elle l’obscurité s'épaississait progressivement, tandis que de là ou elle venait, la lune gardait sa morne clarté habituelle. Elle n’avait jamais rien vu de tel auparavant. Jusqu’à présent les ténèbres et la lumière semblaient obéir à un équilibre : cette dernière ayant su garder la lune comme bastion face au néant infini de l’espace. Ici l’ombre l’emportait, sans raison apparente, ce qui piqua au plus vif sa curiosité. Elle s’adressa à Céleste, qu’elle savait toute près d’elle sans même avoir à lui adresser un regard.
- Tu sais ce que c’est ?
- Oui, c’est la face cachée de la lune.
- De quoi se cache t-elle ?
- … Je ne sais pas.
- Qu’y a t-il la-bas ?
- Rien... surement.
- Pourquoi est-elle cachée, alors ?
- … Sans doute sans raison.
Mais la curiosité était trop forte, et ce nouvel environnement l’attirait. C'était diffèrent du reste de la lune, où elle avait toujours vécu. Et c'était en soi une raison suffisante pour qu’elle s’y aventure.
Cela faisait une nouvelle éternité qu’elle errait sans but et sans repère dans l’obscurité la plus totale. Ses conversations avec Céleste s’étaient faites de plus en plus rares, elle prêtait désormais l’oreille à une autre voix. Quelque chose de lointain, qu’elle avait déjà ressenti auparavant lorsqu’elle écoutait le silence, et qui contrairement à sa gardienne blanche semblait venir d’ailleurs, bien qu’une partie d’elle même y fasse écho... Elle ne marchait plus vraiment au hasard, elle se sentait guidée, appelée par les ténèbres dans une direction précise.
Nightmare...
Ce mot lui revenait souvent en tête, et l’interpellait... l’avait elle déjà entendu ? Annonçait-il un présage, l’accomplissement de tout ceci ? Mais ces questions étaient vides de sens, car passé comme avenir n’avaient aucune valeur pour Loona. Ce mot n’existait que dans le présent infini. Il lui inspirait une certaine violence, une rancœur amère.. des sentiments qu’elle n’avait jamais éprouvé et qui l'intriguaient. Une lueur pâle brillait dans le lointain. Loona n’aurait su dire si elle la voyait vraiment, ou si elle n'était présente que dans son esprit. Elle avait beau marcher dans sa direction depuis longtemps, elle n’avait pas l’air de se rapprocher. A mesure qu’elle avançait, d’autres chuchotements lui parvinrent, d’abord inaudibles, ils se firent de plus en plus obsédants. Ils créèrent en elle encore une sensation nouvelle, de la peur. Rien n’avait jamais effrayé Loona, mais le seul ton sinistre et froid de ces paroles lui provoquaient une crainte et une désolation indicible.
- Nous serons bientôt prêts, Loona
A un moment, elle décida d’y répondre. Peut être la laisseraient elle en paix.
- Prêts à quoi ?
- Prêts à revenir d’où nous venons, et à mettre fin à tout cela.
- Qui êtes vous ?
- Tu as œuvré avec nous par le passé, mais nous n’étions pas encore prêts. Celestia à fait une erreur en nous envoyant ici. Tu es désormais comme nous.
- Je ne comprend rien à ce que vous dites...
- Sache juste que celle qui nous a envoyé ici cherche à te faire revenir depuis très longtemps... elle réussira, avec notre aide. Nous pouvons rentrer chez toi, dans un monde que tu as oublié, tu y redécouvrira ce que l’on nomme le bonheur. Mais tu dois accepter de faire quelque chose pour nous.
- Qu’est ce que vous voulez ?
- Un jour, nous devrons mettre fin à ce monde.
Les pensées de Loona se bousculaient. De ce qu’elle avait pu comprendre, cette voix étrange lui proposait quelque chose de nouveau, de différent de la Lune... mais aussi... d'éphémère. Et bien que cette présence la terrorisait désormais tout à fait, elle aurait tout fait plutôt que de rester sur la Lune jusqu’à la fin des temps. Aussi fini t-elle par accepter l’offre. Rapidement la lueur qu’elle poursuivait vint à elle, comme se déplaçant d’elle même et ignorant la marche de Loona. Celle-ci fut bientôt complètement éblouie par cette lumière, si forte qu’il lui sembla qu’elle s’insinuait au dedans même de sa pensée et de son âme. La pouliche fut surprise par une vive douleur. Un bourdonnement sourd commença à se faire entendre, bientôt rejoint par une foule de nouvelles voix, violentes et sèches. Ce fut comme un maelström de haine et de rancœur dans lequel Lonna se retrouva piégée. Mais elle y pris goût, et finit par faire siennes ces horreurs. Reprenant ses repères dans ces émotions, des brides de mémoire lui revinrent peu à peu.
- Celestia...
- Elle t’a abandonnée sans espoir de retour. Condamnée avec pour seule accusation d’avoir recherché l’amour de ceux qui ignoraient jusqu’à ton existence, c'était ta sœur, elle t’a trahie...
- Elle doit mourir.
C’est alors que Nigtmare Moon revint sur Terre.
Quelque chose ne tournait pas rond, elle en avait la certitude. Un vague sentiment de mal-être planait toujours... non, c’était plus une présence.. une présence funèbre. Pourtant cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas été aussi heureuse : tout c’était finalement arrangé, grâce aux Éléments d’Harmonie et à leurs six nouvelles gardiennes de Ponyville. Mais rien n’y faisait, ce sentiment étrange l'obsédait. Elle se trouvait appuyée à sa fenêtre, fixant la Lune avec fascination, avec l’impression diffuse que quelque chose restait la bas, qu’elle aurait abandonné. Mille ans... et elle ne se souvenait de rien. Probablement parce qu’il n’y avait rien qu’il eut été utile de garder en mémoire. Elle ferma les yeux pour mieux sentir la brise nocturne, douce et fraiche, sur son visage. Jamais personne n’avait été plus à même de profiter ainsi des petites choses de ce monde. Elle soupira d’aise, lorsque l’on frappa à la porte de sa chambre.
- Oui ?
C'était Celestia, qui enfin libérée de toutes les règles de l’etiquette et du protocole pouvait enfin aspirer à un moment d’intimité avec sa petite sœur, le premier depuis que celle ci était redevenue elle même, un peu plus tôt dans la soirée. Elle semblait extrêmement gênée, en elle se mêlaient la joie d’avoir retrouvé celle qui lui manquait depuis si longtemps, la culpabilité, et la peur de sa réaction. Peut être avait elle gardé de la rancune, elle en avait toutes les raisons après tout... elle se doutait de l’horreur du châtiment qu’elle avait du lui infliger. Luna la voyant ainsi dans l'embarras, fut profondément émue. Elle s’approcha, et constata que Celestia tremblait. Cette dernière avait baissé ses yeux, et tentait en vain d’articuler quelque chose. Alors Luna passa une patte dans sa crinière rose avec douceur, puis de son sabot releva la tête de sa sœur terrifiée, leurs regards se croisèrent, et Luna sourit, le sourire tendre et compatissant d’un pardon sincère. Il y eut cet instant de flottement, cet instant magique où les émotions passent d’elles même, sans geste ni parole, mais par la puissance d’un regard... cet instant où rien d’autre n’a d’importance. Celestia tomba alors dans les pattes de sa sœur et fondit en larmes, et Luna fit de même. Le temps s'écoula ainsi, lentement, sans qu’aucun mot ne fut échangé. Mais Luna dût rompre le silence... pour rien d’autre au monde elle n’aurait gâché ce moment d’affection et de totale complicité, mais une question l'obsédait, un doute qu’elle avait identifié comme cause de son trouble grandissant.
- Tu... avais prévu ce retour depuis le début, n’est ce pas ?
Un instant de silence. Celestia répondit tendrement :
- Bien sûr... jamais je ne t’aurais envoyé là-bas pour l'éternité... je t’aime.
Mais Luna n’était pas satisfaite, loin de calmer ses doutes, cela les fortifia. Cette réponse sonnait trop faux. Sentant sa sœur mal à l’aise, Celestia murmura à son oreille, avec une douceur infini :
- Je t’aime de tout mon cœur, Loona
Luna eut un frisson d’horreur, se dégagea brusquement des pattes de Celestia, et la fixa d’un regard apeuré.
- C... Comment viens tu de m'appeler ?!
Sa sœur sursauta de surprise devant cette réaction pour le moins inattendue, et répondit avec inquiétude :
- Et bien... “Luna”... c’est ton nom... tu es sûre que ça va ?
Cette dernière poussa un profond soupir, enfouit son visage dans ses sabots en fermant les yeux, pour tenter de retrouver ses esprits.
- Luna ? Qu’est ce qui t’arrive ?
La jument de la lune releva doucement la tête. Il lui sembla que derrière le visage de sa sœur, dans un recoin sombre de la pièce, se tenait une silhouette. Elle ressemblait étrangement à Celestia, mais ses yeux entièrement noirs la fixaient avec un expression vide, faussement amusée, alors qu’elle abordait un large sourire. Le cœur de Luna cessa de battre une seconde. Mais il n’y avait rien.
- Rien, rien... ça va aller...
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Sinon, très beau texte, à la fois poétique, triste et angoissant.