Une ombre suivait cette route vers cette fameuse ferme, dont les produits étaient réputés partout dans la région; peut-être même jusqu'à Las Pegasus. En tout cas jusqu'en Appleloosa, à plusieurs heures de train de ce domaine agricole, à l'extrême sud d'Equestria, d'où la famille des gérants était originaire. C'était une soirée d’automne, comme il y en a tant en cette saison, dont la fraîcheur et la douceur vivifiaient tous les sens, les feuilles tombant en une spirale gracieuse, leurs bruissements sous les pas de quelque chose de massif et pourtant délicat, l'odeur des pommes du verger de l'autre côté de la route : tout semblait calme et paisible.
Et parmi ce paysage flamboyant, autant à cause du feuillage des arbres du bois de Goldenmane, que du rayonnement du Soleil couchant, quelqu'un était au pas, d'une démarche sûre et majestueuse. Cette personne était cependant encapuchonnée, emmitouflée dans une longue cape élimée, dissimulant parfaitement sa silhouette. Ainsi les quelques passants qu'elle rencontrait, qui revenaient de quelques emplettes tardives ou d'une quelconque réunion familiale, ne s'interrogèrent guère sur ce voyageur, dont la nuit tombante dissimulait le visage, si ce n'était sur sa taille, plus grande que la moyenne. Mais ils n'étaient pas très nombreux, et voyant que la personne ne répondait même pas à un simple bonsoir, ils eurent tôt fait de lui tourner le dos. La silhouette continua son chemin sur la route. Certes, le village le plus proche se trouvait derrière elle, mais les habitants avaient pris soin de maintenir la praticabilité de cette route qui menait à la ferme, sans laquelle ils n'existeraient pas, selon leurs propres dires. Et le passage régulier d'une charrette n'avait fait que rendre le sentier plus agréable encore. Le contraste entre les deux paysages des deux cotés de ce dernier était flagrant, d'autant plus que le voyageur se rapprochait de l'entrée principale du domaine de la Douce Pomme. On la distinguait par un écriteau cloué à de vieux poteaux au-dessus de la voie menant à la maison des Apples et à leur grange. Avant le virage menant à ce chemin, on voyait d'un côté un verger dont les champs étaient assez clairsemés selon ce que l'on y cultivait, ainsi que des cabanons d'outillage, et de l'autre Goldenmane dont le sous-bois devenait de plus en plus dense.
Ils étaient trois membres de la famille Apple à demeurer dans cette exploitation. La doyenne, qui en était la gérante et s'occupait de la transformation des produits, Mc Intosh, le grand frère qui s'occupait des tâches les plus difficiles, et une petite du nom d'Applejack, qui, elle, apportait son soutien aux deux autres dès que possible. C'est grâce à l’aînée que la ferme existait, car elle était la seule à savoir cultiver un fruit très prisé dans tout Equestria, et qui ne pousse que dans certaines circonstances : la Zap Apple.
Clop... clop... clop...
Ce fut un bruit de sabots qui alerta Granny Smith de l'arrivée du voyageur. Elle était tellement absorbée par sa tâche (elle balayait les feuilles mortes sur le sentier) qu’elle ne l'avait pas vu arriver. Ses petits-enfants étaient partis pour le marché nocturne de Ponyville afin de vendre quelques œufs et légumes. Restant seule, elle avait décidé de sortir dans la fraîche soirée automnale, se remémorant le retard qu’ils avaient accumulé durant la dernière semaine à cause de la tempête qui avait brusquement éclaté. Granny Smith alla donc à la rencontre de ce voyageur. Il s'était arrêté à l'entrée de la ferme, sous l'écriteau, et semblait gêné, comme s'il était inquiet de se faire reconnaître. Le visage encapuchonné se tournait de ci de là frénétiquement, tout en faisant les cent pas. La vieille fermière vint donc lui demander ce qu’il faisait ici, quelque peu intriguée par ce comportement:
« Je vous souhaite le bonsoir, bien que, si je puis me permettre, vous me semblez quelque peu anxieuse, dit-elle d'une voix chevrotante tout en s'inclinant. Dans tous les cas, soyez la bienvenue sur mon domaine, votre Altesse, bien que je regrette ne pas pouvoir vous offrir un accueil dû à votre rang, n’ayant été avertie de votre visite.
« Euh, bonsoir, répondit d'une voix harmonieuse, quoique surprise, la voyageuse encapuchonnée. Oh, ne vous en faites pas, ce n'est pas pour moi que je m'inquiète. Et puis, je ne suis venue que le temps de vous poser quelques questions, mais sur un sujet dont je préférerais parler en privé. Pourrions-nous l'aborder chez vous ? Je ne souhaite pas être écoutée par quelqu'un d'autre que vous, du moins sur cette histoire.
- Mais bien entendu, ce serait un honneur pour moi. Si vous voulez bien me suivre, je vous prie, termina la vieille jument, comme la courtoisie l'exigeait en Equestria. »
Personne à Ponyville n'oserait insinuer que la famille Apple était rustre ou bien grossière, n’ayant aucune famille plus polie et respectueuse qu’elle au sein du village. D’ailleurs, Granny Smith était très à cheval sur ces principes, et mettait un point d’honneur à les employer en toutes circonstances. Certes, ils venaient d’un milieu rural, et avaient quelques habitudes qui en ville étaient plutôt mal vues, comme une légère tendance à jurer quand quelque chose les surprenait. Mais ces manières faisaient partie intégrante des Apples. C’étaient ces manies d’ailleurs qui les rendaient aussi sympathiques. Alors on faisait sans ces quelques écarts.
C’est pourquoi après avoir empruntée le chemin de terre (où la charrette de la famille avait creusé de profonds sillons), qui passait devant la grange puis derrière le poulailler pour se terminer sous le porche surplombant le seuil de la maison, que Granny Smith ouvrit la porte devant la princesse afin qu’elle entre la première. Ainsi, après en avoir franchi le seuil, la suzeraine du Jour pénétra dans un grand hall, menant à un large escalier en bois massif, seul accès à l’étage supérieur. Les murs du vestibule, ouverts sur toutes les pièces du rez-de-chaussée, étaient peints en rouge vermeil. On y retrouvait aussi de nombreux cadres, autant de tableaux que de vieilles photos. Ces photographies représentaient divers membres de cette très ancienne famille. L’une d’entre elles, posée juste au-dessus du porte-manteau, avait été prise devant la grange, l’année précédente selon la date écrite dans le coin inférieur droit : on y voyait une vingtaine de poneys assez différents les uns des autres, aussi bien physiquement que dans leur attitude ; mais ils avaient néanmoins tous un air de ressemblance. Un poney caramel au teint buriné et le visage sévère portait un gilet de manufacture Appleoosienne ; une autre, baie, avait un air de citadine de Manehattan ; elle était assise au côté d’un poney noir ébène souriant dont le costume rappelait les petites productions Ponywoodienne. Granny Smith, quant à elle, reconnaissable à sa couleur vert pâle, se trouvait tout au centre de la photo, rayonnante en jetant un tendre regard à une jeune pouliche orange avec de belles couettes d’un blanc nacré, qui se trouvait à ses sabots.
Cependant la princesse n’y fit guère plus attention, ni aux autres cadres d’ailleurs. Elle ne prit même pas la peine de se dévêtir de sa cape, et d’ailleurs, elle ne retira sa capuche qu’une fois entrée dans le salon ; elle avait au préalable fermé les rideaux. La salle était vraiment chaleureuse, un feu ronflant joyeusement dans l’âtre de la cheminée, avec de vieux canapés moelleux, une horloge à balancier posée au fond de la pièce, lançant gaiement son tic-tac rassurant. Une petite table basse ou encore un tapis rouge artisanal posé sur le sol parmi quelques brins de foin dispersés irrégulièrement sur le sol de pierre.
Elle rabattit son couvre-chef, et la pièce perdit alors de sa superbe face à la splendeur presque irréelle du visage de l'alicorne. La finesse de ses traits, la blancheur éclatante semblable aux nuages de son pelage et de sa corne lui donnait un port altier. La noblesse et la sagesse de son regard, appuyées encore plus par ses iris couleur lavande, ou semblables à celles du ciel lorsque l’aube se lève, un halo de majesté. Son toupet formait une frange sur le coté droit de son visage, sa crinière retombait gracieusement le long de son cou, où pour seul ornement, ayant laissé sa couronne à son palais de Canterlot, elle portait un lourd pendentif en or massif, délicatement ciselé et serti d’une améthyste finement taillée.
Quand Granny Smith entra à son tour dans le salon avec un plateau sur lequel étaient posées deux tasses de thé fumantes, un petit pot de lait, et une petite assiette avec quelques biscuits faits maison, L'alicorne se releva du fauteuil où elle s’était installé pour venir en aide à la doyenne, déposant le plateau sur la petite table basse. Elle se rassit ensuite à l’endroit où elle était, faisant dos au mur et la tête tournée vers l’entrée du salon. Granny Smith déposa une tasse devant la suzeraine, lui proposa un gâteau, et finit par s’installer devant elle. Elle demanda alors :
« Eh bien, maintenant que vous êtes confortablement installée, que le feu est allumé et le thé infusé, me permettriez-vous de vous demander ce qui vous amène par ici ? Et pourquoi faites-vous donc autant de secrets sur votre présence ici-bas dans cette modeste demeure de fermier ?
- Ce serait légitime, effectivement, répondit la princesse dans un sourire, apparemment enfin détendue. Après tout, j’arrive chez vous sans envoyer de messager. Mais avant de vous répondre, pourriez-vous me dire comment vous m’avez reconnue ?
- Il s’avère, votre Altesse, que bien que je ne sois qu’une jeune pouliche par rapport à vous, pour nous autres poneys j’ai bien vécu. Peut-être suis-je vieille, mais je ne suis pas encore tout à fait sourde ou amnésique : et votre pas, princesse Célestia, fait partie de ceux qui ne s’oublient pas aisément ; et ce même si j’étais encore jeune la dernière fois que je l’ai entendu aussi distinctement qu’aujourd’hui ! »
Célestia, car telle était bien son nom, éclata d’un rire cristallin, et les oiseaux autour de la maison joignirent leurs chants à cet éclat dans les ultimes rayons du Soleil. Puis retrouvant peu à peu sa contenance et son air solennel, elle reprit la discussion :
« C’est ce que j’ai toujours apprécié chez vous depuis notre rencontre à la création de Ponyville, Mme Smith. Votre franc-parler et votre honnêteté. Je pense donc que c’est mon tour de répondre à votre question. Si j’étais venue normalement pour vous rencontrer, il aurait fallu que je réponde à de nombreuses questions embarrassantes, comme sur les causes de ma présence ici. Or, je ne le souhaitais pas. Et la deuxième raison pour laquelle je suis venue vous voir, en espérant ne pas vous déranger, c’est que le sujet sur lequel je souhaite vous poser des questions, n’est autre que Thunder Hope. »
Le silence s'abattit entre les deux juments. Granny Smith reposa lentement sa tasse sur la table basse, les postérieures légèrement tremblantes. Elle inspira profondément, puis détourna la tête, sous le regard insistant de sa princesse. Elle regardait vers la fenêtre ouest, par où la Lune commençait à s’élever, bien qu’à peine visible à cause des rideaux tirés. La princesse Célestia sembla satisfaite de cette précaution, pour une raison inconnue de Granny Smith. Elle relâcha alors son souffle. Regardant sa suzeraine droit dans les yeux, elle répondit d’une voix claire et distincte :
« Vous voulez parler du cheval musicien ? Effectivement, je le connais un peu, car il passe par ici de temps en temps pour rentrer chez lui. C’est un voisin très amical, chaleureux et serviable. Mais en dehors de ça, je ne pourrais guère vous renseigner plus. Je vous prie de bien vouloir me le pardonner, votre Altesse.
- Allons, vous savez tout comme moi qui il est vraiment. Il a certainement dû vous dire de le taire. Je vous en prie, Mme Smith, puisque je suis moi aussi dans le secret, pourquoi ne pas en discuter ensemble ?
- Vous êtes vraiment une personne formidable, répondit Granny Smith dans un soupir de résignation.
- Je peux vous retourner le compliment, Mme Smith, ajouta la princesse Célestia, utilisant sa magie afin de porter sa tasse à ses lèvres, le halo de sa corne scintillant d'une lumière dorée. Vous réussissez à parler distinctement devant une alicorne comme moi d’un sujet sensible, sans pour autant briser l'une de vos promesses, parjurer vos convictions ; ou encore mentir à votre suzeraine.
- Effectivement, nombreuses sont les juments et étalons qui font du mensonge le socle de leurs jeux d’alliance, à la cour de Canterlot. Mais personnellement, je persiste à dire la vérité, ou bien à me taire tout simplement, répondit Granny Smith, sirotant son thé avec ses propres sabots.
- Nous n'y pouvons rien, car la seule cause de tout ceci est le temps, et je ne me permettrai jamais de l'arrêter. Cependant revenons à notre sujet, et cessons de tourner en rond. Depuis combien de temps connaissez-vous Thunder Hope ?
- Cela remonte au moment où je l’ai vu pour la première fois, il y a presque 80 ans.
- Il y a 80 ans vous en en êtes sûre ?
- Sûre et certaine. C'est aussi vrai que je sais compter sur mes deux sabots antérieurs ! Je me souviendrai toujours de ce moment. Il était arrivé le lendemain d'une nuit d'orage, l'un des plus puissants que vécut Equestria depuis des centaines d'années, lors d'un automne particulièrement pluvieux. Il peinait à avancer sur la route, transformée en un immense bourbier à cause des intempéries ; et pourtant il arborait dans ses yeux une flamme de pure détermination, attisée par son envie de vivre ; bien qu'il semblait sur le point de défaillir. Nous l'avons temporairement accueilli chez nous, le temps qu'il trouve une habitation. Depuis, comme je vous l'ai dit précédemment, je ne le vois maintenant que partir ou revenir de chez lui, et il est également devenu le baby-sitter occasionnel d’Applejack. Bien peu de gens se rappellent de cet événement. On se rappelle toujours de lui comme d'un poney enjoué et naïf. Pourtant il plane autour de lui un halo de mystère et de majesté, que se soit dans ses actes, ses chansons, ou encore ses paroles », déclara Granny Smith, regardant la princesse par-dessus sa tasse en attendant sa réaction.
Cette dernière se leva lentement de son fauteuil, reposant son thé sur le plateau (il était fait de bois de pommier, comme la plupart des objets au domaine de la Douce Pomme), le regard plongé dans le vide. Elle semblait réfléchir aux propos que lui avait tenus la vieille jument. Elle alla ensuite jeter un coup d’œil par la fenêtre après en avoir légèrement écarté les rideaux. La Lune commençait à s’élever, entraînant avec elle le visage d’un être cher à la Princesse. Consciente que le temps lui était dorénavant limité, elle posa la question pour laquelle elle était venue ici par ses propres sabots, et par-dessus tout secrètement :
« Ce que vous venez de me dire confirme mes doutes au sujet de ce musicien. Pourriez-vous m'indiquer où il habite ? Vous savez autant que moi qui il est, et vous êtes donc à même de comprendre l’importance que je prime à lui parler.
- Bien que cela ne m’enchante guère, car je ne suis censée le dire à personne, quand bien même cette personne est de haut rang, je le consens. Vous connaissez sans doute le bois de Goldenmane ? demanda Granny Smith.
- Oui, effectivement. Il n’était encore qu’un bosquet quand ma sœur et moi allions y jouer, plus jeunes, lors de nos temps libres, répondit Célestia, un air nostalgique sur son visage majestueux.
- Je veux bien vous croire, c’est un endroit magnifique. Il s’avère que Thunder Hope s’est installé (bien que je sois la seule à le savoir je crois) dans la clairière la plus profonde de ce bois. D’ailleurs, il me semble que vous ayez donné un nom précis à cette place ; une histoire entre une étoile sauvage et quelque chose qui lui est primordial… Ah son nom m’échappe, expliqua Granny Smith, faisant un effort de mémoire.
- La crinière de l’étoile filante ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ! Je vous remercie grandement, Mme Smith. Je n’oublierai jamais ce que vous venez de faire. Cependant, j’aimerais vous posez une dernière question : comment allait-il la dernière fois que vous l’avez vu ?
- Il semblait aller très bien. C’était hier matin, quand il est venu s’occuper d’Applejack, Big Mac ayant profité de la seule journée ensoleillée de la semaine dernière pour faire une nouvelle récolte de nos pommes et moi ayant un rendez-vous important en ville. Je me demande vraiment ce que pense Cloudsdale en nous envoyant toute cette pluie. Ils veulent nous noyer ou quoi ? En tout cas, Thunder Hope était joyeux d’apparence, comme à son habitude. Mais l’on pouvait néanmoins lire une légère fatigue sur ses traits », déclara la doyenne.
Ces mots ne semblèrent pas surprendre la souveraine du Jour ; un simple éclair d’inquiétude traversa furtivement son regard, confortant ses doutes. Elle s’avança donc vers son vieil mais honnête hôte afin de prendre congé. La princesse l’aida à débarrasser le service à thé, dont la théière encore fumante avait été bien entamée. Puis elle se revêtit de nouveau de sa longue cape élimée, qui lui permettait même de dissimuler sa corne et son crin. Elle sortit ensuite de la maison, repassant par la sente de terre ramenant à la sortie de la ferme. La nuit était déjà bien entamée. Elle devait se dépêcher si elle souhaitait le retrouver avant le début du lendemain, où elle devrait alors diriger le soleil selon son devoir. Elle venait de s’élancer sous l’écriteau quand Granny Smith la héla :
« Sauf votre respect votre Altesse, mais moi aussi j’ai une dernière question à vous poser ; que comptez-vous faire de lui ? Il n’est pas coupable ! »
Célestia s’arrêta un instant pour répondre. Au loin, le bruit d’une charrette et la rumeur d’une conversation lui parvinrent depuis la route entre la ferme et le village de Ponyville. Elle parla alors, quoique d’une façon froide et détachée :
« Votre famille arrive, Mme Smith. Que feriez-vous sans eux ? Vous savez que la mienne n’est plus ; la sienne, il ne l’a jamais connue. Je suis très bien placée pour vous confirmer que ce n’était qu’un accident. Mais comment pourrait-il le savoir lui-même s’il n’a personne pour le lui dire ? C’est ce que je vais faire, car ce que je veux Mme Smith, ce n’est que son retour. Je vous souhaite donc une bonne soirée, et vous remercie encore une fois pour les informations que vous m’avez données. »
Sur ce, la princesse s’en fut à la recherche du musicien cheval. Un orage éclata tandis qu’elle franchissait l’orée du bois : le temps tourna alors bien vite à la pluie. Affrontant les intempéries, Célestia n’en avait cure, tout occupée à réfléchir sur la façon dont elle parlerait à Thunder Hope. Elle devait le faire revenir, le convaincre qu’il n’avait plus à la fuir. Il devait cesser de se morfondre sur le passé, pour vivre dans le présent. La pluie se faisait de plus en plus drue, étouffant toutes les autres sources de bruit si ce n’était le tonnerre, réduisant son champ de vision. Pourquoi était-il parti, alors qu’elle l’avait pardonné ? Luna n’en aurait rien fait, exilée. La Princesse s’enfonçait dans la couche épaisse de feuilles mortes qui tapissait cette partie du sous-bois. Bien peu de gens s’aventuraient aussi loin (ce qui en faisait l’habitat idéal pour un musicien voulant échapper à la foule), et pourtant, parmi les arbres de plus en plus denses, se mouvait une ombre fugitive. Sans doute un animal nocturne. La jument s’avançait sur la petite piste à peine tracée par ces derniers, et qui commençait à s’élever. Elle ne pouvait tenir bien plus longtemps sans leur soutien, si elle était seule. Diriger le Soleil et la Lune sans interruption est une tâche bien trop éreintante, pour en plus y ajouter la solitude.
Elle était perdue ; sous une forêt lors d’une nuit d’orage, désespérément seule. La nuit était-elle d’ailleurs due au temps ou à ses propres ténèbres ? Peu importe si une personne est bonne ou mauvaise, juste ou corrompue : tout le monde porte en lui une part de ténèbres, celles contre qui chacun lutte. Un éclair jaillit soudain, inscrivant un résidu lumineux sur sa rétine sensibilisée par la nuit ; ce qui l’aveugla momentanément. Elle chuta alors d’une falaise, ne pouvant déployer ses ailes entravées, immobilisées par sa cape. Elle tomba si vite qu’elle n’eut le temps d’appeler sa magie. Elle ne sentit pas le choc terrible qu’elle subit, des étincelles dansant dans ses yeux après chaque branche qu’elle reçut. Elle entendait vaguement qu’on l’appelait, mais elle n’avait plus la force de réagir. Elle perdit finalement connaissance, emportant avec elle deux visages qu’elle chérissait particulièrement. Elle ne put alors sentir qu’on la soulevait délicatement.
Lorsque Célestia reprit ses esprits, elle était allongée sur le flanc sur un vieux matelas défoncé. Elle redressa alors la tête, intriguée par un léger bourdonnement qui semblait provenir de derrière elle. En effet, dans un coin de la pièce se trouvait une table haute, jonchée d’instruments d’alchimie, telle que des tubes à essai, des harlemmayor (du titre de son inventeur), et bien d’autres verreries. Et tous ces outils fumaient ou bouillonnaient dans un joyeux vacarme, parmi de nombreux papiers sur lesquels des notes avaient été griffonnées à la plume. Mais bien que cette table soit des plus bruyantes, elle semblait minuscule par rapport à la bibliothèque gigantesque qui contournait entièrement l’un des murs, ses rayons s’élevant jusqu’au haut plafond représentant le ciel comme il était réellement, les nuages d’orage se dégageant vers l’ouest, et des étoiles scintillantes d’une pâle lumière auprès de la Lune tachetée. Les ouvrages y étant impeccablement rangés étaient certainement uniques : Des livres narrant l’histoire complète depuis la création d’Equestria aux dictionnaires recensant toutes les plantes connues et inconnues du monde, en passant par une collection expliquant les principes rhétoriques de la météorologie ou encore des recueils cartographiques. Une porte entrouverte menait à une chambre où attendait tranquillement un sommier sous des rideaux à baldaquin, ainsi qu’un piano en bois massif posé sous une fenêtre donnant sur une petite clairière.De l’autre côté une ouverture menait à un grand espace servant apparemment de cuisine et de salle à manger où ronflait gaiement un brasier dans une cheminée de style nordique tout en marbre. Face à la bibliothèque se trouvait un palier débouchant sur une entrée, sans doute la principale, dont un escalier descendait vers un hall d’entrée, ses rampes de bois cirées se terminant par des pégases ailées en train de se cabrer. Les seules sources de lumière provenaient de nombreux chandeliers, ainsi que d’un lustre suspendu dans la pièce où la princesse se trouvait, rendant l’atmosphère chaleureuse.
Mais Célestia n’eut guère le temps de se demander où elle était, car quand elle voulut se relever, quoique difficilement, elle éprouva une vive douleur au niveau du dos, la faisant retomber aussitôt au sol dans un léger cri. Son corps l’élança ensuite durant plusieurs secondes. C’est alors qu’une voix avec laquelle elle n’espérait plus converser lui parla d’un ton impératif mais amical :
« N’essaie pas encore de te relever, tu t’es luxée une aile et fracturé plusieurs os. Ce n’est pas surprenant vu la chute que tu t’es faite. Bois ceci avant tout, cela t’aidera à te remettre. Alors, nous pourrons parler comme, je suppose par ta présence, tu le souhaites. Bon sang, mais où va-t-on, s’il tombe même des princesses durant un orage ? ».
Célestia ne put savoir d’où venait la voix, son regard assombri par la douleur encore présente. Elle se pencha alors vers une coupe posée auprès d’elle, qu’elle n’avait remarquée auparavant. Elle était en bois, sans décoration mis à part une simple étoile à quatre branches. L’infusion sentait incroyablement bon ; son fumet lui rappelait toutes les choses qu’elle adorait, comme le vent dans une soirée d’été, ou encore l’odeur délicate et parfumée des fleurs du jardins de Canterlot. Son goût était pourtant horrible, la saveur astreignante de multiples plantes médicinales. Elle vida pourtant complètement le récipient. Son statut sembla alors s’améliorer, bien qu’elle se sentait encore très faible. Elle se releva petit à petit, une patte après l’autre, et constata qu’elle pouvait se déplacer sans douleur, à condition de ne pas le faire trop rapidement. Elle pouvait même déployer son aile de nouveau ! Rassérénée, elle décida de se tourner vers son hôte, penché sur une chanson qu’il était en train de composer sur un bureau, dans un coin de la pièce dissimulé par l’ombre de la bibliothèque. C’est alors qu’elle lui lança :
« Content de voir que tu consentes enfin à discuter, Thunder Hope. Où devrais-je plutôt dire : je suis heureuse de te revoir, StarWild ! »
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C'est bien ambiancé, l'intrigue ménage ses effets et je trouve l'ensemble vraiment très bien dosé. C'est juste excellent, il y a derrière une très bonne maîtrise de l'écriture. Chapeau !