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Allegrezza

Une fiction traduite par Littera Inkwell.

Concerto Tre

Octavia avait passé la dernière heure à se préparer pour le… ‘show’ de Vinyl. Elle s’était assurée que sa crinière soit correctement peignée et toujours aussi luisante. Son nœud papillon avait été soigneusement noué autour de son cou, ce qui n’était pas une mince affaire considérant les sabots malhabiles avec lesquels elle devait composer. Un dernier coup d’œil dans le miroir, un petit verre de Glenmorangie pour débuter la soirée, et elle fut prête à voir Vinyl relever son défi. Le dîner s’était… bien passé, sur tous les points. Les sujets de discussion avaient été des plus banals pour être honnête, mais elle avait promis à Vinyl de la regarder jouer ce soir, ne serait-ce que pour valider leur pari. Et Octavia était une jument de parole.

Son violoncelle était resté à la maison ; l’absence du lourd étui donnait à Octavia l’impression d’être une plume. Elle emportait toujours son violoncelle avec elle, partout. Personne ne pouvait prévoir quand l’occasion de trouver un public ou une partition se présenterait, et Octavia aimait pouvoir répondre à n’importe quelle requête. Non pas qu’elle eût besoin d’entretenir son ego, elle était déjà bien consciente que les poneys pour lesquels elle jouait ne verraient jamais meilleure performance de toute leur vie.

C’est à l’issue de cette longue préparation pour l’événement qu’elle se trouva à fixer Vinyl avec un mélange de choc et de stupéfaction, tandis qu’elles attendaient devant… l’établissement dans lequel elle jouait ce soir.

« C’est… c’est… »

« Ouais, je sais, c’est pas du luxe. Mais il faut bien que je travaille quelque part, nan ? Par contre, euh… si un poney avec un drôle d’accent te propose de devenir mannequin… » Vinyl secoua la tête d’un air inquiétant.

« Ces poneys-là fréquentent cet endroit ? »

Vinyl regarda autour d’elle, comme si elle s’attendait à voir une sorte de trafiquant juste derrière elle. « Je sais pas. Je fais juste mon job et je m’en vais, ok ? »

« Bien… mais je resterai juste devant. Je ne fais pas confiance à… ces types. »

« Alors c’est super ! » Un sourire agaçant illumina son visage. « Tu seras aux première loges pour me voir ! »

Le club était un foutoir. Octavia aurait parié qu’une équipe météo avait organisé un ouragan sur le toit. La peinture sur les murs de brique s’écaillait et flottait dans les airs comme des flocons cramoisis. L’enseigne, censée porter le mot ‘Equiphilia’, avait perdu quelques-unes de ses lettres lumineuses. Mêmes les portes étaient en piteux état : portails usés et miteux vers un lieu dont même Célestia n’avait probablement jamais entendu parler. Quant aux poneys qui faisaient la queue avec eux, ils semblaient avoir été déportés par wagon depuis quelque marécage. Les sabots palmés eussent-ils seulement été présents dans la nature, ceux-là en porteraient sûrement deux paires. Le bar dans lequel elle avait rencontré Vinyl manquait sérieusement de classe, mais celui-là n’avait même pas la prétention de connaître le concept.

Octavia autorisa les agents de sécurité à la fouiller, mais ne manqua pas de leur lancer un regard irrité qui traduisait sa menace d’action judiciaire si seulement leurs sabots en venaient à outrepasser l’appel du devoir. Une fois qu’ils eurent vérifié qu’elle n’était pas une aristocrate complètement dingue et armée jusqu’aux dents, ils la laissèrent passer. Vinyl, elle, n’eut qu’à leur adresser un vulgaire signe du sabot, et lancer un encore plus vulgaire : « Quoi d’neuf, bronys ? »

L’intérieur du club était encore plus en désordre que ce que l’extérieur laissait croire. Le tapis qui recouvrait le plancher était déchiré par endroits, ou recouvert d’une fine couche de terre et autres débris. Le club n’employait vraisemblablement pas de jument de ménage. Cependant, c’était le grillage autour de la scène qui intriguait vraiment Octavia.

« Pourquoi y a-t’il— ? »

« Un grillage ? » Vinyl ricana nerveusement. « C’est pour pas que je reçoive les bouteilles. »

« D-Des bouteilles ? Pourquoi recevrais-tu des bouteilles ? »

Au ricanement s’ajouta un sourire tout aussi nerveux. « Disons que… c’est leur façon de me demander de changer de piste. Ils… » Elle étouffa un vrai rire. « On n’peut pas dire qu’ils soient très… chics. »

« J’imagine, vu l’établissement. Mais s’il te plaît, ne me laisse pas seule… avec… ces… vandales. »

« Oh, ne t’inquiète pas. Tu peux rester avec tata Scratch sur la ligne de tir, derrière le grillage de la mort. »

Octavia croisa les pattes de devant, boudant. « Arrête ça, j’ai deux ans de plus que toi. C’est juste que je n’aime pas la compagnie de ces poneys-là. »

« Eh, je ne te retiens pas, Octy. »

« Nous avons fait un pari, et je veux te voir faire ça sans ta magie. »

« Pff, facile. » Vinyl désigna son public d’un sabot confiant. « C’est mes poneys, Ok ? Et puis… j’ai qu’à imaginer le chèque qui m’attend, et laisser la musique noyer le bruit des bouteilles qui se cassent. »

« Et si tu perds ? »

« Hm, si je perds, je te paie un verre de cet espèce de skooma que tu adores, ça marche ? »

Octavia balança un sabot sur son visage. « C’est du Jura, idiote… du Jura. »

Octavia suivit Vinyl à travers l’entrée de service, derrière le bar proprement dit. Elles débouchèrent sur la scène derrière le grillage. Octavia choisit un siège placé de façon à ce que les projectiles potentiels aient à passer à la fois le grillage et les platines pour l’atteindre. Vinyl prit position au centre de la scène, présidant la foule devant elle. Octavia ne put s’empêcher de penser que si, dans plusieurs générations, la société souffrait d’une terrible dégradation mentale généralisée, les causes génétiques pourraient être tracées jusqu’à ce bar ce soir même.

Vinyl saisit un premier disque entre ses dents, le plaça délicatement sur la platine, et recommença avec un autre.

« T’as vu, sans la corne. » Elle lança à Octavia un sourire suffisant.

« Nous verrons bien quand les bouteilles commenceront à voler. »

« Ça oui, Octy. Accroche-toi bien à ta jolie crinière, ça va décoiffer. »

« J’en doute fort, il faudrait que tu parviennes à faire surgir un peu de talent de ce bruit que tu confonds avec de la musique. Mais continue donc, je serai derrière pour préparer les plâtres et les bandages. »

Vinyl rit, puis posa un sabot sur la platine et débuta son show. Une vague de basses heurta Octavia et résonna dans son crâne comme une migraine, migraine qu’elle était certaine d’avoir à endurer plus tard. Elle se prit la tête entre les sabots et s’efforça de réfléchir à son gage pour avoir perdu le pari, puis sourit en pensant que la jument blanc polaire pouvait encore faire une erreur. Cette dernière secouait énergiquement sa crinière en entrant dans son petit monde. Elle passa une nouvelle piste lorsqu’une salve de bouteilles s’écrasa contre la grille légère. Octavia songea à la fortune que ce bar devait se faire en vendant toutes ces bouteilles de bière.

* * * * * *

Vinyl glissa le bout de son sabot sous le disque, et d’un coup sec le fit sauter dans les airs pour le rattraper entre ses dents. Elle salua et remercia son public, puis tourna un sourire iridescent vers Octavia. La jument grise en était malade, mais elle devait admettre que Vinyl s’était débrouillée sans l’aide de sa corne. Malgré sa frustration, elle était tout de même heureuse que le spectacle se soit déroulé sans catastrophe qui eût possiblement conduit la foule à assaillir la scène. Par contre, c’était à Octavia de payer une tournée ce soir.

« Alors, Octy. Si on allait au bar pour ce verre que tu me dois ? »

Octavia fit de son mieux pour sauver la face, ce qui, chez elle, signifiait prendre une expression vexée et croiser les pattes. « Je suppose, considérant que j’ai perdu. Disons que tu t’en es bien sortie. Cependant… j’aimerais trouver un endroit plus… » Elle balaya la clientèle du regard, notant leurs expressions ébahies. « … vivant… et élégant. »

« Tu sais quoi Octy, pour un coup, je suis d’accord avec toi. P’tet parce que c’est gratos pour moi ! » Son rictus était à un sabot de se changer en supernova.

Octavia soupira. « Très bien. Je vais te laisser choisir l’endroit, étant donné que tu as gagné et tout ça… pour cette fois du moins. »

Le duo quitta le bar. Octavia refusa platement la bouteille de Stella Artrot qu’on lui proposa, qui représentait absolument tout ce qu’elle méprisait dans l’industrie de la bière, et dont la fadeur n’avait pas sa place dans toute société civilisée. De toute évidence, un établissement de ce calibre, ou manque de calibre, ne stockait rien de digne d’intérêt, alors elle suivit Vinyl vers les quartiers résidentiels, là où l’élégance était de rigueur.

Elles se retrouvèrent finalement dans un bar à vin moderne qui semblait ne comprendre que la couleur mauve dans son spectre. Des tapis mauve clair étaient placés sous un éclairage presque rose, et les ornements en acier réfléchissaient la couleur mauve. Même le barcolt était mauve, et Octavia ne put s’empêcher de croire qu’il pût être du genre à ne pas refuser la proximité d’un autre étalon. Il avait une attitude très féminine et indécente qui donnait envie à Octavia de payer le plus vite possible et de se retirer à l’autre coin de la pièce.

C’est ainsi qu’Octavia se retrouva installée sur un siège moelleux, à boire doucement un verre de Sauvignon Blanc. Le vin était quelque chose qu’elle appréciait lorsqu’elle n’avait pas accès au whisky qu’elle adorait. Le fait que beaucoup d’établissements à Canterlot ne sachent distinguer une bonne boisson d’une mauvaise, et continuent de servir des eaux usées sans caractère à leurs clients, irritait et sidérait Octavia. Elle craignait de ne jamais pouvoir trouver de bar à whisky digne de ce nom. Heureusement, ce bar était un petit fief de raffinement dans le marais culturel qu’était Canterlot, même s’il poussait la vision d’Octavia dans les ultraviolets.

Elle fit tourner son verre, puis prit une autre gorgée. La légère mais distincte saveur de groseille raviva son palais et envahit ses papilles. Elle s’était assuré qu’on lui serve du Sauvignon Blanc en provenance de Neigh Zélande, de Mareborough, là où la pointe de groseille qu’elle appréciait dans le parfum du vin était plus évidente. Pas aussi appréciable que la saveur boisée et onctueuse de son Jura favori, mais ça restait bon pour les esprits raffinés.

Vinyl, évidemment, opta pour un soda alcoolisé, ce qui attira sur elle les réprimandes d’Octavia (et suscita un commentaire sur combien elles ‘faisaient vieux couple’, attisant son désir pressant de s’éloigner du barcolt). Les deux étaient maintenant attablées, examinant la clientèle du bar. Vinyl donna un coup sur la patte d’Octavia, puis désigna peu discrètement deux juments qui partageaient un verre au bar. L’une était couleur chocolat, les sabots d’un jaune douceâtre, et les cheveux d’une palette de couleurs allant du marron intense au jaune caramel. Le poney à côté était d’une blancheur éclatante, ses sabots également revêtus d’étranges chaussettes naturelles, roses cette fois. Sa crinière était un spectre des nuances de rose des plus claires aux plus vives, mais c’était la marque de beauté de l’autre que Vinyl désignait.

« Quel genre de poney peut bien avoir une marque de glace ? »

« Je l’ignore… peut-être que son talent est de… manger des glaces ? Ou d’en faire ? Tu n’as qu’à lui demander, et lui expliquer que tu reluquais son flanc. » Octavia lança un sourire de défi à Vinyl, que celle-ci rejeta d’un geste de la patte.

« Peut-être qu’elle vend des glaces. P’tet qu’elle vend des glaces et des accessoires pour glaces ? »

« De quel genre d’accessoire il pourrait s’agir, enfin… Qu’a l’autre pour marque de beauté ? Une sorte de… bonbon en forme de cœur… Qu’est-ce que tu en dis ? »

« Sais pas. Mais si l’autre a bien un talent pour manger des glaces, ça ne l’empêche pas d’être canon. »

Octavia s’étouffa avec son vin, le crachant sur la table d’une façon des plus embarrassantes. Le barcolt bondit vers eux comme s’il était monté sur ressorts.

« Oh, chérie, ne bouge pas et attends un petit moment ! Je vais chercher quelques serviettes, excusez-moi mesdames », susurra-t-il en passant devant le poney-glace et son amie, avant de revenir, des torchons lévitant devant lui. « Et voilà mon cœur, ça devrait partir. Je t’en prie, ne… renverse plus rien, à moins que tu ne tiennes à rembourser. Oh, ce n’est pas que ça me dérangerait, non ! »

Heureusement le barcolt partit aussi vite qu’il était arrivé, emportant les torchons humides dans son halo magique. Les deux juments au bar jetèrent des coups d’œil à Octavia et Vinyl, puis leur tournèrent le dos pour rire dans leur coin. Octavia se tourna vers Vinyl, qui commençait à remaîtriser ses poumons après son fou rire.

« Eh ben Octavia, on dirait que ta dignité vient d’en prendre un coup ! » Elle fit taire d’autres gloussements aigus en plaçant un sabot sur sa bouche, les joues pourpres.

« Hmpf, je préfère encore retourner à mon verre, plutôt que de t’écouter détourner la conversation avec ton attirance pour les ponettes. » Elle leva les yeux par-dessus son verre de vin, curieuse de voir la réaction de Vinyl.

« Pff… y a pas de mal à complimenter une jument, c’est juste que je traîne avec toi depuis un moment. Il n’y a pas grand-chose à complimenter. » Elle lança un regard de défi identique à Octavia, les pupilles dilatées, en attente d’une réponse.

« Oh vraiment ? Tu peux parler avec tes manières insolentes. C’est l’écurie qui se moque de la charité. »

La balle était dans le camp de Vinyl. Elle leva délicatement son verre, et but une petite gorgée, offrant un instant de répit à son esprit. « Peut-être, mais c’est ton point de vue. Et de ton point de vue… les nœuds pap’ sont cool. Personne ne trouve que les nœuds pap’ cools. »

« Je t’assure que les nœuds papillon sont à la mode en cette saison. En tout cas, ils le sont dans les échelons plus élevés de la société. »

Vinyl considéra la réponse d’Octavia, puis se gratta la tête dans un geste de prétendue confusion. « Je ne te suis pas… où est-ce que tu as dégoté un styliste aveugle ? »

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RainbowSoarin00
RainbowSoarin00 : #43461
"bronys" Nous sommes partout MOUHAHAHA !!!
Il y a 1 an · Répondre
Krythers
Krythers : #12716
Bonne fic et référence à Skyrim avec le skooma bien joué !
Il y a 3 ans · Répondre
rainbownuit
rainbownuit : #12123
Les fess aussi sont cool regardée moi je porte un fess et un Noeuds pap’ je suis plus que cool je suis 20% plus cool
Il y a 3 ans · Répondre
fredericdu2375
fredericdu2375 : #12100
les nœuds pap’ sont cool. Personne ne trouve que les nœuds pap’ cools. » si le doctor pourquoi
la fic est superbement drôle
Il y a 3 ans · Répondre

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