Chapitre 6 : Prodige

Rainbow Dash trouvait Poneyville vraiment merveilleuse.

Les poneys étaient gentils, amicaux, et plus sincères qu'aucun poney que la jeune princesse ait jamais rencontré avant. On souriait et on complimentait même les parfaits étrangers, comme elle. C'était un peu étouffant, et Fluttershy – bénie soit-elle – semblait la comprendre et la protéger.

« Et voici la bibliothèque », murmura-t-elle. « Elle est inoccupée depuis le départ de Quick Star pour Manehattan. Mais j'ai entendu dire qu'un autre poney sera là bientôt. »

Rainbow Dash grommela quelque chose d'indistinct.

Une bibliothèque… Twilight serait ravie.

Penser à Twilight l'amena à penser à Shining Armor, sauf qu'elle n'était pas prête à ça. Elle écarta une mèche de son visage comme pour écarter certaines pensées de son esprit.

« Voilà Mane Street. Il se tient un très grand marché ici le week-end. Sweet Apple Acres produit les pommes les plus rouges, grosses et juteuses que j'aie jamais vues. Des poneys viennent de Canterlot pour en acheter ! »

« Canterlot ? » dit Rainbow Dash brusquement.

Fluttershy acquiesça en lui donnant son charmant petit sourire. « Oui. Des étudiants de l'Académie de magie et quelques gardes pendant leurs congés. »

Rainbow essaya de se détendre. « Oh… c'est bien », murmura-t-elle.

« C'est vrai. »

« Qu'est-ce qui est vrai ? » demanda une voix.

Fluttershy poussa un cri aigu et fit volte-face. Une ponette à la crinière violet foncé leur souriait. « Rarity ! »

Rarity jeta sa tête en arrière, faisant se remettre en place ses longues boucles élégantes, et approcha. « Bonjour chérie, et nouvelle chérie. Je ne t'ai encore jamais vue avant. »

« Je te présente Bright », dit la ponette jaune. « Elle vient d'arriver à Poneyville. »

« Comme c'est charmant, tu dois être– oh ! Mais que t'est-il arrivé ? » questionna-t-elle, sans méchanceté, voyant sa patte bandée.

« Euh... »

« Elle a eu un petit accident un peu plus tôt. Rien que je ne puisse arranger avec des compresses et quelques pansements. »

Rainbow Dash éprouva un soudain élan d'affection pour sa nouvelle amie, qui avait omis de préciser que son « accident » avait été une chute libre de 200 mètres jusque dans son jardin.

« Oh, ça a l'air absolument horrible ! Tu dois être si forte ! Je ne supporte pas la moindre petite douleur en ce qui me concerne », dit une Rarity presque admiratrice.

« Oh, oui, elle est très forte. Elle m'a laissé faire sans broncher. »

Rainbow ne put s'empêcher de se sentir fière. Ces poneys lui adressaient des compliments. Des poneys honnêtes, des poneys bons qui ne se cachaient pas derrière le sarcasme ou des manières hautaines. Et elles ne la flattaient pas sur ses vêtements ou sa mère ou des choses dont elle se fichait, mais sur sa force. C'était un merveilleux sentiment. « Mouais », dit-elle, « c'était rien, vraiment. »

« Ma marque de beauté n'a peut-être rien de médical, mais je pense que tu devrais prendre ça au sérieux, chérie. » La corne de Rarity brilla et les sacs qu'elle avait posés par terre s'élevèrent doucement. « Où allez-vous à présent ? »

« Nulle part », dit Fluttershy. « Nous nous promenons. »

« Avec cette patte, je ne crois pas. Pourquoi ne pas passer à la boutique ? Pas pour longtemps. Un peu de thé, un peu de gâteau, quelques ragots, ce sera charmant. »

« Je ne voudrais pas m'imposer… »

« Absurde. »

Rainbow Dash haussa les épaules. « Une petite pause nous fera pas de mal », dit-elle finalement. « Si ça te va, Fluttershy. » Sa patte commençait à lui faire mal, ainsi que ses côtes.

« Excuse-moi, Bright », s'excusa Fluttershy alors qu'elles s'en allaient. « Je n'avais pas pensé que tu aurais besoin de repos. »

« Et je n'en avais pas parlé, alors cesse de t'excuser sans arrêt. »

Le Carrousel était une jolie petite boutique, qui sentait vaguement le parfum, et cette odeur fraîche et indescriptible de tissu. Rarity amena deux grands ottomans moelleux pour ses invitées et un divan rien que pour elle. Un gros chat blanc faisait la sieste sur le rebord de la fenêtre. L'atmosphère était chaleureuse et confortable.

« Sweetie Belle ! » cria Rarity d'une voix mélodieuse. « Peux-tu mettre de l'eau à chauffer s'il te plaît ? » Il y eut un long silence. « Sweetie Belle ! »

« Les Chercheuses de talent préparatrices de thé ! » vint en réponse. Rainbow Dash vit trois formes floues et colorées se précipiter dans la pièce. Il y avait une pouliche blanche et rose qui alla câliner Rarity, une autre jaune et rouge, et enfin une orange et magenta qui se tenait figée sur place. Elle avait les yeux fixés sur la marque de beauté de Rainbow Dash.

« Lève le nez, gamine », dit Rainbow le plus gentiment possible. Elle avait toujours en quelque sorte aimé les poulains, quand ils étaient bruyants et drôles et facilement rendus à leurs parents quand ça devenait agaçant.

« Oh, euh, pardon ! »

« Bright, Fluttershy, voici ma petite sœur Sweetie Belle, et ses amies Applebloom et Scootaloo. »

« Chouette marque de beauté », dit la pouliche orange et magenta.

Rainbow opina du chef et remua son flanc. « Merci. »

« Qu'est-ce qu'elle signifie ? » demanda la jaune et rouge. Une chance sur deux pour que ce soit Scootaloo, une chance sur deux pour que ce soit Applebloom. Elle leur attribua des noms par l'ordre qui lui vint à l'esprit.

« Je vole plus vite que l'éclair », dit Rainbow, « Applebloom. » Elle battit des ailes et prit la pose.

« C'est trop cool ! » s'exclama-t-elle avec un léger accent campagnard. « Scoot est une pégase aussi, sauf qu'elle sait pas voler ! »

« Applebloom ! » s'écria la pouliche orange et– Scootaloo, rougissant. Rainbow Dash eut un pincement au cœur. Les autres poneys ne pouvaient pas comprendre. Il était rare qu'un pégase se charge de l'éducation de ses enfants. En général on les poussait d'un nuage à la seconde où ils déployaient leurs ailes pour leur apprendre à voler, et on les envoyait à l'école de vol jusqu'à ce que leur marque de beauté apparaisse. Les rencontres entre les parents et leur progéniture étaient rarissimes et se limitaient aux coïncidences et aux funérailles.

Rainbow se demanda ce qui avait pu arriver à Scootaloo pour qu'elle tombe et vive ici au sol. La plupart de ceux qui ne volaient pas ne survivaient pas à la chute, les autres ne tenaient pas bien longtemps. C'était un mode de vie secret, et cruel, et les autres poneys seraient horrifiés de l'apprendre. Il était bien mieux pour eux qu'ils pensent que certains pégases fussent assez stupides pour élever leurs enfants sur des petits nuages.

Rainbow Dash avait eu de la chance. Sa mère – ne pas penser à Mère – l'aimait trop pour la renvoyer de la sorte. Bien qu'elle ne soit qu'à moitié pégase.

« Du nerf, gamine », dit-elle sans réfléchir. « Je t'apprendrai à voler. »

Scootaloo leva les yeux, qui étaient grands et scintillants. Ses petites ailes vrombirent de joie, à défaut de la faire s'envoler, et elle remua ses hanches à la manière d'un poney terrestre. « Vraiment ? » demanda-t-elle, souriant, dévoilant quelques dents de lait manquantes.

« Ouais », dit Rainbow, debout malgré sa hanche qui la lançait. « Aucun problème. J'aimerais beaucoup d'un prodige pour recevoir mon héritage. » Elle se retrouva avec Scootaloo dans les sabots.

« Merci ! Merci ! Merci ! » cria-t-elle. « Merci ! »

« Hey, lâche-moi, petite », ordonna Rainbow. Elle fut choquée de réaliser qu'elle ne voulait pas vraiment être lâchée.