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Un one-shot d'Usui inspiré par la fan-fiction Brasier Année Zéro, écrite par Bro-Nie.
Les secondes précédant la destruction de l'Elysium s'égrenaient inexorablement. Tandis que le sol sous mes sabots commençait à craqueler, je contemplais le portrait de l'alicorne honnie, soutenant son regard, qui paraissait lancer des éclairs. J'adressai alors un sourire à la peinture, avant de lui demander :
« Penses-tu que les événements auraient pu prendre une tournure différente ? »
Bien entendu, la figure de Lucimare ne me répondit pas. Mais je suggérai alors à cette dernière, alors que la tour était secouée par des vibrations toujours plus fortes :
« Je pense que non. Notre république était destinée à s'effondrer depuis le début. Si ça n'avait pas été toi, ça aurait été une autre alicorne. »
Le sol de la tour se brisa à cet instant, m'acheminant avec certitude vers mon trépas, à l'instar de mes compatriotes. Certains disaient qu'au moment de sa mort, on revoyait en accéléré ce que l'on a vécu. Il fallait croire que cela était vrai, car ce fut ce qui se produisit. Tout au long de ma chute, je vis défiler sous mes yeux divers souvenirs de ma vie. Une vie qui avait toujours été étroitement liée à celle de Lucimare...
La « Noble République de l'Elysium », comme on l'appelait, était un régime hypocrite. Hypocrite, voilà le mot. « République ». Il s'agissait d'un terme, qui, au sens étymologique, signifiait « la chose publique ». Pour simplifier, le pouvoir était censé appartenir au peuple. Sans doute était-ce le cas à ses débuts. Mais à l'époque où s'était faite connaître Lucimare, la République n'avait plus que l'apparence d'une démocratie.
En vérité, le pouvoir était entre les sabots des représentants de quelques dizaines de familles, les premières à s'être installées à l'Elysium. Le reste du peuple, lui, n'avait rien. Enfin, pas exactement. Certaines alicornes plus modestes s'étaient réunies afin de former de petits groupuscules pouvant potentiellement influencer les véritables représentants de la République. Mais dans les faits, presque aucun groupe n'y était parvenu.
Pourquoi parler de ça maintenant ? C'est une bonne question. Je commençais à penser depuis déjà quelques temps qu'un mauvais terreau ne donnerait que de mauvaises herbes. Il n'y avait jamais de mauvaises graines. En clair, j’en étais arrivée à croire que si le régime n'avait pas été ainsi, jamais un être tel que Lucimare n'aurait pu apparaître.
J'avais rencontré pour la première fois la jument lors d'une réunion familiale organisée par mes parents. Mon père était le représentant des Manedicis au Conseil des Dix familles, ce qui faisait de notre lignée l'une des plus influentes de la République. Lucimare, quant à elle, était issue d'une famille comme les autres, aux maigres revenus. Cette dernière était invitée en raison du lien de parenté existant entre ma mère et celle de Lucimare. Ce qui faisait de celle qui provoquerait la ruine de l'Elysium ma cousine.
J'étais déjà arrivée à maturité à cette époque et attendait que mon père me trouve un époux, de préférence membre d'une grande famille, de façon à nouer de nouveaux liens. Quant à ma cousine, elle sortait à peine de l'adolescence.
La réunion de famille battait son plein, à l'intérieur de notre domaine. Toutefois, je commençais à me sentir mal à l'aise auprès de tous ces parents que je voyais pour la première fois. Aussi pris-je la décision de sortir dans la cour pour respirer un peu. Je doutais fort que l'on remarque mon absence de toute façon. Je m'allongeai à proximité de notre fontaine, alimentée via le réseau d'aqueducs de l'Elysium. Je reçus quelques gouttes d'eau sur ma robe lie de vin qui eurent le bon goût de me rafraîchir. Quelques minutes plus tard, je m'apprêtais à retourner à l'intérieur lorsque je la vis.
Une jeune alicorne à la robe souffre et à la magnifique crinière d'or, qui s'était posée à même le sol pour lire un livre qui semblait bas-de-gamme, le genre d'ouvrages que l'on trouvait dans la cité pour quelques piécettes. Celle-ci leva un instant la tête de son livre pour me regarder, me permettant de voir la couleur argentée de ses yeux.
« Je peux vous aider ? » me demanda-t-elle d'une voix qui se voulait agréable.
Un peu décontenancée par sa question soudaine, je ne répondis rien sur le moment. La jeune alicorne continuer de me fixer tandis que je cherchais mes mots. Je finis par lui répondre en me servant d'un prétexte :
« Je me demandais ce que vous lisiez, mademoiselle...
-Lucimare, compléta la jument. Oh, ce n'est qu'un roman à deux sous comme on en fait tant ces dernières années. Une simple histoire de travailleurs qui finissent par se révolter contre ceux qui les exploitent. Ça me fait passer le temps. »
Elle avait répondu à ma question avec franchise, avec un ton me donnant l'impression d'une sorte d'ennui, d'un certain dédain envers ce qui l'entourait. Après quelques secondes d'hésitation, je me risquai à lui demander si je pouvais m'allonger à ces côtés.
« Je n'y vois pas d'inconvénients. »
Elle s'écarta un peu pour me faire place tandis que je m'installais, avant de reprendre le fil de sa lecture. La jeune jument comprit que je semblais songeuse. Aussi m'expliqua-t-elle plus en détail :
« Ma famille devait venir aujourd'hui. Mais, à vrai dire, ce genre de mondanités m'exaspère. Je suis ici seulement parce que je suis la nièce de l'épouse du chef de famille. »
Je poussai une exclamation de surprise devant cette révélation, comprenant que la jument qui se tenait à mes côtés prétendait être ma cousine ! Cette dernière s'amusa un peu de ma réaction, somme toute naïve, avant de me déclarer :
« Je savais qui vous étiez, vu que ma tante a tenté de faire les présentations. J'ai préféré partir à l'extérieur en prétendant avoir un mal de tête pour lire à mes aises. Je n'aime pas être exhibée comme une bête de foire.
-Une bête de foire ? Qu'entendez-vous par là ? »
Elle me raconta alors un peu plus en détail ses origines, ce qui me permit par la même occasion d'éclaircir les miennes, étant donné que ma mère était relativement peu prolixe sur le sujet. Il s'avérait donc que mon père avait contre toute attente épousée celle qui m'avait donné la vie, justement à cause de ma naissance. La fécondité de notre espèce se révélait être très rare, et mon paternel ne pensait pas qu'une relation d'un soir déboucherait sur une union contrainte et forcée.
Ce fut pourtant le cas. Néanmoins, de leur relation est née une forme d'amour ce qui m'avait permis de grandir dans de bonnes conditions. Mais les choses n'avaient pas si bien tournées pour la famille de Lucimare qui avait dû débourser la dot de ma mère à un moment où elle n'était pas encore prête à investir une somme aussi conséquente. Résultat: Lucimare avait été élevé par ma tante et mon oncle dans la pauvreté.
Voilà pourquoi la jument au pelage souffre avait considéré qu'on la prenait pour une « bête de foire ». Elle et sa famille tranchaient au cœur de cette réunion de famille essentiellement remplie d'étalons influents au niveau de la politique de l'Elysium. Lucimare conclut son récit de la manière suivante :
« J'ai parfois le sentiment que tout est prédestiné dans cette cité. »
Son visage s'assombrit après qu'elle eut exprimé cette pensée, qu'elle compléta après quelques instants de silence :
« Cela me semble inenvisageable que le devenir d'un individu puisse être conditionné par sa naissance.
-Notre naissance ne nous donne qu'un statut de départ, lui expliquai-je. Il ne tient qu'à nous de nous frayer un chemin tout au long de notre vie pour dépasser cette condition. »
L'alicorne à la crinière dorée me contempla d'un air davantage intrigué. Il semblait que j'étais parvenue à susciter son intérêt. Elle finit par exprimer son opinion :
« C'est facile à dire pour vous, qui êtes née dans l’une des grandes familles. Toutefois, je dois avouer que c’est ce que je pense également. Je crois que c'est pour cela que nous avons tous ces groupes d'influence. Les grandes familles se doivent d'être à l'écoute de la plèbe afin d'assurer l'harmonie dans l'Elysium. Mais il n'empêche : tout citoyen devrait avoir droit à des conditions de vie respectables. »
Elle ferma alors son livre d'un coup sec, marquant ainsi le début d'une longue conversation entre elle et moi. Lucimare était une alicorne dotée d'une réelle intelligence et d'une grande finesse d'esprit pour son âge. Elle croyait de toutes ses forces en diverses valeurs. C'était là ses plus grandes qualités mais paradoxalement aussi ses principales faiblesses...
Nous discutâmes de la sorte pendant plus d'une heure, abordant des sujets variés, allant de la vie citadine à nos lectures respectives. Il fallut l'arrivée de ma mère, qui m'avait reproché ma trop longue absence, pour que nous arrêtions de parler. Je m'excusais auprès de Lucimare avec politesse de devoir déjà la quitter. Cette dernière me fit alors remarquer avec un léger sourire qu'il n'y avait nul besoin de se vouvoyer, étant donné notre lien de parenté. Je gloussais malgré moi en entendant ce propos. Cela marqua le début d'une longue relation entre moi et la future despote...
Par la suite, nous restâmes en contact en nous écrivant des lettres, poursuivant ainsi les sujets de conversation dont nous avions à peine posées les bases lors de notre première entrevue. Il s'agissait de courriers que l'on aurait pu qualifier de profondément idéalistes, émettant des projets qui au fond étaient irréalisables.
Cette relation privilégiée dura pendant plus d'un an. Puis soudainement, je ne reçus plus de lettres de ma cousine. Je lui envoyai plusieurs dizaines de lettres sans obtenir la moindre réponse de sa part. Je voulus même lui rendre visite à son domicile, mais malheureusement, j'avais trop peu de temps libre pour cela, en raison des préparatifs pour mon mariage, qui avançait à pas de géants. Mon futur époux était le fils aîné d'une des grandes familles, destiné à entrer au Conseil des Dix. Cette union allait consolider les liens entre nos deux familles, comme l'avait souhaité mon père...
Quelques jours avant la cérémonie, une missive à destination de notre famille fit intrusion dans nos vies. Cette dernière était adressée à l'intention de ma mère. Il s'agissait d'un faire-part de décès. Sa sœur et son époux avaient trouvé la mort des suites d'une maladie. Deux cas d'haypatite. Cette nouvelle nous choqua, ma mère et moi. Il était très rare en effet qu'une alicorne puisse mourir à cause d'une maladie. Mais l'haypatite était un mal redoutable et à l'avancée fulgurante, la rendant fatale à notre espèce si elle n'était pas traitée à temps.
J'eus l'occasion un peu plus tard de lire ce faire-part et reconnus immédiatement l'écriture de Lucimare. La jument s'était chargée elle-même de prévenir les proches. Ce faire-part avait au moins le mérite d'expliquer le silence incompréhensible de ma cousine.
Par la suite, ma mère demanda à son mari la possibilité d'organiser la crémation de sa sœur et de son beau-frère, ayant conscience qu'il serait difficile pour Lucimare de s'en charger elle-même. D'abord réticent en raison de mon mariage, mon père se laissa finalement fléchir mais posa une condition à cela : l'incinération des parents de l'alicorne souffre aurait lieu le même jour que la cérémonie, quelques heures après celle-ci. Elle se ferait également en petit comité.
Ainsi, le bonheur d'une famille se heurta au malheur d'un autre l'espace d'une journée. Mon père eut la satisfaction de me voir épouser celui qu'il avait choisi pour moi, ma mère était fière de me voir dans une somptueuse robe de mariée et moi, j'étais heureuse d'avoir fait leur bonheur. Mais tandis que l'Alma Mater de l'époque nous unissait, mon regard se posa sur ceux assistant à la cérémonie. Tous portaient des habits chatoyants. Tous, excepté une jument, qui se devait de porter le deuil de ses parents : Lucimare. Le visage de cette dernière demeurait impassible, ne trahissant aucune espèce d'émotion.
Aux instants de liesse succédèrent le chagrin lorsque mes parents, ma cousine, mon époux et moi-même, assistâmes à la crémation des parents de la jeune alicorne. Ma mère se laissa aller aux larmes, mon père caressant délicatement sa crinière du sabot pour la réconforter. Pour ma part, je ne pleurais pas et me contentait de dévisager ma cousine, qui restait silencieuse et ne pleurait pas. Pendant ce temps, les flammes se chargèrent de dévorer les parents de Lucimare, jusqu'à ce qu'ils ne fussent plus que cendres.
Mon père reconduisit son épouse, inconsolable, dans notre domaine et fit signe à son gendre de le suivre, sans doute pour parler affaires. Un regard de sa part me fit comprendre que je pouvais rester avec ma cousine, si je le désirais. Aussi, restais-je à ses côtés.
La jument au port altier regardait pensivement le four crématoire. N'y tenant plus, je lui posai la question qui ne demandait qu'à sortir :
« Tu ne pleures pas ? »
L'alicorne arracha ses yeux du four et me dévisagea d'un air surpris. Elle sembla réfléchir un peu, sans doute pour trouver ses mots. Elle finit par exprimer son point de vue avec solennité :
« Les pleurer ne les ramènera pas. M'abaisser à verser des larmes sur leurs cendres ne m'avancerait à rien et serait un aveu de faiblesse.
-Tu sais, exposer ses sentiments n'est pas une faiblesse, lui expliquai-je. Y avait-il un moyen de les guérir ? »
Ma cousine hocha la tête affirmativement, mais ajouta un bémol en me racontant que le remède était vendu à un prix exorbitant. Une somme que ne pouvait se permettre leur famille. Lucimare asséna alors un violent coup de sabot au sol :
« Il est temps pour moi d'arrêter d'imaginer l'avenir. Je vais agir. »
Je sursautai en entendant la force des propos de la jument, avant de lui annoncer que je ne savais pas vraiment ce qu'elle avait en tête. Elle étaya alors davantage son point de vue :
« C'est très simple, chère cousine. Dans nos lettres, nous discutions des façons de changer d'améliorer nos conditions de vie. Sauf que discuter ne mènera nulle part, il faut agir ! La République n'a que les apparences d'une démocratie. Les richesses ne sont pas distribuées équitablement. Les choses doivent changer. »
Je lui rappelai alors que nous avions les groupes pour ce genre de choses. Sa réponse ne se fit pas attendre et s'avéra pour le moins cassante :
« Si l'on doit dépendre de ces derniers, rien ne bougera.
-Dans ce cas, que comptes-tu faire ?
-Je vais quitter l'Elysium dans le courant de la semaine, annonça-t-elle. »
Ma cousine m'avait pétrifié de stupeur en révélant ses intentions. Je ne voyais pas comment son départ allait lui permettre de faire évoluer notre régime dans une bonne direction. Voyant ma mine déconcertée, elle expliqua un peu plus en profondeur sa vision des choses :
« Je pense que je devrais voyager dans les terres alentours pour rassembler des informations. Pour voir les points forts et les points faibles de chaque système politique. A mon retour, j'aurais suffisamment de connaissances pour former un groupe capable de changer de manière durable notre République. »
Je réalisai à cet instant que Lucimare parlait de mettre sur sabots un projet que nous avions évoqué tous deux lors d'un échange épistolaire. En effet, l'Elysium était une contrée isolationniste qui tenait farouchement à ne pas se laisser influencer par les autres peuplades. Le Conseil des Dix était d'avis qu'il ne valait mieux pas se mêler de leurs affaires, si l'Elysium voulait demeurer en paix. L'inconvénient à cette politique étant que la République s'était retrouvée figée dans des principes archaïques, sans avoir de modèles pour lui servir d'exemples dans le but de s'améliorer...
Aussi, Lucimare avait envisagé la possibilité à cette époque de voyager à travers le monde pour partir à la découverte des autres nations. Toutefois, si j'étais d'accord en ce qui concernait la théorie, je l'étais moins en ce qui concernait sa mise en application. J'imaginais mal une alicorne à peine sortie de l'adolescence voyager par ses propres moyens. Et il était désormais impossible pour moi de l'accompagner à cause de mes devoirs matrimoniaux. J'essayai durant un long moment de la raisonner, croyant à tort qu'il ne s'agissait là que d'une fuite en avant, mais Lucimare se montra d'une détermination sans égale et m'avoua en m'assénant un regard enflammé de ses yeux argentés :
« Ma décision est prise. L'Elysium est pourri jusqu'à la racine. Ce qu'il faut, c'est secouer la base. Et si personne ne se dévoue pour s'en charger, je le ferais. »
Cette conviction insensée me fit lâcher prise. Je savais à cet instant que quoi que je dise ou fasse, ma cousine ne changerait pas d'avis. Au moment où elle s'apprêta à quitter le crématorium, je la serrai entre mes sabots, la suppliant d'être prudente. Lucimare se laissa faire, puis me murmura en guise de réponse à l'oreille :
« Je le serai. Et je t'adresse tous mes vœux de bonheur pour ton mariage. Puisse-t-il porter ses fruits. »
Je n'eus plus l'occasion de parler avec Lucimare avant plusieurs années. Cinq années, plus précisément, que je passai aux côtés de mon nouvel époux. Je quittai mon domicile familial au profit de la chaleur du foyer conjugal. Foyer qui fut le théâtre de mes nouvelles obligations, comme toute femelle alicorne. Durant ce laps de temps, je tentai de donner un poulain ou une pouliche à mon mari, mais il s'avérait que ma fécondité était extrêmement basse, même pour une alicorne. Néanmoins, nous ne perdîmes pas espoir et fûmes revigorés quatre ans plus tard, lorsqu'il fut appelé à prendre la succession de son père au Conseil des Dix. Les ambitions de mon père étaient ainsi presque intégralement satisfaites.
Étant un jeune membre au sein du Conseil, mon mari était encore potentiellement influençable. Il représentait donc une cible privilégiée pour les groupes et autres clubs politiques qui souhaitaient se servir de lui afin de répandre leurs idées. Ces groupes avaient une certaine tendance à le mettre sur les nerfs. Aussi avait-il tendance à les passer lorsque nous étions en train de dîner. Il souffrait véritablement de son étiquette de « jeune, donc pion ».
Un an après sa prise de fonction, il me révéla au cours d'une soirée qu'il avait été approché par un groupe formé récemment, mais qui comptait déjà quelques adhérents. Il s'agissait du Nouveau Socle des Alicornes Patriotes, ou NSDAP. Il m'avoua qu'il était relativement surpris de voir un groupe qui paraissait davantage intéressé par les bienfaits qu'il pouvait apporter au peuple alicorne que par leur intérêt personnel.
« En plus, je dois avouer que c'est la première fois que la fondatrice d'un groupe vient me voir en personne, ajouta-t-il d'un ton assez étonné. Elle n'a même pas cherché à me convaincre, elle m'a simplement convié à une petite réception qu'elle organise à la fin de la semaine. »
Cela eut le don d'attiser ma curiosité, aussi me permettais-je de lui poser la question suivante :
« Elle était comment, cette jument ?
-Élégante, un port très digne, décrivit-il. Elle avait une robe souffre et une crinière d'or. Mais ce qui m'avait le plus frappé, c'était ses yeux : ils étaient aux couleurs de l'argent. »
Cette description ne pouvait appartenir qu'à une seule alicorne dans tout l'Elysium : Lucimare ! Le regard décontenancé que m'adressa mon époux me fit comprendre que j'avais parlé à voix haute.
« Tu la connais ?
-Bien sûr ! Lui répondis-je. C'est ma cousine ! Tu te ne rappelles pas de cette jument dont on avait incinéré les parents le jour de notre mariage ?
-Ah...elle... »
Sa réaction me déçut sur le moment. Cependant, il se rattrapa bien vite en constatant que je m'étais enfermée dans le mutisme :
« Écoute : je suis prêt à me rendre à sa réception. Lucimare m'a dit que je pouvais emmener ma femme si je le désirais. Ce serait l'occasion pour toi de la revoir, qu'en dis-tu ? »
Je hochai affirmativement la tête avant de déposer un baiser sur les lèvres de mon époux.
Comme nous l'avions convenu ce soir-là, nous nous rendîmes à la réception du NSDAP à la fin de la semaine. La base de ce groupe politique était situé en plein cœur d'un des quartiers populaires de l'Elysium. Leur bâtiment ne payait pas de mine au premier abord, mais je gardais à l'esprit qu'il s'agissait d'un parti encore très jeune.
Toutefois, nous étions arrivés légèrement en retard. Le discours de ma cousine approchait de son terme. Je fus néanmoins très surpris de la voir se tenir sur scène dans le plus simple appareil. Pour le reste, elle n'avait quasiment pas changé. Elle avait juste légèrement grandi et sa voix avait pris encore plus d'assurance. Le discours de ma cousine se conclut sur ces mots :
« Tout ceci, chers citoyens de l'Elysium, notre Nouveau Socle des Alicornes Patriotes vous l'offrira ! Car nous avons les mêmes rêves que vous : une république unie dans l'égalité la plus totale ! »
En réponse à ce discours, une puissante vague d'applaudissements ébranla la salle. Mais mon époux et moi n'y participâmes pas, car nous n'avions pas eu connaissance du contenu précis du discours de Lucimare qui nous aurait permis de juger sur pièce.
La réception débuta alors à proprement parler. Des alicornes de diverses conditions sociales étaient assemblées dans la salle et se parlaient les uns les autres. Nous restâmes dans un premier temps dans notre coin à discuter entre époux jusqu'à ce qu'une voix se fit entendre derrière nous :
« Conseiller, quelle joie de vous avoir parmi nous ! »
Il s'agissait de Lucimare, accompagné également d'un étalon entièrement jaune pur et d'une jument blanche à la crinière noire. Lucimare salua ensuite mon mari et se tourna ensuite vers moi :
« Ravie de te voir après toutes ces années, chère cousine. »
Elle me fit alors la bise et nous introduisit auprès des deux alicornes qui l'accompagnaient :
« Je vous présente l'un de mes tout premiers membres et par extension fer de lance de notre parti, Hélios. Et voici sa compagne, Aztarté. »
Le dénommé Hélios serra le sabot de mon mari avant de déposer un léger baiser sur le mien, sous le regard contemplatif de sa femme. Cette dernière nous salua ensuite. Cette rencontre marqua le début d''une longue discussion, en particulier entre Hélios et mon mari. Les deux étalons étaient du même âge et avaient les mêmes centres d'intérêts. Au bout d'une demi-heure de conversation, Lucimare me prit à part et m'entraîna en direction de son bureau, laissant les mâles et Aztarté dans leurs débats.
Le bureau de ma cousine se révélait être sobre et bien ordonné. L'alicorne à la crinière dorée ouvrit un placard à proximité de sa table et souleva à l'aide de sa magie une bouteille de vin ainsi que deux verres qu'elle remplit l'un après l'autre, avant de m'en tendre un en me disant :
« Trinquons à nos retrouvailles. »
Nous trinquâmes nos verres l'un contre l'autre avant de commencer à déguster le vin. Lucimare m'expliqua par la suite qu'il s'agissait d'une bouteille qu'elle avait acheté dès son retour à l'Elysium.
« Elle ne valait rien, poursuivit-elle. Mais je l'ai laissé prendre un peu d'âge, la gardant précieusement en réserve pour l'ouvrir sous tes yeux. C'est presque dommage que nous nous retrouvons déjà. J'ose à peine imaginer la saveur de ce vin au bout d'une petite dizaine d'années, voire même soyons folles, une centaine d'années ! »
Elle se mit à rire joyeusement et je la rejoignis bientôt dans son allégresse. Lorsque nous eûmes fini de rire, nous bûmes une nouvelle gorgée de ce vin, qui était encore loin d'être mûr, tout comme le NSDAP, ainsi que me l'expliqua Lucimare. J'en profitai pour lui demander depuis combien de temps elle était de retour.
« Cela va faire un an, d'ici une semaine, répondit-elle.
-Tu aurais pu passer me voir pour me dire que tu allais bien, rétorquai-je sur un léger ton de reproche. »
Ma cousine posa alors son verre sur sa table de travail qu'elle contempla d'un air pensif. Elle me révéla ensuite qu'elle souhaitait d'abord fonder le NSDAP et le voir grandir un peu avant de me rencontrer.
« Je voulais te montrer le fruit de mes voyages, tu comprends ? »
Je n'arrachai pas même un instant mon regard de celui de Lucimare, essayant de comprendre son point de vue. Il semblerait qu'elle pensait que je ne la croyais pas réellement capable de s'en sortir par ses propres moyens. Dans les faits, il s'agissait surtout que je me faisais du souci pour elle. Je finis par lui répondre avec calme :
« Oui, je vois ce que tu veux dire. Le plus important est que nous soyons réunies aujourd'hui, n'est-ce-pas ? Ce serait bien que tu en profites pour me raconter tes voyages au-delà des terres de l'Elysium. »
Ma parente m'adressa un sourire avant de me décrire en détail les terres environnantes. Elle m'expliqua que celles-ci étaient vraiment différentes des panoramas offerts par l'Elysium, mais qu'elles n'étaient pas inférieures notre patrie, loin de là...
« Dans ce cas, il serait peut-être intéressant de s'orienter vers les autres peuples » lui suggérai-je, pensant qu'elle serait d'accord avec moi.
Je fus très surprise en voyant le visage de Lucimare s'assombrir. L'alicorne secoua sa tête négativement, avant de m'expliquer plus en détail son refus :
« Au cours de mes voyages, j'ai découvert les autres espèces équestres : poneys terrestres, zèbres, licornes et pégases. Et j'ai compris une chose : elles nous sont bien inférieures à nous autres alicornes. Elles ont leurs qualités, il est vrai. Cependant, nouer des relations diplomatiques avec ces « sous-espèces » n'apportera que nuisances à l'Elysium.
-Tu crois ?
-Oui, annonça ma cousine avec conviction. Pour que notre patrie puisse atteindre la perfection à laquelle le NSDAP aspire, nous ne devrions compter que sur le peuple alicorne. Notre race à toutes les caractéristiques des autres espèces . Nous seules pouvons prétendre à un idéal. Et j'ai des théories à mettre à l'épreuve, attends un instant... »
Elle employa sa corne afin d'ouvrir l'un des tiroirs de son bureau, d'où elle ressortit un épais grimoire à la reliure en cuir. Voyant que j'étais perplexe devant ce livre, elle me raconta :
« Il s'agit d'un ouvrage que j'ai découvert au cours de mes voyages. Il aurait été écrit par un puissant mage licorne. Ce dernier y explique au cours de nombreux passage que l'or serait une source de puissance considérable. Par ailleurs, l'or sert de monnaie parmi de nombreux peuples.
-Où veux-tu en venir ?
-Et si la couleur de la robe et de la crinière influait sur nos capacités ? Après tout, nous avons bien nos Cutie Marks pour indiquer quels sont nos talents. Pourquoi la couleur de notre pelage ne serait pas également une façon de montrer notre potentiel caché ? »
Je bus la dernière gorgée de mon verre de vin avant de le reposer sur le bureau sans mot dire, réfléchissant sur la signification des paroles de Lucimare. Si j'avais bien compris, elle pensait que les alicornes or pures étaient supérieures de façon naturelle aux autres alicornes. Cela me semblait totalement farfelu, mais je ne voulais pas prendre le risque de me brouiller avec ma cousine, aussi ne lui fis-je pas part de mes impressions, me contentant de lui demander :
« C'est la raison pour laquelle tu as accepté cet Hélios dans tes rangs ?
-Je mentirais si cela n'était pas vrai, avoua Lucimare avec un demi-sourire. Mais il est venu de son propre chef et est typiquement le genre d'alicornes dont je souhaite mettre les droits au même niveau que tous. Dis-toi qu'Hélios et Aztarté ont déjà une pouliche à charge... Je me dois d'assurer un avenir meilleur à cette dernière. »
Je poussais un soupir de soulagement : elle n'avait pas oublié ce pour quoi elle se battait. J'avais eu peur l'espace d'un instant qu'elle se soit écarté de son chemin initial, à cause de ses nouvelles idées qui remettaient en cause l'égalité qu'elle souhaitait instaurer. Mais j'avais visiblement tort.
Je me rappelai ensuite que cela faisait déjà près d'une demi-heure que nous discutions et que mon mari se demandait probablement où j'étais passée. Lucimare et moi retournâmes alors dans la salle et vîmes Hélios et mon époux toujours en grande conversation. La réunion du parti se boucla quelques heures plus tard.
Sur le chemin du retour, mon mari fit d'une voix enjouée :
« Cet Hélios est un étalon très intelligent, ma foi. Si toutes les alicornes adhérant au NSDAP sont comme lui, je ne vois pas de raison pour que ce groupe soit entravé dans sa progression. Je dois avouer que le Conseil des Dix est un peu en stase ces derniers temps.
-A ce sujet, profitai-je. En ma qualité d'épouse, j'aimerais que tu ne t'approches pas trop des idées de ma cousine. Non pas qu'elles soient mauvaises, mais ce serait sans doute plus prudent de voir comment les choses vont évoluer.
-Tu as un mauvais pressentiment ? Ta discussion avec Lucimare s'est mal passée ?
-Pas vraiment, révélai-je. Je ne saurais pas vraiment résumer le fond de ma pensée, mais il y a quelque chose de différent chez elle. »
Il haussa alors les épaules en me disant que les gens changeaient avec l'âge et que ce n'était sans doute pas grand chose, mais qu’il allait se mettre quand même à une distance respectable du NSDAP. Il en avait de toute façon l'intention, car il m'avoua un peu plus tard :
« J'aurais fait un bien piètre conseiller si je m'étais laissé fléchir en une réunion ! »
Je gloussai avant de l'embrasser passionnément...
Les mois suivants virent l'expansion du parti de Lucimare, dont les idées novatrices attiraient de plus en plus de citoyens de l'Elysium. Certains adhérents à d'autres clubs politiques, déçus de leur manque d'activités, changèrent même de bord. En l'espace d'un an, le NSDAP était devenu l'un des plus grands groupes de la République, dont l'existence ne passait plus inaperçu.
La personnalité de Lucimare charmait de plus en plus d'individus, issus de toutes origines. Ses discours sur l'égalité qu'elle souhaitait établir entre chaque citoyen faisaient mouches à chaque fois. Elle se montra également sous un autre jour en se montrant comme une citoyenne lambda. Elle épousa l'un des membres de son parti, un étalon à la robe or. Quelques mois après cette union, elle annonça aux membres du NSDAP qu'elle était enceinte et qu'elle assurerait ses fonctions tant qu'elle le pourrait avant de prendre un hiatus pour l'accouchement, Hélios devant prendre le relais pendant ce temps.
Même si j'étais heureuse de voir la politique de ma cousine toucher le cœur de nombreuses alicornes, une partie de moi semblait toujours sur la défensive. Je n'arrivais pas à comprendre pourquoi. Bientôt, à côté de mes obligations conjugales, je m'arrangeais pour mettre le sabot sur des retranscriptions par écrit des discours de Lucimare.
Je les lisais l'un après l'autre avec attention, les comparait entre eux, pour comprendre si mes craintes étaient fondées. Au bout de multiples lectures, je réalisai que plus les mois passaient, plus les propos de l'alicorne souffre se faisait virulent. Et surtout, elle faisait de plus en plus mention de l'alicorne idéale en la personne d'Hélios, insistant sur son apparence dorée...
Mes soupçons furent confirmés quelques semaines avant l'accouchement de ma cousine, lorsque mon mari reçut une visite impromptu : celle d'Hélios. Je m'occupais de nettoyer la toge de conseiller de mon époux et lorsque je la fis sécher, je prêtais une attention toute particulière à la conversation entre les deux étalons, qui paraissait grave :
« ...c'est pourquoi je veux quitter le NSADP, déclara Hélios. J'ai de plus en plus l'impression que Lucimare se sert de moi pour répandre des idées racistes au sein du parti et je ne peux plus le supporter.
-Mais comment comptez-vous vous occuper de votre compagne et de votre fille sans argent ?
-C'est pour cela que je voulais vous voir, avoua avec une légère honte l'étalon doré. Je me demandais s'il y avait une possibilité pour que vous puissiez me prendre en tant qu'assistant pour la prise de notes au Conseil des Dix. »
Mon époux ne répondit rien sur le moment. Vu que j'étais dans le jardin, il m'était impossible de voir son expression, mais je me doutais qu'il hésitait fortement. Je savais qu'il tenait en grande estime Hélios, mais il n'était pas assez important au Conseil pour pouvoir prendre ce genre de décisions. Néanmoins, il trancha et dit à Hélios :
« Je ne peux rien vous promettre, mais je vais demander la possibilité à mon beau-père, le conseiller Manedicis, la possibilité de vous accorder ce que vous me demandez. En attendant, je peux vous prêter une somme pour subvenir aux besoins de votre famille. »
Hélios remercia chaleureusement mon époux pour sa générosité. Ce dernier se montra très convaincant auprès de mon père, qui accepta de prendre l'ancien membre du NSDAP à l'essai. Ce dernier s'avéra être un étalon travailleur et attentif aux réunions du Conseil des Dix.
Deux semaines après sa prise de fonction, Lucimare accoucha et me convia à son domicile afin de rencontrer sa fille, qu'elle avait appelé Haylel. La pouliche à la robe rose et à la crinière mauve était en pleine santé et dormait paisiblement dans son berceau lorsque je vis sa mère. Je complimentai ma cousine pour cet heureux événement, mais elle se montra assez froide :
« Haylel n'est malheureusement pas une alicorne de premier ordre. »
Je ne répondis rien sur le moment, complètement déconcertée par les paroles de Lucimare. Elle savait pertinemment que les alicornes avaient une fécondité très faible, aussi une naissance se devait d'être fêtée à sa juste valeur. La réaction de l'alicorne au port altier était juste incompréhensible pour moi. Je m'apprêtais à lui reprocher cela mais Lucimare me précéda :
« J'ai cru comprendre que ton mari avait trouvé une nouvelle place à Hélios ? »
J'hochai péniblement la tête en signe d'assentiment. Les yeux argentés de ma cousine se posèrent sur l'horizon extérieur et elle m'avoua, sans la moindre honte :
« J'ai très mal vécu le départ d'Hélios. Sans même parler de sa couleur. C'était un étalon de valeur et très efficace. Le Conseil des Dix peut s'estimer heureux de l'avoir à ses sabots.
-Hélios n'est pas un instrument ! m'insurgeai-je. »
La fondatrice du NSDAP se retourna brusquement. L'espace d'un instant, je crus que ses pupilles étaient devenues noires tant elle semblait furieuse. Elle s'approcha doucement de moi et lorsqu'elle ne fut plus qu'à quelques centimètres, elle me déclara :
« Tu es aussi naïve qu'à l'époque. Tu crois vraiment que la République peut changer par de simples idées, aussi bonnes soient-elles ? J'ai compris une chose en voyageant dans le vaste monde : tous les moyens sont bons pour gagner. Je n'ai pas à avoir de scrupules pour m'être servie d'Hélios, de toi ou même de la naissance d'Haylel.
-Tu as vraiment changé...
-Non, nia immédiatement Lucimare. Je me suis seulement adaptée à la stratégie de mes opposants.
-Mais quels opposants ?! N'es-tu pas censée œuvre pour l'égalité des droits dans la République ?!
-Je n'ai pas envie que tu réveilles Haylel à brailler de la sorte. Sors d'ici. »
Au final, ma cousine n'avait pas tant changé depuis la mort de ses parents. Elle se montrait toujours aussi inflexible dans ses décisions. Comprenant que c'était peine perdue, je m'éclipsai sans même prendre la peine de saluer Lucimare.
En son absence, ce fut son mari qui se chargea de gérer le NSDAP. Le groupe se fit moins entendre au cours des années suivantes, les conditions de vie s'améliorant peu à peu au cœur de l'Elysium. Le mérite en revenait en partie à Hélios, l'étalon doré s'étant rapproché considérablement de mon père, le conseiller Manedicis, au point d'être considéré par certains comme son sabot droit.
L'année suivant la naissance de la jeune Haylel, Hélios et Aztarté décidèrent qu'il était grand temps pour eux de se marier. Mon époux et moi fûmes fort logiquement conviés à la cérémonie, qui se déroula conformément aux désir des époux dans une discrétion relative.
Je n'entendis plus beaucoup parler de Lucimare au cours des années suivantes. Je n'essayai même pas d'entrer en contact avec elle, étant refroidie par notre échange lorsque j'étais venue voir Haylel. Je me disais que ce n'était rien, que ma cousine se retirait progressivement de la vie politique, considérant avoir atteint ses objectifs par l'intermédiaire d'Hélios.
L’étalon doré était si apprécié de mon père que ce dernier l’invita à l’une de nos réunions de famille en compagnie d’Aztarté et de sa jeune fille après quatre années. J’eus le plaisir lors de ce rassemblement de constater à quel point mon père, Hélios et mon mari étaient devenus proches. Cependant, une douleur enlaçait mon coeur... Je repensai à ma toute première conversation avec ma cousine qui avait eu lieu dans le jardin de cette même bâtisse appartenant aux Manedicis. Nous étions devenues si proches en l’espace de quelques mois, et pourtant... je ne la connaissais pas si bien que ça.
Un événement majeur, sept années après notre dernière entrevue se chargea de me prouver le contraire, pour notre plus grand malheur... Qui aurait pu voir venir une telle scène? Qui aurait pu imaginer un instant que cette période de paix relative était le prélude d’un chaos sans précédent? Personne, exceptée celle qui allait déclencher tout cela.
Mon père annonça son départ de la vie politique, mais n'ayant pas d'héritier mâle, hormis son gendre qui occupait déjà un poste, il proposa de nommer Hélios qui avait largement fait ses preuves. Cette annonce fit l'effet d'un coup de tonnerre : c'était la première fois qu'une alicorne n'étant pas membre des dix grandes familles était appelé à prendre la place d'un des conseillers. C'était la preuve que la République changeait, et c'était la preuve que Lucimare était parvenue aux buts qu'elle s'était fixée dans sa jeunesse.
Mais la jument à la crinière d'or ne trouvait pas que cela était suffisant... et décida qu'il fallait qu'elle se révèle au grand jour. Un soir, je reçus la visite d'une alicorne qui m'annonça d'un air grave :
« Votre père et votre époux ont trouvé la mort cette après-midi. »
Je sentis mes sabots et mes ailes trembler de toutes leurs forces. Je lui demandais de répéter ce qu'il venait de me dire en bredouillant. Sa phrase ne bougea pas d'un iota. Je secouai ma tête en lui disant que ce n'était pas possible, que c'était une mauvaise plaisanterie. Mais le messager n'abandonna pas le moins du monde son expression :
« J'aimerai que ce ne soit qu'une plaisanterie, croyez-moi. Mais les faits sont là : tous les membres du Conseil des Dix sont morts durant leur réunion.
-Que s'est-il passé ? me risquai-je à demander tout en craignant la réponse. »
Le messager me pria d'abord de m'installer sur un sofa, me prévenant que son récit allait être très difficile à supporter et surtout qu'il semblerait incongru. J'obéis à sa demande. Alors, il commença à me raconter ce qu'il avait entendu des mots mêmes du dernier membre du Conseil des Dix. Le seul à avoir survécu suffisamment longtemps pour révéler son histoire.
La session du Conseil battait son plein, lorsqu'une invitée non-désirée avait fait son apparition dans la salle où les représentants des grandes familles débattaient : Lucimare. Cette dernière avait annoncé devant les dix membres qu'elle s'auto-proclamait en ce jour « Dame Protectrice de la noble République de l'Elysium ». Tout le monde lui avait ri au museau, pensant qu'elle avait perdu l'esprit. Ce fut leur dernier instant d'hilarité. La suite tenait plus du cauchemar pur et simple.
Lucimare avait frappé à trois reprises le sol du sabot droit. Trois... « créatures » étaient alors apparues soudainement de nulle part. A ce point du récit, le messager s'arrêta, réfléchissant à la manière de les décrire. Il m'expliqua qu'il avait cru sur le coup à un délire du conseiller alors qu'il était proche de la mort. Mais le messager avait vu par la suite les créatures voler librement dans les cieux de l'Elysium. Il me les présenta comme un conglomérat de membres qui semblaient appartenir à différents animaux, un assemblage si grotesque qu'il paraissait inconcevable que la nature ait pu enfanter de choses pareilles...
Le plus terrifiant était les pouvoirs de ces monstres. L'un d'eux avait fait disparaître en un claquement de serres la moitiée des conseillers. Purement et simplement. Comme s'ils n'avaient jamais existé. Trois autres, dont mon père, s'entre-tuèrent lorsqu'une deuxième créature les regarda. Les deux derniers, c'est-à-dire mon époux et l'infortuné survivant d'un temps eurent le sort le moins envieux : mon mari sentit vraisemblablement son cœur doubler de volume avant de s'arrêter subitement, le condamnant à mort. Quant à celui qui survécut suffisamment longtemps pour raconter son histoire au messager... il vit son pelage être camouflé par des boutons suppurant lentement, très lentement... Le messager ajouta que ce fut un supplice d'avoir eu à assister à cela.
Je vis dans ses yeux qu'il ne mentait pas. Tout ce qu'il m'avait dit était la pure vérité. Ma vie venait d'être déchirée en quelques minutes, me laissant seulement mes yeux pour pleurer. Mon cœur demandait grâce de plus de souffrance. Une voix que je connaissais terriblement bien résonna dans le ciel de l'Elysium, se faisant une joie de torturer plus encore mon cœur :
« Citoyens de la Noble République de l'Elysium ! Moi, Lucimare, fondatrice et dirigeante du Nouveau Socle des Alicornes Patriotes vous informe de la mort prématurée des représentants du Conseil des Dix familles ! Ces reliques du passé étaient devenues un obstacle à l'élaboration d'un rêve, mon rêve, votre rêve : une République égalitaire ! C'est pourquoi je me suis chargée de mettre un terme à leurs pathétiques existences ! Mais n'ayez crainte : en tant que « Dame Protectrice », je jure solennellement de vous protéger et même plus encore : de vous guider vers un ordre nouveau ! L'âge d'or de la République débute en ce jour béni ! »
Les hurlements de joie des partisans de Lucimare succédèrent à ce discours enflammé, mais la voix de la jument à la robe souffre se fit une nouvelle fois entendre, les invitant à se taire :
« Il va sans dire que je mettrais tous les moyens en œuvre afin de préserver cet âge doré encore balbutiant. Certains d'entre-vous auront peut-être remarqué ces créatures volant dans les airs. Il s'agit de draconnequus. Ils sont sobrement nommés Alkhali, Brouille et Confusion. Ces trois êtres seront nos gardiens au cours de notre avancée vers la prospérité. Pour faire simple, ils se chargeront des opposants à la gloire de l'Elysium, exactement comme ils l'ont fait avec le Conseil des Dix. Rien, je ne dis rien ne doit s'opposer à l'avènement d'un âge d'or pour notre espèce ! »
Les acclamations des adhérents au NSDAP résonnèrent dans tout l'Elysium. Avaient-ils seulement conscience de la folie dans laquelle Lucimare les plongeait ? Je n'aurais su dire et encore moins à cette époque. En effet, toutes ces nouvelles avaient fini par avoir raison de mon esprit. Lorsque le messager partit de mon domicile, je me contentais de le saluer vaguement depuis le sofa.
J'avais tout perdu en l'espace d'une journée, je n'avais plus de famille ni d'époux. Et pourtant, je n'eus même pas la volonté d'en finir avec ma vie...
Ce discours de ma cousine marqua le début de ce que nous avions appelé par la suite la « Semaine Sanglante ». Sept jours. Sept journées ininterrompues de tragédies en tout genre. Je ne mettais plus un sabot dehors, mais mes oreilles, elles, entendaient tout. Elles entendaient les massacres commis au nom de Lucimare par ses partisans. Elles entendaient également les plaintes des victimes de ces carnages. Elles entendaient surtout les trois draconnequus s'amuser aux dépends des alicornes.
Ces trois monstruosités étaient devenues en effet en l'espace de quelques heures le pire cauchemar des citoyens lambda. Le vide, l'altération et la corruption. Chacune de ces trois capacités chaotiques affiliées aux draconnequus n'amenait que chagrin et désespoir sur son passage. Des proches disparaissaient, sans que rien ne puisse affirmer qu'ils étaient bels et bien là, d'autres n'étaient plus qu'une grotesque parodie d'équidé et certains étaient devenus méconnaissables.
Avec le recul, nous aurions dû réagir plus tôt. Nous avions les armes capables de vaincre les draconnequus. Qu'est-ce qui s'opposait logiquement au Chaos ? L'Harmonie. Et nous avions les éléments symbolisant cette force. Alors pourquoi avons nous attendu sept jours pour arrêter ce massacre ? Je n'en savais rien, même encore maintenant.
Toujours est-il qu'il fallut un incident pour que les citoyens prennent les armes. A l'aube du septième jour de règne de l'alicorne démente, de la fumée s'éleva dans le ciel. Dans mon état léthargique, je n'esquissai pas le moindre mouvement. Une rumeur agita les rues quelques heures plus tard :
« Lucimare a fait incendier la maison d'Hélios et de sa famille ! »
Le nom d'Hélios m'extirpa de ma torpeur. Elle n'avait quand même pas osé ?!
« Est-ce qu'ils vont bien ?
-Ils auraient réussi à s'échapper ! Mais là, elle a dépassé les bornes ! »
La personne qui avait crié cela avait entièrement raison. Hélios ne représentait aucun danger pour ma cousine, surtout ces derniers temps. Aztarté attendait un nouvel enfant. Pourquoi s’en être pris à eux ? Ça ne répondait à aucune logique: Lucimare plaçait les alicornes or purs au centre de sa politique! Hélios en était un. Était-ce pour lui faire payer une “prétendue” trahison”? Ce geste fut celui de trop. Des hurlements de colère résonnèrent dans les allées de l'Elysium.
Les citoyens allaient mettre un terme aux ambitions de la « Dame Protectrice »...
Sans même réfléchir, je m'emparai d'un couteau aiguisé que je dissimulai dans une des toges de mon défunt mari et m'élançai dehors. Les rues de la cité étaient en proie au chaos le plus total. Les révoltés luttaient au corps à corps et à distance avec les partisans de l'alicorne souffre. D'autres citoyens tentaient même de s'opposer à Alkhali, Brouille et Confusion. Peine perdue, ils finissaient exterminés les uns après les autres.
« Fuyez les draconnequus ! Ordonnaient plusieurs alicornes ! Dirigez-vous vers le donjon ! Il faut éliminer Lucimare et récupérer les éléments ! »
Le donjon me faisait face, justement. Je déployai mes ailes et m'envola en direction du sommet de la tour. La fenêtre débouchant sur la salle où s'était réfugiée ma cousine s'offrait à moi. J'étais à quelques mètres de faire face à ma cousine lorsque...
Lorsque le draconnequus nommé Alkhali se plaça entre moi et la fenêtre et se mit en position pour m'effacer de ce monde... Je n'avais aucun regret, j'avais au moins essayé de lutter...
« Alkhali, laisse-la entrer, ordonna une voix famillière. »
La créature se poussa immédiatement pour obéir à sa maîtresse. Je profitai de l'occasion pour m'engouffrer dans l'ouverture. La première chose que je vis dans la pièce fut un grand portrait à l'effigie de Lucimare. Mon regard se posa ensuite sur ma cousine, égale à elle-même : digne et certaine de ses actes.
« Cela fait sept ans depuis notre dernière rencontre cousine, rappela en guise de salut Lucimare. Ça remonte à la naissance d'Haylel, pas vrai ?
-Abandonne, lui conseillai-je vivement. Le peuple va en finir avec toi d'une manière atroce.
-Ah, tu parles de la révolte de ces insectes ? Fit-elle avec un mépris suintant de chacun de ces mots.
-Ces insectes, comme tu les appelles, tu te devais de les protéger !
-Ceux qui s'opposeront à l'âge d'or que je m'efforce d'établir périront ! S'emporta Lucimare.
-Arrête ce délire sur ton or ! La couleur n'est pas garante de pouvoir ! Ce n'est rien !
-Et si je ne l'arrête pas, que feras-tu concrètement ? »
Surprise devant le calme apparent de sa question, je ne lui répondis rien. Elle prit cela comme une hésitation de ma part et poursuivit :
« Me tuer peut-être ? Mais seras-tu capable de couvrir tes sabots du sang de ta cousine et désormais plus proche parente ? »
Je demeurais figée dans mon mutisme. Lucimare éclata d'un rire froid et cruel avant de répondre pour moi :
« Tu en es incapable. Et pour la même raison que je t'ai évoqué il y a sept ans : tu es restée la même. Une jument naïve et idéaliste. Moi, ma naïveté je l'ai abandonné depuis mon retour ! C'est là la différence entre toi et moi ! »
J'étais incapable de soutenir plus longtemps le regard de ses yeux argentés et baissai en conséquence la tête. L'alicorne démente éclata une nouvelle fois de rire tout en s'éloignant de moi. Elle m'avait tout pris. Et je la laisserais s'échapper comme ça ?!
Non !
Ma corne s'illumina tandis que je fonçai en hurlant vers ma cousine abhorrée en saisissant le couteau caché dans ma toge. Lucimare se retourna et reçut un coup de couteau en plein dans la poitrine. Sous le choc, elle tomba en arrière. Je bondit alors sur elle pour la maintenir au sol.
« POURQUOI ?! Pourquoi tu m'as enlevé mon père et mon mari ?! Pourquoi as-tu dénaturé nos rêves ?! POURQUOI ?! »
A chacune de mes questions faisait écho un coup de couteau. Lucimare encaissait mes assauts sans broncher. Lorsque j'eus fini, elle me répondit simplement :
« Pour la suprématie des alicornes. »
J'hurlai de rage et la poignarda à nouveau à plusieurs reprises. Tandis que je m'acharnais sur elle, elle me parla, faisant fi de la douleur qu'elle ressentait :
« Nous étions enlisés dans le passé ! Par mes actes seuls, j'ai réussi à tourner notre République vers l'avenir ! J'ai guidé notre peuple ! Quelle espèce au fond ne souhaite pas être supérieure aux autres ?! Quelqu'un finira bien un jour par reprendre mon œuvre et elle l'achèvera !
-TAIS-TOI !!! »
J'abattis alors mon couteau une ultime fois en direction de la gorge de Lucimare et la transperçai, faisant finalement taire ma cousine. L'alicorne démente exhala à cet instant son dernier soupir.
Haletante, les yeux embués de larmes, je lâchai le couteau et demeurai un moment devant la dépouille de Lucimare. Mes yeux se posèrent alors sur la toge de mon époux, couverte du sang de sa meurtrière. Je l'arrachai avec mes dents avant de la jeter dans le feu qui brûlait non loin dans l'âtre.
Je mis quelques temps à regagner mon calme. Puis je m'approchai de la fenêtre grande ouverte tout en soulevant avec ma magie le cadavre de la Dame protectrice. Je l'exhibai ensuite dans le ciel de l'Elysium en hurlant à tous de ma voix la plus forte, alors que le combat faisait rage :
« LUCIMARE EST MORTE !!! »
Pendant quelques minutes, toute action à l'extérieur cessa. Les deux camps regardaient tous le donjon et contemplaient la dépouille de l'alicorne. Néanmoins, il en aurait fallu bien plus pour arrêter la bataille rangée. Le conflit se poursuivit peu après, plus féroce encore. Les combats ne cessèrent que lorsque les trois draconnequus furent exilés au plus profond du Tartare par les éléments d'Harmonie.
L'Elysium n'était plus que ruines à l'issue de cette semaine. Les Révoltés décidèrent de traquer méticuleusement les partisans de Lucimare et les exécutèrent froidement, sans autre forme de procès. Ceux qui échappèrent à cette traque mirent eux-mêmes fin à leur vie. L'époux de Lucimare en fit parti, laissant la petite Haylel orpheline.
Pour moi, il ne faisait aucun doute que malgré son jeune âge, Haylel serait traitée en paria ou, au pire des cas, assassinée. C'est pourquoi je pris la décision un soir, alors que les chasses aux partisans du NSDAP se multipliaient, de retrouver la petite pouliche et de la faire sortir de l'Elysium.
Je me risquai donc à fouiner du côté de l'ancien domicile de Lucimare. En entrant dans la bâtisse, je ne vis âme qui vive. J'explorais le lieu avec détermination et finit par repérer une cave dissimulée sous une tapisserie. J'y découvris Haylel, recroquevillée dans un coin en compagnie de sa nourrice. Les deux alicornes crièrent en s'apercevant de ma présence. Je leur fis signe du sabot de se taire avant de leur murmurer :
« N'ayez pas peur...je suis là pour vous aider à vous enfuir...
-Mais, et mes parents ? s'enquit Haylel. Papa nous a demandé d'attendre ici. »
Je réfléchissais à la meilleure façon de placer cela pour une enfant de sept ans avant de lui répondre :
« Ton papa et ta maman ont fait des choses très graves. Si graves en fait que l'on pourrait t'en faire payer les conséquences. C'est pourquoi vous devez me suivre ! »
Les deux juments ne posèrent pas plus de questions et me suivirent. J'arrachai à l'aide de ma magie les rideaux noirs placés au rez-de-chaussée avant de les tendre aux deux alicornes en leur conseillant de s'en vêtir afin de se dissimuler.
Le trajet en direction de la sortie de l'Elysium se passa sans encombres, bien qu'il m'inquiéta tout particulièrement. La moindre erreur de ma part aurait pu condamner celles que je tentais de sauver. Aussi, je ne pris pas de risques et fis de nombreux détours. Il nous fallut deux bonnes heures pour parvenir à les faire sortir saines et sauves de la cité.
La nourrice me remercia du fond du cœur tandis qu'Haylel cherchait à comprendre la situation sans succès. Je priais en les voyant s'envoler vers l'inconnu qu'elles s'en sortent...
Lorsque le calme fut revenu finalement dans l'Elysium, les citoyens décidèrent de nommer une nouvelle Alma Mater, la précédente ayant perdu la vie au cours de la Semaine Sanglante. Il fut décidé à l'unanimité d'étoffer son rôle, en premier lieu religieux, vers un rôle davantage politique.
A ma grande surprise, je fus choisie pour ce rôle étant donné que j'avais mis un terme aux exactions de Lucimare. Je dus m'acquitter de cette tâche à contrecœur, considérant que je ne méritais pas ce titre, vu que j'avais purement et simplement tué Lucimare, ma propre cousine, dans un état de sauvagerie extrême. Néanmoins, je pris paradoxalement goût au pouvoir, ce qui me donna quelques pistes pour comprendre certains actes de ma cousine. Mon règne n’était au final guère différent de celui de Lucimare. La seule différence était que j’avais été désigné par le peuple.
Je trouvais ironique d'avoir acquis une fonction équivalente à celle que désirait au fond l'alicorne souffre : celle de guider le peuple. Malheureusement, les années suivantes me prouvèrent que j'en étais incapable. Les blessures infligées à l'Elysium par Lucimare étaient trop profondes. Notre République se dirigeait tout droit vers son anéantissement.
Et nous y étions après dix-sept années d'attente...
Tandis que je tombais dans le vide, je murmurai :
« Mais vois-tu, Lucimare, ni toi, ni moi n'avions la capacité de guider les autres. Un vrai guide protège tous les êtres sans distinction. Je crois que ces deux-là en seront capables. Tu devrais être contente, ce sont les filles d'Hélios. »
La mort m'accueillit tout en bas.
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