La faible lumière du petit matin se diffuse à travers les épais rideaux tandis que je me blottis plus près de ma jument, son corps doux et réconfortant contre mon dos. Son ventre se frotte contre moi, et je ne peux m’empêcher de laisser échapper un petit sourire.
Il est tôt, mais on sait tous les deux qu’il va falloir se lever très vite. Le Festival n’attend pas. Je peux presque sentir l’excitation dans son corps quand ses muscles se tendent contre moi. Elle est comme ça à chaque fois qu’il y a un spectacle à faire. Voler pour les cadets à l’académie, ou voler pour les Princesses ; il n’y a aucune différence pour la Capitaine.
Ça me frappe de savoir qu’elle ne volera pas cette fois. C’est presque comme si son corps n’était pas encore au courant.
Elle s’agite encore, enfonçant son museau dans ma crinière, sa chaude respiration contre mon cou. « Mmm, c’est l’heure de se lever, rookie », me murmure-t-elle.
« Je suis déjà debout depuis un moment. »
« Trop excité pour dormir ? C’est presque comme si c’est toi qui allais être dans le show vu comment tu étais cette semaine », dit-elle.
« Ben… ça sera un peu comme si j’y étais. Être dans la loge des Wonderbolts, c’est beaucoup plus près que je ne l’ai jamais été. Et je viens aider, non ? »
« Bien sûr. Je t’ai quand même promis ça », me dit Spitfire en tendant son sabot autour de moi.
Je m’enfonce dans les draps, regardant les poneys battant lentement des ailes. Ça sera bien différent cette fois. Spitfire volait dans le festival d’aussi loin que je me rappelle. Chaque année, elle était l’attraction principale, faisant de nouveaux tours et cascades que personne n’avait jamais vus avant.
En repensant à hier, je me souviens l’avoir aidée à voler jusqu’à chez elle. La pointe de douleur qu’elle essaie toujours de cacher lorsqu’elle étire son aile par réflexe en atterrissant. Je fais attention de ne même pas mentionner son manque de vol durant les semaines qui nous ont menés jusqu’à ce jour. Ça serait bien cruel de faire ainsi.
Du coin de l’œil, je trouve mon uniforme de cadet, posé sur une chaise après notre dernière nuit de ‘modélisation’. Spitfire l’a déposé là pour moi, mettant mes lunettes de vol au-dessus.
« Je peux toujours le porter, hein ? »
« Bien sûr. Je ne pense pas que quelqu’un va poser des questions après tout ce que tu as fait pour m’aider ces derniers temps. T’es aussi bon qu’un cadet maintenant, d’aussi loin que ça me concerne. Et si quelqu’un a un problème avec ça, il devra voir ça avec moi », me dit-elle. Elle a plus l’air du Capitaine dont je me souviens.
Amenant mes sabots au bord du lit, je bondis sur le tapis et prends le tout. Je fais courir mes sabots sur le matériel élastique, avec l’excitation qui grimpe en moi. Tous les précédents shows que j’ai regardés depuis les gradins me traversent l’esprit. Toutes les cascades qu’ont faites ma mère et la Capitaine ; le rugissement de la foule lorsque les Wonderbolts naviguent à une vitesse à couper le souffle au-dessus de nos têtes. Même si je les aide uniquement depuis les stands, j’ai l’impression que je serai une toute petite partie de ça.
Spitfire sourit en se levant du lit, mon sourire rayonnant en mettant l’uniforme sur moi. Le porter aujourd’hui, c’est différent.
Je m’avance et aide Spitfire à mettre sa combinaison de vol, en faisant attention de bien rentrer son aile dans le trou escompté. Elle a l’air incroyable, comme d’habitude. J’adore voir son corps dans ce vêtement serré. Elle s’avance, m’embrasse sur le museau, faisant battre encore plus vite mon cœur.
« Prêt à y aller, rookie ? »
Mon esprit s’emballe en marchant dans les stands avec Spitfire à mes côtés. Le stade entier résonne des sons et des images du Festival d’été. Presque tout le monde à Canterlot semble être là. Le stade est décoré de façon encore plus élaborée que d’habitude pour accueillir les trois princesses ; un phénomène assez rare. Des tapisseries bleu ciel volent depuis les balcons de nuages ; et les loges préparées pour les princesses sont garnies d’or. Quelques banderoles virevoltent dans l’air, un blanc pur avec de la poussière étincelante, reflétant le lumineux soleil d’été.
Spitfire m’amène dans les stands des Wonderbolts. Blaze, Soarin et Fleetfoot se prélassent déjà sur les simples bancs en bois, parlant du show à venir. Ma mère sourit en me voyant marcher vers elle avec la Capitaine.
« Eh bien, n’es-tu pas mignon comme ça ! » Elle rayonne, se lève et vient me caresser la crinière. Elle remarque immédiatement mon uniforme. « Tu ne vas quand même pas l’inclure dans le show, Spitfire ? Tu me l’as promis. »
« Ne t’inquiète pas. C’est juste un cadet après tout. Pas de vol dans les shows avant que tu fasses tes preuves, hein Soarin ? »
L’étalon hoche la tête. « Ouaip, pas d’inquiétudes, Fleetfoot. Il va juste nous aider aujourd’hui, hein p’tit ? »
C’est assez génial de l’entendre dire ça. Aider Soarin à faire quelque chose est un assez gros truc. Je regarde tout autour, et je réalise qu’ils comptent tous sur moi, même si je n’ai qu’un petit rôle à jouer. Spitfire, Blaze, Soarin, et même ma propre mère. Je ne les regarderai pas seulement des gradins aujourd’hui. Le timing entre l’envoi des équipes est assez délicat. Chaque aspect a été prudemment chorégraphié ou les équipes se fonceraient l’une dans l’autre ou des temps morts dans l’action gâcheraient l’ambiance.
« Je ne vous laisserai pas tomber », répondis-je, en essayant de montrer des signes de confiance.
« Ça sera facile. Tiens-toi à l’itinéraire qu’on a prévu et assure-toi de prévenir l’équipe suivante. On a tous eu notre première fois pour aider sur un show. Tout ça est assez excitant, et je parie que ça sera fini très vite », dit Blaze.
J’acquiesce, et baisse les yeux vers la longue liste de cascades et leur timing correspondant. Tout a été prudemment calculé jusqu’à la dernière seconde, comme le temps entre les pauses. Des notes écrites à la hâte jonchent la page entière, où les nombreux membres des équipes de vol ont crayonné des changements durant la semaine. Des remplacements sont écrits si besoin, et même des diagrammes de chaque cascade sont inclus.
Simple. Ouais.
En farfouillant dans le programme aux multiples pages, Fleetfoot trotte vers moi et pose son sabot sur mon dos. « Je suis sûre que tu t’en sortiras, mon cœur. On est une équipe après tout. Les Wonderbolts s’aident les uns les autres, alors tu n’es pas seul. »
Elle s’assit avec moi pendant un moment, en silence, le rugissement de la foule se faisant entendre au loin pendant que je scrute les papiers. Ma mère a commencé à me caresser doucement la crinière. Ça aide un peu mes nerfs à me détendre. Je m’affaisse contre son corps en arrivant à la dernière page.
« Tu sais, je ne voulais pas dire toutes les choses que j’ai dites à Spitfire tout le temps. De ne pas vouloir que tu sois un cadet… ou un Wonderbolt. J’imagine que… eh bien, c’est juste ce que tu dois dire en tant que parent, hein ? Je sais que tu peux en faire beaucoup plus que ce que croit tout le monde. Après tout, je t’ai vu faire la course d’entraînement à l’académie. »
Mes yeux s’écarquillent immédiatement. Elle sait ? Pourquoi est-ce qu’elle n’a rien dit…
« Ne me demande pas comment je l’ai su. Et ne t’inquiète pas pour d’éventuels ennuis. Tu n’en auras pas. Je suis juste très surprise. Une partie de moi savait que tu pouvais voler comme ça… et je pense que c’est pour ça que je t’ai toujours empêché de le faire. Mais quand je t’ai vu courir si bien dans cette course… je n’étais plus inquiète. C’est juste que… »
Elle s’arrête un moment. Le son de sa voix devient triste, mais elle ne commence jamais à pleurer. Elle garde ses émotions en elle et les retient.
« C’est juste que depuis que ton père est parti, j’ai dû être un peu protectrice. »
Je lève les yeux et lui donne un regard incrédule. Elle comprend. Fleetfoot me sourit, même si ses yeux sont mouillés après avoir retenu ses larmes.
« Autant que ça, hein ? Désolée si j’ai été dure envers toi. J’ai toujours l’impression d’être toute nouvelle quand il s’agit de faire la maman », elle me serre plus fort en parlant. Mettant de côté les papiers, je me colle contre son uniforme de vol bleu.
« J’étais à peine plus vieille que toi quand je t’ai eu, tu le sais hein ? J’étais juste une pouliche idiote, à peine sortie de mon entraînement de cadet. Ça faisait beaucoup à gérer. Ton père a essayé de m’aider, mais il n’a jamais eu le temps pour ça. C’était juste toi et moi lors de ton deuxième anniversaire. Mon père et ma mère… ils ne voulaient même pas que je rejoigne l’académie. Et avoir un enfant en plus ? Non. Je me suis toujours dit que je n’abandonnerai jamais. Je n’allais pas laisser quelqu’un s’apitoyer sur moi parce que je t’avais toi. Tu ne le méritais pas, et moi non plus. D’une façon ou d’une autre, j’allais finir l’entraînement des Wonderbolts et prendre soin de toi moi-même…
« Et je l’ai fait », me dit Fleetfoot, s’autorisant à sourire. « Et je ne l’aurais pas fait différemment. Même si je sais que je n’ai pas été là autant que tu le voudrais. Je sais que quelques fois, je ne réalise pas à quel point tu as grandi. Je ne t’ai pas assez dit à quel point je suis fière de toi. Tu es presque un grand… et tu peux faire tes propres choix. Je te fais confiance, et je voulais juste te dire que je suis à 100% là pour toi. »
Ça devient de plus en plus évident quand elle continue à parler. Au début, j’ai peur parce qu’elle sait. Mais quand ses mots réconfortants m’atteignent, je me sens de plus en plus à l’aise. Elle avait raison quand elle disait qu’elle supporte rarement mes choix. D’aussi loin que je me souvienne, ma vie est écrite de bout en bout. L’esprit de Fleetfoot qui reste coincé dans le monde ordonné des Wonderbolts ne m’a jamais vraiment aidé. Mais cet été, beaucoup de choses ont changé.
« Alors… j’imagine que tu sais », dis-je doucement.
« Hmm, je ne serais pas vraiment une mère si je n’avais pas pu deviner ça. J’ai eu des suspicions dès que Spitfire m’a dit qu’elle était enceinte. Et puis vu la façon étrange dont tu te comportais… »
« C’était si évident ? »
C’est à son tour de me donner ce regard. « Ouais. Vraiment. » Elle sourit un peu, la tête tournée vers les stands.
« Qu’est-ce que tu vas faire ? Ne sois pas en colère contre Spitfire, okay ? Elle ne le mérite pas. »
« Eh bien, elle et moi devrons avoir une longue discussion plus tard. Je n’avais pas vraiment prévu de laisser mon fils cet été et de revenir en m’apprêtant à devenir grand-mère. Je veux dire, je suis trop jeune pour être une mémé. C’est déprimant », dit Fleetfoot.
« Désolé. »
« On va passer du temps sur ça. Ça ne va pas être facile. Et je ne suis toujours pas contente de ce que tu as fait. Mais on ne peut plus revenir en arrière maintenant. Je voulais juste te dire que je ne veux pas que tu subisses ce que j’ai traversé. Je serai là pour toi, peu importe la raison. Tu es mon petit étalon, et rien ne changera ça, okay ? »
Regardant le Wonderbolt à l’uniforme bleu s’agiter devant moi, mon champ de vision s’obscurcit alors que mes yeux se remplissent de larmes. Un étrange mélange de soulagement et de bonheur m’envahit. Je suis heureux. Je déteste garder des secrets envers ma mère. L’anxiété d’être pris et ce que pourrait arriver s’échappe de mon esprit.
« Il y aura quand même du changement. Tu rentres vivre avec moi. Je suis sûre que toi et Spitfire savez que ce que vous avez fait est mal… et ça doit s’arrêter. Dans quelques années, tu seras assez vieux pour l’académie. On pourra en reparler à ce moment, okay ? »
Je hoche la tête contre elle, l’œil toujours dirigé vers les stands. Elle finit par baisser son sabot et tourne doucement la tête vers elle. Ses yeux sont doux et tendres, toujours mouillés par les larmes.
« Je peux toujours être là pour elle, hein ? »
Fleetfoot sourit. « Bien sûr que tu le peux. Vous l’avez tous les deux mérité. Quand le bébé arrivera… je veux que tu sois avec elle, autant que tu le peux. Elle est peut-être la Capitaine, mais elle n’a jamais eu d’enfant avant. Spitfire va en être bonne pour une sacrée surprise, je crois. Elle va avoir besoin de toi. »
On reste tous les deux assis pendant un long moment, se reposant l’un contre l’autre en regardant la foule remplir le stade. Fleetfoot pointe du sabot vers Cadance, Luna et Celestia qui entrent dans leurs loges, suivies par les clameurs de la foule. Tout semble s’éloigner lorsque les choses entrent en moi. Je vais devenir papa. Les inquiétudes sur Spitfire et ce qui pourrait arriver avec l’enfant disparaissent, remplacées par de nouvelles questions.
Pourquoi c’est à la fois excitant et terrifiant ?
« Rookie ? T’es prêt à démarrer ? On doit préparer le passage des premiers groupes. »
Retournant dans la réalité, je regarde Spitfire, regardant la Capitaine dans sa combinaison de vol et avec ses lunettes d’aviateur. Elle regarde son itinéraire en attendant patiemment.
« Eh bien ? Arrête de rêver, on a un show à faire ! »
Je me lève et me tiens prêt, hoche la tête, attrapant mon propre classeur. Je l’aide à préparer les quatre premiers cadets, je les aligne et les prépare à démarrer le show. En regardant tout autour, je réalise à quel point le stade est devenu silencieux. Tout le monde regarde. Même les trois Princesses ont l’air impatientes, attendant que les premiers voltigeurs quittent les stands. Spitfire me sourit.
« Plutôt cool, non ? » dit-elle, en me tendant son chronomètre. « Tu t’occupes du temps, okay ? »
« Pigé ! » je réplique. Je signale le départ des premières équipes, actionne le chrono, faisant un signe pour leur dire d’y aller.
La foule ne réagit pas immédiatement. Je note que ça prend quelques secondes. Jusqu’à la première cascade, pour être précis. Une plongée abrupte de quatre voltigeurs en même temps, tous virent à toute vitesse vers le sol et se séparent dans des directions différentes. La vitesse crée des traînées révélatrices entre eux, faisant comme si quatre traînées bleues se séparaient, puis se rassemblaient dans un motif de rotation.
La foule éclate. Eh voilà. Cette sensation dont je me rappelle si bien des shows précédents. Mais c’est différent maintenant. Être dans les stands avec l’équipe change tout. Même sans voler, c’est toujours aussi enivrant. Je peux dire pourquoi Fleetfoot, Spitfire, et tous les autres aiment autant ça.
Le show se passe bien durant le reste de l’après-midi. Je commence même à me sentir à l’aise à un moment, notant que regarder le chrono et préparer les vols des pégases devient de plus en plus facile quand je m’enfonce là-dedans. Très vite, moi et Spitfire avons terminé tous les actes, excepté le grand final.
Je regarde une dernière fois mon classeur, et je m’assure que les six derniers poneys en ont fini avec leur run et ont atterri en sécurité sur la plate-forme de vol avant de faire signe vers les derniers voltigeurs. Il est temps pour Blaze et Fleetfoot de passer à l’action. Le dernier set de la journée.
C’est évident que personne ne veut parler. Les lunettes de vol sont cramponnées à elle par la concentration alors qu’elles étirent leurs ailes dans l’arène. Je regarde le temps, et voit Spitfire taper dans le sabot avec Blaze lorsqu’elles s’avancent au bord de la plate-forme. Signalant qu’il est temps, Spitfire leur fait signe d’y aller. J’actionne le chrono lorsque les deux poneys tombent comme des pierres en sautant, tombant vers le sol alors que la foule les regarde en silence. Les ailes serrées s’ouvrent soudainement, attrapant les deux qui volent bas au-dessus du public qui applaudit à tout rompre.
Blaze abaisse une aile, et je jure que je peux la voir sourire en attrapant un ballon d’un des chariots d’un vendeur pour le plus grand plaisir de la foule. Elle rencontre ma mère du côté opposé de l’arène, feignant une collision avant que les deux volent en spirale proche l’une de l’autre, utilisant leurs vitesses pour monter haut dans le ciel, à une vitesse à couper le souffle. Leurs crinières créent une traînée blanche et orange avant qu’elles ne se séparent, chacune se cambrant vers les directions opposées du stade.
Je regarde attentivement Fleetfoot qui entre dans une série de loopings très serrés, en essayant de se coordonner avec son partenaire. Les deux vieilles amies n’ont aucun problème à garder le rythme de l’autre alors que leurs vitesses augmentent. Elles semblent devenir de plus en plus synchronisées lorsque les deux font une boucle encore plus serrée au centre du stade. Enfin, la foule retient son souffle lorsque les deux semblent entrer en collision en plein air, seulement pour gracieusement s’agrafer ensemble, virevoltant fermement en volant plus haut. Je souris en vérifiant leur temps. Pour le moment, toutes les cascades ont été plutôt faciles ; simplement trompeur lorsqu’elles alternent la vitesse pour créer l’illusion de s’échapper au dernier moment. Les vraies cascades vont commencer.
Fleetfoot et Blaze élargissent leur spirale maintenant, gagnant lentement de l’altitude alors que la foule les regarde avec attention. Dans le silence du stade, les deux Wonderbolts se séparent enfin, se balançant largement jusqu’aux extrémités de la zone de vol. Sans rien d’autre qu’un hochement de tête vers l’autre, les deux tombent comme si elles ne faisaient qu’un, tombant toutes les deux au sol en repliant fermement leurs ailes. La tension se sent dans l’air lorsque la foule regarde la paire tomber vers eux à une vitesse saisissante. Je regarde le mouvement d’ailes presque indiscernable lorsqu’elles s’anglent dans un angle constant, tirant vers le haut et tournant latéralement dans le mur lisse mis en place au niveau du sol. Elles se frôlent tout du long jusqu’à ce qu’elles s’approchent l’une de l’autre, la foule tendue quand elles déboulent à vitesse maximale vers une collision qui semble inévitable.
Je vois que Blaze initie l’esquive. Elle le fait toujours. Plongeant de près contre le mur au dernier moment, elle se met sous les sabots de Fleetfoot, évitant de peu l’autre poney. La foule reste silencieuse pendant un moment avant d’exploser, remplissant le stade entier du son de ses applaudissements. Je vois même que les trois Princesses se mettent enfin au diapason, encourageant vaillamment avec leurs sujets.
Blaze et Fleetfoot se sourient en se rencontrant au centre du stade, s’encerclant autour en se préparant pour leur dernière cascade. La paire recommence à gagner de l’altitude. Je regarde attentivement, et je me souviens très bien de cette cascade. Les deux poneys grimpent jusqu’à ce qu’elles touchent elles-mêmes les nuages de vapeur, de simples tâches dans le ciel bleu. Je n’ai même pas à les voir moi-même. Je peux les imaginer se préparer pour le plongeon, synchronisant lentement leurs mouvements. Les deux tâches commencent à vriller en rythme l’une avec l’autre, tournant de plus en plus vite en tombant.
La foule entière est hypnotisée par les voltigeuses qui tombent vers le sol. Leur plongeon est accentué par leurs spirales, donnant l’illusion d’une vitesse extrême. Je le sais mieux que quiconque. Le vrai test sera la force centripète. Jumelé avec le plongeon, ça fait presque s’évanouir les poneys. Apprendre à se battre contre elle fait partie du tour.
Alors que les deux Wonderbolts arrivent dans les niveaux supérieurs du stade, les spirales se font plus proches. Les pégases flirtent avec la catastrophe en se clipsant avec l’autre quelques fois, leurs ailes se touchant dans le ciel en essayant de donner le plus d’adrénaline aux fans.
C’est presque comme si je le vois arriver dans mon esprit en regardant Blaze tenter un coup du sort. C’est difficile de dire si elle a perdu sa synchronisation ou si elle le fait exprès pour les fans. Non, c’est impossible. Elle n’est pas comme ça. Blaze ne se met jamais en danger, elle ou d’autres Wonderbolts. Elle est la pièce maîtresse de l’équipe. Toujours sérieuse dans les airs, et toujours obsédée à l’idée de bien faire.
C’est dur pour tout le monde de croire ce qui arrive en face de moi. Blaze abaisse trop bas son aile, attrapant le corps de Fleetfoot. Pendant une seconde, elle se renverse en l’air, tombant sur elle-même, comme si son aile se froissait instantanément sous l’impact à haute vitesse. Fleetfoot se repositionne elle-même, mais après l’impact, elle lutte rien que pour rester en l’air.
La foule n’a même pas le temps de réagir que la jument orange tombe comme une pierre vers le sol, agitant désespérément sa bonne aile pour garder de l’altitude. La vitesse terrifiante est de trop, son aile se voile sous la pression, ne laissant rien d’autre qu’elle et le nuage malheureusement renforcé sous elle.
Du coin de l’œil, je vois que Spitfire agit sans réfléchir. Elle saute de la plate-forme, et s’élance elle-même dans l’arène, grognant en étirant ses ailes, luttant contre la douleur de ses muscles endoloris en plongeant vers Blaze.
C’est dur de décrire ce qui se passe ensuite. Pour les années à venir, les poneys vont en parler. Mais je ne me rappellerai jamais vraiment de tout. Tout ce dont je me rappelle, c’est que je vois Spitfire plonger dans le sol, grimaçant de douleur. Une image me traverse l’esprit : ma mère descendant brusquement vers le sol il y a des années, alors que la Capitaine s’élance au dernier moment et la sauve.
Et l’instant suivant, je plonge après elle.
Sans lunettes, je ferme les yeux contre la vitesse, rattrapant rapidement la Capitaine. Si elle a mal, elle ne le montre pas. Elle me regarde juste un moment avant de refermer ses ailes, plongeant plus bas pour essayer d’intercepter Blaze. Suivant son mouvement, je plonge derrière elle, faisant de petits mouvements d’ailes pour garder le rythme.
Avec un rapide battement d’ailes, je vois Spitfire rattraper la Wonderbolt blessée, l’agrippant fermement dans ses sabots en luttant avec son aile endommagée pour ralentir sa chute. Blaze est presque inconsciente lorsque que la Capitaine essaie de la protéger de sa chute. Je vois que la paire ne va pas y arriver en arrivant vers elles. Je sais aussi qu’il n’est pas question que la Capitaine la laisse tomber.
Je serre les dents, et percute les deux, essayant d’éviter l’aile blessée de Spitfire. Je saisis Blaze, parviens à attraper un sabot avec moi, le tenant fermement en étendant rapidement mes ailes. L’air m’attrape avec force en grimaçant contre la douleur. Tenant la Capitaine et Blaze, j’abandonne l’idée de les sortir de leur plongeon, et m’incline vers le sol. Au lieu de tomber, je sens que je prends un angle tranchant, ralentissant ma vitesse alors que le sol commence à tisser ses contours en-dessous de moi.
C’est Spitfire qui finit par faire le dernier mouvement. Je l’entends crier en forçant son aile endommagée à se tenir droit, attrapant l’air en faisant une dernière tentative pour ralentir la descente. Pendant un bref instant, ça ne semble pas marcher. Mais je réalise très vite que le sol ralentit son approche. Au lieu de l’impact attendu, mes sabots touchent lentement le solide nuage, me surprenant tellement que je manque de relâcher mon emprise sur Blaze. Spitfire perd son adhérence dès que l’on atterrit, refermant immédiatement son aile blessée contre son corps. J’abaisse prudemment Blaze, toujours dans un état second alors que les infirmiers arrivent vers nous, portant vite la Wonderbolt sur une civière.
C’est seulement après que l’équipe l’ait emmené pour la soigner que je remarque Fleetfoot se tenant à mes côtés. Ma mère a atterri presque sans bobo, trottant rapidement vers nous pour voir si Blaze allait bien. Toujours assez secouée, Spitfire refuse toute aide, même quand elle tient fermement son aile contre son corps, luttant de toute évidence contre la douleur.
J’ai mis des heures à comprendre tout ce qui s’est passé. Les nerfs toujours en pelote après l’accident, je m’assois sur un banc en bois dans les stands des Wonderbolts. Blaze et Fleetfoot ont toutes deux fini à l’hôpital de Cloudsdale pour se faire soigner, même si Fleetfoot m’a dit qu’elle serait sûrement dehors cette nuit.
Spitfire a refusé toute aide. Elle est restée jusqu’à ce que les médecins en aient fini, s’assurant que tous les membres de l’équipe soient soignés. Elle voulait même rester dans les stands pour tout ranger avant de se diriger vers l’hôpital.
La Capitaine lutte pour voler, même sur la courte distance vers les stands. J’ai dû l’aider encore plus que d’habitude. Elle commence à rassembler des choses en silence, collectant les affaires de Blaze et Fleetfoot, qu’elle rassemble dans un coin.
« C’est pas aussi inhabituel, tu sais. Pour un Wonderbolt de finir dans un hôpital après un show. Ça vient juste avec le job. Ça permet de nous garder sur terre pendant un moment. Alors ne t’inquiète pas trop pour les deux, okay ? »
Elle a brisé le silence pour essayer de me réconforter. Ça ne marche pas vraiment.
« Tu vas bien ? Tu ne t’es pas refait mal à l’aile, n’est-ce pas ? » je demande.
« T’inquiète pas pour moi. C’est rien, vraiment. »
Je lui fiche la paix, rassemblant tous les objets laissés derrière. Elle les place dans une boîte, avant de réaliser qu’elle ne pourra pas les porter et continuer à voler. Spitfire soupire, les laissant tomber au sol, en se tenant au bord de l’arène, regardant le stade vide dans le ciel du début de soirée.
« Tu n’as pas à tout faire toi-même tout le temps, tu sais », dis-je doucement.
« Peut-être. Mais c’est plus facile comme ça. »
Je hausse les épaules et m’approche plus près d’elle. Debout dans l’air frais de la nuit, elle se pousse contre moi, reposant son poids de mon côté dans un moment d’intimité. Je retourne la faveur, supportant son poids contre le mien.
« Fleetfoot sait pour nous, tu sais. Elle sait pour l’enfant. Elle sait tout. »
« Ouais. C’est sans doute parce que je lui ai dit », réplique Spitfire.
J’essaie d’être surpris, mais je ne peux pas. Ça semble évident qu’elle lui ait dit. Plus je passais de temps avec Spitfire, et plus je réalisais qu’il était impossible qu’elle cache une telle chose.
« Je pensais qu’on ne le dirait à personne… »
« Non. Tu as dit que tu détestais garder des secrets envers ta mère. Et je ne peux pas vraiment te blâmer pour ça. C’est pas juste. Fleets est une bonne jument, rookie. Elle a le droit de savoir. »
« Elle a dit qu’on ne pourra plus se voir. Jusqu’à ce que je sois assez vieux pour l’académie, au moins », dis-je.
« Ben… tu penses que c’est une mauvaise idée ? Ce qu’on a fait, c’était mal. On le savait tous les deux. »
« Ouais. Elle a sans doute raison », dis-je, en cachant ma déception. « Spitfire ? Tu te souviens de ce que tu as dit sur le fait de prendre soin du bébé ? »
Spitfire ricane légèrement. « Elle t’a parlé de ça aussi, hein ? Tu pensais que tu allais jouer au papa alors que t’es encore un gosse ? Tu pensais que j’allais te laisser gâcher ta vie comme ça ? »
« Je me fiche de ce qui m’arrive. Je vais le faire. »
« Tu sais même pas ce que tu dis », dit Spitfire.
Je reste assis en silence pendant quelques instants, le temps de rassembler mes pensées. Peut-être que je ne sais pas ce que je fais. Mais je sais que ça semble juste. N’est-ce pas tout ce qui compte ?
« Peut-être que non. Mais je sais que, depuis le moment où j’ai su pour le bébé, je veux être là avec toi. Tu n’as pas à tout faire toi-même juste pour me protéger. Je ne suis plus un enfant. Je suis un cadet maintenant, non ? Je suis presque un Wonderbolt… »
Spitfire amène son sabot sur ma bouche, me faisant taire. Je lève les yeux, et la vois sourire. « Je t’ai pas dit que tu es plus mignon quand tu te tais, rookie ? »
Je n’ai même pas une chance de parler. Elle occupe mon museau avec le sien, m’amenant vers un profond baiser. Alors que mon cœur s’accélère, mes inquiétudes fondent dans l’obscurité alors que la jument encercle ma langue avec la sienne, me coinçant contre sa douce fourrure en m’embrassant à pleine bouche. Un sabot berce ma nuque, me cajolant contre son corps encore plus fort en retournant son baiser.
Quand elle me relâche enfin, elle me fixe dans les yeux avec un regard plein d’amour. Quand elle enfonce doucement son museau dans mon cou, je sens que tout va bien se passer.
« On va devoir faire face à des trucs, okay ? Mais si tu veux vraiment faire ça avec moi, on peut essayer. »
Je commence à parler, mais je décide à la fin qu’il ne vaut mieux pas. C’est juste bien de s’asseoir là, me reposant contre elle dans le début de soirée, regardant les lumières s’éteindre dans l’énorme enceinte. Ce n’était pas exactement comme ça que j’avais prévu ma première journée dans le stand des Wonderbolts. En jetant un œil vers la Capitaine, je peux voir un petit sourire sur son museau alors qu’elle regarde les nettoyeurs faire leur travail après le show.
J’ai décidé que tout s’était bien terminé.
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