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Casparus

Une fiction écrite par ironponymaiden.

Silence

L'alarme hurlait dans les couloirs, vacarme assourdissant par-dessus lequel Minty parvenait à peine à entendre les ordres lancés par le second Order. Mais tout le monde connaissait ces ordres. « Branle-bas de combat », « Tous à vos postes », « Ennemi en approche » et toute cette agitation à laquelle Minty avait espéré échapper sur ce vaisseau. Mais c'était sans compter l'univers sans pitié dans lequel elle était née.

Le pire était pour elle, du moins c'était son impression. Elle n'avait pas d'endroit spécial où aller, juste rester dans son infirmerie et attendre les premières secousses, les coups au but adverses qui amèneraient leur lot de blessés, de sang, et de corps impossible à ramener à la vie. Attendre, seule, alors que l'équipage donnait le meilleur de lui-même pour leur sauver la peau.

Soudain, les murs se mirent à vibrer lorsque les canonniers ouvrirent le feu. Minty n'avait pas ressentit cet effet depuis bien longtemps. Les astronefs avaient généralement des armements laser qui n'avaient aucun recul, ou des missiles autopropulsés. Mais le Casparus était doté d'un certain nombre de canons balistiques, dont l'avantage était double : il passaient à travers la plupart des boucliers calibrés pour les lasers, et leur trajectoire, pour peu que les artilleurs soient expérimentés, étaient moins prévisible.

La bataille devait cependant être mal engagée pour qu'on utilise ces armes. Leur lenteur les rendait inutile à longue portée, et l'ennemi devait donc être très proche, ce qui était d'autant plus inquiétant que la vitesse du Casparus aurait dû leur permettre de se tenir à distance.

Mais tout un tas de choses n'allait pas. Ils n'avaient pas été repérés, suivis ou autre à cause de leurs opérations. Ils étaient à l'endroit où ils étaient le plus efficace, en plein milieu du néant spatial, et ils auraient normalement dû être complètement invisible à moins d'être recherchés. Or, ils avaient été pris complètement par surprise, par un vaisseau encore non-identifié au moment où Minty avait réussi à avoir ces informations. Un vaisseau furtif pris à revers et surclassé en vitesse ? Quel qu'était l'ennemi, ce n'était pas n'importe qui.

N'y tenant plus, le médecin se leva, attrapa sa trousse de soin préalablement préparée, et se mit à galoper dans les couloirs, empruntant les escaliers pour rejoindre le pont. De toute façon, si blessé il y allait avoir, autant qu'elle soit déjà sur place.

Au moment où la porte coulissa, le second Order lui lança un regard en coin, à la fois surpris et chargé de reproche, mais elle ne s'y attarda pas plus que cela. Comme le commandant et d'autres poneys, elle avait les yeux fixés sur l'affichage holographique au centre de la pièce, représentant le Casparus en tout petit au centre, et une zone rouge clignotante située à une certaine distance sur un de ses flancs. Pour un non-initié, il paraissait assez éloigné, mais pour toute personne s'étant déjà trouvé au milieu d'une bataille spatiale, il était proche. Monstrueusement proche. Et il continuait de gagner du terrain.

Et, autre détail dérangeant, la zone rouge signifiait qu'on avait aucune information sur l'ennemi, juste une approximation de sa position. Or, à cette distance, il aurait dû être visible même à travers un hublot.

Minty ouvrit la bouche pour poser des questions, mais se ravisa devant l'effervescence qui régnait. Battle Law restait stoïque sur sa passerelle dominante, hurlant des ordres quand il en avait besoin, relayés par Strict Order par radio lorsqu'ils ne concernaient pas les membres à portée de voix. Les artilleurs étaient concentrés sur leurs consoles, demandant des confirmations sur leur cible alors qu'ils tiraient presque en aveugle. D'autres poneys étaient l’œil collé aux hublots, et donnaient des informations à d'autres qui relayaient ensuite avec leurs tablettes.

Finalement, un soldat massif fit signe à Minty, et l'attira dans un coin hors du passage. D'abord secouée, la jument finit par le reconnaître :

-Wall ? Qu'est-ce qui...

-'Devriez pas êt' ici, doc. Ç'risque de d'venir moche très vite.

-Il se passe quoi ? Contre qui est-ce qu'on se bat ?

-'Sait pas, fit l'autre en s'humectant les lèvres. N'a aucun signal sur les scanners, aucun r'tour de sonar. 'Tir sur un fantôme. L'a juste repéré quand il est apparu.

-« Apparu » ? Comment ça « apparu » ?

-Sais pas. L'a fait un espèce de saut pas loin, n'a vu un flash dans les hublots à ce moment là. L'localise à la vue, vu qu'on a rien d'autre.

-Mais c'est impossible ! Aucun vaisseau n'est totalement indétectable, même pas le Casparus !

-Just'ment. C'qui inquiète le commandant. 'Devriez retourner à l'infirmerie, doc. N'aura sûrement b'soin de vous.

Minty haussa un sourcil, alors que le soldat la quittait pour répondre à un ordre donné par le second du vaisseau. La jument leva les yeux vers la passerelle où était juché le commandant Law, l'air soucieux, le regard fixé sur le plan de bataille. Puis, au bout d'un moment, il leva un sabot et dit :

-Cessez le feu !

Les poneys, Strict Order la première, lui lancèrent des regards interloqués, mais obéirent rapidement. Un étrange calme s'abattit sur le pont, seulement troublés par les responsable du repérage visuel qui continuaient de donner la position approximative du bâtiment ennemi. Law respirait calmement, mais son front étaient toujours froncé, et il écoutait, comme pour entendre leur adversaire, avant de finalement dire, la mâchoire serrée :

-Ils jouent avec nous.

Au moment même où il prononça ces mots, une image se forma sur l'hologramme. À la limite la plus proche de la zone rouge, un vaisseau à l'architecture torturée, ne répondant à aucune logique de pratique, d'aérodynamisme ou de solidité, comme s'il avait été construit au fur et à mesure avec d'autres morceaux d'astronef, apparut. Et tous les membres d'équipage se figèrent, reconnaissant « l'art » que tous avaient appris à détester et craindre dans les écoles militaire, et Battle Law sur le champ de bataille même.

Des Draconequus.

Minty avait les yeux écarquillés, pouvant à peine croire ce qu'elle avait devant elle. D'un coup d’œil discret, elle vit le visage de son commandant, tendu à l'extrême. Depuis la bataille de la mer de Caspar, rares avaient étés les confrontations avec des Draconequus, et encore moins celles avec des survivants pour les reporter. Minty ne put s'empêcher de penser à l'ironie de la situation. Le Casparus était confronté à la raison même de son existence.

Soudain, le vaisseau adverse se mit à changer. Des plaques de blindage se mirent à glisser pour laisser sortir des appareils étranges, le hérissant de pointes dont certaines se tournèrent vers l'image du vaisseau Equestrien. Puis, une vive lumière parvint à l'intérieur de celui-ci depuis les hublots, aveuglant les poneys qui observaient jusque là. Battle Law se mit alors à hurler de nouveaux ordres :

-Tous à vos positions ! Jumper, à fond ! Il faut les distancer ! Artilleurs, à vos pièces, tirez à vue ! Je veux que ce vaisseau crache tout ce qu'il a, et gare à l'impact !

Soudain, le bâtiment Draconequus disparut de l'écran en même temps que la lumière blanche s'éteignait. Surpris, les poneys restèrent une seconde figés, les yeux rivés sur l'hologramme. Minty tourna les yeux à gauche et à droite, aussi surprise que le reste de l'équipage. Un malaise flottait, alors que les poneys se demandaient ce que tramait leur ennemi. Les Êtres Chaotiques n'étaient pas connu pour disparaître sans faire de dégâts.

La vie reprit lentement son cours. Les poneys tapaient frénétiquement sur les claviers, analysant chaque centimètre cube de l'espace qui les environnait. La tension ne s'était pas dissipée, au contraire, elle était plus forte que jamais. La terreur et l'imprévisibilité étaient les deux principaux atouts avec lesquels les Draconequus aimaient jouer le plus, avant même leur technologie impossible. Malgré le désastre de la Mer de Caspar et les avancées qui en avaient découlé, ces créatures, leurs motivations et leur civilisation restaient dans un flou angoissant. Quelques armes avaient été créés contre eux, mais leur coût ainsi que la rareté des pirates chaotiques empêchaient leur installation d'office sur les vaisseaux militaires, même aussi importants que le Casparus.

Ils étaient donc solitaires, désarmés contre un ennemi dont il ne connaissaient que le potentiel de destruction. Une boule se forma dans l'estomac de Minty quand elle fit ce rapide calcul.

-Ça va ma grande ?

La jument sursauta presque, surprise de se retrouver à côté de l'endroit où Jumper pilotait le vaisseau. Elle ne se rappelait même pas d'être venue là.

-Je... Je crois...

-T'as le droit de dire « non », aussi.

-Je suis médecin. J'ai pas le droit de dire « non » en situation de combat.

-Ça tombe bien, on est plus en situation de combat.

-Ils peuvent revenir à tout moment.

-Non, Minty. Ils vont revenir à un moment. Ça sert à rien de se mordre les sabots à se demander quand.

Il lui donna un petit coup de coude dans les côtes, affichant son plus large sourire :

-Et puis, c'est pas comme si on avait le meilleur pilote du coin.

Minty soupira, roula des yeux, et rétorqua ;

-T'es le seul pilote du coin...

-Ça change rien.

-Tu ferais mieux de te concentrer sur tes consoles.

-Oui maman.

Jumper se tourna alors à nouveau vers ses écrans, sans pour autant se départir de son grand sourire. Minty resta un instant à l'observer, puis lui donna une tape à l'arrière de la tête.

-Aïeuh ! Et celle-là, elle était pour quoi ?

-Comment tu fais pour être aussi...

-Beau ? Sexy ? Charmant ?

-Désinvolte. Tu n'as pas peur ?

Jumper eut une moue pensive pendant quelques secondes, puis haussa les épaules.

-Si. Je suis mort de trouille. Et c'est là que je suis le meilleur.

-Hein ?

-Y'a pas de mérite à rester en vie si on n'est pas en danger.

-Et c'est comme ça, soupira la jument, que je me retrouve devant des cadavres de soldats qui ont voulu avoir trop de « mérite ».

-Minty, si tu voulais pas te retrouver à rafistoler des têtes brûlées, fallait aller dans le civil.

-Et laissez un irresponsable comme toi sans surveillance ? Ça serait une grave faute professionnelle.

-Alors continue de veiller sur moi et te préoccupe pas du reste. On va s'en sortir.

-Tout le monde à son poste ! tonna la voix du commandant dans les haut-parleurs. On saute dès que possible. Jumper, continuez de vous éloigner de la zone d'apparition de ces monstres !

-Compris. A fond !

Il poussa une manette, et Minty se détourna de lui pour revenir vers l'arrière du pont. La tension était toujours présente dans le vaisseau, cependant la ponette la ressentait un peu moins. L'assurance du pilote était irritante, mais il avait au moins réussi à éloigner la licorne de la peur qui montait en elle.

Elle se retourna une dernière fois vers le cockpit, et ses oreilles s'affaissèrent quand elle vit le vaisseau Draconequus réapparaître, trop près pour l'éviter. Jumper hurla un juron, et bascula ses manettes violemment sur le côté, entraînant la rotation du Casparus plus rapidement que les compensateurs d'inertie ne pouvaient le supporter. Minty fut projetée sur un panneau de commande, et le choc lui vida les poumons alors qu'une douleur cuisante explosa dans ses côtes.

Le vaisseau poney réussit tout juste à éviter le choc frontal. Malheureusement les deux coques étaient trop proches et frottèrent entre elles, déchirant une partie du blindage du fragile bâtiment furtif, qui partit en vrille dans le vide spatial. Sur le pont de commandement, les poneys tentaient autant qu'ils le pouvaient de se raccrocher à quelque chose. Mue par son instinct, Minty avait agrippé le tableau de commande, et refusait de le lâcher. Les alarmes se mirent à hurler dans les haut-parleurs, et les poneys devant leurs consoles criaient les rapports d'avarie au commandant, qui luttait pour rester sur sa passerelle.

-Garry ! hurla-t-il. On en est où du saut ?

-Soixante-dix pour cent, commandant, déclara la voix du griffon. Encore quelques minutes.

-Accélérez le mouvement !

-Impossible, commandant. On est coincés dans la salle de contrôle moteur, on a pas accès aux distributeurs.

-Comment ça, « coincés » ?

-Désolé, commandant, mais le pont machines est touché. On est dans la seule salle encore sous pression. Ah ! Et on a pas de combis.

Battle Law resta un moment interdit.

-Restez sur place, j'envoie quelqu'un.

-Vous faites pas chier, commandant. On se débrouille. Garry terminé.

La voix du mécanicien fit alors place aux sirènes, et le vieux pégase hurla un juron, avant de lever les yeux sur Minty qui se relevait difficilement, une patte sur la côte endolorie mais heureusement pas cassée.

-Docteur, retournez à votre poste ! On va avoir besoin de vos services !

Minty hocha la tête, puis se précipita vers les escaliers qui menaient au pont de l'équipage. Elle croisa les soldats du vaisseau, en tenue de combat et armes au sabot, aux postes clés du pont. Elle passa la porte qui se ferma derrière elle, et se précipita sur les commandes de l'alarme, pour couper les sirènes stridentes qui lui vrillaient les oreilles. Ensuite, elle ouvrit ses placards, et sortit le nécessaire pour traiter des contusions et refermer des plaies ouvertes, les blessures les plus fréquentes dans un combat spatial avec un vaisseau de cet envergure.

Une nouvelle secousse la jeta à terre, renversant les médicaments qu'elle transportait à ce moment, et elle entendit des claquements venir de la porte de l'infirmerie. Elle se retourna les yeux écarquillés, pour voir que des lumières rouges s'étaient allumées tout autour de l'ouverture désormais scellée.

La sécurité anti-dépressurisation. Sa première pensée fut de se demander pourquoi elle s'était enclenchée. Puis elle y répondit toute seule. Elle secoua la tête, refusant cette possibilité, mais se leva, les pattes tremblantes devant ce qu'elle savait qu'elle verrait. Et elle regarda par la baie vitrée de la pièce.

Une énorme balafre s'ouvrait dans le plancher du pont. Et, partout dans la cursive, des objets flottaient paresseusement, comme si toute l'agitation qui avait lieu dans le reste du vaisseau ne les atteignait plus à présent. Un silence de mort régnait, alors que les alarmes du couloir gémissaient inutilement, privées d'oxygène pour porter leur message.

Puis un corps passa, poussant doucement une chaise. Minty posa un sabot sur sa bouche, contrant une nausée subite devant le cadavre au visage émacié et gelé de l'infortuné. La pire et pourtant la plus commune des fins sur un vaisseau spatial, une à laquelle il était dur de s'habituer. Au moins il n'avait pas eu le temps de souffrir. Et elle était toujours en vie.

La première règle des médecins de combat. Rester en vie coûte que coûte, peu importait le reste. Si un soigneur risquait sa vie, il risquait celle de tous ceux qui auraient besoin de lui dans le futur. Alors elle était en vie, et s'accrochait à cette idée.

Mais elle était désormais complètement inutile, bloquée ici. A moins que...

Minty s'élança vers son bureau, et ouvrit le casier qui s'y trouvait. A l'intérieur, elle trouva une combinaison intégrale blanche, ainsi qu'un casque doté d'une large visière. Dans le silence uniquement entrecoupé des froissements de ses poils contre la matière souple, elle enfila sa tenue, serrée mais suffisamment flexible pour lui permettre de se mouvoir sans problème, et activa les systèmes grâce au boîtier de commande sur sa patte avant gauche. Un check-up complet s'afficha sur son affichage tête haute, et un doux ronronnement enfla dans son dos. Tous les voyants étaient au vert, et les réserves d'oxygène étaient à leur maximum. Encore une bonne nouvelle. Si ça continuait, ils allaient peut-être s'en sortir.

Un nouveau tremblement mit fin à ses espoirs. Les pattes écartées pour se stabiliser, elle accusa le choc, et une fois l'attaque passée, elle tapota frénétiquement le clavier pour ouvrir la radio. Immédiatement, les hurlements des ordres et des rapports emplirent son casque, et elle dût continuer à jouer pour isoler les canaux importants. Enfin, elle parvint à se brancher sur celui du commandant Battle Law.

Et seule la friture lui répondit.

-Commandant ?

L'angoisse monta en elle, lui bloquant la gorge. Elle répéta l'appel :

-Commandant !

Sentant la panique monter en elle, elle changea de canal pour se brancher sur celui du second Order. La voix dure de la jument hurla alors à ses oreilles, et Minty ne put s'empêcher de pousser un soupir de soulagement, qui fut entendu.

-Qui utilise le canal privé ? Je n'ai pas le temps de...

-Docteur Hooves, s'identifia rapidement Minty. Je suis à l'infirmerie...

-Vous êtes en vie ! Que les Princesses soient bénies ! Les rapports indiquent que le pont de l'équipage est touché.

-Je sais, je le vois. Je d...

-Une seconde.

Le canal se coupa quelques secondes, puis la voix de Order revint :

-Le commandant est tombé au combat, j'ai pris le commandement.

-J'ai... J'ai cru comprendre. Je demande l'autorisation de vous rejoindre.

-Négatif. Le PC a été touché et est dépressurisé lui aussi. Je m'en suis sortie parce que j'étais dans l'ascenseur à ce moment, et j'y suis toujours.

-Le pont...

Minty déglutit difficilement.

-Alors nous avons perdu le pilote aussi ?

-Demandez-lui.

La radio grésilla un moment, et la voix de Jumper lança :

-Ouais ? Order ?

Minty ne put s'empêcher de lancer un immense soupir, et s'adossa au mur dans son soulagement.

-Hey, qui est en train de... C'est pas le moment les gars ! Et pas sur mon canal, bande de dégueulasses !

-C'est le Docteur Hooves, Jumper.

-Oh, Minty ? Je te savais pas comme ça.

-Situation, Jumper ? l'interrompit le second.

-Comme mon cul après avoir mangé mexicoltien. Les réacteurs sont foutus, le générateur de saut répond plus, j'ai à peine le contrôle des propulseurs d'orientation. Au mieux je peux nous pousser dans une direction, ensuite c'est l'inertie pour le reste. Et pour longtemps.

-Et pour vous ?

-Je suis coincé dans une boîte de conserve de deux mètres carrés d'espace vivable depuis que les mesures d'urgences ont isolé le cockpit, je me suis cogné le front au point que j'en pisse le sang et j'ai pas de jument sur les genoux pour faire passer le temps. Et j'aime pas la couleur de la combi qu'on m'a installée ici.

-Et les Draconequus ?

-Pas en visu, mais les volets blindés sont refermés donc ça compte pas.

Soudain, un nouveau choc ébranla le vaisseau.

-Et je parie une soirée chez un spa L&A qu'ils sont toujours dans le coin, et qu'i...

Soudain, la transmission fut coupée, et il n'y eut plus aucun signal. Même pas de la friture, juste le silence. Minty leva les yeux vers son affichage tête haute. Pourtant, rien ne semblait perturber le signal, et le niveau sonore continuait de fonctionner comme si les autres parlaient.

Inquiète, isolée avec pour seul son audible sa respiration dans le casque, Minty se dirigea vers la baie vitrée de l'infirmerie. A l'extérieur, rien sinon le même spectacle désolant de mort et de vide. La lumière rouge de l'alarme continuait de tourner, seul témoin visible de l'urgence de la situation, car hormis cela rien ne bougeait. Pas de mouvement hormis l'ATH de son casque, pas de son hormis sa propre respiration, pas d'odeur autre que la naphtaline et le tissu peu aéré de sa combinaison.

Elle tourna la tête autours d'elle, et, soudain, elle se sentit très seule. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qui brouillait son signal, encore moins si on l'entendait. Elle lança un appel :

-Second Order ? Jumper ?

Aucune réponse, et les niveaux sonores continuaient à bouger en dépit de la logique.

-Je ne sais pas ce qui arrive, mais je n'entend plus rien. A priori tout fonctionne mais... Vous me recevez ?

Elle attendit une seconde, puis se pinça les lèvres.

-Laissez tomber, question idiote.

Elle laissa passer une minute, puis pris une grande inspiration. Elle se dirigea vers son kit de premiers secours, qu'elle ferma hermétiquement et accrocha à l'endroit prévu de sa combinaison, et revint vers le sas blindé toujours verrouillé.

-Je tente une sortie. J'ouvre le sas de l'infirmerie.

Elle jeta un dernier coup d’œil à son niveau d'oxygène, qui n'avait pas baissé car elle était encore en zone respirable, puis composa une combinaison de touches sur le clavier de la porte. Dans les haut-parleurs, elle pouvait entendre une voix robotique étouffée lancer : « annulation du différentiel de pression intérieur-extérieur ». Elle sentit sa combinaison se décoller légèrement de ses poils à mesure que la différence de pression attirait l'air vers l'extérieur, mais heureusement il n'y avait aucune déchirure. Enfin, les lumières encerclant le sas devinrent vertes. Après une nouvelle combinaison de touche, elle désactiva le simulateur de gravité, et se retint à la rambarde prévue pour éviter de s'envoler, comme le faisait actuellement tout son matériel. Enfin, elle ouvrit la porte.

Elle passa la tête à l'extérieur. Les voyants lui indiquait qu'elle était dans le vide, et déjà son niveau d'oxygène commençait à baisser. Elle s’obligea à respirer doucement, et s'élança sur le pont, doucement, et visant un point facile à accrocher. Elle n'avait pas de propulseurs, et le moindre écart pouvait signifier son errance à jamais dans l'espace. Malgré tout, elle restait d'un calme olympien. La combinaison la plongeait dans un état second. Dans l'espace, la moindre erreur pouvait signifier votre mort, mais c'était en connaissance de cause qu'elle y plongeait. Et la panique signifiait une baisse rapide de l'oxygène, et donc une mort certaine. L'un dans l'autre, valait mieux garder son calme et rester concentrée.

Son bond ralenti l'amena au plafond, et à la lampe qui s'y trouvait. Elle agrippa ce point d'ancrage et regarda en bas. Elle voyait la fissure créée par les armes draconequus, traversant tous les étages et donnant sur le vide spatial. Il n'y avait rien, que des étoiles de toute façon trop éloignées pour être dangereuses ou salvatrices. Leur configuration ne bougeait pas, ce qui voulait dire que, quelle que soit leur vitesse actuelle, ils étaient relativement stables. Enfin, il allaient tout droit, quoi.

-Je vais voir s'il y a des survivants dans les cabines.

A peu près toutes les salles du vaisseau pouvaient être isolés, dans un cas pareil. Certaines étaient mieux équipées que d'autres : l'infirmerie, par exemple, ne manquait que de propulseurs pour être considérée comme un vaisseau à part entière, alors que les chambres n'offraient que de l'oxygène pour une journée, et une personne.

Elle arriva dans le couloir des cabines, pour les voir toutes ouvertes. Elle secoua négativement la tête, et avança parmi les vêtements gelés et flottants. Au moins, il n'y avait pas de cadavres. Personne ne se trouvait dans sa cabine pendant l'alerte. Poussée par elle ne savait quoi, elle alla à sa propre chambre. Elle en fit rapidement le tour des yeux, et vit sa chemise voletant paresseusement au milieu de la pièce, comme animée d'une vie propre. Celle qu'elle avait mise pour son dîner avec le commandant. Le souvenir de cette soirée lui fit fermer les yeux un instant. Ils avaient passé un bon moment à discuter de l'équipage, et de ses classes avec Jumper. Puis ils avaient changé de sujet pour parler de Démentia.

Dire qu'elle avait demandé cette affectation pour éviter un nouveau carnage. Fichus Draconequus.

De colère, elle frappa un lit, tout en se tenant à celui qui était en face pour ne pas valdinguer ou faire tourner le vaisseau. Dans l'espace, on apprenait vite que la troisième règle de la physique était particulièrement sensible dans le vide.

Mais ce n'était pas le moment de laisser sentiments ou souvenirs prendre le pas. Chercher des survivants, une zone sécurisée, envoyer un message de secours, même si cette dernière directive était sujet à débat. Le Casparus était toujours en territoire ennemi, et une balise de détresse Equestrien sur un vaisseau furtif avec ce contexte spatiopolitique pouvait mettre le feu aux poudres. Minty évitait d'y penser, mais il y avait de forte chance que Order ou même les autres choisissent de se laisser mourir ici plutôt que compromettre la moitié de la galaxie. Et c'était compréhensible.

Mais ces considérations viendraient après. D'abord les survivants, ensuite la zone sécurisée. Order se trouvait dans l'ascenseur, qui devait s'être coupé pour s'isoler, Jumper se trouvait dans le cockpit. Les ponts de commandement, de l'équipage et des machines étaient touchés, et d'après ce qu'elle en avait vu, tout le vaisseau avait été traversé. Hormis les parties modulaires du vaisseau, seul les quartiers du commandant étaient peut-être vivables.

Cependant, il y avait aussi Garry. Aux dernières nouvelles, il était encore en vie dans la salle du générateur de saut. Minty revint en arrière, jusqu'à la brèche au sol. Elle était vraiment large, ceux qui étaient dans les pièces touchées n'avait eu aucune chance de se mettre à l'abri avant que l'air ne se soit complètement échappé. Les bords de la crevasse avaient un aspect de métal fondu qui se serait figé -ce qui s'était plus ou moins passé- étrangement net. Au centre, il y avait la place pour laisser passer un poney, et elle ne risquait pas de déchirer sa combinaison.

-Je vais au niveau des machines voir si Garry a survécu. Je passe par la brèche formée par les armes ennemies.

Posant ses deux sabots avant de chaque côté de l'ouverture, elle s'élança, manœuvrant au milieu du bazar de câbles et de poutrelles brisées de l'entrepont, veillant à ce que rien de tranchant ne soit sur sa route ou en train de virevolter vers elle. Il y avait une raison pour laquelle les pirates utilisaient encore des objets aussi archaïques que des sabres ou des couteaux.

Enfin, elle arriva au pont des machines, qui était dans un encore plus mauvais état que les quartiers de l'équipage, la faute aux nombreux appareils qui avaient explosés lors de la surcharge engendrée par le tir ennemi. Et il était plus peuplé aussi. Suspendue au plafond, Minty lutta contre la bile qui commençait à lui remonter de l'estomac. En tant que médecin de combat, elle avait été conditionnée à ne pas se laisser perturber par la mort ou par les blessures horribles générées par les armes des différentes races, mais s'il y avait une chose à laquelle elle ne pouvait pas se faire, c'était les massacres unilatéraux. Avoir une salle pleine de blessés hurlants, sentant le sang et la morphine, remplie de médecins cherchant frénétiquement à sauver des vies, c'était supportable. Avoir la même salle pleine de cadavres et être dans l'impossibilité d'agir était beaucoup plus dur quand on avait juré devant le monde qu'on les sauverait.

« Personne, je dis bien personne, n'est autorisé à mourir sous mon commandement ». Si Minty était cynique, elle dirait que Battle Law ne commandait plus.

Chassant ces pensées d'un mouvement de tête, elle commença à chercher autour d'elle. Elle trouva un sas fermé et verrouillé, celui du générateur. Elle consulta rapidement les écrans de contrôle, et vit avec soulagement qu'il y avait toujours une différence de pression. Au moins, le module était isolé, même si ça voulait dire qu'elle ne pouvait pas entrer. Sa radio toujours hors service, elle ouvrit un cache de son clavier de contrôle et en sortit un câble, qu'elle connecta à la console de la porte.

Après une petite manipulation, elle appela :

-Allo ? Garry ?

-Que... Qui est là ?

-C'est Minty ! Je suis à l'extérieur !

-Minty ? Oh, loué soit le grand Bec, vous êtes en vie. Mais qu'est-ce que vous faites là ?

-Mon communicateur ne fonctionne plus, alors je suis partie à la recherche de survivants.

-C'est le jammer des draconequus, soupira le griffon. Le commandant m'en a parlé. Encore une de leur merde au fonctionnement incompréhensible.

-Toutes les communications sont coupées ?

-Celles à distances, ouais. Vous êtes toute seule ?

-Oui. Et vous ? Vous êtes combien là-dedans ?

-Trois. Y'a Star et Grunt avec moi.

-Vous savez s'il y a d'autres survivants ? Je sais que le second Order est coincée dans l'ascenseur et que Jumper est dans le cockpit, mais...

-Des sections de la baie de chargement avaient été épargnées, mais on n'a reçu auc...

Soudain, un étrange bruit synthétique monta du micro, accompagné de cliquetis métalliques. Puis un poney hurla d'abord de terreur puis de souffrance, montant dans des aigüe à peine soutenable pour la jument. Puis il y eut un bruit d'explosion, dont Minty avait peur de deviner l'origine.

-PARS MINTY ! ILS SONT L...

Garry poussa un hurlement de souffrance, et Minty ressentit les vibrations de la porte contre laquelle le griffon devait être en train de cogner, implorant la pitié de son tortionnaire. La jument resta interdite, les yeux écarquillés, incapable du moindre geste alors qu'elle entendait les techniciens mourir dans une douleur atroce.

Puis à nouveau les bruits d'explosion, mais cette fois, le hurlement de Garry ne s'arrêta pas. Le griffon s'étrangla, et des sons de craquement trop familiers s'ajoutèrent à l'horreur auditif de la jument. Puis ce fut le silence.

L'horrible, le terrifiant silence. La respiration de Minty s'était accélérée, pompant son oxygène beaucoup trop vite, mais la jument n'arrivait pas à détacher ses yeux de la console du sas.

Ils étaient encore là. Et ils n'avaient pas fini leur travail.

-Minty ?

Surprise, la jument eut un mouvement de recul, ce qui eut pour effet de détacher le câble radio, et de l'envoyer virevolter au milieu du pont. Elle tenta de se raccrocher à ce qu'elle pouvait, et son salut lui vint sous la forme d'un câble flottant dans le vide, auquel elle s'agrippa comme si sa vie en dépendait.

Mais ce qui la perturbait, c'était que la voix qui l'avait appelée était celle de Garry. Il n'était pas mort ?

-Minty ?

La ponette poussa un cri. Sa radio s'était remise à fonctionner, et Garry continuait de lui parler.

Si c'était bien Garry. Minty n'était pas idiote et les hurlements de souffrance qui précédaient résonnaient encore à ses oreilles.

-Garry ?

-Minty ?

Inquiète, elle leva les yeux vers le sas derrière lequel se trouvait sûrement les Draconequus, et le corps en vie ou non du griffon.

-Est-ce que c'est vous, Garry ?

-Minty ?

-Qui êtes vous ?

-Minty ?

-Arrêtez avec cette voix !

Il y eut un silence de quelques secondes, puis, comme pour la narguer :

-Minty ?

-OUI, C'EST MOI, QU'EST-CE QUE VOUS ME VOULEZ ?

Le regard toujours rivé sur la porte, la ponette tentait tant bien que mal de maîtriser ses émotions. Sa réserve d'oxygène avait chuté, et il faudrait bientôt qu'elle songe à un moyen de la remplir, si tant est qu'elle le pouvait. Quels que soient les monstres qui étaient derrière cette porte, ils n'allaient sûrement pas la laisser s'en tirer.

-Minty ?

Au moment où l'appel retentissait encore une fois, le blindage du sas fut percé par quatre griffes au métal sombre, qui se retirèrent aussitôt, laissant l'air s'échapper. Bientôt, la pression serait équilibrée, et la porte s'ouvrirait.

Et Minty devrait être loin à ce moment-là.

Tirant sur le câble auquel elle s'était attachée, elle atteignit le sol éventré du pont, et s'engouffra dans l'ouverture. Elle progressa aussi vite que possible, ne lançant pas un regard derrière elle, maîtrisant sa respiration et ses efforts du mieux qu'elle pouvait pour éviter d'épuiser ses réserves tout en allant vite. Mais là encore, elle se devait de garder le contrôle, car devant elle, c'était le vide spatial.

Alors qu'elle atteignait l'extérieur de la coque du Casparus, elle se dit qu'elle n'avait pas choisi la meilleure échappatoire.

La frégate était immense vue d'ici, et semblait même plus grande que lorsqu'elle l'avait aperçue pour la première fois, dans le hangar du Milkytheus. La coque aussi noire que le vide intersidéral qui l'entourait la rendait difficile à distinguer de celui-ci. Elle s'accrocha au bord du gouffre, et sortit son corps de l'épave du fleuron de la flotte Equestrienne.

Autour d'elle flottaient des milliers de débris, de toutes tailles, allant d'un morceau de vis arraché au pan de coque dérivant en orbite de la seule masse présente à des milliards de kilomètres à la ronde. Minty devait cligner des yeux de nombreuses fois, car elle se trouvait sous le ventre de l'appareil, à l'envers par rapport à celui-ci, et son cerveau avait du mal à calculer leur position respective sans notion de haut et de bas. Puis, avec d'infinies précautions, elle se mit à avancer le long de l'ouverture béante créée, vers l'avant du vaisseau. Si elle en croyait les dernières paroles de Garry, il pouvait y avoir des survivants dans la baie de chargement, et si les Draconequus n'y étaient pas encore, il faudrait les tirer de là.

Et, dans une perspective plus égoïste, elle y trouverait de l'oxygène.

Manœuvrant entre poussée et flottement contrôlé, elle avança rapidement, en gardant un œil attentif sur les débris qui l'entouraient. Heureusement, la plupart étaient soit lents soit immobiles relativement au vaisseau, les rapides ayant été éjectés dans l'espace, et elle ne devait faire attention qu'à ne pas accrocher sa combinaison sur une arête tranchante.

Soudain, elle se figea. Loin devant elle, sur le nez du vaisseau, elle apercevait une forme qui se détachait du vide. Elle avait du mal à distinguer les détails, mais l'intrus n'était manifestement pas poney, ni même quoi que ce soit d'autre. Même à cette distance, elle voyait la difformité du monstre, chose obèse dans une combinaison intégrale et sombre.

-Minty ?

Ses oreilles s'affaissèrent quand l'appel fatidique résonna à nouveau dans son casque. Serrant la mâchoire, elle lui intima silencieusement de se la fermer, et s'engouffra à nouveau dans la brèche. Selon ses estimations, elle devait être arrivée à la baie. Après un nouveau passage par l'entrepont, sa tête émergea prudemment par l'ouverture.

Rien en vue, et la baie principale étaient plongée dans le même silence de mort que le reste de l'appareil. Des équipements divers et variés, des armes et des véhicules flottaient en apesanteur, percutant parfois les corps des marins en faction à ce moment-là.

Et soudain, elle entendit une voix résonner dans le hangar :

-A la pêche aux moules moules moules, je veux plus y'aller maman...

Alarmée, Minty plongea vers un véhicule se trouvant au-dessus d'elle pour se cacher sous son ventre, alors que dans son cerveau résonnaient mille questions concernant cette voix. Comment parvenait-il à parler dans le vide ? Pourquoi cette voix sonnait-elle si artificielle ? Les Draconequus étaient des machines ?

-Les gens de la ville ville ville se moquent de moi tout le temps...

-Raz !

-Quoi ?

-Mate ça !

-Minty ?

La voix dans la radio retentit à nouveau, et Minty ferma les yeux, s'agrippant plus fort encore au véhicule, espérant qu'on ne l'avait pas repéré à cause de cette foutue voix.

-Bah quoi ?

-Y'a une colorée qui se balade et qui entend ça. C'est la voix d'un de ses potes avec lequel le boss s'est amusé y'a quelques minutes, et apparemment elle l'a entendu clamser.

-Z'avez que ça à faire de martyriser des colorés pendant des heures ?

Un silence plana pendant quelques instants, puis le deuxième demanda :

-Dis, tu serais pas un peu discordant sur les bords ?

-Hein ? Moi ? Non ! Sûrement pas !

-T'es discordant.

-Non ! Je...

L'air chauffa d'un coup, et la pièce s'illumina dans une flash bref mais aveuglant.

-Le patron aime pas les discordants.

Minty déglutit. Elle ne comprenait pas tout ce qui se passait, mais elle savait que si elle survivait et parvenait ne serait-ce qu'à rapporter cette discussion, les Equestriens feraient un bond de géant dans la lutte contre ces êtres mystiques.

Encore fallait-il qu'elle rentre un jour.

Elle leva la tête vers la brèche au sol, et d'une légère impulsion y plongea, restant toujours hors de vue des monstres. Elle retourna à l'extérieur du vaisseau, et une rapide inspection lui indiqua qu'aucun Draconequus n'était en vue. Cependant, son œil ne cessait d'être attiré par un détail à l'intérieur de son casque, sur son affichage tête haute.

Son niveau d'oxygène commençait à être dangereusement bas, et elle n'avait pas de moyen de le remplir pour le moment. Elle s'obligea à calmer sa respiration, et ralentit ses mouvements, tout en vérifiant ses options. Passer par la baie de chargement était impossible, passer par la salle des machines idem. Autrement dit, passer par l'énorme brèche dans le ventre du vaisseau lui était interdit. Par conséquent, il ne restait plus grand-chose d'autre à tenter que l'extérieur.

Une tâche dont elle se refusait à penser à la difficulté, car dans son souci d'être imperméable à toute forme de détection, le Casparus était très lisse et n'offrait aucune prise si les échelles n'étaient pas sorties. Et Minty avait du mal à voir qui aurait bien pu penser à les sortir.

Lentement, prise après prise, elle se lança dans son dangereux périple. Elle maîtrisait au maximum ses mouvements et sa respiration, évitant l'inutilité dans les deux cas, sans penser au vide sidéral et au silence oppressant uniquement rompu par sa respiration dont chaque occurrence raccourcissait sa durée de vie. Elle se prit à espérer silencieusement que les Draconequus ne se mettraient pas à « jouer » avec elle et l'horrible voix qu'elle ne parvenait même plus à associer au sage griffon, mais à l'image mentale de sa torture qu'elle s'en faisait, et aux créatures grotesques qui avaient réduit son équipage en poussière.

Enfin, elle atteignit le bord de la frégate, et passa du ventre au dos du vaisseau. Son cerveau souffrait déjà moins de l'inversion, et elle pouvait voir les différents étages et les hublots correspondants, ainsi que, tout en haut, le vitrage du cockpit derrière les volets blindés censés apporter un renfort de protection. Le poste de pilotage étant l'un des plus important du vaisseau, c'était l'un des plus protégé.

Et derrière se trouvait Jumper, s'il était encore en vie.

Au même niveau, celui du pont de commandement, devait se trouver le sas d'embarquement. Là, elle trouverait sûrement de l'oxygène, et pourrait aviser sur la suite. Elle repéra rapidement les prises qui s'offraient à elle, notamment des cratères d'impact de débris. Etrangement, le vaisseau était relativement en bon état, du moins le semblait-il. Il avait dû être touché par le dessous, et la puissance des armes ennemies avaient fait le reste en le transperçant entièrement. Bouclier, blindage, habilité du pilote, furtivité, tout cela réduit à néant par une race dont on ne savait rien. Minty n'arrivait même pas à voir leur vaisseau, qui ne s'était pas amarré à eux. Alors comment étaient-ils montés à bord ? Téléportation ? Par la force ? Cette dernière hypothèse était contredite par le fait qu'ils s'étaient infiltrés dans la salle du générateur de saut. Ou peut-être qu'ils étaient là depuis le début, et avaient donné leur position au vaisseau ?

Ils ne savaient rien des Draconequus. C'était effrayant. Et la peur était leur meilleure arme.

-Minty ?

Encore la voix. Le jument grinça des dents, fermant les yeux pour oublier le...

-Minty ?

-LA FERME !

-Quoi ? Il y a quelqu'un ?

Minty s'interrompit, surprise, lorsqu'elle reconnu la voix interloquée, mais toujours sévère, du second Order.

-Docteur Hooves, c'est vous ?

-Oui ! Oui c'est moi ! Vous allez bien ? Vous êtes où ?

-Oh, mes déesses, vous êtes encore en vie ! Je suis toujours dans l'ascenseur. J'ai cru que je vous avais perdue, les communications se sont coupées tout d'un coup.

-Oui. D'après Garry, c'était un brouilleur draconequus.

-Garry ? Garry est vivant ?

Le sourire de Minty disparut, et elle dit, la voix grave :

-Non. Les Draconequus ont abordé et ont pris la salle des machines.

Un silence suivit sa déclaration, avant que Order ne continue :

-Où êtes-vous ?

-J'ai fait une sortie pour trouver d'autres survivants.

-Vous en avez trouvé ?

-Pas pour le moment. Je me dirige vers le pont de commandement. Je vais refaire mes réserves d'oxygène dans le sas d'embarquement.

-Bonne idée. Et profitez-en pour voir s'il y a quelqu'un encore en vie là-bas.

-Vous n'avez pas de nouvelles de...

Prise d'un doute, Minty interrompit sa phrase.

-De ? Non, depuis que les communications sont coupées, je n'ai de nouvelles de personnes. Vous êtes la première.

-Mais pourquoi ?

-Pourquoi quoi ?

-Pourquoi arrive-t-on à se parler ?

Silence.

-Je ne sais pas. Ils sont peut-être partis ?

-En me laissant en vie ? Ils savent que je suis toujours là.

-Je... Je ne sais pas. Ils veulent peut-être faire pression sur nous.

-Peut-être. Je vais voir s'il y a des survivants au PC. Vous n'avez pas une idée de où je pourrais commencer ?

-Hum... Non, pas vraiment. C'était un peu la panique, je n'ai pas vu qui...

-Qui êtes-vous ?

Le cœur de Minty se serra quand elle prononça cette phrase, mais il n'y avait plus de doute. Qui que ce soit qui mimait la voix du second, il n'était pas au courant de la présence de Jumper. Et elle avait l'intention de faire en sorte que ça soit toujours le cas.

Mais cela voulait dire que le second était mort également.

-Mince, gaulé, continua pourtant la voix.

-Arrêtez de copier les gens que vous tuez !

-Roh, mais quel fun y aurait-il alors ?

La façon dont la créature avait prononcé le mot « fun » avait donné des frissons au médecin, comme si la signification de ce mot avait un tout autre sens que celui qu'elle lui connaissait.

-Minty ? fit la voix de Garry.

-Docteur Hooves ? fit celle de Strict Order.

-ARRÊTEZ !

Les deux voix se mirent à rire, à l'unisson, et se mêlèrent pour donner une voix hybride et dissonante qui mettaient Minty mal à l'aise.

-Ne vous énervez pas, voyons, Docteur Minty Hooves la Colorée. Vous allez gaspiller votre oxygène !

A ce moment, la porte du sas explosa, et Minty vit partir plusieurs projectiles de l'ouverture créée, dont elle en identifia un comme étant des bouteilles du précieux gaz. Elle les regarda s'éloigner dans l'espace, son cœur battant la chamade alors que sa dernière chance de survie disparaissait. Tremblante, elle eut du mal à garder sa prise, tandis que ses yeux allaient irrémédiablement vers l'indicateur qui avait depuis un moment viré au rouge, et commençait le long décompte vers l'épuisement de ses réserves.

Levant le regard vers le sas, elle vit les formes déstructurés d'une des créatures, qui lui fit un salut de la main, geste qui l'aurait mise en rage si la panique n'était pas en train de prendre possession de tous ses membres, et sortit un paquet de derrière elle, qu'elle lança sur la ponette. Le paquet approcha rapidement, et Minty eut envie de pleurer quand elle reconnut de quoi il s'agissait.

Elle se plaqua sur la coque du Casparus, et regarda passer le visage à peine reconnaissable du second Strict Order, ravagé par de violents coups et glacé par le vide spatial. L'envie de vomir lui reprit, mais ne parvenait pas à dépasser son conditionnement à l'utilisation de la combinaison spatiale.

Levant à nouveau les yeux, elle vit le monstre s'approcher d'elle, sautillant comme une pouliche sur une marelle, sans qu'aucun système d'amarrage ou autre ne semble l'empêcher de partir dans l'espace. Enfin, la créature, engoncé dans une combinaison de métal sombre, aux formes qui semblaient n'être qu'un agglomérat de partie de corps de différentes espèces, et au visage couvert par ce qui pouvait ressembler à un masque à gaz de l'air préspatiale, l'atteint, et se pencha sur elle comme un scientifique se pencherait sur un spécimen de laboratoire.

Puis il leva une patte ressemblant à une serre de griffon, et rassembla ses doigts.

Minty ferma les yeux.

Une claquement de doigt se fit entendre.

Minty rouvrit les yeux. Le Draconequus avait disparu, apparemment sans lui faire de mal. Elle tourna rapidement la tête de tous les côtés, et ne le vit pas. Enfin, elle soupira. Mais son repos fut de courte durée, car elle vit que ses réserves étaient presque à zéro.

Une grande lassitude s'empara d'elle. Elle n'y arriverait pas. On ne s'échappait pas d'une attaque de Draconequus. S'il l'avait laissée au moment de partir, c'est parce qu'elle n'avait plus d'oxygène en réserve. Elle allait mourir là, asphyxiée. Elle supposait qu'ils n'avait pas laissé de recharges nulle part, et de toute façon, elle n'aurait pas le temps d'aller les chercher.

C'était fichu. Elle s'était débattue du mieux qu'elle le pouvait, mais c'était terminé. Ces fichus monstres s'en tireraient, comme d'habitude, et ses rêves, ses envies, tout ça serait fini dans quelques minutes.

Au moins, elle ne souffrirait pas trop. Le taux d'oxygène diminuerait graduellement, son cerveau en manque se mettrait en veille, elle s'endormirait, et ne se sentirait pas partir.

Par contre, là où elle était, elle allait sûrement dériver dans l'espace pour toujours. Si possible, elle aurait aimé qu'on retrouve son corps, histoire d'avoir quelque chose à enterrer, à présenter à sa famille, et que ses dog tags dont elle était si fière servent un peu.

Puisant dans ses réserves, elle visa le sas ouvert, et s'élança, cette fois sans faire attention aux débris qui pouvait bien se mettre sur sa route. Mais, par chance, aucun ne lui barra le passage, et elle se fraya un chemin jusqu'à l'intérieur du vaisseau.

Sur le pont de commandement, c'était une hécatombe. Tous les poneys présents étaient morts. Parmi les corps flottant, elle vit, les sabots toujours collés à la rambarde de sa passerelle, le commandant Battle Law, figé à jamais dans sa lutte contre la dépressurisation. Elle reconnut même le soldat Wall, son premier patient à bord. Personne n'avait survécu.

D'un coup d’œil fatidique, elle se tourna vers le cockpit. Le sas était toujours fermé, mais les voyants étaient verts. Pas de différentiel de pression. Donc le vide à l'intérieur aussi.

Elle tenta de déglutir, mais une boule se forma dans sa gorge. Des larmes commençait à se former aux coins de ses yeux. Même lui. Des années de pilotage risqués et sans considération pour sa propre sécurité balayé par un seul vaisseau de ces foutus Draconequus de merde !

Elle progressa à travers le pont, vers la porte fermée. Quitte à mourir, autant faire une folie qu'elle ne se serait jamais permise dans sa vie. Autant envoyer se faire foutre la façon dont elle avait vécu sa vie jusque-là.

Quitte à mourir, autant le faire à ses côtés. C'est pas comme si elle pouvait encore l'engueuler, non ?

Elle avança la patte vers la console de commande, et composa le code pour l'ouvrir. La porte s'ouvrit en silence, et Minty se retrouva le museau contre le canon d'un pistolet.

Elle ouvrit des yeux aussi ronds que celui du pilote, également dans sa combinaison, qui leva prestement son arme pour éviter de tirer sur sa camarade. Ils se toisèrent un moment, chacun d'entre eux plus surpris que l'autre, moment pendant lequel le médecin nota la coulée de sang qui maculait la partie gauche du visage du pégase. Puis Jumper se leva de son siège et se jeta sur Minty, la serrant dans ses pattes tout en se retenant de partir en vrille en accrochant les prises avec ses ailes. La licorne n'essaya même pas de l'en empêcher, se blottissant au contraire contre lui, laissant ce contact lui réchauffer tout le corps. Mais, assez vite, l'étalon s'écarta d'elle, l'air inquiet, et lui fit signe pour lui demander son niveau d'oxygène. Après un rapide coup d’œil à ses niveaux, elle lui répondit. Jumper écarquilla les yeux, et tendit sa patte vers son propre propre paquetage dorsal pour en retirer l'une de ses bouteilles, et demanda à Minty de se retourner. Celle-ci s'exécuta sans broncher, et Jumper l'enclencha. Immédiatement, son niveau revint à un niveau plus élevé, un peu en dessous de la moitié, et elle prit une immense inspiration, désormais consciente de la suffocation qu'elle subissait depuis quelques minutes.

Puis elle se retourna, et Jumper lui fit quelques signes :

Otages ?

Minty haussa un sourcil, mais compris que par là, il demandait le nombre de survivants.

Zéro.

Ennemis ?

Inconnu. Zéros.

Alliés ?

Inconnus.

Jumper soupira, l'air désemparé, mais Minty lui fit quelques signes.

Patrouille. Communication Alliés. Chercher Air.

L'étalon eut un sourire en coin, et fit un salut militaire plus que douteux. Les deux partirent alors à travers le vaisseau, selon le plan de Minty. Ils se dirigèrent vers les consoles de communications, et tentèrent de trouver quelque chose en état de marche. Malheureusement, la seule qui semblait fonctionner était la balise de détresse à courte portée, ce qui, à l'endroit où ils se trouvaient, était soit inutile, soit dangereux.

Mais entre avoir une maigre chance et pas de chance du tout, elle avait choisi. Ils risquaient peut-être une guerre intergalactique, mais Minty avait perdu l'envie de se laisser abattre. Peu importait qui aurait ces informations et comment elles seraient traitées, elle raconterait ce qu'elle avait appris des Draconequus. Le Casparus avait été créé à cause d'eux, si sa chute pouvait aider à les vaincre, alors elle était prête à mettre leur mission en péril. Toutes les races avaient peur des démons de l'espace, toutes les races seraient prêtes à faire des efforts pour les abattre.

Malheureusement, après avoir enclenché la balise et s'être mis en quête d'une réserve d'oxygène intacte, ils s'étaient rapidement rendus à l'évidence : les monstres ne leur avaient rien laissé. Leur leader avait décidé de laisser Minty mourir d'asphyxie, et il s'y était employé avec zèle.

Ils étaient désormais dans l'infirmerie, dont ils avaient rétabli la gravité artificielle mais qui était toujours dépressurisée et privée d'air, dos à dos, leur réserves baissant doucement avec le temps et chacune de leur inspiration. Minty avait créé un enregistrement afin de raconter tout ce qu'elle avait vu et entendu, avec le plus de détail possible, ainsi que certaine de ses interprétations.

Mais, pour être honnête, elle avait bien envie de les raconter à haute voix, elle-même. Elle en avait assez du silence. Elle en avait marre de n'entendre que sa propre voix, son souffle, et le crissement de ses poils contre la combinaison. Non pas qu'elle voulait à nouveau les horribles voix de Garry et de Order, mais là, maintenant, et pour agaçant qu'il était, elle aurait bien voulu entendre l'autre idiot qui lui servait de dossier en ce moment.

Comme s'il l'avait entendu, Jumper déploya ses ailes, et les pressa contre les côtes de la jument. Celle-ci les caressa du bout des sabots, sentant les plumes sous la matière particulièrement flexible à cet endroit de sa combinaison.

L'oxygène était repassée dans le rouge. Elle s'était un peu montée à la tête quand elle avait reçu une part des réserves de Jumper, comme si ça aurait pu suffire à assurer leur survie. C'était idiot. Mais l'idée lui avait semblé tellement séduisante sur le moment, elle n'y avait pas trop réfléchie.

Ceci étant, c'était toujours mieux que de se laisser mourir comme un vieux sac avec un cadavre gelé dans les bras. Minty se leva, et contourna Jumper pour se placer devant lui, et se coucha de façon à se servir de ses pattes arrière comme oreiller. Là. C'était tout de suite plus confortable.

Jumper lui caressa la base de la nuque, lui tirant des frissons de bien-être. Elle commençait à comprendre ce que les innombrables conquêtes du pégase avaient dû ressentir, ainsi qu'à regretter de ne pas y avoir goûté quand l'occasion lui avait été offerte.

Mais elle n'en avait jamais eu l'envie. Ni avec lui, ni avec personne. Pas avant cette mission. Pas avant le Casparus. Avec rien d'autre que cette version du Jumper qu'elle avait connu à son entrée dans l'armée.

Elle avait du mal à respirer, mais la sensation dans sa nuque lui faisait oublier son funèbre destin. Définitivement, il n'y avait sûrement pas de meilleur façon de mourir. Elle ferma les yeux, se laissant porter par son bien-être et la douce torpeur qui lui embrumait le cerveau, jusqu'à ce que sa conscience bascule définitivement dans le monde onirique.

La lumière fut la première chose qui s'imposa à elle. Ensuite vint la douleur, ses yeux lui faisant comprendre qu'après autant de temps dans le noir, le choc était trop violent. L'odorat fut le troisième sens à lui revenir, une odeur de morphine mêlée à l'éther, ainsi que d'autres beaucoup plus dérangeantes. Sa bouche était sèche et mal réveillée, ce qui était d'ailleurs l'état global de son corps.

Puis ses oreilles lui renvoyèrent un son. Pas sa voix. Pas sa respiration. Pas le silence du vide. Pas les terribles appels des morts. Mais un souffle calme, tranquille, qui n'était pas le sien. Elle tourna lentement la tête vers l'origine de ce bruit, et vit sur le bord de son lit la tête d'un étalon bleu ciel à la crinière d'or, endormi.

Un détail titilla l'instinct du médecin, qui tendit une patte pour soulever une mèche du poney, et découvrir des points de suture qui refermait une blessure au niveau de son sourcil gauche. Elle fit une moue réprobatrice. Il allait en parler pour le restant de sa carrière, et même après sa retraite, si tant était qu'il survivait jusque-là.

Le contact sembla le réveiller, et il cligna plusieurs fois des yeux pour chasser les brumes du sommeil, puis il leva la tête vers Minty. Leurs regards se croisèrent un long moment, puis Jumper tendit son cou d'un bond pour plaquer ses lèvres contre celles de la licorne. Celle-ci accepta son baiser avec avidité, le prenant dans ses bras pour le rapprocher d'elle, l'obligeant à monter le haut de son corps sur le lit, alors que la ponette se laissait retomber sur son oreiller, redoublant de caresses et l'embrassant plus profondément. Le pégase ne put s'empêcher de réagir par quelques battements d'ailes réflexes, qui envoyèrent balader certaines fournitures médicales qui traînaient sur la table de chevet.

-Wowowow, on s'calme là-dedans !

Surpris, les deux survivants se tournèrent en même temps vers l'intrus qui les dérangeait, et Minty jurerais avoir vu une projection de bave disparaître dans les airs. Cependant, ce n'était pas ce qui accaparait son attention à ce moment-là.

Sur le pas de la porte se tenait un poney terrestre, au pelage gris recouvert d'une grande cape, dôté d'une longue crinière noire tirée en queue de cheval, une fine moustache et un bouc taillé, et des yeux rouges froncés, dont le droit était barré d'une cicatrice.

Et en travers de son torse, il portait un holster dans lequel trônait un gros revolver.

-Pas d'bécotage sur mon vaisseau sans l'autorisation du capitaine, et j'aimerais avoir des réponses avant.

Le poney fit quelques pas en avant, et d'autres sortirent de derrière lui, accompagnés par une odeur qui agressa immédiatement les naseaux de la jument. Leurs vêtements rapiécés, leurs armes attachés partout où ils avaient pu en caser, les cicatrices et leurs mines qui se voulaient impressionnantes...

Aucun doute permis, ils étaient sur un vaisseau de pirates.

-Donc, puisque vous v'nez d'vous réveiller, on va commencer par une question facile : qu'est-ce que des saloperies d'Equestriens foutent dans les Enclaves ?

Jumper ouvrit la bouche, mais le terrestre l'interrompit :

-J'vais commencer à répondre : « on était dans un vaisseau furtif là où on n'avait rien à foutre parce qu'on est des foutus espions et que notre mission c'était... »

Il désigna ensuite les deux rescapés.

-Et là, c'est le moment où vous continuez la phrase. Vous voyez ? Simple !

Les deux survivants échangèrent un regard, puis Minty pris la parole :

-Rien à voir avec les pirates. Nous...

-« Notre mission c'était rien à voir avec les pirates ». Hum. Non. Ça colle pas. Tröhor !

Le capitaine et ses compagnons s'écartèrent de l'entrée, et dans l'encadrure de la porte apparut une immense créature reptilienne, si grande que sa tête raclait le plafond, bipède, dont les muscles transparaissait sous sa peau écaillée. De sa grande gueule dépassaient des crocs à la longueur irrégulière, et ses petits yeux toisèrent les rescapés. Le capitaine continua :

-Maintenant, si vous voulez pas que mon copain saurien appelle ses copains sauriens pour les prévenir qu'des espions poneys s'trouvent dans leurs enclaves, 'va falloir parler.

Le poney continua de s'approcher :

-Non parce que j'hésite encore à savoir si j'vous vend aux écailleux, ou si j'vous rançonne. Et ça, ça dépend de c'que vous avez à dire.

-On a rien à dire, fit Jumper.

-Pas l'moment de faire l'héroïsme devant la donzelle, cowcolt. A moins que t'ai envie qu'elle finisse dans un harem à chef de guerre. Hey, Tröhor, tu m'rappelles comment ça s'finit généralement ?

Pour toute réponse, le Saurien frappa du poing dans sa paume ouverte, plusieurs fois. Un sourire satisfait sur les lèvres, le capitaine se tourna à nouveau vers les deux poneys :

-« Notre mission, c'était... »

-Juste de l'observation, répondit Minty. On vérifiait que Garöoukk ne présentait pas une menace.

-Ben voilà ! La demoiselle est réfléchie. Tu d'vrais prendre exemple, gamin, ça t'éviterais des problèmes.

Puis, continuant de s'avancer, il lui souleva la mèche.

-Quoiqu'vu ta gueule, les problèmes, ça a l'air d'être ta came. Et arrête de lorgner sur mon flingue, j'dégaine trop vite pour toi.

Jumper serra la mâchoire, et siffla :

-T'as vu ta gueule avant de parler, face de vamp' ?

Intrigué, le capitaine recula :

-Au moins t'as des couilles gamin. Pas d'cervelle, mais des couilles. Tu t’intégrerais bien.

-Pas encore assez con pour être pirate.

-Ça viendra. Bon, mes lapins, c'est quoi votre histoire et pourquoi j'devrais garder deux foutus Equestriens en vie à bord de mon navire ?

-On s'est fait attaquer par des Draconequus, déclara Minty.

Le silence tomba sur la pièce, et les pirates prirent des mines surprises. Les poneys reculèrent doucement, et le saurien tourna un visage inquiet vers son capitaine. Mais celui-ci affichait un regard dur.

-Tu t'fous de moi la cornue ? T'es en train d'me bombarder que des putains de Draconequus ont attaqué votre vaisseau, et qu'non seulement quelqu'un a survécu, mais en plus qu'vous êtes deux ?

-Pour être honnête, intervint Jumper, on serait mort si vous n'étiez pas passé dans le coin.

-Donc, fit Minty, merci. Je suppose.

-Mouais, doucement. Faut encore que je crois que des espions ont eu la connerie d'allumer une balise en plein territoire ennemi, et que deux clampins aient réussi à survivre à un abordage Draconequus, parce que la dernière fois que c'est arrivé, c'était pas deux sur un équipage, mais trois sur une putain de flotte. Et z'étiez pas nés pendant cette bataille.

-La Mer de Caspar. C'est de là d'où notre vaisseau tirait son nom, révéla Minty.

-Le Casparus, dit Jumper.

-Un chouette nom, commenta le capitaine. Le mien s'appelle le Blackhawk, enchanté.

-Si on a activé la balise, c'était pour qu'on puisse rentrer en vie, continua la jument.

-Bel esprit d'sacrifice. Ça vaut l'coup d'déclencher une guerre intersidérale.

-Il faut que ce qu'on a appris sur les Draconequus soit transmit, continua-t-elle. Ça dépasse la politique, la guerre, les Enclaves... Il faut que nous trouvions un moyen de battre ces choses !

-Pas faux.

Le capitaine prit une grande inspiration, réfléchit un instant, puis déclara :

-Racontez-moi votre histoire. Toute votre histoire. Si elle me plaît, j'trouverais un moyen d'vous échanger contre un paquet de fric et j'vous laisse sur un caillou à la frontière Equestrienne avec d'quoi becter. Si elle me plaît pas, c'est pareil, mais sur un astéroïde au pif et sans combi. Clair ?

Le poney se trouva une chaise et s'y affala.

-Allez-y.

Minty passa un bon moment à observer la chambre. Comme l'état du votel le laissait supposer, elle était complètement miteuse. Elle n'avait pas idée de la somme qu'avait reçue ce pirate pour les avoir ramenés, mais il aurait sûrement pu leur payer beaucoup mieux. Enfin, il était allé jusqu'à leur payer la nuit en attendant que les autorités les récupèrent, alors elle n'allait pas se plaindre.

Par contre, il n'avait loué qu'une seule chambre et elle commençait doucement à se sentir mal à l'aise. Le moment de pulsion qu'elle avait eu à sa sortie de l'inconscience, alors que ses pensées morbides ne s'étaient pas totalement dissipées, était passé, et elle avait désormais du mal à savoir sur quel pied danser avec Jumper. Celui-ci ne laissait rien paraître, mais elle le connaissait suffisamment pour savoir que c'était probablement aussi le cas chez lui. Pour preuve, il n'avait rien tenté depuis l'infirmerie des pirates, lui qui sautait sur la moindre occasion.

Et ils se retrouvaient dans un votel à la frontière Equestrienne, dans une chambre avec un lit double, où ils passeraient la nuit comme si le destin avait décidé de les mettre à l'épreuve. Et elle ne pouvait même pas en vouloir au pirate, vu que son premier contact avec eux avait été... Baveux.

Soudain, elle entendit un ricanement provenant de Jumper, qui se transforma rapidement en fou rire. Surprise, elle le regarda en coin, un sourcil levé, et poussa un petit cri surpris lorsqu'il plongea pour passer en dessous d'elle, et la soulever sur son dos. Puis il marcha d'un pas décidé vers le lit, déclarant :

-J'ai pas survécu aux entraînements, aux combats, à Law et à Order, au Casparus, aux Draconequus et aux pirates pour me retrouver comme un poulain devant sa première copine...

Arquant le dos, il la déposa sur le matelas grinçant.

-... alors que j'ai enfin trouvé celle qui va me griller ma réputation de bad boy pour passer dans la catégorie des glands amoureux.

Faisant une moue, Minty se redressa légèrement, appuyant sa joue contre son sabot.

-T'en fait un beau, de gland, tiens.

-Je sais. Même toi, tu ne peux pas résister à mes charmes.

La jument soutint son regard, une lueur de défi au fond des yeux.

-Tu sais quoi ? Je vais garder le lit pour moi et tu vas dormir sur le fauteuil.

Jumper s'approcha d'elle, si près qu'elle pouvait sentir son souffle sur son visage. Et elle commença à retrouver les sensations qu'elle avait ressenti à l'infirmerie.

-Même pas cap', chuchota-t-il.

Et, avant qu'elle ne puisse répondre, il l'embrassa, lui bloquant toute velléité de résistance par l'extase et le bien-être qu'elle ressentait par ce simple contact. Elle le prit dans ses bras, et l'attira à elle comme elle l'avait fait quelques heures plus tôt, l'obligeant à monter avec elle. Il redoubla de caresse, et quitta sa bouche pour l'embrasser le long de l'arête de sa mâchoire, et descendre sur son cou.

Dans un soupir de plaisir, Minty ne put s'empêcher de penser :

Non. Même pas cap'.

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Ashe23
Ashe23 : #6966
Y a une suite ou pas ?
Il y a 3 ans · Répondre

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