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Broken Ties (Les Liens Brisés)

Une fiction écrite par StephanCrowns.

PARTIE 2 : DISPARITIONS / Chapitre 5 : La peur d’autrui

« L'une… d'entre nous… est morte ? »

La jument jaune pâle évita du regard les six poneys face à elle. Twilight comprit à ce geste qu’elle avait bien entendu cela.

« Mais… qui est-ce ? demanda-t-elle.

— Malheureusement, je l'ignore », répondit Silicia.

Le regard anéanti de Rainbow Dash se transforma en un regard furieux. Elle s'avança vers la ponette, lui agrippa la lanière de son sac et la tira violemment vers elle, ce qui surprit cette dernière.

« Non mais ça va pas de nous dire des horreurs pareils ?! cria de rage la pégase.

— Rainbow Dash ! Calme-toi et lâche-la…

— Comment tu veux que je me calme, Applejack ?! coupa-t-elle. Cette… Cette garce débarque de nulle part, vient nous dire que l'une de nous a été tuée, et que son meurtrier se fait passer pour elle ! Tu crois vraiment que je vais la laisser dire ça ?!

— Rainbow Dash, arrête… fit la licorne mauve d'une voix basse.

— Je ne fais que vous dire la vérité, vous devez me croire ! dit Silicia alors que la pégase tirait plus fort sur la lanière.

— Ah ouais ? Dans ce cas, si vous voulez qu'on vous croie, donnez-nous juste une seule preuve de ce que vous dites !

— RAINBOW DASH, ARRÊTE !! »

La pégase à la crinière arc-en-ciel se tourna vers Twilight, qui venait de lui crier dessus. Cette dernière semblait gênée d'avoir hurlé comme ça, mais c'était la seule solution pour que tout le monde se calme et l'écoute.

« Je... Je pense qu'elle dit la vérité », dit-elle avec un ton faible.

Cette phrase provoqua des regards d'incompréhension venant de tous ses amies. Elle se chargea alors de leur expliquer :

« Quand j'ai utilisé mon sort de rappel, j'ai pu voir des images floues de ce qui s'était passé juste après l'explosion. On était au milieu des débris et on entourait... Un corps, inerte, et sans vie. J'ignore qui c'était, mais je sentais que c'était l’une de nous. Au début, comme je n'en avais pas saisi le sens, j'ignorais cette vision, mais ce que vient de dire Silicia ressemble beaucoup à ce que j'avais vu. »

Un long moment de silence s'installa. Rainbow Dash, fixant d'un œil noir la jument jaune pâle, lâcha alors son sac. Silicia regardait du même œil la pégase, mécontente d'avoir été agressée de la sorte. Puis, son attention se fit vers la ponette rose, dont les couleurs s'étaient assombries et sa crinière ébouriffée s'était légèrement raidie. Sa forte respiration, signe d’un malaise, se faisait facilement entendre de tous.

« Alors, c'est vrai ? sanglota-t-elle. Une de mes amies est morte ?

— Non attends, Pinkie, fit la licorne blanche. On ne sait pas si ça s'est vraiment passé. On ne peut pas le confirmer entièrement, n'est-ce pas ? N'est-ce-pas ? »

Elle termina sa phrase en se tournant vers Silicia. Cette dernière resta muette pendant un moment, prenant un temps de réflexion, puis déclara :

« Oui, il existe toujours une possibilité que ce soit autre chose. Mais cette théorie des faits reste de loin la plus possible, à mon avis.

— Euh, désolée de paraître malpolie envers vous, mais vous voulez qu'on croie à ce que vous nous dîtes, alors qu'on ignore tout de vous et de comment vous savez tout ça, lança Fluttershy d'une voix calme et sérieuse. Vous ne pensez pas que vous devriez nous expliquer des choses ?

— Fluttershy a raison, ajouta Twilight. Dites-nous ce que vous savez ! »

La ponette terrestre hésita longtemps et enfin, se décida à parler :

« Twilight Sparkle, quand je suis venue vous parler il y a deux jours, je ne vous ai pas dit toute la vérité. Je ne suis pas venue simplement à Ponyville pour visiter, mais aussi pour vous rencontrer, en personne.

— Pourquoi moi ? demanda la licorne mauve.

— En fait, je devais vous voir en tant que membre du C.R.M.E.

— Le quoi ? Demanda AJ.

— Le C.R.M.E. : Centre de Recherche en Magie d'Equestria, expliqua Twilight. J'en avais entendu parler à l'École de Magie de Canterlot. Ce centre installé à Manehattan a pour principal objectif d'étudier les caractéristiques de la magie pour innover et améliorer nos conditions de vie.

— Attendez un peu, interrompit Rainbow Dash en s'adressant à Silicia. Vous nous dîtes que vous étudiez la magie, mais c’est absurde ! Vous êtes un poney terrestre, vous ne pouvez pas pratiquer la magie. »

La jument jaune pâle grinça des dents : elle ne supportait pas qu'on lui évoque cela. Son sang ne faisait qu'un tour. Twilight, qui remarqua son comportement brutal, cria sur la pégase cyan :

« Voyons, Rainbow Dash ! On peut très bien étudier la magie sans même savoir en pratiquer ! Excusez-la, Silicia. Elle peut être idiote, des fois...

— Ce n'est rien, ce n'est rien... répliqua la ponette ayant repris son calme. Je fais donc partie du C.R.M.E. et je travaillais sur un des projets du centre. Cependant, pour le réaliser, j'avais besoin d'une puissante magie. Et comme je ne pouvais pas demander l'aide aux princesses, on m'a alors parlé de vous et de vos exploits. De plus, j'ai appris que vous étiez l'élève personnelle de la princesse solaire et que vous aviez un très haut niveau de magie. Je suis donc partie pour Ponyville, il y a cinq jours, pour vous rencontrer et vous demander votre aide dans la participation de ce projet. Ne vous trouvant pas à votre domicile, on m'a dit que vous étiez à une fête avec vos amies dans la pâtisserie du coin. J'ignorais encore ce qui allait arriver juste après.

Quand j'y suis allée, j'ai vu une étrange agitation : de nombreux poneys sortaient de la pâtisserie en galopant et en se bousculant. J'ai voulu voir alors ce qui se passait. Soudain, une énorme lumière orange a surgi du magasin et juste après, d'énormes flammes ont absorbé le bâtiment de l'intérieur. Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, l'onde de choc de l'explosion m’a propulsée en arrière et j’ai perdu connaissance en me cognant violemment la tête au sol. »

À ces mots, elle souleva sa crinière pour montrer une balafre sur le côté droit de son front, avant de reprendre.

« Je me suis réveillée quelques minutes après. Prenant peu à peu conscience de ce qui venait d'arriver, j'ai tenté de voir s'il y avait eu des blessés. J'ai vu alors, dans ce qui restait de la boutique, cinq silhouettes au côté d'une autre, sans vie. Le coup sur la tête avait perturbé mes sens et les nuages de cendres environnantes m'empêchaient de distinguer ces silhouettes. Puis les secours sont arrivés et ont voulu m'emmener en lieu sûr. J'ai tenté de les prévenir qu'il restait encore des poneys, mais quand je me suis retournée vers les ruines, les silhouettes s’étaient évaporées.

« Trois jours se sont écoulés depuis. Vous, Twilight, n'étiez toujours pas revenue chez vous, ainsi que vos amies. Vos proches vous cherchaient, demandaient aux villageois leur aide, mais aucun poney ne savait où vous pouviez être : vous aviez tout simplement disparu. Moi, j'ai compris que les silhouettes que j'avais aperçues, ainsi que le corps inerte, n'étaient autres que vous six . Mais je ne comprenais pas pourquoi vous ne donniez aucune trace de vie depuis ce jour-là. Alors, j'ai décidé d'enquêter. Je suis revenue sur les restes du Sugarcube Corner pour trouver des indices de où vous étiez parties et c'est comme ça que j'ai trouvé cette allumette ainsi que les traces d'essence. J'en ai déduit alors que cette explosion n'était pas accidentelle mais volontaire. Comme je n'étais pas autorisée à pénétrer dans ce périmètre, un des ouvriers de bâtiment m'a demandé de sortir.

« C‘est alors que je vous ai vues, toutes les six, en vie et sans séquelles. Je ne comprenais pas, j'étais persuadée d'avoir vu un poney mort ce jour-là. Mais ce que je ne comprenais surtout pas, c'était vos visages d'horreur en découvrant ce qu'il restait de la boutique, alors que vous étiez censées être au courant. C'est pour cela que je suis venue vous voir ce jour-là. Malgré le peu d'échanges que l'on ait eu, j'ai pu deviner que vous n'aviez aucun souvenir de votre mésaventure.

— Mais dans ce cas, pourquoi ne m’en avez-vous pas informé à ce moment-là ? demanda Twilight.

— Parce que vous étiez pressée et puis, je n'ai rien raconté par méfiance.

— Que voulez-vous dire par là ? s'interrogea Rarity.

— Cela ne vous semble pas bizarre ? Une attaque maquillée en accident survient et vous six disparaissez en même temps. Puis vous réapparaissez indemnes et amnésiques trois jours plus tard et une autre attaque similaire a lieu après. On peut supposer que vous étiez la cible de la première attaque suite à votre disparition, mais il paraît étrange que le responsable ait attaqué la mairie au lieu de l'hôpital où vous vous trouviez. C'est parce qu'en fait, il vous a attiré dans un piège car il savait que vous seriez allées là-bas. On ignore complètement l’identité du responsable de ce désastre, mais de ce fait, on peut déduire que le coupable vous connaît très bien et est donc proche de vous six. Mais en ajoutant le fait que l'une de vous n'est plus de ce monde et qu'il est impossible de ramener des morts à la vie, on peut en venir à la déduction qu'une d'entre vous est le meurtrier qui se fait passer pour la défunte.

— C'est complètement tordu comme histoire ! lança Rainbow Dash.

— “Tordu” mais pas impossible. En tout cas, il a engendré une nouvelle attaque et il ne compte pas s'en arrêter à là !

— Qu'est-ce qu'on doit faire ? demanda Twilight.

— Vous devez le démasquer. Mais soyez prudentes :

« Il doit être très puissant pour n'avoir attiré aucun soupçon jusque-là.

« Ne dites à aucun poney votre secret au risque de les mettre en danger.

« Ne faites confiance à personne.

« Ne vous fiez plus aux événements passés, présents et futurs.

« Et surtout, méfiez-vous de vous. »

Le silence prit place à nouveau tandis que le ciel se couvrit de plus en plus. Les six amies se regardèrent d'inquiétude, mais également de frayeur, de méfiance, de doute. Tous ressentirent alors quelque chose qu'elles n'avaient jamais ressenti entre elles jusqu’à maintenant : la peur d’autrui. Suis-je face à mon amie ou face à son meurtrier ? Est-elle celle que j'ai toujours connue ou celui qui a tout détruit ? Qui est morte et lesquelles sont mes amies ? Toutes ces questions circulaient en boucle dans leurs têtes et torturaient leurs esprits.

La jument jaune pâle tourna le dos au groupe et commença à partir jusqu’à que la pégase la remarque et l’arrête :

« Eh, vous allez où comme ça ? lança-t-elle.

— Je vous ai dit tout ce que je savais, répondit Silicia. Maintenant, je vous laisse vous débrouiller seules. Moi, je quitte la ville.

— ‘ttendez, vous pouvez pas nous laisser tomber comme ça ! fit Applejack. On a b’soin d’vous…

— C’est votre problème ! J’ai vu des choses que je n’aurais pas dû voir, je me suis exposée au potentiel meurtrier et maintenant ma vie est menacée. Je suis désolée de ne pouvoir rien faire de plus pour vous aider, mais je tiens avant tout à ma vie.

— Non mais vous êtes gonflée de nous dire ça…

— Laisse-la partir, Dashie.

— Mais, Twilight…

— Silicia a raison. Cette affaire est notre affaire, elle n’a pas à se mettre en danger à cause de nous, dit Twilight avant de se tourner vers la jument. Merci pour ce que vous avez pu faire pour nous.

— Ne me remerciez pas, répondit Silicia. Faites juste en sorte que les événements ne s’aggravent pas. »

Ainsi, elle s’en alla de la mairie délabrée et des six poneys. Alors que Twilight regardait la jument partir au loin, son attention se tourna de nouveau vers Pinkie Pie, sanglotant une nouvelle fois et tremblant de peur au sol.

« Pinkie, reprends-toi, s’il te plaît, demanda Fluttershy.

— Comment… Comment une chose aussi horrible a-t-elle pu nous arriver ? sanglota-t-elle.

— Allons, Pinkie… dit-elle en posant son sabot sur l’épaule du poney rose. Mais celle-ci la repoussa violemment de la patte en criant :

— NE ME TOUCHE PAS !! »

Sur le coup, ses amies furent choquées par sa réaction inattendue. Pinkie haletait fortement tout en défigurant chacune d’un regard effrayé. Elle se rendit compte peu à peu de ce qu’elle venait de faire et alors, ses yeux menaçants s’affaiblirent pour laisser place encore une fois à des yeux humides et désespérés.

« Excusez-moi, je voulais pas réagir comme ça, dit-elle avec une voix nouée. J’ai juste peur d’avoir à mes côtés le meurtrier et pas mon amie…

— Pinkie, écoute-moi ! Lança Rarity d’un ton sérieux, tenant la jument rose par les épaules qui frissonna à son contact. Tu dois arrêter de penser à ça, tu ne te fais que du mal. Nous n’avons jamais vu cet individu, il n’existe peut-être même pas. Jusqu’à présent, nous avons survécu sans savoir cette terrible circonstance, nous pouvons toujours le faire. Après tout, nous sommes amies ? »

La licorne blanche tendit son sabot vers Pinkie dans l’idée de la relever. La ponette terrestre leva la tête vers le bras tendu de sa camarade, puis vers son visage en la regardant de ses iris rose bonbon et trempés.

« Tu… Tu n’as pas peur de moi ? renifla-t-elle. Tu n’as pas peur que je sois l’imposteur ?

— Si, bien sûr que j’ai peur. Mais je dois quand même rester forte face à cela, sinon le méchant nous aura vaincues ainsi qu’Equestria. Alors tu dois être forte, nous devons toutes l’être. Pas vrai, les filles ?

— Oui ! répondirent en chœur les quatre autres.

— Allez, ne pleurniche plus comme ça, Pinkie, dit Rainbow Dash d’un air espiègle. C’est pas digne de notre Élément du Rire ! »

Cette taquinerie, ainsi que l’ensemble des regards affectueux vers la ponette rose, la fit sourire. Tandis qu’elle fut aidée par être relever par ses compagnons, la protégée de la princesse solaire était préoccupée en regardant cette scène. Ces expressions de joie, de compassion, donnaient impression de ne rien cacher.

« Comment derrière tous ces visages amicaux peut se cacher un monstre, se disait-elle dans un sentiment de mal-être. Silicia a raison, notre nouvel ennemi est bien plus fort que ce qu’on a connu… si celui-ci existe bel et bien.

— Et maintenant, Twilight, qu’est-ce qu’on fait ? » demanda Applejack à la licorne mauve, la sortant de ses pensées.

Elle réfléchit pendant un moment puis déclara :

« Pour l’instant, nous n’allons rien faire.

— Euh, tu es vraiment sûre ? dit la pégase jaune.

— On a tous eu assez d’émotions après l’incendie et cette nouvelle. Je pense qu’il est mieux qu’on en reste là pour le moment. Vous pouvez tous retourner chez vous et faire vos occupations habituelles. Pendant ce temps, je vais essayer de trouver une solution à notre problème et si j’en trouve une plausible, je vous préviendrai, d’accord ?

— D’accord ! répondirent toutes en hochant la tête.

— Une dernière chose, si jamais vous avez découvert une chose, venez me voir. Mais souvenez-vous bien de ce qu’a dit Silicia : n’informez personne de toute cette histoire, pas même vos proches. Vous avez sûrement toutes compris que notre situation actuelle est assez critique, ne mettons pas plus de poneys en danger. Vous pouvez y aller. »

Toutes se saluèrent une dernière fois et chacun partit dans une direction. Jusqu’à aujourd’hui, elles ne s’étaient jamais senties aussi mal en se séparant. Cette mauvaise sensation affaissait chacune de leurs têtes.

***

Alors que Twilight venait à peine de franchir une des ruelles de la ville, elle vit courir à pleine vitesse vers elle un petit être qui n’est autre que son fidèle assistant dragon.

« Twilight ! cria-t-il à la jument en arrivant à son niveau. Tu vas bien ? Qu’est-ce qui s’est passé ? Il est arrivé quelque chose à un poney ?

- Calme-toi, Spike, je vais très bien. Mais où est-ce que t’étais, toi ? dit la licorne en remarquant que son ami était complètement essoufflé.

- Ben, au début, j’étais à la bibliothèque, en attendant que tu reviennes. Puis j’ai senti une odeur de brûlé venant de l’extérieur et j’ai vu qu’un incendie s’était déclaré. J’ai alors couru vers l’hôpital pour vous prévenir mais quand je suis arrivé, vous n’étiez plus là, toi compris. Alors j’ai couru vers la mairie et je t’ai croisée. Alors, il s’est passé quoi ?

- Beaucoup de choses. C’est assez compliqué à l’expliquer, mais pour te dire…

- Non attends ! lui coupa Spike. Je me rappelle que je n’étais pas seulement venu pour ça. Twilight, il y a un truc qui s’est passé à la bibliothèque, il faut que tu voie ça d’urgence !

- Qu’est-ce que tu dis ?!

- Suis-moi, je vais te le montrer.

- Mais attends, dis-moi ce que c’est ! »

Twilight se mit donc à poursuivre son ami titubant dans chacune des rues de Ponyville. Le ciel grisé par les nuages s’assombrissait à l’approche de la nuit et les deux camarades arrivèrent enfin jusqu’au fameux arbre-bibliothèque. Spike entra à toute vitesse à l’intérieur pour se diriger vers la porte qui menait au sous-sol. Twilight, elle, s’arrêta juste devant le palier et s’appuya sur le coin de l’entrée pour reprendre son souffle.

« Viens voir, c’est là-dedans ! cria Spike vers la licorne en ouvrant la porte du sous-sol.

- Je te préviens, Spike, je ne suis pas du tout d’humeur à plaisanter, dit-elle d’un ton sec. Si jamais tu m’as fait courir pour une stupide raison…

- Je t’assure que cette stupide raison vaut toute ta plus grande attention, Twilight », répondit-il avec un regard à la fois sérieux et inquiet.

La jument fut si étonnée de la réponse de son assistant qu’elle ne sut pas quoi ajouter. Elle qui avait l’habitude de le voir jouer le pitre pour se faire remarquer, le voir plus sérieux qu’il ne l’a jamais été l’effraya au plus haut point sur ce qu’il voulait lui montrer. Elle rejoignit lentement le petit dragon et regarda vers l’étage inférieur. Normalement, elle devait y trouver son laboratoire souterrain, où elle faisait de multiples expériences sur certaines potions qu’elle avait fabriquées à l’aide de grimoires. Elle y avait installé aussi de différents appareils de mesure et autres bricoles scientifiques. C’est dans ce même laboratoire qu’elle avait tenté, en vain, de percer le mécanisme du sens de prédilection de Pinkie.

Malheureusement, elle ne put voir à sa grande stupéfaction qu’une salle comme saccagée par une puissante tempête. Appareils électroniques, ustensiles de chimie, armoires, bouquins : tous les objets qui se trouvaient avant dans cette pièce ont été balayés et réduits en morceaux. Même les murs avaient été victimes du carnage. Et au centre de ce grand chaos s’était creusé dans le sol un cratère d’une largeur d’une vingtaine de sabots environ.

« Mon labo… Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

- J’n’en sais absolument rien, je l’ai découvert comme ça tout à l’heure, répondit Spike. En tout cas, je ne suis pas allé dedans depuis là où mes souvenirs s’arrêtent.

- Moi non plus. Et vu l’apparence, ça ne daterait pas d’aujourd’hui. Alors peut-être…

- Des trois jours manquants ! »

Twilight resta figée sur place tandis que son assistant avança vers le centre de la pièce pour constater les dégâts.

« On dirait bien que quelque chose a explosé ici et a ravagé tout le sous-sol, ajouta-t-il. Mais ça n’a pas l’air d’être la même explosion que celle du Sugarcube Corner, presque d’une autre nature. Qu’est-ce que t’en penses, Twilight ?... Twilight ? »

La jument n’écoutait pas le dragonnet, mais était prisonnière de ses pensées. Encore une fois, un terrible événement s’était déroulé et encore une fois elle n’en avait pas la réponse. Quand est-ce que tout ça allait enfin s’arrêter ? Sous la fureur marquée par son regard noir et tourné vers le vide, elle frappa du sabot sur le parterre en bois, ce qui effraya l’autre individu dans la pièce. Elle n’en pouvait plus de ne rien comprendre de ce qui lui arrivait, à elle et ses amies. Elle voulait savoir. Non, elle devait savoir !

Alors, elle se tint ferme sur ses quatre fers et montra sa plus grande concentration dans ses yeux mauves. Spike, qui l’avait déjà vue prendre cette position il y a peu de temps, redouta sur ce qu’allait faire son amie.

« Twilight, tu ne vas pas faire ce que je… »

Il ne termina pas sa phrase lorsque la corne de la jument s’illumina de toute sa puissance. Sa crainte se confirma : Twilight s’apprêtait à lancer de nouveau un sort de rappel.

« Non, Twilight, ne fais pas ça ! cria le dragon. Si tu lances ce sort une nouvelle fois, il se peut que ça te soit fatal…

- Je sais ça, cria la licorne alors que son visage se crispa au fur et à mesure que des gouttes de sueur se formèrent et roulèrent dessus. Mais il faut que je sache ce qui s’est passé, je le dois !

- Twilight, arrête… »

Mais la ponette n’entendait plus Spike lui crier après et se focalisait sur son sort de rappel. Bien sûr qu’elle connaissait les conséquences, mais c’est la seule solution qui puisse arrêter cette tragédie. Elle avait décidé de ne plus revenir sur son choix, si ça pouvait en finir avec tout ça. Les paupières closes, elle vit des fragments d’images lui apparaître à va-vite qui ne montraient que quelques fractions de temps de cette journée : de l’hôpital à l’incendie, ainsi que leur passage avec Silicia. Au même moment, elle sentit un liquide chaud coulant d’une de ses narines et comprit qu’elle commençait à saigner.

« Plus loin, plus loin, dit-elle à soi-même. Je dois voir plus loin dans le passé. Allez…

- TWILIGHT, ARRÊTE !! »

La jument se stoppa net et ouvrit soudainement les yeux lorsqu’elle fut perturbée par un corps la serrant fortement contre lui. Elle réalisa alors que ce n’était autre que son ami Spike qui la prenait dans ses bras, sa tête appuyée contre sa nuque. Le dragon, ne la lâchant plus, leva ensuite la tête et montra son plus triste visage avec ses joues couvertes de larmes.

« Je t’en prie, Twilight, arrête, pleura-t-il, ses mots bafouillés dans ses sanglots. J’ai tellement eu peur ce jour-là, dans le train, où tu t’es écroulée. J’ai cru t’avoir perdue pour toujours. Je ne veux plus jamais te revoir dans cet état, plus jamais… »

Il se mit alors à gémir sur les épaules de la licorne. Par son interruption, elle se mit à réaliser toute la peur, la souffrance et la peine qu’a pu ressentir son petit protégé alors qu’elle avait perdu connaissance. Et elle qui se préparait à recommencer, à lui faire revivre ça. Se rendant compte de sa bêtise, elle laissa tomber son flanc sur le sol et une larme sur sa joue.

« Oh, Spike… dit-elle avec une voix trempée, serrant de même son ami contre elle. Je suis désolée… Je voulais juste en finir avec cette histoire. Mais j’ai été si égoïste que je n’ai pas pensé à toi.

- Ce n’est pas seulement moi, mais les autres aussi. Applejack, Fluttershy, Rarity. Tout le monde s’est fait du souci pour toi et malgré ça, tu continues à te faire du mal.

- Excuse-moi, c’est juste que… j’ai tellement été perturbé par ce qui s’est passé aujourd’hui, et maintenant ça ! Spike, je n’en peux plus de tout ça. Je n’en peux plus… »

Les rôles s’inversèrent : ce fut au tour de Twilight de gémir et à Spike de la laisser pleurer sur ses épaules. Le jeune dragon ne prononça pas un mot, laissant son amie libérer sa peine. Il sut suite à ça que quelque chose lui est arrivé ou qu’elle a appris quelque chose qui l'a profondément blessé.

« Raconte-moi, dit-il d’un ton sage, ce qui stoppa les sanglots de la licorne. Si je peux t’aider, raconte-moi tout ce que tu sais. »

Elle hocha la tête en réponse et frotta ses yeux humides, puis après elle fit le récit à son ami de tout ce qui s’est déroulé avant.

À l’extérieur, les nuages devenaient de plus en plus noirs au fil que la nuit approchait. Maintenant, elle recouvrait entièrement le ciel, cachant ses milliers d’étoiles luisantes. Seul le grand astre blanchâtre se battait pour faire passer sa lumière à travers les épais cumulus. Un vent de la force du souffle d’un puissant dragon soufflait dans les branchages de l’arbre et sur les carreaux des fenêtres. L’air devint glacial autant que les bourrasques se faisaient présentes. Plus rien ne sortait dans les rues assombries par la tempête qui s’approchait.

« C’est complètement dingue, cette histoire, lança Spike, halluciné par le récit de la jument. Je n’aurais jamais pensé que ça tournerait de cette façon.

- Tu comprends maintenant pourquoi j’ai fait ça, dit Twilight. Je pensais que lancer un sort de rappel pour retrouver ce passé perdu arrêterait ce malheur.

- Mais tu sais aussi bien que moi que c’est la pire des solutions, reprocha-t-il. Il y a sûrement d’autres issues et on les trouvera ensemble et avec les autres.

- Oui… tu dois avoir raison, fit-elle d’un air repenti.

- En attendant, tu dois me promettre de ne jamais utiliser ce sort tant que tu n’auras pas récupéré ton niveau de magie.

- Je te le promets ! jura-t-elle d’un ton sincère.

- À la Pinkie Promesse ? » ajouta-t-il.

La licorne tourna les yeux en souriant, puis posa un sabot sur son œil en déclarant :

« À la Pinkie Promesse ! »

Sa réponse valut un sourire de la part de son assistant. Twilight se remit sur ses quatre fers, mais eut subitement une énorme douleur au crâne qui la fit gémir.

« Ça va, Twilight ? s’interrogea Spike.

- Ce n’est rien, Spike, dit-elle en posant un sabot sur le front et sentant qu’elle avait de la fièvre. Je suis juste un peu épuisée par toute cette journée.

- Et aussi par le sort, non ?

- Aussi.

- Allez viens, je vais t’aider à monter jusqu’à ta chambre. »

Sur ce, il fit passer un des sabots de Twilight derrière sa nuque pour l’aider à marcher, mais se rendit compte que ça l’aidait surtout à trébucher. Il se contenta donc de rester près d’elle. Après avoir monté les marches du sous-sol et celles menant à la chambre, Twilight se laissa tomber dans son lit. Elle s’apprêtait à utiliser sa magie pour tirer sa couette bleu nuit vers elle, lorsque son assistant le fit pour elle. Le petit dragon trouvait lui-même son geste étonnant, se voyant plus le faire pour Rarity ; mais si c’est pour rendre service à son amie en faible état.

« Reste ici pour te reposer, je me charge de tout faire pendant ton sommeil, dit-il.

- Tu es sûre de vouloir fouiller le sous-sol maintenant et tout seul ? demanda la licorne mauve. On pourrait tout aussi bien le faire ensemble demain…

- Non non non, ça ira ! Je m’occupe de tout alors tu ne dois pas t’inquiéter pour moi, contente-toi de dormir.

- D’accord, mais ne te couche pas trop tard, hein ?

- Bien sûr, bien sûr. Allez, bonne nuit ! »

Il éteignit les bougies une par une et commença à prendre les escaliers.

« Spike ! »

Ce dernier se tourna vers la jument qui venait de l’appeler. Elle tenait un sourire affectif vers lui et lui dit d’une voix émue :

« Merci, merci d’être toujours là pour moi. »

Ses mots rendirent le dragonnet gêné, ses joues prenant une teinte rouge.

« Je t’en prie, c’est naturel entre amis », bégaya-t-il en se grattant la joue nerveusement.

Twilight esquissa un dernier sourire avant de se tourner vers la fenêtre de sa chambre et de s’endormir profondément. Le dragon continua de descendre lentement les escaliers et pensa à ce qu’elle lui avait raconté. Il avait vraiment du mal à croire à cette histoire. Parmi Twilight et les filles, une d’entre elles serait morte dans l’explosion du Sugarcube Corner et son meurtrier aurait pris son apparence. Alors qu’il se tenait face à la porte du sous-sol, une chose le fit réagir dans ce qu’il venait de penser : parmi Twilight et les filles. La jument mauve fait aussi partie des suspects. De plus, le fait qu’elle n’arrive pas à maîtriser sa magie comme d’habitude n’est pas normal.

« Se pourrait-il que Twilight soit… l’imposteur ? » pensa Spike en regardant en haut, vers le lit de la licorne.

Il lui revint alors en tête les dernières paroles qu’elle les lui avait adressées. Ses mots semblaient tous d’une profonde sincérité et d’une très forte gentillesse. Non, ce n’était pas possible, seule la vraie Twilight pouvait dire cela d’une telle manière.

Il cessa de penser et descendit pas à pas les marches de l’escalier. En bas, il jeta un œil sur tous les éléments de la pièce et commença à ramasser les nombreux morceaux de verre au sol, provenant de flacons, éprouvettes, tubes à réfrigérant, verres à ballon et autres ustensiles de chimie.

« On dirait bien que peu de choses ont survécu au désastre », soupira-t-il.

Il se rapprocha du cratère creusé dans le plancher et fut alors troublé par un détail : vers le rebord du trou, il se pencha et ramassa une sorte de poudre rouge disposée sur les abords. Il n’arrivait pas à distinguer ce qu’était cette matière, similaire à de la terre mais comme ayant séché dans une sorte de vasque. Mais ce qui le perturba le plus, c’est la disposition de cette “terre”, comme si elle formait un cercle autour du cratère.

C’est alors que Spike vit briller, au fond de la pièce, un objet sous une des grosses machines endommagés de la pièce. Il s’avança vers la machine, se baissa au niveau du sol et passa sa main en-dessous pour essayer d’agripper l’étrange chose coincée au fond. N’y arrivant pas, il prit un tube de métal décroché d’un engin et l’utilisa pour tirer l’objet vers lui. Sa patience fut récompensé lorsqu’il réussit à l’attraper. Il découvrit alors qu’il s’agissait d’un livre.

« Tiens, il ne me semble pas avoir vu ce livre dans la bibliothèque avant », s’interrogea le jeune dragon.

Il scruta la couverture du livre qui était assez particulière : il était couvert d’un tissu de soie rouge cinabre, ses coins étaient façonnés dans de l’or, incrustés de saphirs noircis – donc pas spécialement fameux pour un dragon –, et à son centre était forgée la figure en argent massif d’un équidé à la tête baissée, une lignée de rubis formant une coulée de larmes sur ses joues grises. Le dragonnet fut étonné de la présence d’un cadenas soudé le long du côté opposé à la reliure dans un métal noir et sombre, devant alors empêcher la lecture du livre ; mais celui-ci était brisé, sûrement à cause de l’explosion.

Intrigué par la présence de cet ouvrage inconnu, il prit la curiosité de feuilleter les pages. Après avoir tourné quelques pages, ses sourcils se froncèrent à la lecture de ce qu’elles contenaient.

« Mais qu’est-ce que… ? » dit-il à voix haute.

Il feuilleta de plus en plus vite, son regard évoluant de surprise à chaque nouvelle page qu’il tournait. Ce que lui montrait le livre, il avait déjà vu ça quelque part mais où, et quand ? Sa lecture s’arrêta brusquement vers la moitié du livre. Ses yeux s’écarquillèrent en grand, ses écailles se pâlirent d’effroi et son sang se glaça par la révélation qu’il a obtenu en lisant ce bouquin. Il venait de découvrir le mystère dans lequel les filles et lui étaient prisonniers.

« Bon sang, prononça-t-il d’une voix tremblote. Je me rappelle de tout, maintenant. Je sais qui est mort ! »

Soudain, une chose surgit derrière lui. C’était une ombre. Un monstre aux yeux emplis de folie.

***

Les sens de Twilight se réveillèrent un par un. Le bruit de l’orage résonna dans ses tympans, elle se sentait allongée sur un sol dur et inconfortable, sa langue paraissait sèche, une odeur désagréable entrait dans ses narines et seulement après, ses paupières s'ouvrirent lentement. Malgré sa vision troublée, elle distingua le plancher de la pièce centrale de l’arbre-bibliothèque.

« Mais qu’est-ce que je fais par terre ? » se demanda-t-elle. C’est alors qu’en se redressant sur ses sabots, une douleur à la jambe droite la fit grincer des dents. En jetant un œil sur sa patte, elle vit une légère mais grande coupure sur son genou.

« Je me suis blessée ? » dit-elle confuse en voyant sa blessure.

Elle releva la tête et, à l’instant où un éclair illumina les environs, sa confusion se transforma en terreur : toute la pièce centrale de la maison était saccagée. Les livres, les tables, les pots de fleurs, tout était renversé, comme si la tempête du sous-sol était montée d’un étage, avec moins de puissance qu’auparavant. Mais ce qui fit frissonner le plus la jument, c’était de ne plus sentir aucune présence hormis la sienne.

« Spike ? appela-t-elle en le cherchant dans chacune des pièces, son stress grimpant à vive allure. Spike, tu es là ? Spike ?! Spike ! Dis-moi où tu es !! »

Un énorme choc la tenailla en regardant au sous-sol. Une fine traînée de sang longeait chacune des marches de l’escalier et continuait son sinistre chemin vers la porte d’entrée, grande ouverte sur le dehors.

« Non, non ! dit Twilight en sanglotant de plus en plus. Ce n’est pas vrai, dites-moi que ça n’est pas vrai ! »

Elle galopa vers l’extérieur où la pluie tapait à son plus fort.

« SPIKE ! hurla-t-elle de toutes ses forces. SPIKE, RÉPONDS-MOI, JE T’EN PRIE !!! »

La licorne mauve ne reçut en réponse que le bruit déchirant des tonnerres et le martèlement des gouttes d’eau sur les pavés de la route. Ce fut son achèvement psychique. Ses forces sont tombées à la vitesse de la pluie elle-même. Elle s’écroula au sol, fixant à jamais le vide. Twilight était meurtrie ; elle venait de perdre son seul et cher assistant, son petit protégé à elle, son premier ami. Elle pleura. De tout son corps. Elle se plia de douleur, son museau tourné vers le bas, ses larmes accompagnant la chute des gouttes de pluie. Elle était désormais seule, sous cette pluie, sur cette rue, non loin d’un livre carbonisée, couvert d’un fil de soie rouge cinabre.

« Il ne compte pas s’en arrêter à là… »

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