Prologue

Le taux de criminalité a augmenté à Equestria. De plus, à force de vaccins, de médicaments, la surpopulation a commencé à poindre.

Alors notre gouvernement a mis au point une loi du nom de « loi de prospérité nationale ». Celle-ci stipule qu’à leur arrivé à l’école primaire, les poulains sont vaccinés. Mêlées à un vaccin sur 1000, des capsules magiques sont injectées aux enfants. Arrivées à un stade critique (entre les 18 et 25 ans d’un poney), elles explosent et tuent le poney concerné. Un système de confidentialité très pointilleux fait en sorte que personne ne sache à qui ont été injectés les vaccins contaminés.

Ainsi, trois unités travaillent séparément. Seul le notre "président à vie" est au courant, il note ainsi la date de mort de chaque poney à qui des capsules ont été injectées.

24 heures avant la mort d’un poney victime de la loi de prospérité nationale, il leur est remis un « préavis de mort ». Je suis en charge d’en livrer, j’ai 26 ans, je ne peux donc plus avoir peur de ça. Je n’ai pas choisi ce métier, c’est ma Cutie Mark qui l’a choisi.

Je suis informée d’une livraison une journée avant d’avoir à la faire. J’ai été affectée à Cloudsdale ; un poney livreur ne peut livrer de préavis de mort qu’à des poneys de sa race. Ainsi, si notre « client » agit de façon violente, nous sommes en capacité de nous défendre ou de fuir.

Je ne livre pas seulement le préavis de mort, mais aussi le désespoir. Ainsi mes amies m’ont quittée, mon petit copain aussi. Je n’ai pas encore livré ce maudit papier, mais il faut faire des études avant ça. Bientôt, je devrai les mettre en pratique, et ça m’effraie.

Les gens qui s’opposent d’une quelconque façon à la loi de prospérité sont asphyxiés par des gaz douloureux. Lentement.

Par n’importe quelle façon. Vraiment. Même une simple parole dite tout bas.

Car il est de notre devoir de citoyen de dénoncer tout « individu dégénéré ». Dieu que je regrette Celestia. Notre « président à vie », qui répond au nom d’Iron Hand. Il a des yeux si… si froids. Il me fait peur. Ça me fait du bien d’écrire cette lettre, même si je sais que je vais être obligée de la brûler ensuite.

Les gens qui reçoivent leur préavis de mort ont droit d’aller dans tous les transports gratuitement, de même pour les restaurants. Cependant, si le poney concerné cède à la vengeance ou à tout acte prohibé sera sévèrement puni. Non, pas d’amendes, d’emprisonnements ou d’autres choses dans le genre, vous vous en doutez.

En réalité, c’est plutôt ses proches qui sont condamnés à sa place. Et quand ils en sortent, ils sont catalogués officieusement comme « Familles d’éléments dégénérés ».

C’est vraiment terrible.

Mais le taux de natalité a haussé, presque au point de compenser les morts quotidiennes d’innocents et jeunes poneys pleins d’avenir.

J’ai peur.

Ou je suis en colère.

Ou alors je suis désespérée.

J’en sais rien.

Tout ce que je sais, c’est que je n’aime pas ce qu’est devenu Equestria. Et maintenant, dans mon quartier, quand on me croise, on change de trottoir. J’ai envie de leur sauter à la gorge dans ces moments-là. Comme si j’avais pas assez de mal à assumer mon destin.

Auparavant, je m’étais plus imaginée Party Pony à la Pinkie Pie, ou cuisinière. Et j’ai même cru à un moment que j’allais avoir une Cutie Mark de crochetage de serrures. Je m’étais imaginé tout... tout sauf ça.

Je ne sais absolument pas ce que je dois faire, ni où j’en suis. Tout ce que je sais, c’est que demain, c’est ma première livraison. Que je devrai porter des lunettes de soleil parce que je ne maîtrise pas assez bien mon regard.

Tout ce que j’aurai à faire, c’est retenir mes larmes, ouvrir la porte et dire d’une voie d’outre-tombe :

« Voici votre préavis de mort, les papiers comme quoi il vous a été remis sont dans votre boîte aux lettres. Désolée et au revoir Monsieur, au revoir Madame, profitez pleinement de vos dernières 24 heures. » Ensuite je fermerai la porte et je partirai faire ma dépression plus loin.

C’est ce qu’on m’a dit de faire, mais je ne pense pas pouvoir faire ça comme ça. Je ne peux pas m’y résoudre. J’ai déjà appris par cœur le dossier de cette ponette de 24 ans. Après demain, c’est son anniversaire. Elle est pleine de vie, et elle rêve de Wonderbolts et de Daring Do, comme beaucoup de pégases. Elle est en parfaite santé, débordante de vie, et c’est une athlète.

Mais le reste du dossier, je ne peux même pas l’écrire ici, j’en vomirais. Cette jeune pégase devrait vivre beaucoup plus longtemps que ça et réaliser ses rêves ! Pas se retrouver à 5 heures du matin réveillée par quelqu’un qui lui annonce qu’on prend en charge ses obsèques, nom de Dieu !

Elle a deux ans de moins que moi, elle va mourir et elle ne le sait même pas ! Elle n’est même pas malade !

Là je tâche ma feuille avec mes larmes, je suis peut-être trop sensible pour ce boulot. Mais apparemment, je suis faite pour ça.

Alors pourquoi est-ce que j’ai sorti mon dernier volume de Daring Do et ma place pour la course des Wonderbolts qui aura lieu demain ?

Alors pourquoi est-ce que je ne peux pas me regarder dans un miroir ?

J’ai envie d’être quelqu’un d’autre. Quelqu’un qui reçoit le préavis de mort. Quelqu’un qui ne souffrira de ça qu’une journée…

Mais qu’est-ce que je raconte ? Si j’ai tant envie d’être à leur place, pourquoi je les plains, ces gens-là ?

Alors pourquoi j’ai des insomnies et des crises de stress à tel point que je prends des cachets en pleine nuit ?

La seule chose dont je suis sûre, c’est que je suis un élément dégénéré. Et ça, personne ne doit le savoir.

Je m’appelle Ikigami et j’annonce aux gens qu’ils vont mourir.