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Prisonnière de ce monde

Une fiction écrite par ReiKuran.

Chapitre 1

Il y a vingt ans, par un soir de Beltane, le souverain actuel des Terres Brûlées, Phelomemnon, décida de s'aventurer en Fäeryan. Il avait tant rêvé le visiter et voilà que son souhait était enfin exaucé. Une fois la frontière magique traversée, il fut bien ébloui par la luminosité naissante devant ses yeux. En effet, le royaume Sylphanïr était tout aussi lumineux autant la nuit que le jour. Bien que le jour, la lumière soit orangée, la nuit, celle-ci était bleutée. Le roi n'en avait guère l'habitude, venant de contrées rouge vif et noires. Une fois que ses yeux s'habituèrent, il partit à la découverte des lieux. À chaque virage c'était un paysage nouveau qui s'offrait à lui. Des lieux merveilleusement calmes.

Au bout d'une petite heure de promenade, ses sabots le menèrent vers un petit coin retiré entre deux bâtiments. Entre ces deux grands murs de pierres grossièrement taillées, dominait un immense saule pleureur. Ce lieu toucha le cœur du roi. Il s'adossa tranquillement à l'arbre géant semblant millénaire. Le vieillard allait sûrement apaiser la douleur de sa migraine l'ayant prit pendant sa promenade champêtre. Oui, il n'avait pas du tout l'habitude de se balader avec une lumière naturelle si brillante. Il ferma son unique œil valide d'un bleu cristallin – son œil droit était caché par un large cache-œil de cuir, l'ayant perdu lors de la rébellion des bannis – sa crinière blonde claire voletant au vent après qu'une brise chaude fit s'enflammer les feuilles mortes en une danse paisible. Plus aucun son ne se fit entendre après qu'il cala son rythme cardiaque sur celui de l'arbre. Cela l'avait surpris au début. Dans cette contrée, on pouvait entendre le battement de cœur des arbres.

Il avait donc les yeux fermés et respirait profondément en ralentissant son cœur de poney. Il finit par sentir de la sauge, du lilas et de l'érable rouge, bien sucré. Au bout d'une bonne heure, les poumons de Phelomemnon furent emplis de toutes les senteurs de cet incroyable pays. Son museau n'avait jamais eu le temps de se faire dans toute sa triste vie. Le pays des Terres Brûlées était un royaume tellement gris, à l'odeur de cendre et d'ardentes incendies, alors que celui-ci avait un goût si sucré, si tendre et onctueux. L'envie d'y rester pour de bon, d'y vivre, d'y passer le reste de sa vie le prit soudainement aux tripes.

En cette même soirée, au palais de la Reine Delfinéa, il s'agissait d'une nuit calme. Calme dans le sens « normale » et ennuyeuse. Elle se trouvait dans ses appartements, regardant au loin à travers sa fenêtre et ne trouvait aucun intérêt à sortir dehors ce soir. Malheureusement, tout le monde n'était pas de cet avis. Son conseiller essayait depuis plus d'une heure de lui faire quitter sa chambre. La Reine commençait sérieusement à avoir mal à la tête, et son infusion d'herbes médicinales n'avait presque plus aucun effet. Elle se leva donc de son lit où elle s'était allongée, ouvrit la porte et se mit à hurler dans les oreilles d'un poney gris, qui étaient à quelques millimètres de sa bouche.

- D'accord, tu as gagné ! Je vais sortir en ville cette nuit !

Le poney qui avait subi l'attaque auditive de la Reine n'était autre que Heldegger, son conseiller qui sourit d'ailleurs d'un air satisfait et s'en alla, laissant en plan Delfinea. Sans rien dire d'autre. À cette époque, la Reine était encore bien jeune et influençable par son vieil ami qu'elle avait nommé conseiller. Celle-ci, un tantinet ronchonne par l'attitude de son conseiller, rebroussa chemin en tapant bien fort ses sabots sur le carrelage du couloir pour à nouveau se réfugier dans sa chambre. Elle finit par se calmer, dès qu'elle ouvrit la porte de son immense garde robe.

Assez étrange, vous ne pensez pas ? Pas tant que ça, pas pour la Reine. N'ayant qu'une vingtaine d'années, elle adorait toujours autant se pomponner et mettre du temps pour choisir ses vêtements. Elle opta pour une belle robe blanche, brodée de petites fleurs, avec des ornements de sabots argentés. Finissant par sortir en toute hâte, ayant à peine fini de brosser sa crinière soyeuse, elle jeta sa brosse sur son lit. Enfin, elle se laissa aller pour sortir du palais, sans vraiment faire attention où elle se dirigeait. Elle connaissait son « chez soi » comme sa poche, ses sabots connaissant le chemin sur le bout des pattes. Une fois dehors, elle se laissa guider par la brise fraîche, qui la conduisit dans un labyrinthe de petites rues.

Phelomemnon, toujours accoudé au saule pleureur, sortit de sa rêverie. Il s'était endormi entre deux réflexions. Un son était en train de descendre dans la ruelle. Et c'est cela qui l'avait fait ouvrir son œil. Un bruit de sabots, des pas lent, très peu bruyants. Il se redressa sur ses pattes pour accueillir le poney qui allait arriver sous peu. Bien qu'il soit dans un autre pays, il était un Roi, et devait le montrer en toutes circonstances. Surtout pour ne pas provoquer de mésentente entre les deux mondes.

Le poney qui arrivait s'offrit au Nyühnahem. Il s'agissait en fait d'une jeune ponette, au pelage rose pâle, presque blanc, aux poils d'une belle couleur bleu-noir. Ses yeux noisettes ressortaient avec la couleur de son pelage. Elle portait un vêtement long, blanc, avec des ornements de sabots argentés en forme d'étoiles, alors qu'une fine corne ornait sa tête.

Le souverain des Terres Brûlées s'arrêta net. Ses quatre pattes ne voulaient plus bouger, mais elles le portaient encore, c'était déjà ça. Il l'observa donc quelques secondes. Vu ses vêtements, elle devait être de l'aristocratie.

La Reine regarda le poney en face d'elle. Il ne s'agissait pas de l'un de ses sujets. Il ne leur ressemblait pas. Il avait les oreilles un peu plus pointues. Surtout, le plus flagrant, il possédait deux minuscules canines qui sortaient de dessous sa lèvre supérieure. Elle recula d'un pas, ce poney borgne, blond aux yeux bleu cristallin et à la robe paille venait tout droit des Terres Brûlées ! Elle revint soudain à la réalité, arrachée à ses peurs par la voix du poney étranger.

- N'ayez crainte ponette-moiselle, je ne vous veux aucun mal. Je suis simplement venu me dégourdir les pattes dans de nouvelles contrées bien plus agréables..

La Reine fut bien surprise par les paroles du poney. Il semblait bien élevé, alors que son allure ne s'y prêtait guère. Il portait une grande cape en gabardine rouge sombre. Ce poney faisait penser au premier regard à un vagabond ou à un voyageur. Elle s'avança un peu plus près de lui. Il avait une voix chaleureuse, qui mettait tout de suite en confiance. Mais son seul œil valide semblait bien inquiet.

- Dites-moi, belle jeune ponette, n'auriez-vous pas mal par hasard ?...

Delfinéa ne comprenait pas vraiment ce qu'il voulait dire. En tout cas, il avait dit qu'elle était belle, ce qui la fit rougir. Son air un peu perdu, rêveuse, fit réagir le Roi.

- Je parle de vos ornements, ils sont en argent, je me trompe ?...

Delfinéa mit quelques temps pour enfin comprendre de quoi il parlait.

- Oh non ! Bien sûr que non ! Il s'agit de métal, et de peinture argentée ! L'argent nous est mortel, vous devez bien le savoir.

Elle sourit, amusée de voir que son interlocuteur semblait toujours un peu à côté de ses sabots.

- Je m'appelle Delfinéa, je suis la Reine actuelle de ce royaume qui semble tant vous plaire.

Le Roi, un peu surpris de la croiser dans une ruelle, s'inclina légèrement avant de se relever.

- Je suis honoré de connaître la souveraine de ce monde... Je me nomme Phelomemnon et...

- Phelomemnon ?! Le Roi des Terres Brûlées, celui qui a vécu cinquante guerres ?!!... dit Delfinéa en coupant rapidement la parole au poney terrestre, qui n'avait pas pu finir sa présentation.

D'après ce qu'elle disait et le ton qu'elle employait, elle semblait mieux le connaître que lui-même.

- Oui, en effet... Enchanté...

Le Roi semblait un peu gêné, voire même assez distant. Delfinéa ne comprenait pas vraiment sa réaction. Pour une fois qu'elle rencontrait quelqu'un du même rang qu'elle et qu'elle pouvait essayer de parler de tout ça avec un poney qui aurait pu comprendre ce qu'elle ressentait... Lui ne semblait pas vouloir se lier à elle... Mais elle n'en pouvait plus... Les yeux embués de larmes, elle tourna la tête, comme pour repartir sur ses pas.

- Vous dites être enchanté et honoré, mais pourtant vous semblez bien insensible à ma présence... rétorqua-t-elle d'un ton froid, avoisinant l'envie de pleurer, bien qu'elle se fichait totalement qu'une guerre éclate entre les deux pays. Il se rapprocha lentement vers elle, dans son dos, son regard triste toujours fixé sur elle.

- Veuillez m'excuser, je ne souhaite pas faire de faux pas en votre royaume..

Le Roi s'inclina bien bas, sa crinière blonde lui tombant sur les yeux. De lui, émanait une prestance digne. Cela devait être dû à sa grande expérience de souverain.

La jeune Reine semblait être flatée par cette attitude, ma foi, cela la gênait.

- Relevez-vous mon Seigneur, vous êtes mon invité, rentrez avec moi au palais pour y passer la soirée, voulez-vous ?

- Merci à vous, ma Chère, mais en quoi mériterais-je cette invitation ?...

La Reine avait proposé son invitation d'une voix timide. Ses joues étaient rouge pivoine.

- Je ne désire qu'une simple compagnie, en cette soirée bien trop ennuyeuse pour moi... Et puis, je suis aussi très curieuse de vous connaître, j'admire ce que j'ai lu de vous dans les livres. De plus... Ce n'est pas tous les jours que l'on rencontre un autre souverain !

Il sourit légèrement.

- Je vois ma Reine... Je vous suis donc avec joie..

Il rajusta sa longue cape sur sa croupe, pour marcher lentement derrière Delfinéa, faisant ses adieux à son vieil ami l'arbre.

Une fois au cœur du palais, les deux souverains parlèrent longuement durant cette nuit, devant un feu de cheminée. Au fil des heures, un amour naquit entre le poney terrestre et la licorne.

Il en résulta, quelques années plus tard, une naissance royale de deux magnifiques jumelles.

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Note de l'auteur

À noter que dans cette histoire, et donc dans le monde de l'histoire, les poneys n'ont pas de cutie mark.

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