Chapitre 20 - Inattention

"Alors mieux vaut un leader et la guerre que deux et la paix ?"

"C'est cela la soif de pouvoir."

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Archer leva les yeux vers Spike. Le grand dragon, assis en face d'elle, semblait en pleine réflexion, les yeux braqués sur la ponette également assise. Elle venait de lui raconter tout ce qu'elle savait sur la guerre, le plan annoncé de Side, y compris sa probable mort, l'attaque de Canterlot, la mort du général-en-chef, les éléments de l'harmonie, etc. Bref, tout ce qui était important en ce moment. Les choses semblaient s'accélérer, et Spike venait justement de parvenir à cette conclusion.

"Je n'étais pas à Ponyville le jour de la disparition de l'arbre," finit-il par dire de sa voix grave en fermant les yeux. "Je n'ai jamais pensé qu'il avait survécu. Mais si on peut retrouver les Éléments, ce sera une bonne chose. J'ai déjà discuté avec les rescapés, et tous sont d'accord pour se joindre à la résistance. Près de trois cent poneys en plus."

"Side pense que tu devrais prendre les rennes de la résistance," ajouta Archer, approuvant elle-même le choix.

"Non," répondit immédiatement Spike d'une voix calme. "Je peux gérer un pays qui est en paix, pas un groupe de poneys en guerre. Je n'ai aucun talent stratégique, sinon j'aurais réussi à faire évacuer toute la population."

Archer soupira.

"Comme tu veux. Plus important, sais-tu quelque chose qui pourrais nous aider concernant les Éléments ? Tu les as côtoyés, pas vrai ?"

Le dragon approuva.

"Avec Luna et Celestia, il ne reste plus que moi parmi leurs nombreuses connaissances. Mais je ne pense pas que quoi que ce soit pourrait vous aider. Je n'étais pas là quand elles sont devenues les Éléments de l'Harmonie. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé précisément, même si on m'en a parlé. Peut-être qu'en allant voir leurs corps vous auriez de plus amples informations, ils sont à Canterlot. Je ne pense pas qu'elles vous en voudraient de les toucher si c'est pour rétablir la paix à Equestria."

"On a déjà chargé une équipe de faire ça pendant l'évacuation de la ville. Il n'y a plus qu'à attendre."

"Bien. Dans ce cas, tu peux aller retrouver tes compagnons. Je pense que tu connais le chemin. Merci pour ces nouvelles. Je vais voir ce que l'on peut faire de notre côté, il va falloir garder un œil sur Sombra, il a mal pris ma fuite et son empire est décimé. Son arrangement avec Screwball ne lui a pas été si profitable que ça."

"Merci encore de t'être rallié à notre cause."

"Ce n'est rien. Je n'avais pas l'intention de prendre part à la guerre, mais quand j'ai entendu Celestia dire qu'elle n'aurait de cesse de faire la guerre tant que sa sœur serait en vie... !"

Le dragon serra ses griffes de colère.

"J'aurais dû l'abattre ce jour-là !" maugréa Spike. "Elle n'a plus rien à voir avec la Celestia que je connaissais étant jeune. Leur stupide querelle est en train de détruire tout ce pour quoi elles avaient agi autrefois."

"On décidera de leur sort une fois qu'on le pourra," répondit Archer en se relevant. "Pour l'instant, essayons de sauver le maximum de gens."

Le dragon violet approuva. La ponette se retourna et partit dans le grand tunnel sombre du temple, laissant Spike à ses pensées.

Sortant du temple en glace brute, Archer se dirigea vers l'endroit où étaient examinés les blessés. Elle connaissait cet endroit, et Spike, car elle avait fait partie de ceux qui avaient aidé à l'évacuation des civils de l'Empire de Cristal, et ils avaient été amenés directement ici.

Le dragon, pourtant à la base un partisan de Celestia, avait décidé de ne plus suivre cette dernière à partir du moment où il lui avait parlé de la guerre. Elle était devenue abjecte aux yeux du dragon, qui la connaissait pourtant depuis trois mille ans, mais s'était gardée de lui faire une quelconque réflexion. Il devait protéger ses sujets, et il avait mis cela devant tout. Une pseudo-fidélité à Celestia pour pouvoir au moins tenir l'Empire de Cristal éloigné de la guerre. Quand la résistance s'était proposé de l'aider à évacuer la ville, il avait pour ainsi dire sauté sur l'occasion pour les rejoindre, et se rendre enfin utile.

Moon était allongé au sol. Ou peut-être que ce n'était pas vraiment sur le sol puisqu'il sentait qu'on le soulevait délicatement. Il ouvrit les yeux. Son esprit était embrumé, il voyait flou. En face de sa tête, au-dessus de lui, une autre tête. Bleu foncé, ou noire, il n'arrivait pas bien à distinguer la nuance avec ses yeux qu'il clignait frénétiquement, cherchant à comprendre ce qu'il avait en face de lui. Du blanc perça sur le visage de la silhouette, un sourire. Il se reçut quelque chose d'humide sur le visage. Une larme ?

Des sons lui parvinrent, mais il ne distingua à peine les paroles. La silhouette parlait, d'une voix en proie à une émotion forte, c'était une jument.

"... comme tu disais... tia... est... vrai... magnifique."

Impossible, il n'en comprenait pas le sens. Il leva les pattes vers ce visage, essayant de l'atteindre, mais il lui manquait une cruelle allonge. Cependant, le visage s'approcha, et il put distinguer les yeux bleu-vert de celle qui le tenait doucement, et même le toucher.

Une autre voix s'éleva, un peu plus lointaine. Différente, bien qu'il s'agisse toujours de celle d'une jument.

"... te l'avais dit. ... sort... ommes-le."

Le sourire du visage s'agrandit, et Moon sourit à son tour.

"Moon..." fit la silhouette, prononçant un deuxième mot qu'il ne perçut pas.

"Moon ? Moon ? Vous êtes avec moi ?"

La voix avait changé. Elle était infiniment plus éloignée, comme si elle venait d'un autre temps. Déjà, le décor flou s'effaçait. Non. Il ne voulait pas quitter cette jument. Il voulait rester dans ses pattes, ces pattes si douces. La silhouette disparut totalement alors que Moon s'éveillait dans un grand sursaut au milieu d'une salle de repos de la base au nord de la résistance.

Blackhoof et une licorne, que Moon ne connaissait pas, se trouvaient là.

"Parfait !" se réjouit la licorne avec un petit sourire. "Vous allez bien ? Pas de vertige ?"

Pendant que Moon reprenait ses esprits et encaissait ce violent retour au présent, la licorne épongea le front en sueur du poney violet.

Allongé sur un lit, en position assise, Blackhoof le regardant l'air inquiet, Moon fit tourner son regard dans la salle pour plus facilement reprendre conscience avant de répondre :

"U-Un peu de vertige... Où suis-je ?"

"Dans la base nord de la résistance," répondit Blackhoof. "On a, enfin j'ai dû te porter. T'es tombé dans les pommes sans qu'on comprenne pourquoi."

Moon se tourna sur son lit, laissant ses pattes arrière pendre dans le vide, effleurant des sabots les couvertures sur lesquelles il était. Le toucher était rugueux, mais il ne s'en préoccupait pas.

"Où sont les autres ?" demanda-t-il finalement.

"Lemon est là," fit le poney sombre en désignant une autre couchette où le dos de la ponette rose était visible. "Et Archer discute avec Spike."

"D'accord," dit Moon en baissant les yeux vers le sol, avant de les relever, le regard interrogateur. "Et Stary et Ice ?"

"On ne les a pas retrouvées," répondit la voix de Lemon, tournant toujours le dos aux autres dans son lit. Son ton semblait presque agressif, comme si elle en voulait à Moon de poser la question.

"Vous les avez perdues ?" s'étonna Moon, subitement inquiet.

"Ça parait pas évident ?" rétorqua la jument rose en crispant légèrement les draps dans lesquels elle était.

"Euh je..." hésita Moon avant que Blackhoof ne l'interrompe d'un geste.

"Tu as retrouvé ta mémoire ?" demanda le gris, cherchant surtout à changer de sujet.

C'est vrai punaise ! J'avais complètement oublié ! J'ai eu des souvenirs pendant que j'étais inconscient. Encore un souvenir flou, comme l'autre coup. Mais bon sang, pourquoi est-ce qu'ils sont si flous ? Est-ce qu'ils sont si anciens que ça pour que ma mémoire ait du mal à les retrouver ? Et pourquoi est-ce que je suis tombé dans les pommes ? C'était la voix... La voix que j'ai entendue hurler dans ma tête, la même que cette silhouette dans mon rêve.

"Moon ?" interpella Blackhoof.

"Il refait une crise ?" s'enquit la licorne en voyant le poney plongé dans ses pensées, le regard dans le vague.

"Non non," s'empressa de répondre Moon, sortant de sa réflexion. "Je repensais juste à ce que j'ai vu. Je ne sais pas ce que ça signifie, mais j'ai regagné un peu de ma mémoire. Vous savez pourquoi je me suis évanoui ?"

"Un choc dû à votre mémoire qui revenait," expliqua la licorne qui, visiblement, servait d'infirmière. "Peut-être qu'un vieux traumatisme a refait surface en même temps que votre mémoire. Ou un souvenir douloureux, trop émotif. Les causes peuvent être nombreuses."

"Je vois..." répondit Moon, cherchant ce que ce souvenir pouvait avoir de choquant où d'émotif. Ce n'était pas lui qui était en proie à l'émotion à ce moment, mais la silhouette. Et rien d'effrayant ne s'était produit. Alors pourquoi ?

Bien loin de là, près des ruines de Canterlot, deux poneys étaient côte à côte, une licorne et un terrestre. Cette situation semblant banale était pourtant soumise à une tension extrême et représentait une première depuis de nombreuses décennies.

La licorne, blanche, d'une stature rappelant celle de Celestia mais avec une crinière différente, marron, en armure complète et sombre et très travaillée, l'air dur et interdite.

Le terrestre, la crinière noire et le corps châtain, en une armure encore mieux ciselée que celle de sa voisine, mais blanche. Un peu moins grand qu'elle, il jetait des regards frénétiques à la jument, semblant un peu stressé et curieux à la fois.

Un général de la Nouvelle République Lunarienne et un autre de l'Empire Solaire, côte à côte, tous deux au sommet d'une falaise surplombant une plaine. Cette plaine où s'était installée une partie de l'Armée de Discord. Deux mille soldats. Les deux autres factions avaient décidé de s'allier temporairement pour au moins réduire les forces de cet ennemi qui commençait à agacer l'Empire Solaire et qui représentait une menace pour la Nouvelle République.

"T-Trois mille soldats," balbutia le terrestre de l'Empire.

La licorne haussa un sourcil et dirigea son regard vers le général sans même détourner la tête.

"Pardon ?" demanda-t-elle d'un ton froid.

"C'est ce que l'Empire a envoyé pour cette bataille. Et vous ?"

Le général de l'Empire Solaire semblait extrêmement nerveux, mais cela était surtout dû à la réputation de la licorne à côté de lui. Tout juste jeune général, il avait été nommé en remplacement des trois morts lors de la bataille de Canterlot. Moins d'une demi-journée pour les remplacer.

La licorne cligna lentement des yeux avant de rediriger son regard vers l'action qui se déroulait dans la plaine.

"Deux cent cinquante," répondit-elle du même ton impassible.

L'autre écarquilla les yeux, braquant directement sa tête vers la licorne.

"C-Ce n'était pas ce qui était convenu ! Vous aviez dit cinq cent !"

"Un soldat de la Nouvelle République en vaut largement deux de l'Empire Solaire. Le compte est donc bon, comme convenu."

Elle prononça les deux derniers mots comme si cela clôturait la discussion.

Le général voulut répliquer, mais se ravisa, se concentrant sur l'action en bas.

L'Armée de Discord semblait en proie à la panique. Séparé en deux, l'Empire Solaire commençait à arriver par la gauche, tandis que la Nouvelle République Lunarienne restait terrée dans la forêt sur la droite, évitant ainsi de dévoiler son sous-nombre évident.

Le général jeta un autre coup d'œil à la licorne, avant de finalement dire :

"Les Blasters ont été anéantis."

De nouveau, elle arqua un sourcil.

"Et ?"

"R-Rien. C'est juste que je me disais que ça vous ferait quelque chose, enfin... C'est bien vous qui les avez formés, non ?"

"Je n'ai plus rien à voir avec eux depuis que j'ai rejoint la Nouvelle République Lunarienne," répondit-elle, catégorique. "Et j'avais déjà cette information."

"Vous avez quand même formé ces cent quarante licornes pendant cinq ans !" s'offusqua le terrestre. "Ça ne vous fait rien de les savoir morts !?"

La licorne détourna pour la première fois la tête de la bataille, pour regarder le général dans les yeux.

"Est-ce que j'ai l'air d'éprouver de la compassion, de la tristesse, ou je ne sais quelle autre stupidité ?"

Son regard était froid, déterminé. Rien ne transparaissait autre que cette sorte de colère calme qu'elle semblait porter en permanence.

"Ça ne vous a rien fait non plus lorsque l'on vous a remis la tête de votre général-en-chef !?" continua le poney, qui semblait presque s'énerver devant un tel manque d'émotion.

"J'ai récupéré moi-même la tête," répondit la jument en montrant les dents. "Je l'ai vue, dans cette misérable boîte en ferraille que vous avez fait livrer par un sous-officier, un simple commandant ! Ce n'était pas la même chose à ce moment ! Oui, j'ai ressenti de la peine! De la peine pour ma patrie, d'avoir perdu ce guerrier de légende, ce dirigeant qui semblait immortel, ce grand stratège qui nous menait droit à la victoire !"

Tout en parlant, elle semblait comme grandir, dominant de sa stature et sa prestance le pauvre terrestre qui ressentait une réelle peur face à cette licorne qui pouvait probablement l'atomiser d'un simple sort.

Alors que sa tête se rapprochait de celle du poney, la licorne s'arrêta dans son discours, le regard mauvais montrant qu'elle était sur le point de le tuer. Elle le fixa quelques instant, avant de fermer les yeux et de reprendre un semblant de calme, revenant dans sa position initiale. De son ton froid, elle reprit :

"Vous ne comprendrez jamais ce que c'est d'avoir eu un général-en-chef comme le nôtre. Ce n'est pas avec votre pauvre pégase qui change de général toutes les semaines que vous pourrez savoir ce que c'est de pouvoir avoir une totale confiance en un poney, de suivre ses ordres sans discuter depuis près de dix ans. Un génie qui choisissait soigneusement ses pattes droites. Il a été jusqu'à prévoir sa propre mort, et à préparer un successeur. Le vôtre a-t-il fait pareille chose, au cas où cette pouliche viendrait à bout de lui ? J'en doute."

"Notre général-en-chef ne se fera jamais tuer de la sorte !" protesta le terrestre.

La licorne eut un petit rire.

"On pensait la même chose du nôtre je vous signale. Enfin, c'est sûr qu'au vu de ses subordonnés, il ne risque pas de mourir d'une trahison."

"Seuls les généraux sont autorisés à le voir directement ! Jamais nous ne le trahirons."

La licorne rigola de plus belle.

"Ce que je veux dire, c'est que même si vous l'attaquiez dans son sommeil, vous ne seriez même pas capable de le blesser sérieusement ! Les généraux de l'Empire sont décidément plus faible que ce que l'on raconte."

Le terrestre voulut se défendre, mais ne trouva rien à répliquer. Finalement, il reporta silencieusement son attention sur le combat.

Le flanc est de l'Armée de Discord, à un contre trois face à l'Empire, commençait à flancher sous le surnombre. Le côté ouest s'en sortait à quatre contre un contre la Nouvelle République, même si cette dernière n'avait pas dévoilé son nombre et se contentait de reculer progressivement, harcelant les premières lignes de leur opposant pris en sandwich.

Au milieu, on pouvait distinguer une jument rose foncé au crin noir, entourée par une dizaine de soldats. Elle regardait d'un côté et de l'autre, cherchant à comprendre le pourquoi de cette situation si particulière d'attaques simultanées par deux armées pourtant bien différentes, lorsqu'elle leva son regard sur la falaise et vit les deux silhouettes côte à côte. Reconnaissant leurs armures, elle fronça les sourcils, comprenant alors ce qu'il se passait.

"Voilà qu'ils forment une alliance..." pesta Side.

Elle avait prévu que seul l'Empire attaque par un flanc, lui permettant de se replier. Mais l'information avait été transmise à la Nouvelle République visiblement. Ne connaissant pas les forces des deux armées, elle opta pour la sauvegarde des troupes.

"Repliez les dernières lignes, et évacuez par le sud," ordonna-t-elle calmement à ses subordonnés autour d'elle.

Ils acquiescèrent et obéirent sans discuter, donnant les directives. Side se retourna, jetant un regard noir aux deux généraux sur la falaise au nord, avant d'elle aussi s'enfuir par le sud.

"Qu'est-ce qu'on fait ?" demanda le terrestre en voyant les troupes se replier.

"Débrouillez-vous avec vos poneys. Moi je sais ce que je vais faire des miens."

Sans même avoir besoin de se concentrer, la licorne fit partir un trait lumineux bleu foncé vers le ciel qui explosa en un petit feu d'artifice. Puis elle se retourna et s'en alla.

Side s'arrêta en entendant le sortilège et se retourna pour voir la licorne partir, laissant le terrestre un peu désemparé.

Elle remarqua que les bruits de combats venant de la Nouvelle République cessèrent progressivement. Un repli ? Dans ce cas, il fallait réagir.

"Que toutes les troupes se rendent sur le flanc est !" ordonna-t-elle, retournant subitement en arrière.

Les ordres furent transmis, et l'Empire se retrouva bientôt face à l'intégralité des troupes de l'Armée de Discord sur place. L'Empire était toujours en surnombre, mais la bataille serait plus difficile. Les pertes seraient donc lourdes dans les deux camps, comme Side l'avait prévu.

Mais ce qu'elle ne savait pas, c'est que ce signal signifiait autre chose en plus du repli de la Nouvelle République. D'un accord avec Screwball, ce signal donnait à la pouliche l'information que son plan s'était avéré exact. Ainsi, elle mit son armée, qui se tenait prête, en mouvement, et non content de faire face à deux mille soldats de front, les trois mille de l'Empire Solaire se retrouvèrent bientôt pris à revers par près de cinq mille soldats.

La victoire fut, pour ainsi dire, écrasante du côté de l'Armée de Discord. Deux milles soldats perdus contre trois mille. Screwball se retrouvait certes avec environ la moitié des soldats que possédait l'Empire Solaire, mais pour l'instant, elle s'était toujours arrangée pour infliger plus de pertes à son adversaire qu'elle n'en subissait elle-même. Bien sûr, il restait la Nouvelle République qui devait maintenant posséder plus de soldats que l'Armée de Discord, mais la pouliche avait tout prévu.

Alors que les soldats se regroupaient et se dirigeaient vers le nord, comme ordonné par Screwball, Side cheminait à travers les rangs en vitesse, énervée. Elle trouva la pouliche en tête de colonne, trottinant gaiement, le sourire aux lèvres.

"Majesté !" fit Side d'un ton un peu brusque, en arrivant à ses côtés.

"Bonjour Side," répondit la pouliche sans démordre de son sourire. "Tu sembles énervée. Qu'est-ce qui ne va pas ?"

"Étiez-vous au courant pour cette attaque ?"

"Qu'est-ce qui te fait croire ça voyons ?"

"Vous êtes intervenue juste après que cette licorne de la Nouvelle République envoie son signal," expliqua Side qui essayait de retrouver son calme. "De plus, vous étiez censée revenir juste après la bataille de Canterlot, et vous avec mis bien plus de temps qu'il ne fallait. Je vous connais, vous ne laissez pas de place aux coïncidences, pas à ce point."

La pouliche eut un petit rire.

"Bien trouvé Side. C'est exactement ça. J'ai conclu un accord avec la Nouvelle République quand ils ont été contactés par l'Empire Solaire qui leur demandait de l'aide."

"Pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé !?" fit Side qui venait d'échouer à se contenir.

"Ne hausse pas le ton Side !" ordonna War, situé un peu derrière la pouliche.

"Laisse War, c'est normal qu'elle s'énerve je pense," tempéra Screwball en riant doucement. "Je ne t'ai pas prévenue car ce n'était pas nécessaire. Tu as eu exactement la réaction que j'attendais de toi."

"J'aurais pu agir autrement," répondit Side en serrant les dents. "Si vous m'aviez prévenue, j'aurais pu exécuter vos ordres avec plus de précision."

"Si tu avais fais ça, l'Empire Solaire aurait compris que son attaque avait été tuée dans l'œuf, et également que la Nouvelle République Lunarienne le dupait. Ce que j'ai mis au point nous a permis de réduire encore un peu plus les forces de l'Empire tout en nous mettant en bonne relation avec la Nouvelle République. L'ennemi pour l'instant, c'est l'Empire Solaire. Et nous venons tout juste de donner à la Nouvelle République l'opportunité de l'abattre."

"Vous voulez dire..."

"Nous nous replions pour l'instant," finit Screwball avec un grand sourire. "Les Blasters sont anéantis, les deux factions à armes quasi-égales, regardons-les donc s'entretuer un peu avant de remettre notre grain de sel."

"Et où allons-nous ?"

"Dans le nord, à l'Empire de Cristal. Cela fait partie de l'accord avec Sombra."

Side regarda un instant le dos de la pouliche, pensive. L'abattre. Elle n'avait qu'à tirer son épée et l'instant d'après la tête de la pouliche tomberait, avant même que War ou un autre n'ait le temps de comprendre ce qui se passe. Mais elle ne pouvait pas le faire pour l'instant. Les généraux continueraient à mener l'armée au nom de Discord, et même si seuls ils seraient perdus, cinq mille soldats représentait une force de frappe trop conséquente pour qu'elle soit laissée vacante dans la nature. Le but de cette armée était d'affaiblir les deux autres factions pour pouvoir facilement faire basculer la balance du côté de la résistance sur la fin.

Dans ce qu'elle supposait être l'après-midi, car c'était dur de juger le temps qui passait dans ce tunnel sombre éclairé par cette unique torche au bout du couloir, Debt se réveilla.

Il s'était endormi dans la matinée après avoir essayé de rassurer Stary. La licorne, quant à elle, avait également essayé de dormir, sans grand succès, à peine une heure d'après ce qu'elle estimait. Alors elle avait cherché à passer le temps, à s'occuper.

La licorne s'était relativement amusée à pousser ses sens au maximum pour détecter de quelconques signes de vie extérieurs. Il en résulta que, visiblement, le garde avait des problèmes de respiration d'après les sons qu'il faisait, et peut-être même de l'aérophagie d'après les résidus d'odeur qui parvenaient aux narines de Stary.

Elle s'amusa de cet inconfort, prenant exemple sur ce qu'aurait probablement fait Lemon en de pareilles circonstances. Elle se souvenait, lorsqu'elle avait aidé à libérer la jument rose de l'Armée de Discord, que celle-ci rigolait devant la grosse bosse qu'un résistant avait infligé à Moon en l'assommant, tout le monde le prenait pour un soldat à ce moment-là, et heureusement qu'elle le reconnut, sinon il aurait fini tué, comme tous les autres gardes.

D'ailleurs, elle voulait que les autres le ramènent à la résistance à l'origine, mais les autres avaient protesté, disant que c'était un soldat et qu'on ne pouvait pas lui faire confiance, et la précipitation du moment conduisit les autres à ne pas écouter les explications de Stary. Ce fut déjà un miracle qu'ils le laissent en vie.

Stary eut un petit soupire heureux en repensant à cela.

"À quoi tu penses ?" fit Debt dans sa cage, lui souriant.

"Quand on a libéré Lemon. Tu n'étais pas encore là, mais c'était assez drôle. Moon a été assommé. Ça n'était pas drôle sur le moment, mais quand j'y repense... Je veux dire, le hasard qu'il se retrouve là à ce moment, je trouve ça assez amusant."

"J'étais dans l'équipe qui mettait au point l'évacuation de l'Empire de Cristal à ce moment-là."

"J'aurais bien aimé participer à l'évacuation, mais..."

La licorne bleue fut cependant interrompue par un grand bruit. Un porte que l'on ouvrait. Quelqu'un, des soldats probablement, approchaient. D'instinct, elle et Debt se replièrent au fond de leurs cages.

Le soldat qui les gardait se mit immédiatement au garde-à-vous. Une licorne blanche en armure sombre, suivie par trois soldats s'arrêta devant leur cages.

"Alors voilà les deux résistants que vous avez emprisonnés ?"

"Oui générale !" répondit formellement le garde.

"Et que comptiez-vous leur faire au juste ?"

"L'interrogatoire du pégase n'a rien donné, nous envisagions de passer à celui de la licorne aujourd'hui," fit, tout aussi formellement, un des soldats.

"Un interrogatoire ?" fit la générale en haussant un sourcil, s'approchant de la cage de Debt, puis allant devant celle de Stary.

Le pégase affichait un regard de défi tandis que la licorne bleue fuyait les yeux de la générale.

Elle tourna un regard mauvais vers le soldat, ajoutant d'une voix glaciale :

"Vous allez me dire qu'avec le peu de marques présentes sur lui, vous avez vraiment cherché à interroger ce pégase ?"

Elle s'approcha du soldat, collant presque son visage au sien pour qu'il sente toute la fureur qui émanait d'elle.

"Vous avez une prisonnière qui est morte hier, et de ce que je sais, elle n'a pas été qu'interrogée. Laissez-moi vous dire une bonne chose, et c'est valable pour tous les soldats de cette base : si jamais vous tentez de prendre une jument juste pour assouvir vos bas instincts de mâles frustrés, je peux vous assurer que la torture vous semblera bien douce à côté de ce que vous subirez. Est-ce clair !?"

Le soldat avala difficilement sa salive, avant d'acquiescer. La jument se redressa de toute sa taille et s'apprêta à partir, mais marqua un arrêt devant la cellule de Debt.

"Par contre, les mâles, faites ce que vous en voulez," ajouta-t-elle d'un ton neutre, avant de reprendre sa route et de s'en aller.

Debt fronça les sourcils, ayant peur de comprendre ce qu'elle entendait par là. Les trois soldats s'échangèrent des regards un peu surpris, l'un d'entre-eux ayant l'air de demander aux autres un "On fait quoi ?". Les deux interrogés tournèrent alors leurs regards vers Debt qui recula par réflexe. Un soldat haussa les épaules en disant :

"Un trou reste un trou."

Propos qui sembla plus ou moins approuvé par ses confrères. Le garde ouvrit alors la cellule de Debt qui était complètement hébété.

"Q-Quoi !?" finit-il par hurler.

"On a pas le droit de toucher aux juments, alors ça va être ton tour," fit le soldat en ricanant s'approchant de Debt pour le saisir.

"Tu peux remercier la générale Guardian," fit un autre soldat à l'attention de Stary qui était, elle aussi, complètement choquée par la tournure que prenait la situation.

Les trois soldats sortirent Debt de sa cellule de force. Le pégase rouge se débattait comme un forcené, hurlant qu'on le lâche tout de suite, mais après quelques violents coups bien placé des soldats, il fut trop faible pour tenter quoi que ce soit, presque assommé.

Ils l'emmenèrent en le portant, avançant dans le couloir, sous le regard effrayé de Stary.

Une fois le coude passé, Stary comprit aux bruits et aux cris que Debt était revenu à lui. Et visiblement, il se débattait. Mais les cris changèrent rapidement, un soldat hurla :

"Évasion ! Alerte !"

Cette phrase fut rapidement suivie par un hurlement venant de Debt. Plusieurs hurlements. Puis le silence. Un soldat grommela près de la porte :

"Bravo ! Maintenant on a plus qu'une seule prisonnière, qu'on peut même pas toucher ! Et la nécrophilie, très peu pour moi !"

"Bon bah je me charge de l'enterrer," fit un autre soldat un peu plus loin après le coude.

"Il est... mort ?" murmura Stary avec les larmes aux yeux.

La porte après le coude se referma lourdement dans un cliquetis métallique, laissant Stary seule. À nouveau seule. Son imagination travaillait malgré elle. L'image du corps de Debt ensanglanté était fixé dans sa tête, avec le cri qu'elle avait entendu résonnant en fond. Elle tremblait. Enfouissant sa tête dans ses sabots, elle se mit à pleurer.

Derrière la porte, les trois soldats et la générale licorne regardaient le pégase rouge. Ce dernier était l'oreille collée contre la porte, à écouter les pleurs de Stary avec un grand sourire. Il s'éloigna de la porte et éclata d'un grand rire, repris par les soldats. La générale ne riait pas, mais gardait une sorte de respect dans le regard, les yeux fixés sur Debt.

"Vous avez tous été excellents !" félicita Debt avec un grand sourire. "Surtout toi Guardian, tu étais parfaite !"

"Je le prends comme un compliment," fit humblement la licorne en inclinant la tête.

"Bon. Guardian, viens avec moi. Les autres, retournez à vos occupations. On va la laisser mariner une petite semaine."

"Oui monsieur !" obéirent les soldats en un garde-à-vous solennel.

Debt s'éloigna dans les couloirs, suivi par Guardian.

"Votre façon de vous délecter du désespoir des autres m'étonnera toujours," commenta la générale.

"C'est quelque chose d'assez unique," rigola Debt. "L'accord avec l'Armée de Discord s'est bien passé ?"

"Comme prévu. L'Empire Solaire n'a rien vu venir, et ils se sont entretués."

"Bien bien bien," fit le pégase rouge en débouchant dans une grande salle où se trouvait un trône. Il s'assit tranquillement dessus, face à Guardian, souriant. La licorne le dévisagea un instant, des reproches dans le regard.

"Votre prédécesseur n'aurait pas agit ainsi."

"Oh, je t'en prie," rigola Debt. "C'est lui qui m'a formé. Je n'ai pas sa force, alors je compense avec un peu plus de fourberie que lui. Tant que Luna m'approuve, je reste ce que je suis !"

"Général-en-chef," soupira la licorne, lasse de le voir rappeler sans arrêt ce fait.