Chapitre 19 - Nouvelles et blocage

"Mais pourquoi la guerre ?"

"Pour le pouvoir. Pour qui règnera sur Equestria."

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Le matin commençait à se lever sur Equestria. Le soleil, dont tout le monde finissait presque par oublier que c'était Celestia qui le dirigeait, répandit doucement sa chaleur sur le pays, sans tenir compte des camps, des massacres et des morts de la nuit passé. Dans cette lumière, Canterlot semblait avoir désormais pris plusieurs millénaires d'un seul coup tant ses bâtiments étaient en ruines.

Side tournait en rond dans sa tente, faisant les cent pas. Elle n'avait pas dormi de la nuit. Elle ne devait pas dormir cette nuit ! Deux mille soldats sous son commandement, elle avait préparé quelque chose pour eux, qui devait arriver cette nuit, et rien ! Pas le moindre signe ! En plus, la bataille était maintenant finie depuis plusieurs heures, et l'autre partie de l'armée n'était toujours pas revenue. Ce n'était pas normal.

Elle avait pourtant bien annoncer à l'Empire Solaire que deux mille soldats attendraient ici. C'était une cible de choix, l'occasion de porter un grand coup à l'Armée de Discord. Ils devaient attaquer !

Un cor retentit. Puis un second, mais différent. Side s'arrêta brusquement, ouvrant grand les yeux, surprise. Elle se précipita hors de sa tente et chercha du regard d'où cela venait. Les soldats étaient en effervescence, ils se réveillaient et se préparaient à la va-vite. Si le premier cor était effectivement celui de l'Empire Solaire, comme Side l'avait prévu, le second n'était clairement pas celui attendu. La Nouvelle République Lunarienne attaquait également.

"Préparez-vous plus vite que ça !" leur hurla Side, prenant son rôle de générale. Quelque chose cafouillait une fois de plus dans son plan, et elle devait réagir vite. "Je veux la moitié des soldats sur le front est, et l'autre à l'ouest !"

Sans doute une mauvaise coïncidence. La Nouvelle République avait dû avoir vent de l'attaque de Canterlot et s'était dit que les soldats en retrait seraient une proie de choix. Ou bien...

Mais ce n'était pas le temps de se poser ce genre de questions. L'attaque était imminente, et ils étaient désormais pris entre deux feux.

Elle n'avait aucune troupe spécialisée, presque pas de pégases, et aucune licorne. Tous avaient été réquisitionnés pour l'attaque.

Le vrombissement des sabots sur l'ouest et l'est indiqua que les deux armées chargeaient. Simultanément.

"On y est presque."

"On sait," répondit Blackhoof un peu las. "On y est tous déjà allé."

Archer ne releva pas.

Ils marchaient dans une plaine enneigée. La journée s'entamait petit à petit, le reflet du soleil sur la toundra donnant l'impression d'un surplus de lumière. En face d'eux, pas très loin, de grandes montagnes, à croire que le paysage n'était constitué que de ça ici, des plaines neigeuses et des montagnes.

Archer marchait en tête, Blackhoof suivait, portant un Moon toujours inconscient, et Lemon fermait la marche, la tête basse et le moral à plat.

"On est arrivé plus vite que je ne le croyais," commenta Archer, tentant de trouver quelque chose de positif.

L'atmosphère était plutôt mauvaise depuis la veille au soir, lorsque Stary et Ice n'étaient pas réapparues, et quand Moon s'était subitement évanoui. Lemon était clairement la plus affectée, elle d'habitude si joyeuse. Blackhoof restait ferme, même si l'on sentait qu'il n'était pas indifférent à la situation. Et Archer menait, comme toujours, sans cette fois-ci une grande conviction, malgré le fait qu'elle soit habitué à perdre des poneys.

Ils entrèrent dans un défilé entre deux falaises. Continuant sur quelques mètres, puis faisant un coude, semblant s'arrêter sur un mur.

Archer souleva un petit rocher et appuya sur un genre de mécanisme situé en-dessous, confondu avec la terre. Puis elle reposa le rocher à sa place et leva la tête vers le mur.

"Six," dit-elle simplement.

Un petit silence, cinq secondes précisément, et le mur sur la gauche sembla pivoter doucement sur le côté, ouvrant un large passage. Deux poneys, une licorne et un terrestre, se tenaient derrière, des expressions neutres ne laissant transparaître aucune émotion sur leurs visages.

"Archer Arrows, Black, Lemon Square et Moon Help," énonça la ponette beige sans que rien ne lui soit demandé. "Nous venons transmettre un message de la part de la résistance à Spike."

Les deux poneys s'échangèrent un regard, avant de faire volte-face et de s'enfoncer dans le tunnel. Les trois autres leur emboîtèrent le pas.

Tel était le protocole pour entrer dans cette base. Le nombre était un mot de passe, inspiré des six Éléments de l'Harmonie. Et il fallait s'annoncer de sa propre initiative, puis expliquer la raison de sa venue. Si une parole différente était proférée, la garde rappliquait immédiatement.

Les parois constituées de glace séculaire et de roches gelées donnaient à cet endroit un air de ruine antique. Il s'agissait en fait d'une cavité naturelle qui avait été taillée probablement par une ancienne civilisation, équestre ou autre, et que la résistance s'était appropriée sans vraiment savoir qu'en faire. L'utilité en avait été démontrée lors de l'évacuation de l'Empire de Cristal, où on avait pu y loger sans problèmes la moitié de la population.

La grotte était grande. Les anciens habitants avaient créé de nombreuses galeries et maisons, suffisamment pour abriter une société riche et complète. Bien sûr, une partie avait été perdue sous les effets de l'âge, mais de récents travaux, effectués notamment par les réfugiés, permettaient d'y retrouver accès progressivement.

Le plus somptueux restait la grande salle dans laquelle le petit groupe déboucha. Assez vaste pour y caser des maisons et des rues avec largement la place de passer. Un plafond dont la hauteur équivalait, selon certain, à la plus haute tour du palais de Canterlot. Et au fond, un grand temple fait uniquement de glace.

De nombreux poneys se tenaient là. Et, rigueur d'un tel édifice gelé depuis des siècles, tous portaient divers vêtements chauds, écharpes, gants pour sabots, etc.

Des tentes également étaient dressées en ligne droite, et devant certaines se trouvaient des poneys en train de vaquer à leurs occupations, de discuter.

Bien peu étaient inactifs. Le travail ne manquait pas en un tel lieu, et chacun était mis à contribution.

"Veuillez attendre ici," informa leur guide terrestre. "Nous allons prévenir le Grand et Honorable Spike, le Brave et Glorieux, de votre venue."

"Si je puis me permettre," interrompit Blackhoof alors qu'ils s'apprêtaient à s'en aller. "Notre ami s'est évanoui, et il aurait besoin d'être examiné."

La licorne s'arrêta alors que le terrestre continuait. Elle se retourna vers Blackhoof et changea de direction, indiquant d'un geste :

"Suivez-moi dans ce cas."

Le poney gris portant son bagage se mit à sa suite tout en demandant :

"Vous n'avez pas eu la visite d'une licorne bleue ou d'une ponette blanche par hasard ?"

"Rien du tout."

Blackhoof se mordit la lèvre, jetant un regard inquiet à Lemon. Les yeux verts de la jument rose semblaient vides d'émotion. Si cela continuait, cette situation allait finir par devenir dangereuse pour le mental de la ponette.

"Lemon, va te reposer," lui fit Archer d'un ton ferme.

La ponette rose obtempéra sans dire un mot et suivit Blackhoof en silence et tous deux disparurent dans un couloir, guidés par la licorne.

Le poney terrestre se dirigea vers le temple et disparut à l'intérieur. Il n'y avait pas de portes, juste une voûte béante taillée à même la glace, qui s'enfonçait en un long tunnel sombre dans la montagne.

Archer relâcha toute la tension qu'elle avait accumulée, soupirant un grand coup de soulagement. Rehaussant légèrement son chapeau sur sa tête, elle se remit droite lorsque des bruits de pas imposants se firent entendre.

Le terrestre ressortit du tunnel, suivit par Spike, le dragon. Toujours aussi imposant, voire même davantage dans cet endroit confiné, le dragon abordait néanmoins un sourire bienveillant. Il s'avança vers la ponette, salué respectueusement par les poneys alentours lorsqu'il passait devant eux.

Archer s'inclina devant le dragon, mais celui tonna d'une voix chaleureuse :

"Allons, pas de ça entre résistant Archer."

"Pourtant c'est bien ce que font les autres," rétorqua l'intéressée avec un sourire, toujours la tête inclinée.

"J'ai beau leur dire d'arrêter, ils se croient toujours mes sujets, que veux-tu," rigola Spike. "Mais toi, tu n'as pas fait partie de l'Empire de Cristal, alors relève donc la tête !"

Archer obéit et regarda le dragon dans les yeux, toujours souriante. Elle connaissait l'histoire de Spike. Vieux de trois mille ans, probablement celui qui avait le mieux connu les Éléments de leur vivant pour avoir été l'assistant d'un d'entre eux. D'aucun raconte qu'il était assez étourdi dans sa jeunesse, maladroit et assez farceur. Mais en trois millénaires, il avait gagné en sagesse. Ceci lui avait permis de diriger l'Empire de Cristal à la mort de sa princesse, les habitants l'appréciaient déjà, et ce fut probablement l'endroit le plus vivable sur cette terre, y compris durant ces cinq cent dernières années, malgré la guerre.

Spike fronça cependant un peu les sourcils.

"Tu sembles soucieuse, des problèmes pendant le voyage ?"

"En quelque sorte," grimaça Archer. "Mais ce n'est pas le plus important actuellement. Il faut que je te parle, de préférence seul à seul."

Le dragon regarda autour de lui. Les poneys étaient toujours à leurs occupations, et ne semblaient pas se soucier d'eux outre mesure. Spike comprenait pourquoi Archer voulait lui parler seul, quelque chose d'important sans doute, et elle soupçonnait ses anciens sujets d'être de potentiels espions. Il ferma les yeux, mécontent qu'on doute ainsi de ceux qui avaient été au centre de ses préoccupations durant tant d'années, mais il reconnut que les doutes d'Archer étaient justifiés en de pareils temps.

"Bien, dans ce cas."

Le dragon prit délicatement la ponette dans une de ses grosses pattes et la souleva comme si elle ne pesait rien, avant de faire volte-face et de retourner dans le temple.

L'obscurité. L'humidité. Le froid. Les barreaux d'une cage. L'attente de la mort. Tant de choses que Stary avait prié pour ne pas retrouver. Et pourtant elle était maintenant enfermée dans une cage, dans un quelconque sous-sol de la Nouvelle République Lunarienne.

La cage était petite, même pas la place pour qu'elle tienne debout. Alors elle était assise, fixant le sol d'un air absent, les yeux écarquillés, alors que des cris lui parvenaient au loin. Les cris d'Ice. Ils l'avaient emmené peu de temps après leur capture pour l'interroger.

Ice avait été choisie car elle n'était qu'une simple terrestre, ce n'était donc pas grave si l'interrogatoire "l'abîmait" un peu. Stary, une licorne, était une prisonnière avec un peu plus de valeur à leurs yeux, surtout avec son niveau en magie.

Un dispositif avait d'ailleurs été fixé sur sa corne pour l'empêcher d'utiliser sa magie. Elle était complètement coincée. Seule, dans cette cage posée dans un couloir souterrain. Il n'y avait qu'un garde au bout du couloir, tranquillement assoupi sur sa table. Comment pouvait-il dormir si paisiblement avec en fond les cris déchirants d'une Ice qu'on torturait ?

Stary trembla de tout son corps, de froid et de terreur. Elle tenta tant bien que mal de se réchauffer en se frictionnant le corps avec ses pattes avant, mais rien n'y fit.

Des longues minutes, peut-être même une heure, s'écoulèrent avant que les cris d'Ice ne cessent, ce qui fit grandir l'inquiétude de Stary. Mais les gardes revinrent quelques secondes plus tard avec la ponette qu'ils jetèrent sans ménagement dans la cage à droite de celle de Stary, avant de la refermer.

La licorne se précipita contre les barreaux de sa cage pour examiner son amie, constatant avec effroi l'état pitoyable dans lequel Ice se trouvait.

Elle respirait à peine, les yeux fermés. Elle portait nombre d'horribles marques sur tout son corps, certaines saignant et entachant son pelage blanc et sa crinière. Des bleus recouvraient son corps de la tête aux sabots, un œil poché. Un liquide se trouvait aussi dans le bas de son dos, révélant que les soldats n'avaient visiblement pas fait que l'interroger.

"Mais qu'est-ce que vous avez fait !?" s'horrifia Stary.

Les soldats ne l'écoutaient pas, repartant déjà, commentant avec des rires gras :

"Dommage qu'elle n'ait rien dit."

"On peut jamais rien en tirer de toute façon, à part des cris."

"Il faut la soigner !" hurla la licorne en tapant sur les barreaux.

Ils tournèrent à l'angle du souterrain, s'éloignant à grand renfort de rires, laissant Stary désespérément seule avec Ice, au bord de l'inconscience. La licorne tenta comme elle put de réconforter son amie.

"Ice, parle-moi, dis quelque chose."

La ponette étalée au sol souffla une phrase :

"J-J'ai réussi... à ne rien leur dire..."

Elle tenta un sourire qui ne fit qu'horrifier davantage la licorne. Elle avait tenu pour la résistance, pour la sécurité des autres. Elle ne les avait pas trahis malgré les horreurs qu'elle avait endurées. Oui, elle avait de quoi être fière. Oui, c'était admirable. Mais à ce moment, Stary n'avait envie de lui dire qu'une chose : qu'elle aurait mieux fait de ne pas tenir, de dire ce qu'elle savait, d'arrêter cette souffrance. Mais comment lui dire après tout ce qu'elle avait subi ? Et puis, ce n'était pas comme ça qu'il fallait réfléchir, c'était faible comme manière de penser, mais l'état de total désespoir dans lequel Stary se trouvait en était la cause et la poussait à réfléchir à des choses insensées, juste pour essayer de s'en sortir.

"C'est..." hésita Stary, les larmes aux yeux. "C'est très bien Ice, bravo."

Silence.

"Ice ?"

La ponette ne répondit pas, ayant sombré dans l'inconscience.

Stary constata qu'il y avait pire que d'être seule. Être avec une amie à l'agonie, à moins de deux mètres, sans pouvoir l'aider.

Des soldats vinrent éteindre la seule torche au bout du couloir, simulant une nuit qu'Ice ne passerait peut-être pas. Dans l'obscurité totale, Stary resta pendant un long moment, un nombre incalculable d'heures, assise, sans bouger, ne fermant pas les yeux, fixant ce sol, qu'elle ne distinguait pas, devant elle, dans un silence pesant. Elle avait froid, mais n'y fit même pas attention. Elle savait qu'il ne fallait pas perdre espoir, mais c'était au-dessus de ses forces.

L'arrivée des soldats, dans un grand fracas et avec de la lumière, fut presque une bénédiction pour elle. Enfin il se passait quelque chose. Elle n'avait pas dormi, du moins elle ne s'en souvenait pas.

Les soldats approchèrent de sa cage. Son tour était-il venu ? Elle jeta un regard dans la cage voisine. Ice n'avait pas bougé. Elle ne respirait plus, son corps figé dans la position où les soldats l'avaient jeté. Elle n'avait pas passé la nuit.

Mais les soldats ne vinrent pas ouvrir la cage de Stary pour l'emmener. Non, ils ouvrirent celle sur la gauche de la licorne et y jetèrent un autre poney. Ils refermèrent la cage et s'approchèrent de celle de Stary.

"Tiens," aboya un soldat en lui envoyant un bol rempli d'une purée infâme à travers une ouverture prévue à cette effet. Au moins le bol n'avait pas été renversé. Il envoya à la suite un autre bol, rempli d'eau cette fois, dont le contenu se renversa un peu sur Stary qui n'en tint pas compte. Elle n'avait ni soif ni faim, ou alors elle ne s'en rendait pas compte, mais cela revenait au même.

"Eh merde !" râla un autre soldat qui était venu pour nourrir Ice. "Elle a pas survécu !"

"J'ai donc gagné mon pari," ricana une jument en armure, rehaussant ses lunettes.

Le soldat jura et cracha sur le cadavre d'Ice. Stary lui en aurait mis une si jamais elle avait été à portée. À la place, elle laissait sa rage bouillir en elle, tentant de se concentrer sur son bol de purée pour ne pas en entendre plus.

Les soldats ouvrirent la cage de la défunte et traînèrent son cadavre au dehors, l'emmenant ailleurs.

La soldate à lunettes resta un moment seule, puis tourna son regard vers Stary, souriant comme si rien ne s'était passé.

"Tu es de la résistance, pas vrai ?" rigola-t-elle.

Son ton était horriblement léger. Stary leva des yeux furieux vers, ce qui ne fit qu'accentuer le rire de la jument.

"On a de la chance en ce moment alors. Réjouis-toi, on t'a remise avec quelqu'un de ton camp."

La soldate tourna les sabots et s'en alla, continuant de rire. Stary tourna les yeux vers le nouveau prisonnier dans la cage voisine. Quelqu'un de son camp ?

Le pégase rouge était au sol, semblant souffrir en silence. Il portait de menues blessures, ou peut-être que la couleur de son pelage en cachait beaucoup. Stary le reconnut.

"Debt ?" s'étonna-t-elle, oubliant sa rage.

Le pégase ouvrit les yeux et les tourna vers Stary, relevant un peu la tête.

"Stary ?" fit-il en plissant les yeux pour la distinguer.

C'était bien lui. Le pégase que Stary, Lemon, Archer et Moon avaient cru mort, tué par la Nouvelle République alors qu'il leur permettait de s'enfuir de Ponyville.

"Tu es vivant !?" fit la licorne, se réjouissant.

Le pégase se frotta la tête tout en disant :

"On dirait bien..."

Il se releva en position assise, se heurtant la tête au plafond de sa cage.

"Aouch ! Mais toi, pourquoi tu es là ? Je croyais que vous aviez réussi à vous enfuir."

"On a réussi, grâce à toi. Mais on est repartis en expédition vers le nord quelques jours après, et on a été capturés."

"On ? Qui d'autre ?"

La gorge de Stary se serra.

"I-Ice... Ils viennent de l'emmener. Elle est morte."

"Oh..." fit le pégase en prenant une mine désolée. "Il n'y avait que vous deux ?"

"On était partis avec Lemon, Archer, Blackhoof et Moon. Mais Ice et moi avons été séparées des autres. Eux doivent être arrivés, maintenant."

Le pégase détourna les yeux de la licorne.

"J-Je suis désolée que tu aies été capturée..." fit-il d'une voix brisée.

"Pourquoi tu dis ça ?" répondit-elle sans comprendre. "Tu nous as permis de nous enfuir, c'est moi qui devrais être désolée."

"Ce n'est pas ça..." soupira le pégase, triste pour elle. "Je ne pense pas qu'ils vont te blesser pour t'interroger mais..."

Il tourna les yeux vers elle.

"Tu es une femelle... Et ils ne risquent pas de rater l'occasion. La Nouvelle République ne fait pas souvent des prisonniers.  Je ne pense pas que quoi que ce soit pourra te préparer, mais il faut que tu le saches."

Stary détourna à son tour les yeux, reportant son attention sur son bol qui refroidissait. À moins qu'ils servaient la purée déjà froide ?

"Je le savais..." répondit la licorne avec un rire triste. "J'ai vu ce qu'ils ont fait à Ice... Je sais que je suis la prochaine..."

"Tu comptes te débattre ?" s'inquiéta le pégase.

La licorne dénia de la tête, regardant un de ses sabots, elle se contenta de dire alors qu'une larme perlait sur sa joue :

"Je sais bien que je n'ai pas la force de faire quoi que ce soit. La dernière fois, quand j'ai été faite prisonnière, j'ai vu ce qu'ils ont fait à une jument..."

"Je sais, j'étais là. Et elle a fini avec la gorge tranchée après avoir tenté de s'enfuir. C'est pour ça que je te demande. Je ne veux pas que tu finisses comme elle."

"Je leur donnerai ce qu'ils veulent... Ce sera un mauvais moment... Rien qu'un mauvais moment parmi tant d'autres."

"Il faudra que tu tiennes," conforta le pégase. "L'important c'est que tu survives."

La licorne acquiesça.

"Et toi ?" demanda-t-elle. "Ils t'ont torturé ?"

"Pas beaucoup... J'ai été trimbalé à droite à gauche. Je ne sais même pas combien de temps s'est écoulé depuis ma capture. Mais j'ai pu glaner quelques informations dans les conversations des soldats. Qui sait, si on s'évade, ça servira peut-être."

"Quelle genre d'informations ?" s'enquit Stary, heureuse d'avoir trouvé un sujet qui l'éloignait de ses tourments à venir.

"Luna a nommé un nouveau général-en-chef, pire que le précédent apparemment. L'Empire aurait conclu un accord avec la Nouvelle République le temps d'une bataille pour affaiblir l'Armée de Discord, un genre d'alliance temporaire. Canterlot s'est fait attaquer hier soir. Je ne sais pas qui a gagné. Et deux-trois mouvements de troupes ici et là."

"Tu leur as dit quelque chose sur la résistance ?"

Le pégase haussa les sourcil, se sentant insulté.

"Tu me prends pour qui ? Je ne leur ai rien dit ! De toute façon, il ne m'ont pas demandé grand-chose... Ils m'ont tabassé pour la forme. C'est bizarre d'ailleurs, ils ne doivent pas avoir beaucoup d'informations sur la résistance normalement. Alors pourquoi ne m'ont-ils pas plus questionné que ça ?"

Le pégase devint songeur. Stary, quant à elle, se rendit subitement compte qu'elle avait faim et jeta son dévolu sur la purée désormais froide. Le goût n'était franchement pas terrible, pour ne pas dire répugnant. Mais il fallait s'y faire, elle comptait bien survivre à cet endroit. Au moins elle n'était plus seule.

Un peu plus tôt, dans la nuit où Canterlot fut détruite, cette même nuit qu'Ice ne passa pas, dans sa chambre du quartier général de la résistance, Smith pestait.

"Mais enfin ! Où est passé Sinuous !?"

"Calme-toi," tempéra sa jument.

"Me calmer !? Presque tous sont partis aider les civils de Canterlot à évacuer, on a des messagers partis au nord pour rallier Spike, une centaine d'espions qui risquent leurs vies pour la résistance, et Sinuous introuvable alors qu'il est en charge de presque toute l'organisation, et tu voudrais que je me calme !?"

La licorne soupira devant l'attitude de son étalon.

"Viens te coucher. Il y en a d'autres dans la résistance qui peuvent prendre des décisions, même sans lui, et sans toi."

"Il faut que j'y retourne !" fit le forgeron sans écouter sa jument.

Cette dernière soupira, regardant l'étalon blanc qui tournait en rond, énervé. Il s'énervait facilement puisqu'il ne dormait pas beaucoup, cherchant toujours à travailler le plus possible. Pour le calmer, elle avait cependant une technique infaillible, bien qu'elle ne l'aimait pas.

"Il faut que tu te calmes, c'est pas bon pour tes nerfs de..."

Elle coupa volontairement sa phrase, le but étant juste d'attirer son attention, avant de simuler un vertige, vacillant quelque peu, se rattrapant au mur. Immédiatement, Metal accourut.

"Ça va ?" s'inquiéta-t-il.

"O-Oui..." répondit-elle avec un faux halètement. "C-Calme-toi juste, je t'en prie... Ça m'inquiète de te voir comme ça."

"Désolé," s'excusa le forgeron, ayant oublié ses soucis. "C'est juste que je suis sous pression, alors je m'énerve. C'est dans mon tempérament. Ne t'inquiète pas pour moi, c'est mauvais pour le bébé."

"Si, je m'inquiète pour toi," répondit la licorne marron. "Tu es toujours sur les nerfs, c'est mauvais pour toi. Prends un peu de repos, juste un peu. Laisse un peu les autres te remplacer, lâche la bride."

Metal releva le menton de sa jument, la regardant dans les yeux.

"Je vais me calmer, ne t'en fais pas. Je vais régler deux ou trois trucs importants, et après je viendrai me coucher, d'accord ?"

"D'accord. Ne traîne pas trop," sourit gentiment la licorne.

"Promis."

Il l'embrassa quelques secondes, avant de quitter la chambre. La licorne se coucha doucement dans son lit.

Le problème de Sinuous introuvable était réellement inquiétant. Depuis qu'il lui avait remis le message, plus personne ne l'avait vu. Et pour cause, il était parti.

À quelques kilomètres du QG, il réfléchissait.

"Grande sœur, tu ne mourras pas dans cette guerre. Ce n'est pas toi qui partiras devant en prenant tous les risques, me laissant derrière pour me sauver. Pas cette fois."