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Le Prix de la Générosité

Une fiction traduite par inglobwetrust.

Le Prix de la Générosité

Les ténèbres entouraient la jument blanche sur le lit. Il y avait à peine un filet de lumière. Rarity pouvait à peine voir ses sabots de devant. Elle devait les placer face à ses yeux pour en voir le moindre contour apparaître hors de l’ombre. La chambre à coucher semblait petite, les murs se rapprochant d’elle alors qu’elle tirait les couvertures plus près de son corps afin de sentir le tissu sous son menton. L’atmosphère claustrophobe et l’absence de lumière l’auraient normalement rendue nerveuse, mais pour le moment elle chérissait le noir. C’était son protecteur, un bouclier occultant ce monde qui l’aurait jugée.

Spike s’assit sur une petite chaise au pied du lit. Sa griffe était posée sur son sabot alors qu’il chantait d’une voix lente.

« Il y a des jours où la pluie semble ne jamais cesser,
     quand la douleur te transperce le cœur.

Il y a des jours où tout espoir semble perdu,
     même lorsqu’une lumière apparaît dans le noir.
     Tu la fuiras de peur,
     car elle ne fera que rappeler ta douleur,
     et tu voudras rester cachée dans le noir. »

Il s’arrêta et se racla la gorge, riant un peu. « Désolé si ma voix ne rend pas justice à la chanson. C’est plus difficile que je ne le pensais. »

« Je pense que c’était ravissant », dit Rarity, d’une voix chevrotante alors qu’elle luttait pour retenir ses larmes.

Spike rit, « Merci ».

« Peux-tu continuer s’il te plaît, mon cher ? T’entendre chanter est très relaxant », dit Rarity en s’allongeant, sentant ses muscles se détendre comme si elle recevait le meilleur des massages.

« Bien sûr », gloussa Spike, s’éclaircissant la voix avant de reprendre sa chanson.

« Mais même durant tes jours sombres,
     J’espère que tu penseras à ça.

Que peut-être tu verras,
     Même si tu te sens seule,
     Que tu ne l’es pas,
     car je serai toujours à tes côtés. »

Rarity dévisagea Spike, et se mordit la lèvre. Elle ne pouvait pas pleurer devant lui et même le noir lui fit craindre qu’elle ne puisse s’y réfugier en raison de ses doux sanglots. Son esprit retourna durant la nuit où tout arriva, une nuit où, si elle n’avait rien fait, la chaleureuse griffe qui lui tenait le sabot serait devenue froide et sans vie, tout comme le dragon à qui elle appartenait.

*

C’était la fin de l’automne, et Rarity jouissait d’une de ses sorties nocturnes. Peu de gens étaient au courant de ça, étant donné qu’elle gardait secrète ce genre d’activités. Elle portait un manteau noir pour ne pas être reconnue, ce qui lui donnait l’apparence d’un fantôme traversant les rues de Poneyville.

Mais elle constata qu’à chaque sortie, elle parvenait à libérer le stress de la journée, entre honorer les commandes à sa boutique et s’occuper de sa sœur à chaque fois que ses parents la déposaient là.

L’air était frais et vivifiant, parfait pour la saison. Rarity trottait sous le ciel étoilé, jetant de temps en temps un œil au croissant de lune. Elle aurait préféré voir une lune complète, mais un croissant était aussi bienvenu. À chaque expiration, de la fumée s’échappait de sa bouche et de ses naseaux.

Elle marchait depuis environ vingt minutes et pensait revenir vers sa maison lorsque, soudainement, une lueur capta son attention. En levant ses yeux, elle vit ce qui semblait être de la fumée s’échapper de la librairie. Ses yeux se remplirent de peur.

« Oh mon dieu ! »

Elle galopa en direction de la source de fumée, qui grandissait dans la nuit. Alors qu’elle approchait de la librairie, elle sentit sa fourrure se réchauffer. Les ténèbres firent place à un mélange d’orange, de lumières bleues et roses qui s’intensifiaient à son approche. Elle se retrouva en face du tas fumant qui fut un jour la librairie. Tout le haut était prisonnier d’un spectre de flammes de couleurs étranges, dansant si majestueusement que Rarity ne put s’empêcher de les admirer, même si elles détruisaient la maison de son amie.

Rarity était horrifiée par la scène, inquiète de savoir que ses amis se trouvaient à l’intérieur. Elle se souvint que Twilight accompagnait la Princesse Celestia en voyage pour apprendre à devenir une diplomate. Owlowiscious était sans doute en train de chasser des rats dehors à cette heure-ci. Ça ne voulait toutefois pas dire que la librairie était vide alors qu’elle continuait de brûler.

« AHHH ! »

Le cœur de Rarity bondit en entendant ce cri, ce cri qui venait d’un bébé dragon.

« Spike ! » cria Rarity. Elle courut vers la porte et l’ouvrit pour se retrouver face à un énorme nuage de fumée toxique à l’odeur étrangement douce. Ses yeux brûlaient et elle commença à voir double, le monde autour d’elle se dilatant comme s’il respirait.

Elle sécha les larmes de ses yeux avec son sabot et se mit en route. Son manteau et une partie de sa fourrure étaient déjà couverts de cendres, l’hésitant à aller plus loin – si ce n’était pas pour le danger mortel que le feu représentait, c’était alors pour les problèmes de mode qu’il posait. Mais en entendait les cris de Spike, elle comprit qu’elle ne pouvait pas laisser la peur l’emporter. Elle connaissait les dangers qui l’attendaient à l’intérieur. Pourtant, elle prit une grande inspiration, poussant sa capuche en avant afin de protéger son visage, et s’engouffra à l’intérieur du brasier.

En bondissant à travers le nuage de fumée, Rarity commença à se sentir mal. Elle scanna les environs dans une tentative désespérée pour trouver Spike. Les livres crépitaient, le toit était couvert de flammes, la rendant nerveuse par peur d’un éboulement. Elle entendit des bruits étranges, à la fois des cris et des rires. En levant les yeux, elle trouva ce qu’elle pensait être des livres tombés des étagères. Leurs couvertures battaient comme les ailes de chauves-souris, les pages soufflant autour.

Les livres plongèrent vers Rarity. Hurlant, la licorne tomba au sol et se couvrit la tête, attendant que les livres stoppent leur attaque. Mais ils ne le firent pas. Lentement, elle leva la tête et regarda autour. Il n’y avait aucun livre volant tel une chauve-souris assoiffée de sang. Seulement des livres qui brûlaient dans la chaleur des flammes.

Mettant de côté cet incident, elle tourna le regard vers les escaliers menant à la chambre de Twilight. Ils étaient broyés par les morceaux de plafond qui leur étaient tombés dessus. Il y avait un large trou d’où sortaient les flammes.

Elle trouva Spike en haut des marches, assis au sol à quelques pas du feu. Il était plongé dans la vision des imposantes flammes avec une peur irréelle dans ses yeux. Il tendit une griffe comme pour se protéger d’une quelconque menace. Comme s’il ne regardait pas directement le feu qui dansait autour de lui. Il semblait avoir les yeux tournés dans les mâchoires d’une bête terrifiante qui tentait de bondir sur lui.

« Non ! Ce n’est pas moi ! Arrête ! cria-t-il. Ferme tes yeux, je n’en peux plus ! »

« Spike, tiens bon ! » hurla Rarity. Elle savait que le temps était compté. Les débris tombaient du plafond et la fumée suffocante l’obligeait à agir vite si elle voulait qu’elle et Spike s’en sortent en un seul morceau.

Rarity concentra sa magie sur le bébé dragon et le souleva de l’endroit où il se trouvait. Elle courut près des marches pour le retrouver tandis qu’elle lévitait Spike au-dessus des flammes avant de le poser par terre afin qu’il lui fasse face. Il haleta rapidement, les yeux grands ouverts. En vitesse, elle l’amena près d’elle pour un câlin. Spike commença à lutter.

« Ahh ! Ils m’ont eu ! À l’aide !! »

« Calme-toi ! Spike, c’est moi ! Rarity ! » cria-t-elle au dragon qui se tortillait dans son étreinte. Elle enleva sa capuche pour révéler son visage. Spike leva les yeux vers elle et grimaça en voyant son corps tremblant. Lentement, alors que la lumière brillait pour révéler son identité, les yeux de Spike s’écarquillèrent encore plus. Pas de peur mais par choc.

« Rarity ? demanda Spike. C’est… c’est vraiment toi ? »

Rarity réconforta Spike et lui sourit. Un large sourire apparut sur le visage du dragon. Il ne perdit pas de temps pour enrouler ses bras autour d’elle dans un câlin. « Oh merci ! Merci ! »

Rarity le fit taire avec un sabot. Spike leva les yeux. « Ne m’en parle pas. Tu vas bien et c’est tout ce qui compte, dit Rarity avant que sa curiosité reprenne le dessus. De quoi avais-tu peur là-haut ? »

Spike tourna et pointa du doigt les escaliers. « Il y avait des branches-loups là-bas ! Je pouvais voir mon reflet dans leurs yeux. J’étais un dragon adulte ! Je devenais un mon- » Spike fut interrompu lorsqu’une poutre s’écrasa au sol, en plein sur le lit de Twilight. Tous deux étaient horrifiés.

« Nous devons sortir de là », dit Rarity.

Spike acquiesça. Lui et Rarity tournèrent pour partir. Les débris commençaient à tomber autour d’eux, bloquant leur chemin vers la sortie. La fumée était si épaisse que l’air devenait irrespirable, et lorsque Rarity en inhala elle découvrit ses propres hallucinations : livres volants, meubles riants et même ce qui semblait être le hurlement de branches-loups. Elle leva les yeux pour voir apparaître des silhouettes transparentes aux yeux verts et sauvages s’approchant d’elle. Elle essaya d’ignorer ces visions à glacer le sang en se disant que c’était un produit de son imagination.

Rarity sentit son énergie s’affaiblir. La seule chose qu’elle pouvait faire était de trouver elle et Spike leur chemin vers la porte en évitant les flammes. Elle guida Spike et elle vers la sortie.

« Rarity…Rarity, gémit Spike, toussant dans son bras. J’entends les hurlements… les branches-loups… ils arrivent pour moi… pour nous…

-Non Spike… tu hallucines. Viens, nous… sommes presque dehors… Encore un petit effort », dit Rarity d’une voix faible, toussant entre deux mots. Les hurlements étaient de plus en plus distants alors qu’ils approchaient de la porte. Les hallucinations continuèrent, des flashs de lumière arc-en-ciel traversèrent sa vision, comme de petites versions de la traîne laissée par Rainbow Dash en volant. Mais rien ne la détourna de son but. Ils étaient presque hors de la maison, libérés de ce piège mortel.

Mais alors qu’ils allaient atteindre la sortie, une dernière et massive partie du plafond tomba directement devant eux. Sentant son énergie revenir pour un bref instant, Rarity attrapa Spike et galopa à travers les débris. Elle amena le dragon près de son corps, l’enroulant autour d’elle autant que possible. Elle fit tout ce qu’elle pouvait pour le protéger.

Une boule de feu jaillit de l’impact et brûla son manteau et sa fourrure, le réduisant en cendres et brûlant le visage de la licorne. Elle poussa un hurlement de douleur en sentant sa fourrure brûlée. Elle tenait toujours fermement Spike, même si la douleur devenait de plus en plus forte.

Elle jaillit rapidement du dernier mur de fumée avec Spike pour finalement être saine et sauve. Rarity s’évanouit instantanément sur la douce herbe et roula pour éteindre les braises. Elle le fit aussi vite que possible, même si les dégâts avaient déjà été faits. Le feu enfin éteint, Rarity s’étala faiblement sur le sol, respirant le doux et frais oxygène de la nuit. Son corps vrombit de douleur, comme si des petites bulles éclataient ici et là. Malgré cette douleur, son esprit était uniquement vers une seule chose : Spike.

Rarity regarda avec son œil gauche, le seul encore bon, pour trouver le bébé dragon qu’elle avait secouru. Il était à un mètre d’elle, sur les genoux et tremblant. Mais il était vivant. Ses bras étaient enroulés autour de son estomac tandis qu’il continuait à tousser jusqu’à ce qu’il tombe en arrière. Il était inconscient, mais sa respiration lente commençait à revenir à la normale.

« Spike », chuchota Rarity, tendant son sabot gauche vers lui, le droit trop douloureux pour le lever. Elle pouvait entendre les sirènes des pompiers qui étaient enfin là. Rarity vit un chariot s’arrêter et un groupe de poneys habillés dans leurs typiques uniformes rouges s’approcher du duo. Elle jeta un dernier coup d’œil à Spike, qui gémissait dans son sommeil. Soudain, la douleur la frappa comme une tonne de briques, et son corps fut las, ses paupières lourdes et la conscience commença à la quitter. Elle garda ses yeux sur le bébé dragon jusqu’à ce que les médecins arrivent à sa hauteur. Elle laissa la fatigue s’emparer d’elle et le sommeil l’emporter.

*

L’une des nouvelles inventions de Twilight, un parchemin magique, avait causé le feu. Avant de partir en voyage, Twilight avait créé ce tour pour écrire ses observations d’outre-mer dans des livres à la librairie. La Princesse Celestia lui avait donné une plume magique qui lui permettait d’écrire des notes. À chaque fois que Twilight utilisait la plume, le parchemin recevrait des informations et s’empressait de copier ses notes.

Malheureusement, il avait trop travaillé en raison de l’écriture excessive de Twilight et avait « court-circuité ». Quand cela arriva, des étincelles d’énergie magique mirent le feu aux rideaux tout proches avant de s’étendre aux livres, puis au plafond et enfin à la librairie toute entière. L’énergie dégagée par le liquide causa les nuages de fumée colorée et devinrent hallucinogènes, faisant croire à Spike et Rarity des choses comme les livres volants et les branches-loups.

La licorne blanche apprit cela deux jours plus tard après s’être réveillée dans un lit d’hôpital.

« Intérieurement, vous pouvez espérer récupérer rapidement. Vos poumons semblent être en bon état et la magie a protégé votre système immunitaire », dit le docteur avec un ton légèrement optimiste. Il se tenait au pied du lit de Rarity. Elle écoutait, bien que les médicaments l’aient rendue somnolente. L’expression du médecin devint sombre. « Mais votre apparence est une autre histoire. »

« Qu’est-ce que vous voulez dire ? » demanda Rarity, tirant la couverture telle une petite fille terrifiée par les bruits venant du grenier.

« Vous avez été brûlée au troisième degré au visage et sur le corps. Quand j’ai enlevé les bandages, votre peau était couverte de cicatrices ainsi que d’une absence de fourrure à certains endroits. J’aimerais pouvoir vous dire que cela repoussera mais il y a des chances que rien ne se produise », poursuivit le docteur.

Ces mots étaient comme des poignards lancés en plein dans le cœur de Rarity. « Donc vous dites que… que… je serai en permanence… défigurée ? Que je devrais passer le reste de ma vie à parader avec un corps balafré ? »

Le docteur ferma les yeux et soupira. « Au fil du temps certaines des cicatrices vont disparaître, mais la majorité resteront permanentes. Je suis désolé, Rarity. »

Rarity commença à secouer la tête. « C’est un rêve… non ça doit être un cauchemar. » Sa respiration s’accéléra. Le monde tournait autour d’elle et le docteur, connaissant les premiers signes d’un malaise vagal, agit rapidement avec les infirmières, posant une compresse froide sur la moitié du visage de Rarity tout en l’allongeant. Sa vision s’assombrit avant qu’elle ne se réveille, le docteur et les infirmières massés autour d’elle. Son passage à vide n’avait duré que quinze secondes, mais c’était assez pour lui faire croire qu’elle rêvait.

Elle nota les bandages qui couvraient son corps.

Elle ferma les yeux, en se convainquant elle-même qu’en agissant ainsi, elle se réveillerait dans sa chambre à coucher sans une égratignure, en réalisant que tout cela n’était qu’un rêve. Elle imagina le soulagement qui envahirait son corps. Mais en les ouvrant à nouveau pour se retrouver à nouveau dans les draps de l’hôpital, le docteur et les infirmières toujours là, elle commença à pleurer.

Sa dépression persista durant les jours suivants. Elle mangea peu, pas parce qu’elle n’appréciait pas la nourriture servie à l’hôpital, mais par peur de se sentir écœurée après seulement quelques bouchées.

De temps en temps, le docteur passait et lui dit qu’il était temps de retirer les bandages, une idée qu’elle rejetait par peur de faire face à son nouveau corps. Par peur d’affronter la vérité. Elle refusa même de regarder son corps sous les couvertures, mêmes si les bandages recouvraient les blessures.

Quand tous les pansements furent retirés, et que Rarity fit face à son reflet, elle souhaita immédiatement que ceux-ci restèrent en permanence sur elle. Chaque peur concernant l’étendue de ses blessures se réalisa.

La quasi-entièreté de son dos et le côté droit de son corps n’étaient rien d’autre que de la peau balafrée, sans une petite trace de fourrure car même les racines étaient brûlées. Alors que la moitié de son visage était intacte et montrait la beauté dont elle aimait se vanter, l’autre moitié était aussi boursouflée que le reste de son corps.

Elle regarda intensément son reflet. Chaque seconde passée devant lui donnait envie d’éclater en sanglots.

À ses yeux elle était un monstre de foire, dégoûtant et immonde. Pour une action désintéressée, pour avoir honoré son élément de générosité en sauvant Spike du feu à la librairie, sa vie telle qu’elle l’avait connue était terminée, et ses projets futurs ne se transformaient qu’en rêves impossibles.

« C’est vrai… je… je suis hideuse… » gémit-elle malgré sa gorge sèche, trouvant enfin la force de dévisager son reflet.

« Ne dites pas ça Miss Rarity, vous avez l’air bien, dit le docteur en tentant de la rassurer. Bien sûr, elle n’est plus la même qu’auparavant mais je suis sûr que vous apprendrez bientôt à aimer votre nouvelle apparence. »

À ces mots, « nouvelle apparence », Rarity sentit une boule se former dans sa gorge. Elle tourna les yeux du docteur et couvrit son visage avec ses sabots, le droit rose et tordu par les brûlures. Mais elle se fichait de son sabot quand son esprit était fixé sur l’idée qu’elle n’était rien d’autre qu’une monstruosité.

« Comm… comment puis-je aimer ma nouvelle apparence ? dit-elle d’une voix tremblante. Comment quelqu’un le pourrait-il ? »

Le silence se fit pendant quelques instants, le seul son venant de Rarity qui tentait de retenir ses larmes. Elle ne pouvait pas s’empêcher de laisser échapper quelques gémissements de sa bouche.

« Voudriez-vous rester seule ? » demanda le docteur. Rarity hocha la tête. Elle entendit le docteur soupirer en quittant la pièce avec les infirmières. Quand la porte fut close, Rarity regarda à nouveau le miroir. Ses yeux étaient toujours aussi élégants qu’avant, même si le droit était cerné par de la chair.

Tout ce qu’elle voyait lui rappelait son visage autrefois parfait. Elle se sentait comme masquée, l’un de ceux qu’elle devrait porter à vie telle une malédiction. Un masque qui l’accueillerait à chaque fois qu’elle se regarderait dans la glace, et qui sauterait aux yeux de tous. Elle arriva à retenir ses pleurs, mais sentit sa vision s’obscurcir. Les larmes coulèrent massivement sur son visage.

Les jours suivants, Rarity resta à l’hôpital, récupérant émotionnellement et physiquement de ses blessures. Elle reçut des dizaines de demandes de visites, mais accepta uniquement de voir Sweetie Belle et ses parents, seulement après que les médecins eurent insisté sur le fait de parler à quelqu’un pour ne pas perdre sa santé mentale.

Ses amis, ainsi que Twilight, stoppèrent leurs voyages dès que la nouvelle leur arriva, et arrivèrent pour la voir, faisant face à une Rarity cachée sous les couvertures et leur ordonnant de partir. Après une longue lutte entre Rarity et Rainbow Dash, Twilight mit fin à leur dispute et dit à Rarity qu’elles la laisseraient tranquille jusqu’à ce qu’elle soit prête pour les voir. Mais Rarity perçut la voix cassée de Twilight, comme si elle aussi était proche des larmes et retenant ses larmes pour rester forte. Elles quittèrent l’hôpital, et Rarity demanda au personnel de lui faire savoir quand elle recevait des visiteurs.

D’autres poneys, dont des journalistes travaillant pour Equestria Daily voulaient interviewer l’héroïne qui avait sauvé le bébé dragon, passèrent à l’hôpital pour la voir. Elle refusa encore et encore. Les journalistes quittèrent les lieux le carnet vide, partis à la recherche du dernier scandale ou exploit à relater.

Spike fut soigné dans une aile différente du bâtiment, essentiellement pour être sûr qu’il était en bonne santé après avoir inhalé autant de fumée magique. Pendant un temps, on lui interdit de quitter son service, comme si les médecins voulaient garder un œil sur lui pour des raisons de sécurité. Quand il se sentit assez fort pour vagabonder, il se mit à chercher la chambre de Rarity et demanda à des infirmières s’il pouvait voir la licorne qui lui avait sauvé ses écailles.

Rarity répéta à l’infirmière la même chose qu’elle disait lorsque quelqu’un voulait la voir – pas de visite. En réalité, elle ne voulait surtout pas qu’il pose les yeux sur elle. Elle aimait imaginer Spike la regardant avec la même admiration qu’auparavant, et comment pouvait-il en être ainsi désormais ? Elle supplia l’infirmière de ne pas laisser entrer le petit dragon, même si elle avait mal au cœur de dire des choses pareilles.

À contrecœur, l’infirmière dit à Spike qu’elle ne voulait pas le voir. Rarity continuait à l’entendre essayer de la convaincre de le laisser entrer, mais elle devait obéir aux souhaits des patients. Spike quitta les lieux, défaits, le bruit de ses pas de plus en plus distant jusqu’à ce qu’ils disparaissent. Rarity s’en mordit le sabot et cacha son visage dans l’oreiller, se fichant de la manière dont le coton piquait sa tendre peau.

Finalement, les médecins l’autorisèrent à sortir. Malheureusement pour eux, Rarity ne partageait pas le même sentiment. Elle leur supplia de rester à l’hôpital, refusant de se montrer dans un tel état.

Après des heures de persuasion, les médecins parvinrent à la convaincre de partir en lui donnant un sac en papier avec deux trous pour les yeux et une toge pour couvrir la majorité de son corps. Les docteurs étaient inquiets, mais Rarity voulait tellement se couvrir qu’ils ne purent que s’incliner.

Ses parents et Sweetie Belle la guidèrent jusqu’à sa maison. Quelques poneys s’arrêtèrent pour regarder, grattant leurs têtes à la vue d’une jument avec un sac sur la tête. En voyant leurs regards, Rarity pouvait dire qu’ils savaient qui elle était, encore plus en étant accompagnée par Sweetie Belle et ses parents.

Rarity sentait sa joue encore intacte se réchauffer, l’autre toujours insensible. Son cœur était comme un ballon, léger et déconnecté du reste de son corps. Elle souhaita que son corps entier ressente la même sensation, pensant qu’elle pouvait flotter et s’envoler comme un ballon loin des regards indiscrets.

Quand ils arrivèrent à la maison de Rarity, sa mère s’approcha pour lui retirer le sac lorsque Rarity recula, plaçant un sabot dessus.

« Ma chérie tu n’as pas besoin d’être inquiète, dit la mère de Rarity, nous savons déjà à quoi tu ressembles. Ce n’est pas si terrible… »

« Pas si terrible ! hurla Rarity, sentant sa colère grandir. Tu es sérieuse ?! Mon corps est défiguré et mes projets de tenir une boutique et de devenir une styliste mondialement célèbre sont ruinés ! Et tu me dis que ce n’est pas si terrible !?! »

« Qui a dit que tu avais besoin d’être belle pour être une grande styliste ? » demanda le père de Rarity, immédiatement stoppé par un coup de sabot dans l’estomac venant de sa femme. Il la regarda lui lancer un regard qui en disait long. « Eh… je… je ne veux pas dire que tu n’es plus aussi belle qu’avant. Tu es merveilleuse. »

« Ne me mens pas, Papa, je sais exactement à quoi je ressemble. Aucun magazine de mode ne voudrait mettre en une un poney dont l’apparence est tout sauf fashion, dit Rarity en pointant le sac sur sa tête. Regardez la vérité en face. Je suis moche, dégoûtante et pas faite pour les yeux du public. »

« Mais Rarity, juste parce que tu as eu un… accident ne veut pas dire que tu ne pourras jamais être une styliste célèbre », dit Sweetie Belle.

Rarity baissa les yeux en direction de sa petite sœur. Ses grands yeux verts brillaient comme des étoiles vers elle.

« Sweetie Belle, j’apprécie tes encouragements. Mais tu ne connais la façon dont tourne le monde, spécialement Canterlot. Je serais jetée dehors avant de leur montrer ne serait-ce qu’une simple robe », dit Rarity. Elle prit une longue respiration, profitant du silence autour d’elle. Ses parents se lançaient des regards inquiets tandis que Sweetie Belle regardait son sabot. Rarity ferma les yeux et poussa un soupir avant de se diriger vers les escaliers. « Si vous avez besoin de moi, je serai dans ma chambre. N’allumez pas les lumières si vous venez me voir. Je veux une obscurité totale. »

Avant que ses parents ou sa sœur puissent dire un mot de plus, Rarity trotta jusqu’à sa chambre. Elle entra et referma la porte derrière elle, les lumières toujours éteintes. Elle ferma les rideaux pour que la seule lumière qui puisse pénétrer soit un petit trou entre les deux pièces de tissu.

Elle tomba sur le matelas et enleva la toge de son corps, la laissant tomber au sol. Ensuite, elle retira le sac de sa tête, se libérant de sa moiteur. Elle le posa sur le meuble près de son lit avant de s’allonger sur son oreiller et de prendre une grande respiration.

Utilisant sa magie, elle illumina sa corne dans une aura bleue afin de créer une source de lumière afin qu’elle puisse voir, ne serait-ce qu’un peu. Elle s’allongea sur le côté et regarda vers sa garde-robe. Elle pouvait y voir toutes les pièces qu’elle avait créées. Chacune d’entre elles était plus unique et fabuleuse l’une que l’autre, mais ça n’avait plus d’importance. Ils pouvaient tout aussi bien être brûlés, déchirés et défigurés jusqu’à ce qu’ils ne soient plus qu’un tas de cendres.

*

Il était tôt le matin suivant, alors que les rayons du soleil perçaient à travers l’horizon. Rarity se leva hors du lit et marcha vers les rideaux clos. Elle les ouvrit légèrement et jeta un œil dehors. Des poneys passaient devant la boutique, certains souriaient tandis que d’autres semblaient aller au champ de bataille. Rarity referma lentement les rideaux, éteignant toute source de lumière excepté les quelques rayons de soleil qui parvinrent à entrer dans la pièce.

Elle retourna dans son lit et s’allongea, sans certitude sur la suite de sa journée. Devait-elle se lever et préparer le petit déjeuner ? Devait-elle rester au lit et broyer du noir toute la journée ? Elle choisit la seconde solution.

Rarity ferma ses yeux, décidant que le sommeil rendrait la journée plus courte. Elle se sentait extrêmement fatiguée. Elle sentit son esprit glisser dans les bras de Luna lorsqu’elle entendit un coup sec à la porte de sa chambre.

Elle soupira. « Maman, c’est toi ? Je pensais que tu passerais plus tard. »

« En réalité, c’est moi. »

Les yeux de Rarity s’écarquillèrent lorsqu’elle reconnut cette voix. Elle se releva juste à temps pour voir la porte s’entrouvrir, faisant rentrer la lumière à l’intérieur. Spike poussa la porte afin d’y laisser passer son corps. Comme un réflexe, Rarity attrapa un coussin et le tendit devant son visage.

« Spike, qu’est-ce que tu fais ! Ferme la porte, tu laisses entrer de la lumière ! » cria-t-elle.

« Désolé, désolé. » Spike ferma rapidement la porte, laissant la pièce retomber dans le noir complet. Rarity pouvait toujours voir le corps de Spike dans l’obscurité. « Je n’allumerai pas les lumières ou quoi que ce soit d’autre. Sweetie Belle m’a déjà dit que tu avais peur d’être vue. »

Rarity acquiesça, baissant le coussin qui recouvrait son visage. Elle était toujours inquiète de ce que ses amies pourraient penser d’elle, surtout Spike au vu de l’affection qu’il lui manifestait. La façon dont il la regardait avec des yeux transis d’amour et du rouge sur ses joues. La façon dont il l’avait toujours aidée lorsqu’elle avait besoin d’un coup de sabot, entre creuser pour trouver des diamants hors de Poneyville jusqu’à créer sa dernière collection. Rarity pensait que si elle lui demandait de nager dans l’eau glacée, il le ferait sans hésitation.

Il y eut le jour où Spike grandit jusqu’à atteindre la taille d’un adulte avant de partir dans une chasse à travers Poneyville en la kidnappant. De retour à son état normal, alors qu’ils chutaient à toute vitesse vers le sol, Spike voulut dire à Rarity quelque chose, mais elle le stoppa avec son sabot. Elle savait déjà ce qu’il allait dire, alors elle ne fit que sourire avec les larmes aux yeux tandis que le bébé dragon lui rendait la même expression.

Même si Spike ne lui avait jamais dit ce qu’il ressentait, il n’avait pas besoin de le faire.

Mais c’était précisément la raison pour laquelle elle était nerveuse de l’avoir aussi près d’elle avec cette apparence.

Elle aurait dû être reconnaissante de sa visite, et au plus profond d’elle elle l’était. Malheureusement, son côté vaniteux lui fit prendre peur de la réaction de Spike face à son nouveau visage. Inquiète que sa compassion laisse place à l’horreur en voyant ce qu’elle était devenue, inquiète qu’il ne veuille plus jamais la voir.

Comment peut-il ressentir la même chose pour moi maintenant ? se demanda Rarity alors que Spike approchait du lit.

« Tu es très bon pour te déplacer dans le noir », dit Rarity.

« Eh bien, quand tu dois trouver ton chemin alors que tu as un petit creux à minuit aussi souvent que moi, ça devient une seconde nature » dit Spike en riant. Il était si près, Rarity pouvait sentir son souffle sur son visage lorsqu’il parlait. Il ressemblait à une ombre, les contours de son corps visibles mais rien de plus. Le petit filet de lumière qui s’échappait des rideaux donnait un bref aperçu d’une moitié de son visage.

Rarity s’allongea lentement et regarda droit devant. Elle se sentait trop honteuse pour affronter son compagnon d’infortune.

« Tu vas bien ? » demanda Spike d’une voix inquiète.

« Qu’est-ce que tu penses ? » soupira Rarity

« Je sais que tu es en colère contre le monde entier et… et je me sens responsable de ça, dit Spike d’une voix chancelante, ce qui poussa Rarity à tourner sa tête vers lui. Je ne pourrai jamais assez te remercier pour tout ce que tu as fait. Tu m’as sorti de cet enfer et à cause de moi tu… tu… » Spike prit son courage à deux mains avant de poursuivre, les larmes dans les yeux. « C’est ma faute. C’est ma faute si tu es comme ça. Si je n’avais imaginé ces branches-loups, j’aurais pu m’en sortir et- »

« Oh Spike, rien de tout ça n’est de ta faute », murmura Rarity. Elle regarda le bras de Spike s’approcher d’elle, et son visage rempli de larmes se plaquer contre sa poitrine.

« Je suis désolé Rarity… je suis désolé… »

« S’il te plaît Spike, ne sois pas trop dur avec toi, ce qui est fait est fait. » Rarity plaça son sabot sous le menton de Spike et leva sa tête. Elle ne pouvait pas voir ses yeux dans le noir, mais était certaine qu’il la regardait. « Et… et je ferais la même chose encore et encore… si c’était à refaire. »

Rarity frissonna en pensant galoper une seconde fois vers la librairie en sachant ce qui arriverait, mais au plus profond d’elle, elle savait que les cris horrifiés de Spike l’amèneraient à coup sûr à l’intérieur pour le sauver. L’attention qu’elle lui portait avait désormais une trace sur son visage et le reste de son corps couvert de cicatrices.

Les cicatrices.

Rarity redevint nerveuse, regardant Spike toujours accroché sur son buste. Elle bougea légèrement, mais Spike ne lâchait pas son étreinte. Elle pensa qu’il ne pouvait pas ressentir l’absence de fourrure et la chair à vif. Soit ça, soit il restait poli et n’en disait pas un mot. Ses peurs s’envolèrent. La chaleur de son corps contre le sien la rendit plus calme. Elle était heureuse de l’intimité physique qu’ils partageaient.

Spike desserra son emprise et recula du lit. Il y eut un bref silence avant que Spike prenne la parole.

« Euh… est-ce… est-ce que tu aimes la musique ? »

Les oreilles de Rarity s’agitèrent. « La musique ? Bien sûr que oui. Qui ne l’aime pas ? Je veux dire, tant que ça n’est pas du ‘rock and roll’ ou du ‘hip-hop’ que j’entends hurler toute la journée de chez Vinyl et Octavia. Je te jure que cette folle licorne essaie de rendre sourde la moitié de la ville. »

Spike agita une griffe. « Ne t’en fais pas, je ne parle pas de ce genre de musique. » Il regarda son pied, visiblement anxieux de la suite.

« La raison pour laquelle je suis venu… c’est… enfin… je peux chanter pour toi si tu veux », dit Spike d’un air nerveux.

« Toi ? Chanter ? Mon Spikey-chou je ne savais pas que tu étais un artiste », gloussa Rarity d’un ton moqueur dans sa voix.

Spike leva les yeux, grattant le dos de son cou et haussant les épaules. « Eh bien je ne suis pas aussi bon, juste acceptable. Je ne chante pas souvent alors de là à m’appeler un artiste ou un chanteur… »

Rarity gloussa, imaginait combien Spike devait rougir. « Oh ça va. Pas besoin d’en faire une montagne. J’aimerais beaucoup t’entendre chanter. »

Spike sourit et s’éclaircit la gorge avant de commencer à chanter. À l’instant où il commença, la mâchoire de Rarity était grande ouverte, sa voix beaucoup plus douce qu’elle n’aurait pu l’imaginer.

« J’étais seul, exclu du monde,
Avec personne à mes côtés,

Mais maintenant, alors que tu es venu à moi,
Ta chaleur traverse mon corps.

Maintenant si je suis seul et sans toi,
Au moins mon esprit sera à tes côtés. »

Sa voix était douce, à l’image de l’atmosphère qui régnait dans la pièce. Rarity commençait à sourire, la chanson pénétrant en elle. Ses yeux se remplissaient tout doucement de larmes alors que le dragon continuait à chanter plus douce que le battement d’ailes d’une colombe. Il continua de chanter pendant trois minutes avant de s’arrêter.

La pièce était silencieuse, aucun d’entre eux ne bougeant le moindre muscle. Rarity laissa couler, son corps toujours plongé dans l’effet relaxant de la chanson.

« C’était… c’était magnifique, dit Rarity. Je ne pensais pas que tu avais une aussi jolie voix. »

« Tu sais bien que tu exagères », rit Spike.

« Absolument pas, Spike, répondit Rarity en tenant ses griffes dans ses sabots, les caressant gentiment. Si tu chantais devant un public, je viendrais à chacun de tes concerts… tu sais, si je pouvais me fabriquer un nouveau manteau pour cacher mes brûlures avant de pouvoir affronter les yeux de tous. »

« Tu n’as pas besoin de te cacher », murmura Spike. Un silence s’ensuivit. La joie qu’éprouvait Rarity commençait à la quitter. Elle était ramenée à sa situation et se retint de retourner dans son lit. Le silence persista jusqu’à ce que Spike s’éloigne d’elle. « Tu sais, je peux passer demain avec une nouvelle chanson. Si tu aimes bien… »

Rarity sourit, tapotant gentiment une des griffes du dragon. « J’aimerais beaucoup. »

*

Tout au long de la semaine, Spike s’arrêta chez Rarity tous les jours. Ses autres amies firent de même, Twilight ouvrant la voie. Bien qu’elle fût toujours craintive, elle se sentait assez forte pour les laisser entrer dans sa chambre. Après tout, elle laissa Spike la voir, et c’était par rapport à lui qu’elle fut la plus inquiète. Elle gardait les lumières éteintes, pour leur plus grande déception, mais elles étaient compréhensives. Rainbow Dash fut la plus difficile à convaincre, mais elle gardait ses sabots loin de la lampe.

Twilight, cependant, était la plus bavarde de toutes. Bavarde n’était pas le mot le mieux choisi, puisqu’elle avait tendance à devenir hystérique durant ses crises de larmes, suppliant Rarity de la pardonner. Elle se sentait coupable d’avoir provoqué l’incendie, provoqué par sa propre initiative, par sa propre machine et par sa propre aptitude à écrire trop. Rarity essaya de la convaincre que ce n’était pas de sa faute, que les accidents pouvaient arriver, mais la façon dont Twilight accepta son pardon était peu convaincante.

À mesure que le temps passait, et alors que leurs visites se firent plus fréquentes, Rarity remarqua que Twilight semblait aller mieux à chaque fois. Mais même son sourire semblait porter une part de culpabilité. Rarity savait qu’elle ne pourrait jamais entièrement se pardonner elle-même.

Malgré les visites de ses amies, Rarity attendait avec le plus d’impatience la venue de Spike, prenant plaisir à passer du temps seul à seul.

Chaque jour il venait avec une nouvelle chanson pour sa bien-aimée. Il prit aussi l’habitude de tenter de la convaincre de rallumer les lumières afin qu’ils se voient face à face, mais Rarity restait réticente à l’idée de révéler son vrai visage. Elle dut admettre que l’entendre chanter lui avait grandement remonté le moral. Il était très doué pour ça.

Peut-être n’était-ce pas seulement dû à son chant, mais sa présence qui la fit se sentir mieux. Bien sûr elle avait toujours peur et restait au fond de son lit les lumières éteintes. Mais l’avoir près d’elle lui amena du réconfort. Certaines fois, elle oubliait même ses blessures, plongée dans les mots doux, les merveilleuses mélodies et la chaleur de ses griffes sur son sabot.

Mais tout changea le dernier jour de la semaine.

Spike venait de terminer sa balade à la licorne cachée, et Rarity applaudit comme elle le faisait habituellement, soucieuse de ne pas frapper trop fort sur son sabot boursouflé. Le bébé dragon salua dans la noirceur de la pièce et Rarity put seulement le sourire fier qui devait orner son visage.

« Bravo Spike, encore un morceau brillamment interprété. »

Spike se leva et se gratta nerveusement la nuque. « Hé-hé, eh bien Rarity, encore un compliment et mon ego sera plus grand que celui de Trixie. »

« Tu devrais avoir plus confiance en toi, tu es vraiment très doué, gloussa Rarity. Au fait, comment te sens-tu depuis… tu sais… l’incendie ? Je sais que tu as été à l’hôpital pendant quelques jours. »

« Oh, dit Spike en ressentant un léger frisson le traverser. J’ai été bien, j’imagine. Les docteurs étaient surtout inquiets car la fumée était remplie d’énergie magique, ce qui était bien plus dangereux que de la fumée normale. Heureusement, nous les dragons avons un solide système respiratoire et j’ai récupéré très rapidement. Je n’ai pas toussé une seule fois depuis que j’ai quitté l’hôpital. Et toi ? »

« La routine, soupira-t-elle. Grotesque et inapte à affronter le reste du monde. »

Spike soupira à son tour. Rarity sentit une griffe rassurante se poser de son côté. « Ne parle pas de toi comme ça. Tu n’es pas grotesque. »

« C’est facile pour toi de le dire, tu n’as jamais vu à quoi je ressemblais », dit Rarity.

« Eh bien il est temps que ça change. » Avant que Rarity puisse ajouter un mot, Spike s’approcha de la lampe sur la table de chevet et tira la corde, remplissant la pièce de lumière. Rarity gémit et jeta la couverture sur sa tête afin de se cacher de Spike, son corps tremblant comme une feuille alors qu’elle s’enroula autour de son tissu protecteur.

« Allez Rarity, tu dois arrêter cette comédie », dit Spike en retirant la couverture. « S’il te plaît enlève la couverture. »

« Non ! cria Rarity. Je suis affreuse ! »

« Rarity, je t’ai déjà dit que je ne penserai jamais que tu es horrible, s’il te plaît, enlève cette couverture. »

« Non ! » dit Rarity, tirant la couverture hors des griffes du dragon. Elle sentit Spike faire de même, essayant de l’abaisser mais elle résista. Les deux se battaient pour l’attirer de leurs côtés, tirant dessus comme une corde alors que Rarity sentit monter une colère froide. « Spike, lâche-ça ! »

« C’est pour ton bien ! »

« Pourquoi tu ne respectes mon vœu de rester cachée ? »

« Parce que ça ne peut plus durer et je t’ai déjà dit que- » Spike ne put finir sa phrase car le tissu qui recouvrait son amour était déchiré et tomba au sol alors que le reste de la couverture qui cachait le visage de Rarity tomba à son tour, révélant son visage défiguré. Spike secoua sa tête et leva les yeux vers elle. Avant qu’il puisse réagir, Rarity agrippa son oreiller et le posa sur son visage.

« Ne me regarde pas ! »

« Rarity je suis désolé, je voulais juste- » dit Spike avec un ton coupable avant que la licorne ne le stoppe.

« Non, Spike ! » dit Rarity avec une rudesse qu’elle n’avait jamais montrée au bébé dragon. « Je t’ai dit que je ne voulais pas être vue et tu ne m’as pas écoutée ! Tu n’as plus le droit de venir ici. »

« Je voulais juste- »

« Sors d’ici ! »

« Mais- »

« Maintenant ! » grogna Rarity, étouffant ses pleurs avec son oreiller. Elle écouta alors que le silence remplit la pièce jusqu’à ce que Spike ferme la porte. Quand elle n’entendit plus un bruit, elle éclata en sanglots. C’était comme si elle était de retour à l’hôpital.

Elle enroula les restes de sa couverture déchirée autour d’elle et sanglota doucement. Elle laissa la lumière allumée, trop faible pour avoir la force de tirer la corde pour l’éteindre.

Elle gisait là, les pattes avant autour de son buste, ses yeux vitreux en laissant échapper de faibles gémissements, tremblante. Doucement, elle se sentit fatiguée. Incapable de résister, et toujours furieuse de l’attitude de Spike, Rarity laissa le sommeil l’emporter.

*

Rarity se retrouva au plus profond d’une forêt sombre. Le ciel était sombre, le vent sifflait de temps en temps. Rarity tremblait légèrement en marchant, mais l’air n’était pas frissonnant, juste inquiétant. Elle se sentait paranoïaque, comme si quelqu’un rôdait. Le son de craquements autour d’elle fit tournoyer Rarity, sa respiration rapide et haletante. Elle ne trouva que de la végétation. Mais les craquements continuèrent.

« Qui… qui est là ? demanda-t-elle. « Montre-toi ! Je te préviens, ce n’est pas parce que je suis une dame que je suis faible et sans défense. »

Pour toute réponse, un bruit de pas s’approchait d’elle. En pleine panique, elle s’enfonça plus loin dans la forêt. Elle devait échapper à la bête qui la suivait.

Soudain, son sabot cogna contre une racine et elle tomba tête la première dans la boue. En se relevant, elle jeta un œil par derrière pour voir une ombre avec deux yeux verts se rapprocher d’elle. Elle n’allait pas vite mais semblait prendre le temps de savourer le regard de terreur dans les yeux de la jument.

« Re-recule sale monstre ! » cria Rarity.

« Je ne peux pas rester loin de toi », dit le monstre d’une voix ténébreuse mais bizarrement familière.

« Stop ! » implora Rarity. « S’il te plait, je ne veux plus subir ça. »

« Subir quoi ? » demanda la bête.

« S’enfuir, se cacher » répondit-elle, recroquevillée. « La fuite, c’est trop ! »

« De moi ? » demanda la bête avec un sourire narquois. Ses dents brillaient comme deux fragments des perles les plus précieuses.

« Plus de ça… plus de ça… » Rarity pouvait voir la bête devant elle, une large ombre recouvrant son corps. L’air devint glacé. Elle ferma ses yeux.

« Regarde-moi. »

Rarity secoua la tête.

« Prétendre que je ne suis pas là ne fera que t’enfoncer dans ton abîme de pitié. Regarde-moi, Rarity. »

Elle ne voulait pas. Chaque muscle de son corps était incapable de bouger. Elle sentit alors un sabot chaud sur son épaule. Elle leva lentement les yeux pour faire face à une paire d’yeux couleur azur. C’était comme regarder dans un miroir – si son reflet était vivant et indépendant. Elle se mit debout pour se voir elle-même, son corps meurtri avec la moitié de son visage mutilé, le buste rouge et brûlé.

Les peurs de Rarity commencèrent à disparaître. Ce n’était pas un monstre, c’était elle-même.

ELLE n’était pas un monstre.

Le « reflet » de Rarity lui faisait face. « Alors, n’est-ce pas mieux ? Apprendre à me connaître au lieu de fuir. Accepter la vérité au lieu de rester dans le déni ? »

« Mais… mais… comment » bégaya Rarity, encore confuse.

« Tu ne dois pas fuir tes peurs. Si tu continues, tu vas abandonner ceux qui sont attachés à toi. »

Rarity baissa les yeux. « Et s’ils ne m’aimaient plus ? Je veux dire, regardez-moi. Regardez-VOUS. »

« C’est moi, darling, dit le reflet. Et tu dois l’admettre. Bien sûr tu as quelques cicatrices- »

« J’aurais du mal à dire qu’avoir la moitié du corps et du visage brûlé ne soit que quelques cicatrices. »

« D’accord, d’accord, dit le reflet en agitant ses sabots. Ce que je veux dire est que tu ne peux pas laisser quelque chose d’aussi futile que l’apparence physique te définir. Montre que tu es plus que ça. Que la personne que tu es n’est pas uniquement un corps. »

Rarity hocha lentement la tête, se sentant soudainement de moins en moins consciente. En fixant la bête qui l’avait terrifié – elle-même – et en écoutant ce qu’elle dit fit partir le sentiment de dépression, peur, pitié et colère qu’elle éprouvait depuis que les pansements avaient quitté son visage. Elle était là, face à son reflet, ses sabots ancrés dans la terre qui se mélangeait aux larmes. En se frottant les yeux, elle se mit debout.

« Vous… vous pensez que tout ira bien ? » demanda-t-elle.

« Je suis sûre que oui, dit son reflet. Mais il n’y a qu’un seul moyen de le savoir. »

Son reflet lui fit un clin d’œil et s’en alla.

Rarity tenta de la stopper. « Attendez ! Où est-ce que vous allez ? »

Sa propre image continua de marcher et répondit. « Ton rêve est presque fini et je pense qu’il est préférable que je reste au second plan. »

« Un rêve ? demanda Rarity, confuse. Attendez une minute, est-ce que je rêve ? »

« Oui, et la fin approche », conclut le reflet, sa voix n’imitant plus celle de Rarity. Elle était remplie d’une certaine élégance, comme si elle appartenait à quelqu’un de puissant.

Le reflet s’arrêta, tourna la tête et offrit un sourire à Rarity. Soudain, une lumière bleu nuit l’entoura alors qu’elle changeait de forme. Lorsque la lumière disparut, Rarity n’était plus en train de se regarder, mais faisait face à la Princesse Luna.

« P-princesse Luna ? » bégaya Rarity.

L’alicorne gloussa et fit un clin d’œil à Rarity avant de disparaître dans les airs. Avant que Rarity puisse bouger, le monde autour d’elle commença à se désagréger.

« Souviens-toi de ce que je t’ai dit, Rarity ! »

Les sabots de Rarity quittèrent le sol et elle se sentit voler haut dans le ciel. Elle hurla alors que les alentours devinrent de plus en plus brillants.

*

« Rarity ! »

« Gah ! » cria Rarity, en pleine bataille avec la couverture. Elle était essoufflée, son corps boursouflé couvert de sueur. Près d’elle se tenait une Twilight très inquiète et le regard toujours coupable sur son visage. Elle avait une couronne dorée sur sa tête, qu’elle portait souvent en public. Elle n’aimait pas particulièrement le faire, sortant qu’elle se sentait comme une banane au milieu de pommes, mais la Princesse Celestia l’avait encouragée, en lui disant que c’était la coutume pour une Princesse. Alors elle portait la couronne.

Toujours est-il que, pour Rarity, voir son amie en Princesse était étrange.

« Twilight, qu’est-ce que tu… » Elle s’arrêta en comprenant que les lumières étaient allumées et que son ami pouvait la voir comme en pleine journée. La panique s’empara d’elle et elle s’approcha de la couverture pour se protéger jusqu’à l’amener en-dessous des yeux. Mais sa peur avait disparu, et elle fit une pause.

Elle regarda la couverture, le linceul qui la protégeait du regard des autres. En comprenant cela, Rarity entendit les mots de Luna retentir dans sa tête.

« Tu ne peux pas laisser quelque chose d’aussi futile que l’apparence physique te définir. Montre que tu es plus que ça. »

Elle laissa tomber la couverture, exposant son corps meurtri aux yeux de Twilight. Elle leva les yeux pour voir si son amie montrait un quelque signe de dégoût. Elle continuait à la regarder intensément comme si son corps ne portait aucune trace de brûlure. Rarity soupira, « Qu’est-ce que tu fais ici ? »

« Spike m’a dit que tu lui as crié dessus quand il a allumé les lumières, répondit Twilight. Pourquoi tu as fait ça ? »

Rarity laissa échapper un soupir, se sentant coupable de sa réaction face à Spike. « J’imagine que je me suis laissée emporter. Je me sentais si laide que je ne supportais pas que quelqu’un me voie dans cet état. Surtout Spike, Celestia sait combien il pensait que j’étais belle. »

Twilight inclina la tête. « Tu penses vraiment qu’il ne t’aime que pour ton apparence ? »

Rarity tressaillit. « Je ne suis pas sûre, j’étais trop terrifiée pour attendre et voir sa réaction. Je voulais qu’il se souvienne de moi comme j’étais avant et pas ce que je suis devenue. »

Twilight soupira. « Rarity, il y a quelque chose que tu dois savoir. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

Twilight prit son courage à deux mains et semblait mal à l’aise. « Spike me détesterait s'il savait que je t’ai dit ça. »

« Me dire quoi, darling ? » demanda Rarity, en se redressant.

Twilight prit une grande inspiration, expirant légèrement avant de faire face à Rarity. « Il sait à quoi tu ressembles depuis qu’il a commencé à venir te voir. »

Il y eut un long silence. Rarity leva un sourcil, ne comprenant pas où Twilight voulait en venir, ou peut-être était-elle surprise parce ce qu’elle lui avait dit. Tellement surprise qu’elle ne pouvait y croire.

« Je suis confuse, qu’est-ce que ça veut dire qu’il sait à quoi je ressemble ? Il ne m’a pas vue à l’hôpital lorsqu’on m’a enlevé mes bandages, et je suis toujours restée dans le noir quand il venait ici. »

« Exactement, Rarity. C’est un dragon, et leurs yeux peuvent voir dans le noir bien mieux que les poneys. Leur vision est sans doute limitée sur de longues distances, mais à la distance où Spike était par rapport à toi, assis à tes côtés, il pouvait te voir aussi bien que si toutes les lumières avaient été allumées. »

Rarity regardait, incrédule et la mâchoire pendante. « Donc… il m’a vue et a continué à venir me voir ? » dit Rarity alors que sa voix se faisait faible.

Twilight acquiesça. « Tu sais ce que ressent Spike pour toi. Bien sûr qu’il serait venu te voir dès que possible. »

« Même si j’étais si repoussante ? »

« Tu n’es pas repoussante, et même si tu l’étais, nous t’aimerions quand même telle que tu es », dit Twilight. Rarity regarda ses sabots, frottant nerveusement l’un contre l’autre alors qu’elle commençait à se sentir mal. Twilight posa un sabot rassurant autour de celui boursouflé de son amie, elle enroula aussi une de ses ailes nouvellement acquises autour de son amie, entourant le corps brûlé de Rarity. « Spike se fiche de savoir à quoi tu ressembles. Hé, aucune d’entre nous ne s’y intéresse. Nous voulons juste que tu sois heureuse et en bonne santé. Maintenant que tu es sortie de l’hôpital, tu as fait la moitié du chemin. Nous devons juste travailler sur l’autre moitié. »

Rarity hocha la tête. « Je comprends et je l’apprécie, vraiment. » Elle sourit et s’assit, remuant ses jambes au bord du lit. Elle baissa les yeux pendant un moment, fermant ses paupières pour apprécier l’instant.

Elle était exposée aux yeux des autres. Chaque cicatrice pouvait être vue. Ça n’avait plus aucune importance, car ses amies la regarderaient de la même manière. La seule à se voir différente était elle-même, comme l’avait montré la Princesse Luna dans son rêve.

Elle ouvrit les yeux et fixa Twilight. « Spike est à la librairie ? »

« Oui, et il est plutôt contrarié. »

« Je dois lui parler. Est-ce qu’il sera en colère si je me montre ? »

« Bien sûr que non. Il n’est pas en colère contre toi, il veut juste que tu arrêtes de te juger aussi durement. »

Rarity acquiesça et sauta hors du lit. Twilight recula de quelques pas, laissant de l’espace à son amie. Quand ses sabots touchèrent le sol, elle sentit ses jambes vaciller. Rester allongée pendant quelques jours sans bouger l’avait clairement affaiblie. Le temps de se remettre en jambes, son regard se remplit d’une détermination retrouvée.

Elle descendit les marches, son cœur battant de plus en plus fort alors que la porte d’entrée approchait. En arrivant devant, elle s’arrêta, la peur toujours présente. La poignée de porte lui renvoyait son reflet et elle savait que les poneys dehors pouvaient la voir. Mais il y avait toujours une barrière entre elle et le monde extérieur et la peur revenait l’envahir.

Elle sentit quelque chose de chaud autour de ses épaules. Elle tourna la tête pour voir Twilight, une de ses ailes enroulée autour de son corps. L’alicorne offrit un sourire encourageant et pointa en direction de la porte. « Vas-y, tu n’as rien à craindre. »

Rarity fixa son regard vers la porte, et prit une grande inspiration. Les yeux pleins de détermination, elle se concentra sur la porte et dit :

« À nous deux, le monde. »

Elle fit quelques pas dehors et laissa le soleil l’entourer de ses rayons dorés. L’air remplissait de chaleur son corps. Les poneys la regardaient, certains avec une expression confuse comme s'ils ne la reconnaissaient pas. Mais une fois qu’ils le firent, leur confusion fut remplacée par des sourires bienveillants.

Rarity était abasourdie. « Je n’y crois pas, pourquoi tout le monde agit si gentiment ? »

« Poneyville n’est sans doute pas différente des autres villes lorsqu’il s’agit de juger les gens qui ne sont pas comme eux, dit Twilight qui trottait derrière Rarity. Mais quand tu es désignée comme la jument qui a couru dans une maison en feu pour sauver mon assistant numéro un, ils savent mettre de côté ton apparence pour voir qui tu es vraiment. »

Rarity sourit et regarda autour d’elle. Elle vit passer Caramel et Thunderlane, chacun lui offrant un sourire. Lyra et BonBon firent de même, BonBon semblait grincheuse, comme d’habitude, alors que Lyra agita frénétiquement son sabot pour la saluer. Même Davenport, le coquet vendeur de chez Plumes et Canapés, la salua et lui dit : « Heureuse de te voir, Rarity. J’espère que tu vas bien. »

« Merci », répondit Rarity, sentant ses joues rougir. Son anxiété la quitta peu à peu.

« Tu vois, il n’y a rien à craindre », répéta Twilight. Son sentiment de culpabilité s’envolait peu à peu également, comme si elle pouvait enfin tourner la page, ce qui rendit Rarity encore plus heureuse.

« Tu as raison, dit la licorne, enthousiaste. Maintenant, si tu veux bien m’excuser, je dois aller m’excuser auprès d’un certain dragon. »

Sur ces mots, Rarity galopa.

*

« Spike, tu es là ? » Rarity entra dans la librairie. Le lieu était calme et les dégâts de l’incendie toujours visibles. Les réparations allaient bon train mais les murs noircis et l’odeur persistante de fumée lui rappelaient le drame qui s’était joué ici.

Rarity s’arrêta à un endroit noir près de l’entrée. Il semblait avoir la forme d’un croissant de lune, comme si quelque chose l’avait protégé des flammes. C’était là qu'elle avait amenée Spike près d’elle pour le protéger des débris fumants, un acte de bravoure qui l’avait amenée à ce qu’elle était maintenant.

Le côté brûlé de son corps commença à se réchauffer, la mémoire des flammes remontant dans son esprit. Un frisson la gagna et elle plaça son sabot sur son corps, vacillant un peu à cause de la douleur. Elle massa lentement cette partie, essayant de calmer les « flammes-fantômes ».

Elle ouvrit la bouche pour appeler Spike, mais s’arrêta. La peur l’agrippa, pas seulement à cause de son apparence, mais par fierté. Elle se sentait toujours coupable de la façon dont elle avait crié sur Spike plus tôt et vouloir se faire pardonner ne faisait qu’intensifier son stress. Elle trotta en direction de l’escalier, décidant de vérifier à l’étage lorsque ses yeux tombèrent sur un livre placé sur le bureau. Elle s’approcha et le regarda de plus près. En lettres dorées s’étalait le mot « Journal ». Laissant son côté curieux prendre le dessus, Rarity utilisa sa magie pour en ouvrir la première page. Dessus était écrit « Chanson pour une beauté » dans une encre noire qui semblait avoir séché récemment.

Curieuse, elle tourna la page pour trouver des pages remplies d’une belle écriture. Mais ce qui attira son attention étaient les mots eux-mêmes. Elle les lut à haute voix.

« J’étais seul, exclu du monde,
Avec personne à mes côtés,

Mais maintenant, alors que tu es venue à moi,
Ta chaleur traverse mon corps.

Maintenant si je suis seul et sans toi,
Au moins mon esprit sera à tes côtés. »

Les mots étaient familiers et elle comprit en les lisant. C’était les paroles de la chanson que Spike lui avait chantée quelques jours auparavant. Mais elles n’étaient pas imprimés, mais rédigées de sa propre main. Elles étaient uniques.

Elle tourna la page pour voir les paroles de la chanson que Spike lui avait chantée le jour suivant. Elle tourna encore pour trouver la troisième, puis la quatrième, jusqu’à tomber sur la dernière page où de nouvelles paroles avaient été rédigées. Des mots qui n’avaient pas pu être chantés.

« Rarity, qu’est-ce que tu fais- ? » dit une voix familière derrière la licorne.

Surprise, elle ferma le livre à toute vitesse et tourna pour voir Spike debout derrière elle, le regard terrifié, ses joues rouges. « Est-ce… est-ce que tu lisais mon livre ? »

« Spike… je… je suis désolée… je voulais juste… » Spike regarda ailleurs, les yeux fermés et son visage rouge de honte. Rarity reprit ses esprits. « J’étais juste curieuse, Spike. Je suis désolée. »

Rarity était gelée sur place. On pouvait entendre les mouches voler. Elle fixa du regard le livre. « Tu as écrit ces paroles toi-même ? »

Spike ne savait pas quoi dire. « Non ! Je veux dire… oui on dirait bien… » Il soupira et baissa la tête, défait. « Oui je les ai écrites. Je veux dire, je me suis inspiré d’autres chansons que j’aime, mais ces paroles sont de moi. »

« Donc tu as écrites ces chansons… pour moi ? » Son cœur était en train de fondre et elle sentit ses joues rosir.

Spike hocha la tête. « Bien sûr. »

« Wow. » Rarity ne put s’empêcher de sourire. Une larme coula le long de son visage et elle renifla, tentant du mieux qu’elle pouvait de cacher son émotion. Elle pressa son sabot contre son cœur et leva les yeux vers Spike. « C’est… c’est vraiment gentil de ta part. »

Les yeux de Spike s’illuminèrent. « Vraiment ? »

« Bien sûr. C’est la chose la plus gentille qu’on ait faite pour moi. »

Rarity s’approcha du bébé dragon, qui le regardait à son tour, avec le même sourire.

« Merci mais ce n’était pas si difficile. Elles me sont venues naturellement. Tout ce que j’avais à faire était penser à toi et il me fallait moins d’une heure pour les écrire, dit Spike nerveusement avant de retourner la conversation au sujet de la licorne. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je pensais que tu ne voulais pas être vue. Je pensais que tu étais trop embarrassée. »

Rarity ricana. « Eh bien je ne le suis plus, et me voilà. » Elle s’assit près de Spike. « Mais je savais que si je continuais à ruminer en continuant de penser « pauvre de moi », cela ne me mènerait nulle part. De plus, je sais maintenant que j’ai de merveilleux amis qui ne m’abandonneraient jamais. »

« Je ne peux pas croire que tu aies douté de nous, dit Spike à Rarity, comme un père à son fils. On s’en fiche de ce à quoi tu ressembles. »

« Je comprends maintenant, répondit-elle, les yeux plantés dans ceux du dragon qui était venu chanter pour elle chaque jour depuis qu’elle avait quitté l’hôpital. Je veux aussi m’excuser pour la façon dont je me suis comportée. C’était vraiment stupide. »

Spike secoua la tête. « Non, je suis désolé pour avoir déchiré cette couverture. Je me sentais coupable de t’avoir mis dans cette situation et je voulais t’aider à te sentir mieux. Mais j’aurais dû être plus compréhensif et moins obstiné. »

« Oui tu aurais dû, dit Rarity. » Spike la dévisagea, mais Rarity posa un sabot réconfortant sur son épaule. « Mais tu as pris la bonne décision. »

Spike leva ses yeux, son visage s’illumina de nouveau, tout comme son sourire. Rarity sentait son cœur battre de plus en plus fort. C’était le dragon qui était resté auprès d’elle alors qu’il pouvait parfaitement la voir dans l’obscurité. Il ne l’avait jamais jugée ou attiré l’attention sur son apparence ; il la traitait comme elle avait toujours été. Il l’aimait toujours.

« Alors… » commença Spike, en se grattant la nuque. Rarity gloussa. Tous deux se fixaient des yeux, souriant et partant dans un fou rire. Leurs rires s’intensifièrent jusqu’à ce qu’ils se retrouvèrent allongés sur le sol. Alors que ceux-ci se firent plus espacés, les yeux se rencontrèrent. Spike plongea dans les yeux de Rarity, remplis de l’affection qu’elle avait toujours connue. Même aujourd’hui, Rarity pouvait voir, avec la moitié de son visage défiguré, que le petit dragon l’aimait de la même manière. Et pour la première fois, elle admit qu’elle ressentait la même chose envers lui.

« Tu es un incroyable dragon, Spike », dit Rarity.

« Oui, c’est difficile de ne pas l’être quand tu es une jument aussi incroyable », répondit le dragon.

Avant qu’elle ne pût en prendre conscience, les lèvres de Rarity s’approchaient de celles de Spike. Elle pouvait voir Spike faire de même. Ses yeux restaient ouverts, fixés sur elle, ses cicatrices et tout le reste. Leurs lèvres se rencontrèrent, leurs yeux ouverts et seulement distants de quelques centimètres et séparés par la distance créée par leurs nez.

Ils se séparèrent lentement et se regardèrent l’un l’autre avec des sourires satisfaits. Tous deux respiraient à une cadence soutenue, leurs joues rouges de bonheur.

« C’était agréable », dit Spike.

« Ça l’était certainement », répondit-elle.

Spike tendit sa griffe vers la joue boursouflée de Rarity. « Je t’aime tellement, je sais que je ne te l’ai jamais dit, mais c’est la vérité. Je t’aime. »

Retenant ses larmes, Rarity fit de même et plaça son sabot sur le bras de Spike, dont elle se souvint qu’il avait été brûlé, même si rien ne le laissait penser à présent. « Je t’aime aussi, Spike, de tout mon cœur. »

Les deux se rapprochèrent l’un de l’autre afin que leurs corps ne fassent plus qu’un. Et ils continuèrent à s’embrasser.

*

Pendant ce temps-là, à Canterlot, debout devant un miroir géant, la Princesse Luna les regardait s’embrasser, malgré leurs différences. Bien que l’un d’eux soit un dragon, et l’autre un poney défiguré, leur amour était vrai et pur-éternel.

« Luna, qu’est-ce que tu fais ? » La Princesse fit demi-tour pour voir la Princesse Celestia debout à sa porte, un plateau avec un morceau de gâteau flottant en face d’elle.

« Je regarde juste comment se portent nos sujets, ma sœur », dit Luna avec un sourire.

« Bien », acquiesça la Princesse Celestia avant de prendre une grosse bouchée de gâteau. « Gsi ftu as bmesoin de mmoi, je ffserais mdans la mmsalme du gtrmône. »

Luna sourit devant sa sœur qui essayait tant bien que mal de parler la bouche pleine. Celestia trotta hors de sa vue et Luna regarda vers le miroir, Rarity et Spike allongés sur le sol de la librairie, se tenant l’un l’autre tendrement alors que le soleil rayonnait sur leurs corps.

Lentement, le petit dragon chanta :

« Il y a des jours où la pluie semble ne jamais cesser,
      quand la douleur te transperce le cœur.

 Il y a des jours où tout espoir semble perdu,
      même lorsqu’une lumière apparaît dans le noir.
      Tu la fuiras de peur,
      car elle ne fera que rappeler ta douleur,
      et tu voudras rester caché dans le noir.

Mais même durant tes jours sombres,
     J’espère que tu penseras à ça.

Que peut-être tu verras,
     Même si tu te sens seule,
     Que tu ne l’es pas,
     car je serai toujours à tes côtés. »

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Note de l'auteur

Cette histoire m'avait beaucoup marquée à sa première lecture et j'espère qu'elle vous fera le même effet, en espérant que ma traduction reste fidèle à l'esprit de l'auteur. Mais si vous lisez cela, c'est que vous en avez lu l'entièreté et je vous en remercie.

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Kingraptor
Kingraptor : #10464
Je viens de la relire et même après 4 mois elle me fais toujours le même effet je verse une petite larme
Il y a 3 ans · Répondre
Stukal
Stukal : #8606
A la base je suis vraiment pas un fan du personnage de Spike (même si je l'ai apprécié dans la saison 2,la 3 et la 4 ont malheureusement confirmé mon opinion sur lui x( )néanmoins j'ai trouvé cette fanfiction juste génialissime sur tous les points.

Les personnages sont très bien exploités et leurs psychologies respectent celles de la série originale !
L'histoire est sublime,elle a réussi à me toucher émotionnellement (Je le rappelle,Spike n'est pas un perso que j'aime particulièrement donc c'est encore plus incroyable pour ma part),je l'ai trouvé bien écrite même si il y'a quelques défauts d'écriture.

Sa principale force à cette fanfic : sa thématique.
Sérieuse,elle est abordé avec subtilité,sensibilité et je dirais même que sur certains points,elle pourrait remettre certaines personnes en question sur l'importance de l'apparence.

Un coup de coeur ! Merci inglobwetrust pour avoir traduit cette perle !
Modifié · Il y a 3 ans · Répondre
Kingraptor
Kingraptor : #3831
Je te jure que tu es le première auteur à avoir réussi à faire ça tu a réussi a me faire avoir une larme car ta fiction est simplement magique et unique
Il y a 4 ans · Répondre
gilgamma
gilgamma : #3024
Cette fiction mérite un Oscar en Romance, en Émotion et surtout en Amour ! Trés bonne traduction , en ésperant que tu traduira d'autres fictios de ce genre .
Il y a 4 ans · Répondre
Pinkie007
Pinkie007 : #2999
J'ai tellement ressenti d'affaires en lisant cela que j'ai fondu en larmes vers la fin! T'a super bien traduits et je te remercie un milliards de fois de l'avoir mis sur ce site!
OUI J'AI PLEURÉE OK?
Il y a 4 ans · Répondre
Blackhoof
Blackhoof : #2988
Emotions, avec un S, voilà la multitude de choses qui m'assaillaient lorsque je lisais cette fiction. Une histoire pleine de poésie et qui traite d'un sujet étrangement en accord avec notre monde ; nous donnant ainsi une petite leçon de morale. Niak, je la recommande chaudement à tous.
Il y a 4 ans · Répondre
PhoenixBleu
PhoenixBleu : #2977
Une bien belle histoire à lire sans tarder ! C'est vraiment très très beau et plein de sentiments ! Vraiment bravo et merci pour cette superbe traduction. Moi qui adore Rarity et Spike, j'en suis ravi ! ^^
Modifié · Il y a 4 ans · Répondre
Spirit
Spirit : #2976
Rien à redire, une fiction des plus émouvante et des plus belle; à lire de suite !
Merci bien de nous l'avoir traduit ;)
Il y a 4 ans · Répondre
Trone
Trone : #2972
pas mal même si j'ai toujours un problème avec le faite les créateur de fic se fiche royalement que Spyke soit un enfant, et Rarity une adulte. mais si on arrive à imaginer Spyke comme un ados ça passe déjà mieux.
Il y a 4 ans · Répondre
Eternity
Eternity : #2971
Magnifique. C'était juste magnifique.

Très émouvant, très bien écrit, décrit, que dire de plus?

Quelques petites fautes insignifiantes, outre cela, aucun point négatif.

A lire absolument. :)
Il y a 4 ans · Répondre

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