La nuit est calme. Le vent agite doucement les feuillages, mais pas un bruit ne s'échappe de la verdure ainsi caressée. La lune argentée baigne la prison d'ombres qui s'allongent, et la silhouette menaçante que l'on aperçoit dans l'astre se fait l'écho du spectre qui rase les murs élevés.
Une nuit claire, un vent frais, du genre qui vient jouer avec les crins puis s’en va. Entre les murs du pénitencier et les bois se situe un no pony’s land, théâtre d’ombres et de lumière, l’invitant insidieusement à venir jouer. Mais cette nuit, comme toutes les autres, il ne faut pas jouer. Il voudrait bien, mais ne peut pas : il est prisonnier de son rôle de gardien de prison. Et un gardien de prison, ça ne joue pas, mais ça surveille et ça épie et ça traque et ça ne doit s’octroyer aucun repos.
Dans un soupir, le gardien continue sa ronde tout en gardant un œil sur les alentours. Mais partout des ombres. La sienne, celles des murs, celles des arbres, mouvantes, et même une qui se colle à celle des façades, se réfugie de l’une à l’autre prestement, se tourne vers le gardien, et s’enfuit.
Ce dernier, se frappant la tête du sabot, étouffe un juron puis se lance à la poursuite de la silhouette. Quel imbécile ! Tellement absorbé par ce qu’il se passe sous ses sabots qu’il n’a même pas pensé à lever les yeux pour voir l’évadé ! Mais dans ce décor de cendres et de silence, le garde pénitentiaire sent qu’il se fera distancer : son lieu de travail, qu’il parcourt pourtant tous les jours, lui semble soudainement inconnu, complice du fugitif. Le paysage qui défile lors de sa course lui semble toujours le même, et l’ombre du fuyard se mêle et s’entremêle au noir de la forêt.
Le cœur battant à tout rompre, son corps brusquement refroidi par la sueur, le gardien prend soudain conscience du temps passé à galoper. Mais le constat est inévitable : l’ombre du poney s’est échappée.
Alors que le garde rebrousse chemin pour alerter ses collègues, la silhouette, elle, s’enfuit au loin sans laisser de trace. Elle s’arrête au détour d’un buisson, hors d’atteinte. Camouflée parmi ses semblables, elle ne craint plus les gardiens de prison. Elle se roule en boule sous les arbustes sombres qui la protègent et s’endort profondément. Autant ne pas penser tout de suite au lendemain et à son terrible soleil.
Alertés par le gardien de prison, les maîtres-chiens sont pourtant déjà sur la piste du fugitif. Ils galopent derrière leurs limiers, excités par la traque, filant dans les sous-bois aussi légèrement que sur de la neige.
Et bientôt les chiens accélèrent encore, comme pour indiquer qu’en se pressant un peu, la poursuite sera rapidement terminée. Mais soudain, le vent change de sens et la battue se complique. Déroute. Glapissements. Leurs maîtres font vite taire les chiens mais le mal est fait. Humant l’air, les limiers reprennent laborieusement leur tâche mais leur trophée aura sans doute profité de l’alerte pour détaler de nouveau.
Prenant leur mal en patience, les licornes, d’une étincelle de magie, éclairent la zone. L’escadron se déploie, transformant la traque jusqu’ici aveugle en une course-poursuite effrénée. À l’aurore, les pégases prendront le relais.
De son côté, l’ombre, réveillée en sursaut par ses poursuivants, se dresse d’un bond sur ses sabots et repart au galop. Sur le qui-vive, elle tourne ses oreilles en tous sens, tâchant de capter un son de poursuite et d’étouffer ses propres pas. Elle le sait, si elle ne trouve pas de cachette avant que le soleil se lève, c’en est fini d’elle. Alors elle galope, elle vole presque vers la forêt Everfree, son ultime espoir. Mais le désespoir la tenaille : cette nuit est la plus courte de l’année et ne la dissimulera plus longtemps.
Alors que les recherches acharnées se poursuivent, l’escadron volant du pénitencier, lui, guette l’arrivée du jour qui lui permettra de prendre en chasse le fugitif. Grâce à leur champ de vision très large, les pégases auront tôt fait de retrouver la trace du poney évadé. Sur le toit de la prison, ils piaffent d’impatience, le regard tourné vers l’est, vers l’astre salvateur. Les naseaux frétillants, ils attendent, attendent, sans que le ciel ne s’éclaircisse pour autant. Sans un mot, ils se lancent des regards inquiets, partageant tous la même appréhension.
Finalement, l’un d’eux se décide à partir pour Ponyville, où la Princesse doit présider à la Célébration du Soleil d’Été. Peut-être quelque chose s’est-il mal déroulé ? Ce n’est sûrement rien, mais autant vérifier...
L’astre tant redouté ne venant chasser la douce luminescence des étoiles et de la lune, l’ombre sent la liberté lui insuffler une nouvelle énergie. Ses sabots légers ne font crisser aucune feuille ni ne marquent le sol, son galop ne génère aucun vent et sa fuite en avant la mène bientôt à la sombre forêt. Ici, le spectre sera en sécurité même une fois le jour levé. Pour l’heure, malgré les rumeurs que n’importe quel poney peut entendre, les ténèbres et le sinistre de l’endroit dépassent l’entendement. La planque idéale, en somme : n’être qu’une ombre parmi les ombres le rendra invisible. Entouré des siens, il s’arrête enfin. Jamais les gardiens ne le trouveront, dans ces conditions.
Parvenus à la lisière de la forêt Everfree, les traqueurs hésitent. Les chiens tirent un instant sur leurs laisses puis reviennent ensuite en arrière, pour enfin gémir faiblement. Leurs maîtres partagent cette attitude : qui aurait envie de pénétrer dans ces bois maudits, en ce jour maudit où le soleil tarde à paraître ? Après une brève concertation, les prédateurs abandonnent la chasse, de peur de devenir proies à leur tour en ce lieu damné. Dans un galop au moins aussi effréné qu’à l’aller, ils retournent la queue entre les jambes au pénitencier pour y recevoir de nouvelles directives.
Là, les licornes trouvent leurs collègues ailés tout aussi désemparés : l’éclaireur qui a poussé jusqu’à Ponyville en a rapporté des histoires de jument menaçante, de princesse séquestrée et surtout, cette phrase :
La nuit durera pour toujours !
Le gardien qui a aperçu l’ombre, toujours dans le bureau du directeur, ne sait plus où se mettre. Penaud, il ne cesse de se reprocher la fuite du prisonnier dont la faute lui incombe et attend sa punition la tête basse. Depuis qu’il a rapporté les faits, la prison est en effervescence et il a comme l’impression qu’on l’a oublié. Un collègue rentre, s’entretient un instant avec le directeur, ressort, puis un autre prend sa place, et ainsi de suite. Les gens passent sans le voir, assis dans son coin, quand soudain, plus rien. Un silence exaspérant.
Enfin, un poney entre dans la pièce, brisant cette longue attente. Il salue respectueusement son supérieur, puis commence son rapport. Quand les gardiens ont compté les détenus, ils ont bien noté l’absence de l’un d’entre eux, sans pour autant parvenir à restaurer son identité. Le dossier demeure introuvable et personne ne se souvient de lui, cette fameuse ombre qui a été sans vraiment exister. Qu’importe, la fuite ne sera pas tolérée. S’ensuit une réunion durant laquelle plusieurs plans d’attaque sont envisagés en fonction de l’évolution de la situation.
Et le lendemain matin, le soleil brille de nouveau, repoussant les ombres qui se tassent sur elles-mêmes ou se réfugient dans les sous-bois. Le plan est décidé, les pégases passent enfin à l’action. L’escadron aérien se déploie au-dessus de la forêt entière, prêt à attraper sa proie dès que celle-ci en sortira, affolée à la vue de l’armada et sa supériorité écrasante. Tout sera bientôt fini, cela ne peut se terminer que d’une seule manière : la leur.
Les licornes, de retour, pénètrent dans les bois maudits, bien moins impressionnants à présent qu’ils sont baignés par la lumière du jour. Le schéma d’action est clair, simple, et redoutable. Les jeteurs de sorts, allumant leurs cornes, commencent par former un très large cercle autour de la forêt pour ensuite resserrer l’étau en s’approchant du centre. Les pégases ont la charge de superviser le tout et, tels de multiples épées de Damoclès, se tiennent prêts à fondre sur le fugitif au moindre signe.
Sous les branchages épais d’Everfree, l’ombre se sent à l’aise, chez elle. Personne n’est venu la déranger depuis la veille, mais voilà que ça recommence. Les inopportuns viennent troubler ce silence si paisible auquel elle s’était abandonnée, et leurs ombres ne sont que menaces. Heureusement, la pénombre continue de la cacher, ce qui lui permet de se glisser furtivement entre les quelques rais de lumière qui parviennent à percer. Le dernier acte de son évasion est sur le point de s’achever, et il est temps de baisser le rideau.
De brèves étincelles illuminent les ténèbres de la forêt, alors que les licornes jettent leurs sorts pour tenter d’y voir plus clair. Par instants les chasseurs croient apercevoir leur proie, mais de tâche en flaque d’ombre elle finit toujours par leur échapper, à croire qu’elle appartient réellement à ces sous-bois maudits. Pourtant la silhouette ne pourra pas fuir éternellement : lentement mais sûrement, les licornes se fraient un passage lumineux à travers la pénombre, s’approchant du cœur de plus en plus sombre des bois. L’ombre sera bientôt prise au piège, encerclée, acculée !
Vue d’en haut, cette battue est juste splendide : les points scintillants créés par magie forment une constellation dans la forêt noire, se resserrant toujours plus autour d’un même point en un ballet muet. Les pégases, fiers d’assister au dénouement tant attendu de la poursuite, ne perdent pas une miette du spectacle. Ils observent chaque petite lumière suivre sa trajectoire puis en rencontrer une autre. À la fin, toutes s’amalgament en un soleil miniature éclairant bien assez pour que l’escadron volant voit les alentours.
Et comme tout bon soleil, aucune ombre ne vient l’entacher. Aucune.
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Juste... wah.
Le tout en fait, c'est de ne pas connaître le thème, c'est là qu'on est vraiment pris dans l'histoire.