Un ciel rouge sombre barré de nuées noires tombait sur l’horizon, où se découpait au loin la silhouette du nouveau maître de la Terre, énorme, gigantesque, colossale. Le feu dans les yeux et la foudre entre ses cornes, il contemplait l’enfer qu’il avait fait du monde. S’avançant vers ce qui restait d’une montagne, il s’y assit comme sur un trône, son pas faisant trembler la terre jusque dans ses fondations. Il étendit l’ombre brûlante de son regard sur la désolation qui s’étendait sans fin devant lui, tête haute, visage fermé, avant de s’affaisser et de pousser un long soupir. Il avait fait semblant pendant quelques jours, mais il en avait assez. Il avait fait de son mieux pour donner le change, mais ça ne fonctionnait plus. Il fallait qu’il regarde la vérité en face, qu’il accepte l’évidence, qu’il cesse de se voiler la face.
- Qu’est-ce que je m’ennuie...
Il soupira à nouveau.
Il n’y avait plus le moindre être vivant sur la planète. Il avait fait brûler toutes les forêts, réduit à néant les jungles, les savanes et les toundras, pulvérisé jusqu’au moindre oasis perdu dans le désert, jusqu’au moindre cocotier perché sur son îlot, jusqu’au moindre buisson accroché à sa montagne. Il avait réduit en cendres chaque ville, village, hameau ou campement qu’il avait trouvé sur son chemin, pourchassant les habitants pour les écraser comme des fourmis, qu’ils soient poneys, boucs ou zèbres. Il avait ravagé champs, prairies, plaines, bois, déserts, collines, plateaux, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien à la surface de la terre qu’une désolation plate et brûlée.
Ça lui avait pris une semaine et il avait déjà commencé à s’ennuyer avait même d’avoir fini.
Après avoir ravagé la surface, il avait décidé de faire de même avec les océans. Les mers du monde n’étaient plus que des fosses desséchées couvertes de sel et de squelettes carbonisés. Le fond des océans s’était ouvert pour aspirer les flots dans les profondeurs, des tornades bouillonnantes avait siphonné les mers jusque dans l’espace et le reste avait été vaporisé jusqu’à ce qu’il n’en reste plus une goutte. Le monde marin et toute sa vie n’étaient plus que de l’histoire ancienne.
Il lui avait fallu trois jours pour y arriver et il en avait eu marre avant même la moitié.
Après l’eau, l’idée lui était venue de faire de même avec la glace. Ce qui restait des calottes et des glaciers du monde n’avait pas longtemps résisté à ses rayons. Une fois les glaciers vaporisés, il s’était ensuite attaqué aux montagnes elles-mêmes, les rabotant, les pulvérisant, les réduisant en poussière. Il avait même réveillé quelques volcans, qui avaient déversé leurs fleuves de lave sur ce qui restait.
Il en avait eu assez avant même la fin de la journée.
En désespoir de cause, il avait finalement décidé de creuser aussi profondément que possible, histoire de voir s’il pouvait atteindre le centre de la Terre et la faire exploser de l’intérieur. Il avait persévéré jusqu’à environ deux cent kilomètres avant d’abandonner et de remonter. Avachi sur son trône improvisé, il promenait à présent son regard las et morne sur le néant qui s’étalait à ses pieds, sans rien pour accrocher le regard. Il n’avait même plus envie de se fatiguer à chercher de nouvelles idées pour tromper son ennui. Dos voûté, front bas, il s'affaissa encore un peu plus et soupira à nouveau.
C’est alors que son regard fut attiré par un minuscule point coloré, pile aux pieds de la colline. Ce n’était qu’un microscopique point clair mais, las comme il l'était, c’était suffisant pour attirer son attention. Du haut de son siège, il se pencha par dessus les rochers. C’était vraiment minuscule, à tel point qu’il dut presque toucher le sol pour voir ce que c’était. Quand il identifia la chose, il leva les sourcils.
C’était un petit buisson perdu entre les pierres noircies et les souches carbonisées. Encore vert et vivant, il se dressait tant bien que mal dans ce chaos noir et rouge. Aussitôt qu’il le vit, le grand centaure se dressa de toute sa hauteur, le feu brillant déjà entre ses cornes, prêt à pulvériser cette ultime trace de vie. Un rictus sauvage déforma son visage.
Soudain, il s’arrêta. À quoi bon, au fond ? Ça ne l'amuserait qu’une seconde et puis ce serait fini et il retournerait à son ennui. Ça n’en valait pas la peine. Il avait pulvérisé des milliards de buissons, un de plus n’avait pas l’aider à s’occuper l’esprit. Avec un grommellement de lassitude, il éteignit le pouvoir entre ses cornes et se rassit.
- Qu’est-ce que je m’emmerde...
Il y avait encore sans doute l’une ou l’autre montagne à transformer en gravier, mais il baillait presque rien que d’y penser. Il ne connaissait aucun jeu de patience et, de tout façon, ça ne l’aurait tenu occupé que pendant une paire d’heures, tout au plus. Avachi dans son fauteuil de pierre, il ne pouvait empêcher son regard de glisser vers cette insignifiante tache verte en dessous de lui. Il devait la détruire, c’était ce qu’il voulait…
Ou pas. Il se pencha à nouveau pour observer le buisson. Ce serait si facile de le réduire à néant… trop facile. S’il essayait autre chose ? Après tout, il possédait tout le pouvoir alicorne du monde. Dans toute cette magie, il devait bien y avoir de quoi s’amuser un peu. Et s’il essayait…
Il pencha légèrement la tête et alluma ses cornes. Mieux valait y aller doucement. Dans un halo de lumière, le buisson frémit puis se mit à grandir. En quelques secondes, il atteignit plus de dix mètres de hauteur. Ce n’était plus un buisson, mais un arbre adulte qui se dressait à présent. Curieux, le centaure laissa ce sort inconnu continuer à faire son effet. Bientôt, l’arbre se couvrit de fleurs puis de fruits. De plus en plus intéressé, Tirek tendit ses griffes et, avec délicatesse, en cueillit un et le leva devant son museau.
Alors qu’il observait le résultat de son sort, un frémissement presque imperceptible agita les cailloux qui s'amoncelaient entre les racines de l’arbre. En se pliant à nouveau en deux, le centaure parvint à distinguer la forme minuscule d’une souris, occupée à grignoter un des fruits tombés au sol. À nouveau, Tirek sentit les flammes de la destruction monter en lui, avant d’être aussitôt étouffées par le couvercle de plomb de la lassitude. À quoi bon…
Il reporta l’attention sur le fruit qu’il tenait toujours entre ses griffes. Ce serait dommage, au fond, de le détruire. S’il le faisait, il n’aurait alors absolument plus rien à anéantir. Autant le garder pour plus tard, quand il s’ennuierait vraiment très fort.
Une idée germa alors dans son esprit. Quitte à en garder pour plus tard, autant essayer d’en obtenir plus. Il laissa tomber le fruit un peu plus loin puis alluma ses cornes. Une minute plus tard, un bosquet se dressait à sa place. Une autre minute plus tard, c’était une vraie petite forêt qui avait émergé du sol. Tirek leva un sourcil, de plus en plus étonné. Il n’aurait jamais pensé se servir un jour de la magie alicorne de cette manière. Entre les racines et dans les branches, les premiers petits animaux pointaient le museau. Tirek se pencha, curieux, sans même penser à les réduire en purée. De plus en plus enthousiaste, il porta son regard au loin, vers ce qui restait de la vallée devant lui.
Moins d’une heure plus tard, toute la plaine avait retrouvé son vert et son riant. Arbres, buissons, fleurs, insectes, oiseaux et écureuils gambadaient à nouveau. Du coin de l’œil, Tirek avait même cru apercevoir la silhouette d’un poney entre les arbres. Décidément, la magie alicorne avait plus de pouvoir qu’il ne l’avait pensé. Il brûlait d’envie de continuer à l'expérimenter. D’un pas étrangement guilleret, il quitta la vallée pour continuer ses expériences ailleurs.
Il lui fallut quatre jours pour faire repousser toutes les forêts. À son étonnement, cela l’avait bien plus amusé que de les faire flamber. Trois jours plus tard, les océans avaient retrouvé leur eau, leurs algues et leurs poissons. C’étaient bien plus drôle de les voir se remplir et de regarder l’eau dévaler en cascades le long des abysses plutôt que de les vider. Deux jours après, calottes et montagnes avaient retrouvé leur blanc manteau, leurs marmottes et leurs manchots. Le dernier jour, il reboucha le trou qu’il avait creusé à travers le manteau terrestre, fasciné par le spectacle de ces centaines de tonnes de terre et de pierre qui s’engouffraient dans la crevasse pour la refermer. Quand il eut fini, il retourna vers le reste de montagne, maintenant couvert de verdure, qui lui avait servi de trône. Il s’assit à nouveau, croisa les mains derrière sa tête et contempla, satisfait, le fruit de son travail. Avec un soupir d’aise, il se laissa aller contre le mont et ferma tranquillement les yeux.
Demain, il pourrait à nouveau s’amuser à tout pulvériser.
Ou pas.
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- Julien Gough, romancier irlandais-
Nom de zeus
Oh wait, ça veut dire que Tirek est un "Dieu" dans le sens "Créateur" du terme?
Mais si ça se trouve, en fait, notre monde a été créé par Tirek?
Nan de dieu!
Sinon très sympa comme os.