Prologue

Dans les méandres les plus profonds de la terre, où nul rayon de lumière pénètre, siège un immense palais d'obsidienne, entouré de magma en fusion. C'est une immense construction, bâtie il y a longtemps sur la surface, désormais enterrée dans l'oubli. Elle est en ruine et tombe en morceaux à présent, inhabitable. Cependant elle est toujours prête à ressurgir du passé...

Au bord d'un balcon dangereusement vacillant, il regarde la barrière le séparant du jour. Il ne craint ni le parapet traître sur lequel il s'est posé, ni le ciel de pierre qui se décompose en lourds gravats, gémissant au contact du lac de feu. Il est seul, et n'a que seul support ce petit château sur son îlot, au milieu de cette fournaise seulement limitée par les parois âpres de cette caverne.

Il se souvient encore du jour où les deux Sœurs l'ont banni dans le Tartare. Il y avait une douzaine de siècles, il régnait la terreur à Equestria, connu sous les noms de "Baron de sang" ou "Démon rouge" et tous les poneys étaient sous ses ordres, même les princesses pendant une courte période. Malheureusement ces dernières ont utilisé le pouvoir de ces maudits Éléments d'Harmonie et l'ont scellé en Enfer, considérablement affaibli.

Il s'est échappé lorsque Cerbère a quitté son poste pendant quelques instants. Malgré les chaînes qui l'entravaient et les blessures qui le couvraient toujours, il a réussi a s'échapper, et s'est réfugié sous la croûte terrestre, ruminant sa vengeance.

Maintenant qu'il a fini de panser ses blessures, il est prêt à remonter à la surface. Il a certes encore cette faible forme, mais il est assez puissant pour détruire la roche et la terre et emporter avec lui son palais. Cette vieille ruine représente un âge d'or pour lui et il souhaite la conserver.

Étirant ses ailes de ténèbres, il écoute pendant encore une minute les cris presque équins de la pierre qui fond dans le magma, sa seule distraction pendant tout ce temps. Cela lui rappelle les délicieux hennissements de souffrance des poneys en esclavage. Hélas ils sont irremplaçables, mais bientôt... bientôt il pourra à nouveau s'abreuver de ces sons merveilleux.

Il ouvre le museau et forme une boule d'énergie orangé dans la gueule. Sans un mot de plus, il détruit sans grande difficulté la roche ancestrale, par un laser qui est bien plus large que lui. Avant même que le rayon de lumière s'estompe, il prend son essor. Vers le soleil.

"Et... I finished !" déclare-je triomphante.

Dans cet espace épuré, seulement parcouru des lignes bleues de la créativité – ou de ces très agréables examens scolaires, au choix – la silhouette brumeuse, presque fantomatique d'une forêt se dessine. Les arbres à feuilles caduques autour de moi, aussi matériels qu'un rêve conscient, s'effacent et se redessinent continuellement. Des songes de feuilles tourbillonnent doucement autour de moi, au rythme de la musique que j'écoute.

Je brandis fièrement une magnifique feuille de papier blanche, couverte des éclaboussures sombres d'un futur projet. Autour de moi se trouvent des piles de débuts de récit jamais continués, mes aiguilles de tricot, et Rosycoeur qui roupille, sans se soucier de mon extase qui ne durera pas, elle le sait. Néanmoins elle prend la peine de se réveiller. S'étirant pour profiter encore des dernières brides d'une sieste réparatrice, elle me dit joyeusement :

"Tu pourrais pas la fermer ?"

Oui, vous avez bien lu. Joyeusement. Ce n'est pas de l'ironie, la chatte rose est de ce genre d'individus qui ne s'énervent que rarement et qui prennent tout en dérision. Ou bien c'est parce que je n'ai pas totalement fini de décrire son caractère. Les seuls traits de personnalité vraiment concrets que je lui ai attribués sont l'optimisme, la mythomanie et cette haine naturelle envers les personnes de haute société. Je n'ai pas décidé si j'en fais partie, puisque je viens de créer cette facette. Bien sûr ce n'est pas la première fois que je l'envisage, mais je peux à peu près dire que je ne l'ai jamais citée aussi clairement.

Retour au récit donc. Je suis en train d'agiter fièrement, un peu sottement, mon nouveau futur chef d'œuvre, avec un sourire stupide, vers les cieux inexistants. Rosycœur me regarde avec un air circonspect. Elle me remarque avec franchise que j'ai pensé à peu près la même chose pour bon nombre de fanfictions. Vous savez, même si ce n'est pas dans ses habitudes, elle peut se montrer cruellement honnête et défaitiste, envers moi en particulier.

Je suis habillée seulement d'un jean, d'un T-shirt blanc et de mon pas-si-habituel gilet rose. Au moment où je note ceci, on est au milieu de l'hiver, mais je m'en fiche. Dans la Forêt Papier à Carreaux il fait toujours aussi chaud que je désire. Une description pas vraiment utile écrite, je me rassoie en tailleur, près de mon perso mage Rosycoeur, car j'appelle toujours mes propres personnages avec cet horrible jeu de mots.

"J'peux lire ?"

Sans demander mon avis, elle s'empare de la nouvelle histoire avant que j'ai le temps de réagir – c'est une expression – et commence sa lecture. Je sais bien sûr comment elle va le trouver, mais je fais semblant d'être inquiète, impatiente de connaître son avis. Je me mets même sur la pointe des sabots juste devant elle, avec ce regard soucieux.

"Tu sais... commence la chatte. Nan, t'es omnisciente donc tu sais vraiment. Mais je suppose que comme ton truc est destiné à être jeté en pâture à des lecteurs je vais évidemment devoir dire ma pensée à haute voix."

Elle soupire, avant de constater que c'est moi la perdante en fin de compte. Elle ne fait que vivre une histoire, tandis que l'auteure doit se bouger le cul pour taper frénétiquement sur des touches, appuyant souvent sur backspace, alias retour en arrière.

"Ce prologue est quand même vachement sérieux pour la... chose que t'as l'intention de faire après ? D't'façon je peux pas t'empêcher. Surtout que ça va probablement finir comme les autres.

- Et tu en penses quoi ? demande-je

- Que veux tu que je te dises ? Si je dis que j'aime, ça va sonner faux, pour toi en première. Mais l'inverse aussi !"

Bon, vous ne saurez jamais.

Je m'allonge sur l'herbe tendre et verdoyante que je viens juste de décrire. Les feuilles tombantes remontent en haut, caressant mes cheveux et mes aigrettes. Hé, quitte à enfreindre les lois de la physique, je n'ai pas envie de faire de pléonasme. En vrai, tout le monde peut mépriser les règles de la logique en créant, mais on ne le fait pas, car personne ne comprendra si c'est un désordre complet. Même dans les œuvres les plus absurdes, il y a une cohérence derrière.

Rosycoeur a abandonné le papier depuis longtemps. Elle ne peut voir que la partie en italique et a compris depuis longtemps qu'elle ne peut rien faire pour comprendre mes manigances. Elle constate néanmoins que je me réjouis d'avoir pondu quelque chose. Comment l'a-t-elle fait ? Parce que moi. C'est le début et je peux bien m'autoriser quelques légèretés sous le mauvais prétexte que je ne suis pas très bonne et que j'ai l'excuse d'être novice. C'est faux – du moins pas entièrement – et actuellement je suis en train de prendre les lecteurs pour des pigeons.

C'est mignon, les pigeons.

"Sérieusement ? Ce n'est que le prologue ! Rien ne garantit que tu vas continuer !

- Je ferai un chapitre 1 au moins.

- Comme Nuage, tiens..."

Peut-être qu'au moment où vous lisez ce "récit", je me suis remise à Nuage et je l'ai terminée. Je ne suis pas naïve à ce point quand même, mais l'espoir fait vivre.

"Attend un petit peu... tu as bien l'intention de le publier sur MLPFictions avant de le finir ! constate Rosycoeur sans grand étonnement avec un petit rire. C'est taré de ta part.

- Ouaip.

- Tu sais que si tu le fais, je serai derrière toi ? A chaque fois que tu te connectes ?

- Ouaip.

- A mentalement faire mes griffes sur toi ?

- Ouaip."

J'adore m'auto-flageller – pas réellement oh -. Si les utilisatrices Tumblr que j'aime bien actuellement ont une relation presque maternelle avec leurs OC, ma relation avec les miens serait plus représentée par un fouet. C'est plus compliqué que cela, mais ce serait trop long d'expliquer. Et puis, surtout, vous vous en fichez totalement.

Donc si vous avez lu le synopsis – qu'à l'heure actuelle je n'ai pas encore fait -, vous avez compris que j'ai l'intention de faire du self-insert sur l'univers rose de My Little Pony. Au moins, occupée de décrire ce qu'il y a autour, la narration ne vous ennuiera pas avec des réflexions incompréhensibles. Vous avez tenu jusqu'ici cependant.

Je me lève et étire mes bras ailés. La chatte rose fait demi-tour, sachant que je vais bientôt partir. Ce qu'elle ne sait pas – ce que vous vous savez-, est qu'elle va faire partie de cette fanfiction.

"Ça va quand même être chaud deux fanfics en même temps. T'es bien barjo. Bon, je retourne à Strigi, moi."

Soudain, sans la prévenir, je la saisis fermement de la peau du cou. Malgré la souplesse cervicale propre aux félins, elle doit vraiment souffrir étant donné que ce n'est jamais très agréable d'être compressé par de gros sabots. Naturellement, malgré ses cris plus de surprise que de douleur, elle ne parvient pas à s'échapper.

Sinon je serais dans l'obligation de rallonger le prologue pour raconter comment je suis arrivée à m'emparer d'une créature bien rapide et agile, sans passer par les raccourcis scénaristiques, et cela embêtera bien du monde, moi en particulier.

"Je te ramène avec moi ! Déclare-je joyeusement, la maintenant toujours.

- Pourquoi moi ?! s'exclame Rosycoeur, plus exaspérée que furieuse, sincèrement étonnée.

- Parce que c'est quand même toi qui portes le pseudo sur MLPFictions. Si j'ai l'intention de publier ça dessus, il vaut mieux que tu sois là !

- Mais de base je voulais même pas ! Normalement c'était Grêlegraine !

- Bah, pas de chance pour toi si j'avais mis .fr au lieu de .com !"

Préférant ne pas penser à ce que j'aurais pu faire dans ce cas, j'invoque du sabot arrière, en tapant sur l'herbe, un portail. Ce dernier, de forme ronde, était remarquable par ses angles saillants. Sa transparence fait mal aux yeux, à cause de ses teintes vives. Étincelant de lumière, il ressemble à un trou noir. Ces antithèses signifient que je ne sais pas représenter les portails que je crée, à part éventuellement par une explosion de rose et de cœurs. Donc faites usage votre imagination, même si elle serait plus utile au service des futures œuvres que vous envisagez peut-être de faire.

Au moins vous savez que je me jette dedans, sachant qu'il est par terre, serrant la chatte entre les sabots. Rosycoeur a renoncé à se débattre. Elle sait hurler comme une folle et être meilleure en surintensité que les courts-circuits, mais quand je décide qu'elle abandonne, elle abandonne.

"T'es sérieusement une vraie c..."

Hé, pas de juron.