Deux poneys étaient allongés parmi un champ de fleurs. Des restants oubliés de neige brillaient sur les herbes, éclairés par les premières lueurs de l’aube. Il n’y avait pas un vent qui troublerait la prairie infinie, peut-être restait-il un soupçon de brise.
Malgré la fraîcheur du temps, ils avaient comme tout vêtement les rayons dorés du soleil, qui ne suffisaient pas à réchauffer. Mais loin d’avoir froid, ils se sentaient bien. La chaleur corporelle de l’autre contentait leurs corps de poulains.
Se lovant tendrement, ils oubliaient toutes les remarques méchantes qu’on leur avait dites, même les adultes ne comprenaient pas. Ils étaient trop jeunes pour pouvoir aimer. Comment connaître l’amour si on ne connaissait même pas son talent spécial ? Tout cela disparaissait parmi les pétales blanches des pâquerettes.
Leur lien était fort et vrai, et c’était tout ce qui importait. Ce qu’ils éprouvaient l’un pour l’autre était éternel. Quand, avec leurs voix enfantines, ils proclamaient “Je t’aimerai pour toujours”, leurs parents les regardaient amusés, persuadés que ce n’était qu’un jeu. Pourtant, on ne pouvait être plus sérieux.
Elle était une pouliche assez turbulente et agitée, qui adorait se vanter et embêter les autres. Fille unique d’un père veuf artiste, elle vivait à la fois pauvrement et gâtée. Tous ses camarades d’école avaient au moins subi un de ses mauvais tours, sauf lui.
Il était au contraire plutôt paresseux. Mauvais élève et ami introverti, il était peu populaire parmi les professeurs et les poulains, qui le traitaient de “lent”. A part dans les rares cas où il fallait un poney de plus, on ne faisait jamais attention à lui, sauf elle.
Un duo si singulier et différent étonnait. Les railleries pleuvaient régulièrement, y compris de la part des adultes, déguisées en plaisanteries. Mais ils avaient appris à ne plus s’en soucier, car malgré leurs différences, ils étaient plus unis que jamais.
Ensemble ils faisaient des bêtises. Ensemble ils disaient les mots interdits par leurs parents. Ensemble ils se partageaient des secrets. Ensemble ils se touchaient.
Il y avait la partie entre les jambes arrières, qui était étrange. Quand ils voulaient en discuter à des adultes, on disait qu’il ne fallait pas en parler, que c’était malpoli. Alors, quand ils se retrouvaient seuls, dans la prairie fleurie, ils n’arrêtaient pas de la toucher. Plusieurs fois. Parce que c’était interdit.
Ils avaient remarqué que leur partie était différente. Lui, qui était un rêveur et un poète dans l’âme, n’arrêtait pas de comparer la sienne - à elle - à un bouton de rose. Elle se moquait gentiment à chaque fois qu’il disait ça, ne voulant pas être mise au même rang qu’une fleur fragile. Il rétorquait alors, en rougissant un peu, qu’il trouvait qu’elle était autant belle qu’un bouquet de marguerites, et elle éclatait de rire.
Aujourd’hui, ils se contentaient de se coller sans mot, d’humer l’odeur de l’autre, de ressentir leurs respirations et d’écouter les battements de leur cœur, peu sonore mais audible. Ce ne fut qu’à regret qu’ils se séparèrent, car c’était le matin et il fallait aller à l’école.
***
Après la fin de la fête, elle galopait en direction du champ des fleurs, hâte d’annoncer la nouvelle. Une fine pluie, caractéristique de ces derniers jours, tombait, mais elle ne changea pas de direction. Ce n’était pas quelques gouttes d’eau qui allaient la faire renoncer.
Les prairies étaient immenses. Elle le recherchait, fébrile, se disant à chaque fois qu’il serait là. A mesure que la pluie devenait intense, elle désespérait. Elle savait qu’il lui arrivait parfois de rester à la maison pendant l’aube.
La joie qu’elle avait eu durant la fête, qui s’était poursuivie pendant toute la nuit, s’estompa aussi facilement que soufflait le vent. Elle commença à pleurer, marchant sur les fleurs fanées. il pouvait s’absenter comme il voulait les autres jours, mais l’événement était trop important pour que ce fût le cas cette aube !
Alors qu’elle avait perdu tout espoir, elle le vit enfin.
Séchant ses larmes, elle courut vers lui. Il était allongé sur le dos parmi des bruyères roses. Ignorant l’eau qui tombait à flot. Il l’aperçut et lui sourit. A peine s’était-elle arrêtée qu’elle lui montra fièrement son flanc, à présent orné d’un tournesol, qui brillait malgré l’averse. Elle avait eu une fleur, tout comme lui.
Il la félicita chaleureusement. Même s’il était fainéant, il avait trouvé plus vite qu’elle son talent, la laissant dans l’angoisse d’être la dernière flanc vierge de la classe. A présent qu’ils l’avaient tous les deux, ils n’avaient plus rien à craindre. Elle continua de parler de son talent pendant de longs moments, sagement écoutée par lui.
Les étoiles brillaient un peu à travers l’orage. ils avaient le reste de la nuit pour eux seuls. Leurs parents respectifs croyaient qu’ils étaient encore au lit.
Ils avaient arrêté de se toucher. Ils étaient trop grands pour ce genre de chose. Ils se faisaient désormais des baisers dans leurs instants d’intimité.
La pluie ne les décourageait pas. Leur embrassade était parfaite, digne des adultes. Ils avaient regardé beaucoup d’amoureux et étaient expérimentés.
Avec sa langue, il parcourait son palais, qui avait le goût de pissenlit, sa nourriture préférée. L’excitation le parcourait de la colonne vertébrale jusqu’au bout de sa queue. Il avait chaud et voulait continuer pour toujours ce baiser.
A contre-cœur ils se séparèrent. Ils s’assirent parmi les bruyères mouillées, et restèrent ainsi sans se parler. Les yeux de l’autre en disaient plus qu’un long discours.
Le soleil s’était levé haut et brillait. Mais les deux poneys s’étaient endormis depuis longtemps parmi les fleurs. Rien ne pouvait perturber leur sommeil, même ce magnifique arc-en-ciel qui éclata dans le ciel.
Elle avait attrapé une forte fièvre et ne pouvait plus sortir du lit pendant au moins une semaine. Son père était très mécontent et déçu, il voulait lui interdire dès son rétablissement les sorties. Elle devait directement rentrer après les cours.
***
C’était une belle journée d’après-midi. Il marchait anxieux dans les rues. La fête battait son plein autour de lui, mais n’attirait pas son attention. Il se fichait de voir la princesse, c’était une autre jument qu’il cherchait.
Il se souvenait encore d’hier, où ils avaient tous les deux décidé d’aller dans ce village. Il avait pu aider aux décorations florales - c’était son talent, comme le montrait le lilas blanc sur son flanc -, mais voulait lui consacrer ce jour.
Elle y était allée pour voir le lever du soleil. Lui aussi, mais derrière il voulait aussi faire sa demande de fiançailles. Ils habitaient ensemble depuis qu’elle avait atteint la majorité, où elle s’était directement installée chez lui, mais ils n’avaient jamais dépassé le stade de colocataires.
Ils étaient toujours aussi amoureux, si ce n’était plus. Cependant une sorte de timidité, qui ne caractérisait pas leur enfance, les avaient saisis. Ils rougissaient un peu dès que l’un voulait faire la demande décisive, et trouvaient un prétexte pour s’en aller. Cela ne les empêchait pas d’entretenir d’excellents rapports. Ils s’embrassaient toujours autant, mais n’étaient pas allés plus loin.
Il avait rêvé d’atteindre l’hymen depuis des années. Même si c’était précoce, c’était idéal de franchir le premier pas, en lui offrant cette bague ornée de camélias roses.
Tout avait été gâché.
Il ne savait pas où elle était. Ils avaient tous deux l’habitude de se réfugier dans un champ de fleurs quand ils ne se sentaient pas bien. Or ici, il y n’en avait pas.
S’arrêtant, il réfléchit profondément. Ce village se caractérisait par de nombreux pommiers, qui n’appartenaient pas tous à la famille éponyme. C’était sûrement là qu’elle se cachait.
Arrivé dans un verger d’arbres sauvages, il entendit des sanglots, et il la vit recroquevillée parmi les racines d’un pommier. Il était un peu choqué, car depuis qu’ils avaient été adolescents il ne l’avait jamais revue pleurer. Elle était une jument forte et entêtée de nature, qu’il était dur de déstabiliser.
Il effleura son épaule pour qu’elle le regardât, mais elle sursauta en poussant un cri rauque. Elle la voyait encore, elle pensait encore qu’il n’y aurait plus de matin, que la nuit serait éternelle. Même les rayons du soleil qui perçaient le feuillage ne parvenaient pas à la convaincre du contraire. Elle se mit à se débattre en pleurant.
Inquiété par ce manque de réaction, il finit par s’approcher encore plus malgré les sabots qui tentaient de le frapper. L’immobilisant, il l’embrassa.
Ses larmes arrêtèrent de ruisseler. Après un moment d’hésitation, elle profita aussi du baiser. Long, langoureux. Les yeux fermés, elle savourait ce frisson qui la parcourait. Leurs langues s’enlaçaient, exploraient leurs bouches. Il caressait son dos de la pointe du sabot, lui remplissant d’une excitation folle. Elle voulait encore voyager en lui, voir d’autres parties, mais il s’arrêta.
Elle était magnifique, encore plus que d’habitude, même si elle était encore sous le choc. Il avait brusquement envie d’elle, brusquement envie de toucher l’invisible, de ressentir l’inconnu, d’être un avec elle. Il commença à s’avancer vers elle pour se lover contre elle. Elle s’aplatit sans résistance. Ce fut cela qui le ramena dans la réalité.
Elle n’était pas totalement consciente. Elle était calme, mais ce n’était qu’en apparence. La jument qu’il connaissait l’aurait envahi sensuellement, avec un sourire sublime et des yeux confiants.
Ce moment arriverait plus tard, tout comme les fiançailles.
Il se contenta de l’enlacer amoureusement en murmurant des mots rassurants.
***
Deux poneys étaient allongés parmi un champ de fleurs. Des restants oubliés de neige brillaient sur les herbes, éclairés par la lumière de l’après-midi. Il n’y avait pas un vent qui troublerait la prairie infinie, peut-être restait-il un soupçon de brise.
Une jument le regardait amoureusement. Ils avaient passé toute la matinée parmi les hibiscus rouges et dorés, proches mais sans se toucher. Cela faisait une semaine qu’ils avaient fait leur cérémonie de mariage. Ce moment avait été inoubliable.
Ils avaient cru qu’une fois ce cap franchi, ils pourraient facilement se réfugier sous les couvertures de leur lit pour aller plus loin que les baisers et les câlins. Ils avaient tort. Une fois de retour chez eux, ils s’étaient assis sur le canapé, toujours vêtu de leurs habits maritaux, et n’avaient pas osé faire autre chose.
Aujourd’hui elle en avait assez. Elle étouffait sous le feu de son amour, et serait apaisée que quand sa présence comblerait ce qui manquait à son corps. Elle se sentait comme desséchée sous le soleil de sa passion, et avait absolument besoin de s’abreuver de contact. Tiens, elle commençait même à penser de manière incompréhensible comme lui.
Soudain, il commença à parler. Il avait été invité, par ses origines nobles, à un mariage royal qui devait se dérouler dans quelques heures même.
La chaleur torride succéda à un vent glacial dans le cœur de la jument. Elle se sentit comme trahie. Il avait reçu l’invitation pendant longtemps, et ne lui avait rien dit.
Alors qu’elle allait partir, il ajouta autre chose.
Plutôt, il le fit.
Il l’enlaça avec délicatesse et fermeté avant qu’elle pût s’échapper, en lui murmurant qu’il n’avait pas envie de se déplacer. Tout ce qu’il avait envie, c’était elle.
Bouleversée, puis remplie de joie, elle se jeta sur lui.
Même s’ils bouillonnaient d’euphorie et d’impatience, ils commencèrent lentement. Ils se contentaient de plonger le museau dans la fourrure de l’autre.
Elle se dégagea un peu pour caresser son corps, tout son corps. Son excitation augmentait lentement mais sûrement. Elle voulait découvrir encore l’étalon qu’elle connaissait déjà, explorer ses derniers secrets. Elle était une jument assez aventurière qui ne reculait pas devant les découvertes.
De son côté, il voulait parcourir sa jument. Il se souvenait encore de l’époque où ils étaient poulains, il l’avait comparée à des marguerites. Durant son adolescence, il avait beaucoup étudié les fleurs et se croyait incollable dessus. Il se rendait compte qu’il restait une espèce de tournesol dont il ne savait rien.
Ivre de plaisirs sensuels, il humait le parfum floral de son amour. Il effleurait ses douces pétales et admirait sa beauté. Le bouquet le plus sublime était insignifiant face à ce qu’il vivait.
Ils se firent un baiser passionné, plus court mais aussi plus intense que tout ce qu’ils avaient fait. Ce fut lui qui s’écarta, voulant embrasser autre chose.
Elle dirigeait l’action et accélérait les choses. La chaleur en elle s’amplifiait, mais au lieu de se sentir étouffée elle avait l’impression de prendre un bain de bonheur, empreint d’essence de lilas. Par ces contacts elle comprenait distinctement “Je t’aimerai pour toujours”.
Des bourrasques soufflaient sur les deux amants, sans les déranger. Les hibiscus, fleurs pourtant résistantes, se laissèrent emporter. Un tourbillon de feu tournoyait autour d’eux, reflétant les rayons du soleil qui commençait à se coucher.
Le ciel avait pris la teinte des hibiscus. Épuisés, mais plus heureux que jamais, les deux époux arrêtèrent leurs caresses, tout en restant dans les sabots de l’autre.
Les cloches de noces de la princesse de l’amour sonnaient, alors qu’ils dormaient unis, sous le crépuscule couleur améthyste.
Vous avez aimé ?
Coup de cœur
S'abonner à l'auteur
N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.
Les créations et histoires appartiennent à leurs auteurs respectifs, toute reproduction et/ou diffusion sans l'accord explicite de MLPFictions ou de l'auteur est interdite. Ce site n'est ni affilié à Hasbro ni à ses marques déposées. Les images sont la propriété exclusive d'Hasbro "©2017 Hasbro. Tous droits réservés." ©2017 MLPFictions, version 1.2.7. Création et code par Shining Paradox, maintien par Sevenn.
Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.
Le papillon qui butine la fleur ? Je n'y ai pas pensé.
En fait, c'est vrai que j'aurais pu mettre plus de choses adultes. Par exemple, au passage "Ce fut lui qui s’écarta, voulant embrasser autre chose", j'avais d'abord marqué "il voulait embrasser d'autres lèvres".
Mais c'était limite, GeekWriter elle-même a dit que plusieurs fois, elle a failli éliminer ma fic'.
Mais merci du commentaire.