L'histoire que vous vous apprêtez à lire n'est pas une belle histoire sur l'amitié, sur l'amour, sur la musique. Ce n'est rien de plus que le récit de la vie d'une personne qui a abandonné son ami et tout perdu avec... Mon récit.
Je m'appelle Sonate Clair. Je suis née à Los Pegasus, en tant que poney terrestre tout à fait normal, de couleur bleue-verte pâle, avec une crinière rayée rose foncé et vert clair. Mes parents n'étaient ni riches, ni pauvres, une ponette normale dans une ville plutôt normale.
Très jeunes, mes parents ont trouvés chez moi un talent inné pour la musique. Sur le synthétiseur que possédait ma famille, trouvé par hasard en haut d'un placard, je fis mes premiers essais à l'âge de quatre ans. Mes parents m'ont immédiatement inscrite à une école de musique, où j'ai appris à jouer de divers instruments. Piano, guitare, lyre, trombone et même de l'orgue. Je m'amusais, je ne me plaisais que dans la musique, j'étais nul partout ailleurs, une fois un instrument dans les pattes, je laissais parler mon humeur et je jouais jusqu'à ce que j'aie envie d'arrêter. À quinze ans, je maitrisais près de dix instruments, et j'avais déjà écrit le début d'une chanson pas encore titrée.
Cependant, quelque chose arriva et changea ma vie, qui démarrait pourtant si calmement. Alors que j'étais à un cours de musique, notre immeuble s'effondra et mes parents moururent alors que je n'avais que dix-sept ans. J'ai réalisé que j'étais seule. Je n'avais plus rien, aucune famille proche, aucune aide, aucun foyer, et aucun ami. Cette ville que j'avais toujours vue comme un modèle et une source d'inspiration me semblait soudainement affreusement hostile et dangereuse.
J'ai erré dans les rues, avant de me réfugier sous un pont à cause d'une pluie, sans rien. Aucune affaire, tout avait été détruit.
Je pensais être seule pour toujours, et pourtant, quelqu'un vivait sous ce pont. Un poney bleu clair, à la crinière blanche et aux yeux verts pomme, surgit de derrière un vieux tissu qui semblait lui servir de maison, semblant surpris que quelqu'un vienne ici.
"Oh... Je... Pardon" fis-je. "Je ne savais pas qu'il y avait quelqu'un. Je... Je m'en vais."
Il tendis le sabot vers moi alors que je tournais les miens, comme pour m'arrêter. Je l'ai regardé, il semblait m'implorer de rester. Son regard était emplis de tristesse et de solitude. Je suis revenue en hésitant.
"Je... Désolé de vous déranger." fis-je en m'asseyant quelque part sous le pont pour me protéger de la pluie.
Il pencha la tête et leva le sabot, comme pour dire que ce n'était rien. Il me regarda dans les yeux, souriant. Il semblait heureux que je sois là, mais je ne savais pas où me mettre.
"Je... Je m'appelle Sonate Clair, et vous...?"
Son regard s'est emplis de larmes de joie, comme si mes simples paroles le réconfortaient. Il ouvrit la bouche plein d'entrain, mais aucun son ne sortit. Il la referma, et sembla soudainement triste, baissant la tête, détournant le regard.
"Un problème? Désolée si j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas... Je... Je ferais vraiment mieux de partir !"
Cette fois-ci, il me retint plus directement en m'attrapant la patte arrière. Il semblait désespéré.
Il était tellement triste, il me regardait avec ses grands yeux verts larmoyants. Il ouvrit la bouche, la remua, mais aucun son ne sortit.
"Vous... Vous êtes muet?"
Il hocha la tête et me lâcha. Je me suis retournée vers lui.
"Quel est votre nom, vous pouvez me l'écrire."
Il fit "non" de la tête.
"Vous ne vous souvenez pas?"
Il grimaça et acquiesça lentement. Un pauvre muet sans nom abandonné dans cette grande ville. Finalement, je n'étais peut-être pas la seule à avoir tout perdu.
À partir de ce moment, pour une raison que j'ignore, je me suis pris d'affection pour lui. J'ai décidé de vivre sous ce pont, avec cet inconnu qui semblait tellement heureux d'avoir de la compagnie. Je lui ai trouvé un nom: Tom. Il l'accepta en pleurant de joie.
La vie n'était pas simple sous ce pont, j'ai eu beaucoup de mal à m'adapter à cette nouvelle vie, mais on trouvait ce qu'il nous fallait dans les poubelles, et le nombre de bout de vêtements abandonnés par les habitant suffisaient pour nous couvrir la nuit. Au début, je dormais dans une cabane à part, mais petit à petit, j'ai pris l'habitude de dormir avec lui, en toute amitié, car je savais qu'il ne tenterait rien. Lorsqu'on est aussi seul, sentir un contact permanent avec quelqu'un d'autre, quelqu'un de confiance, est sans doute la meilleure chose pour garder le moral, et nous en avions besoin tout les deux.
Tom possédait un talent pour dénicher des objets incongrus, et chaque jour était une aventure en cela, nous emmenant bien loin de notre quotidien misérable. Un jour, il trouva un xylophone pour enfant, assez usé, mais avec une sonorité relativement bonne. Il me le montra, ignorant tout de ma passion pour la musique.
Ce fût moi qui eut les larmes aux yeux cette fois. La musique me manquait tellement. J'ai pris les deux bâtons qui me servaient pour tenir ma "maison", elle ne me servait désormais à rien puisque je mettais tout en commun avec Tom, et j'ai commencé à jouer.
Ma musique toujours non-titrée, et non finie. Je l'ai jouée pendant quelques minutes, pleurant de joie, mais aussi de tristesse au souvenir de ma vie. Tom aussi pleurait, lui aussi semblait se souvenir de son passé à travers cette musique. Lorsque je voulu m'arrêter, Tom poussa légèrement le xylophone vers moi, souriant.
Je lui ai souri, le regard tendre, et j'ai continué de jouer, pendant près d'une heure. Tom dandinait sa tête avec la musique, et avant que je ne m'en rende compte, mon corps aussi bougeait en rythme. J'improvisais de nouvelles parties à cette musique.
La vie passa ainsi, pendant plus de deux ans, nous passions une bonne partie de nos après-midi sur la musique, moi jouant, et lui écoutant silencieusement. Je me sentais bien, apaisée, et bizarrement comme si rien ne me manquais. J'avais un ami, de la musique. Rien de plus, et c'était tout ce qu'il me fallait.
Pourtant, un jour, un poney à l'allure noble vint à nous alors que je jouais.
C'était un impresario, il m'avait entendu jouer, et il se demandait d'où venait ce talent. Je lui ai expliqué mon passé et ma passion. Il me proposa de me produire dans des salles. J'ai regardé mon ami, il avait le sourire aux lèvres, comme toujours. Il fit un mouvement de la tête, comme pour me dire "Vas-y, saisis ta chance!".
"Merci Tom." fis-je, avant de me tourner vers l'impresario et d'accepter sa proposition.
Si je m'étais retournée à ce moment, je crois que j'aurais vu Tom pleurer, pour la première fois depuis le jour où il avait trouvé le xylophone. Il n'avait pas voulu m'arrêter, il était heureux pour moi, mais il avait peur de me perdre, et il avait raison.
Pourtant, je suis partie sans un regard en arrière. J'ai effectué ma première représentation dans une petite salle, où je fus remarquée par un poney de la haute. Il me proposa alors une plus grande salle, un meilleur salaire, une meilleure reconnaissance de mon talent. J'ai accepté.
Gravissant les échelons, en à peine deux mois, je me retrouvais à jouer dans une des plus grande salle de Los Pegasus. Je vivais confortablement désormais, mais je n'avais plus une minute à moi. Toujours entre les réunions, les représentations et les interview concernant mon ascension fulgurante. Durant l'une de celle-ci, on me demanda si j'avais déjà rencontré un fan qui m'écoutais chaque jour. Une question plutôt étrange, je n'avais pas rencontré beaucoup de mes fans, et la plupart appréciaient juste mes musiques, sans plus. Pourtant, elle me fit repenser à une personne en particulier. Une personne qui m'écoutait chaque jour autrefois, qui restait silencieux, la seule personne pour laquelle je jouais avant, Tom.
Tom... Tom! Je l'avais complètement oublié dans tout cela! Qui étais-je pour oublier celui qui m'avait toujours soutenu? Quel genre d'infâme amie j'étais?
Je me suis précipitée vers le pont où nous vivons avant, bousculant des poneys sans prendre la peine de m'excuser ni même de me retourner. Quatre mois sans le voir! Il avait été seul durant quatre mois! L'image du Tom désespéré que j'avais connu il y avait bientôt trois ans me vint en tête. Qu'avais-je fais?
Je suis arrivé au pont, et j'ai constaté que plus personne ne vivait là. Tout était désert, notre ancienne "maison" s'était effondrée, aucune trace de Tom, ni du xylophone. Que lui était-il arrivé? Mon cœur se fissura, comme au jour où mes parents étaient morts. Je venais de perdre mon seul ami. Ou plutôt, je l'avais abandonné.
Tom... Désolée.
J'ai repris ma vie de musicienne, mais j'étais vide. Mon premier fan n'étais plus là. Mon seul ami. J'ai jouée durant cinq ans à Los Pegasus. Mais cette ville me rappelait trop Tom, je me rendais sous le pont chaque jour, caressant l'espoir qu'il soit revenu, mais rien.
J'ai décidée de partir dans une petite ville, loin de tout ça. Ponyville, une amie musicienne me l'avait recommandée pour sa tranquillité. Je me suis installée, espérant pouvoir repartir de zéro. Tout semblait calme ici. J'ai acheté plusieurs instruments, pour continuer à pratiquer. J'ai eu besoin de lunettes, et je me suis prise des petites lunettes rouges ovales.
J'y ai vécu pas mal d'aventures en peu de temps, j'ai même croisé un dragon alors que je cherchais à aider une jument perdue dans la forêt, c'est dire! Pourtant, quelque chose me manquait toujours.
Un jour, en marchant dans la rue, j'entendis un son. Un son que je n'avais pas entendu depuis longtemps. Un vieux xylophone que je connaissais bien, jouant une musique. Ma musique. Avec des décalages, un mauvais rythme, mais je reconnaissais ma musique. J'ai cherché d'où il provenait. En suivant l'écho, j'atterris dans une petite ruelle dont je n'avais même pas remarqué l'existence avant. Au fond de celle-ci, dans un petit carré sombre, je trouvais une silhouette familière.
Tom. Tom essayait de jouer ma musique. Il pleurait, mais pas de joie, il était recroquevillé sur lui-même, essayant de taper sur le xylophone comme je l'avais fait tant de fois devant lui. Il avait l'air perdu. Il jouait désespérément, comme si il souhaitait que sa joie revienne avec cette musique... Comme si il voulait que je revienne.
Je me mis mon sabot devant la bouche tant cela me brisa le cœur. J'émis un sanglot que Tom entendis, il se retourna et me regarda, surpris et incrédule.
"Tom..." Fis-je les larmes aux yeux.
Il était figé. Il ne semblait pas croire que j'étais en face de lui. Il amorça un geste, mais je me suis précipitée sur lui, pleurant, et le serrant dans mes sabots.
"Tom... Désolée de t'avoir abandonné... Désolée!"
Il sembla hésité, puis il me pris dans ses sabots à son tour. Je sentis ses larmes couler dans mon dos. Il tremblait, il pleurait, il me serait fort contre lui. Moi aussi. Je l'avais retrouvé, ici, loin de l'endroit où nous nous étions vus pour la dernière fois. Mon ami.
Nous sommes resté comme ça un moment, dans les sabots l'un de l'autre. Puis je l'ai relâché. Il m'a regardée, toujours en pleurs, mais souriant.
"Je te promet... Plus jamais je ne te laisserais seul, mon ami."
Il ne pouvait pas pleurer plus, mais si il aurait pu, il l'aurait fait. Il avança délicatement le xylophone vers moi.
J'ai joué, comme jamais. Pendant longtemps, à tel point que je n'ai pas vue la journée passer.
Il me fit signe de m'arrêter à un moment. Première fois qu'il m'interrompait, d'habitude c'était moi qui m'arrêtais par fatigue.
"Viens. Je t'invite chez moi. Cette fois-ci, c'est toi qui dormira chez moi".
Il a acquiescé, et il s'est levé, marchant à ma suite. Ma maison à Ponyville n'était pas bien grande, mais bien plus confortable que notre vieille "maison" sous le pont.
Étrangement, cela ne nous choqua ni lui, ni moi, de dormir dans le même lit. L'habitude de dormir ensemble était toujours là semblait-il.
Le lendemain cependant, quelque chose de terrible arriva. Je me suis levée, et à peine avais-je posée le sabot au sol, que je m'écroulais par terre. Sans comprend, j'ai tenté de me relevé, mais mon sabot avant-gauche ne répondait plus. Tom, qui venait de se réveiller, nous avions l'habitude de nous réveiller ensembles, m'aida à me relever.
Rien à faire, mon sabot ne bougeait pas. Aucune sensation. J'avais déjà eu des crampes qui m'empêchait de le bouger, mais j'avais mal dans ces cas là. Ici rien. Quand Tom me le prit, je ne senti pas son sabot sur le mien.
Nous sommes allés chez le docteur. Il m'orienta vers l'hôpital de Ponyville pour des examens approfondis. Nous nous inquiétions tout les deux, et ce que nous annonça le médecin me terrifia.
"Madame Clair... J'ai bien peur que vous n'ayez un cas de paralysie progressive. D'ici peu, vous ne pourrez plus bouger votre patte, puis l'autre, jusqu'à ce que tout votre corps, exceptée la tête, ne soit paralysé."
Il était navré de m'annoncer ça. Moi? Paralysée? Comment pourrais-je continuer à vivre? À jouer?
"Combien de temps...?" ais-je demandé d'une voix faible alors que Tom affichait une mine horrifiée à côté de moi.
Le docteur soupira.
"Trois semaines tout au plus. Il n'existe aucun traitement. Désolé."
Trois semaines... Moins d'un mois. Il me restait moins mois de ma possibilité à jouer, après cela, plus de musique. J'ai crue que mon cœur s'arrêtait de battre. Je perdais une partie de moi, comme ce jour où on m'avait annoncé la mort de mes parents, comme ce jour où je n'avais pas trouvée Tom sous le pont.
J'ai pleurée. Tom essayait de me réconforter, se retenant de pleurer pour ne pas que cela m'attriste davantage.
Nous sommes retournés chez moi, Tom m'aidant à marcher, mon sabot ne me portant plus. Je ne l'acceptais toujours pas. Comment l'accepter? Je venais juste de retrouver mon seul ami, et maintenant j'allais perdre ma passion? Plus aucun moyen de jouer de la musique? Si au moins j'avais été une licorne, j'aurais pu continuer avec de la magie, mais je n'étais qu'une poneytte terrestre.
Toute l'après midi, j'ai pleurée, mon sabot inerte pendant lamentablement de ma patte que je commençais déjà à ne plus sentir. Tom resta prêt de moi, sans un geste, silencieux comme à son habitude. Il ne me demanda pas de jouer, mais je vis du coin de l'œil mon piano, qui était un de mes instrument préféré. Bientôt je n'allais plus pouvoir en jouer.
J'ai doucement écarté Tom qui m'étreignait, et je me suis dirigée vers le piano. J'ai tenté d'appuyer dessus avec mon sabot inerte, la note sonna. Ma patte me permettait encore de jouer. Je me suis installée et j'ai sortie une vieille partition qui était posée dans une fente du piano. Une vieille musique, que je n'avais toujours pas terminée, après toutes ces années.
"J'ai commencé à écrire cette musique à 15 ans, Tom. Je n'avais que l'introduction quand je t'ai rencontré. En te la jouant, j'ai commencée à la compléter, et aujourd'hui je vais la finir. J'ai trouvé le titre grâce à toi: Toujours devant, sans un bruit. Car grâce à toi, j'ai pu avancer dans ma vie, tu restais là, sans parler, mais cela m'a fait progresser..."
Je me suis arrêtée un moment. Puis j'ai murmuré:
"Et je t'ai oubliée... Désolée."
J'ai levé la tête vers Tom qui semblait finir un levage des yeux au ciel, comme si il avait déjà oublié ce qu'il s'était passé, qu'il m'avait déjà pardonné. Ou plutôt, comme si il ne m'en avait jamais voulu.
J'ai souris. Il était trop gentil avec moi.
"Cette musique est pour toi, Tom."
J'ai commencé à jouer. Un air qu'il connaissait bien, mais que j'avais finis à l'instant. Plus de boucle de quelques minutes pour occuper le temps, non, une heure de pure musique, alternant crescendo à de simples parties sur trois notes, avec toujours ce refrain qu'il connaissait si bien. Je jouais sans aucune fausse note malgré mon sabot inerte. Tom restait en place. Je ne pouvais pas le voir à cause de la concentration nécessaire pour poser mon sabot paralysé avec justesse sur la bonne note.
Après que j'ai finie, je me suis tournée vers Tom. Il ne bougeait pas, souriant, les yeux fermés.
"A-Alors?"
Il ouvrit les yeux et me regarda, sans rien dire, comme à son habitude, mais cette fois-ci c'était différent, même si il avait sut parler à cet instant, je crois qu'il se serait tut quand même. Son regard était emplit non pas de larmes, mais de tendresse, d'affection. Ce regard valait tout les remerciement du monde.
Tom chercha quelque chose dans sa crinière. Je sais qu'il ne cachait que des choses précieuses dedans. Il en sortit une petite boite, carré, bleue et usée par le temps, probablement trouvée quelque part.
Il s'approcha de moi, me regardant droit dans les yeux. J'étais toujours sur ma chaise pour faire du piano, je le regardais sans comprendre.
Il plia une patte, se mettant à genoux. Il ouvrit la boite. J'ai bien cru que mon cœur allait s'arrêter.
À l'intérieur se trouvait un bracelet, doré, vieux, le dorage était même parti par endroit et laissait clairement voir que c'était du plaqué, il avait dû le trouver part terre ou je ne sais quoi. Mais cette chose, ce bracelet représentait tellement pour moi. Il me demandait en mariage. Il m'aimait au delà de l'amitié, bien au delà. Tout ce qu'il avait ressenti pour moi, tout ce temps, sans jamais pouvoir me le dire clairement. C'était un bracelet typique de Los Pegasus, il l'avait donc depuis longtemps... Peut-être même qu'il avait voulu me l'offrir le jour où je suis partie. Tout ce temps...
Les larmes me vinrent aux yeux. Une joie mêlée de tristesse pour ce qu'il avait ressenti.
"Oui!" ais-je répondu en pleurant. Comment lui dire non? Je l'aimais! Il m'avait aidé, durant tout ce temps il m'avait aimé, il s'était interdit de me retenir, privilégiant mon bonheur à son amour. J'avais été un monstre plus que je ne le pensais ce jour où je l'avais quitté. J'aimais Tom, sincèrement, mais je crois que je voulais avant tout qu'il me pardonne. Mais il ne m'en voulait pas.
Je ne l'ai jamais vu aussi heureux que ce jour là. Son regard brillait plus encore que ce jour où je l'avais trouvé sous le pont.
Le mariage eut lieu trois jours plus tard, alors que je ne pouvais simplement plus bouger ma patte avant gauche. Mais cela m'importais peu. J'étais avec Tom, c'était tout ce qui comptait. La fête fut relativement simple, pas dans la démesure. Tom n'aimait pas la démesure, et moi non plus. Réaction somme toute normal après quelques années passées à vivre au jour le jour, avec le strict minimum, voir moins.
Nous avons vécu de beau jours, alors que ma paralysie me gagnait de plus en plus, je me suis découvert un amour plus grand que je ne le pensais pour Tom. Il m'avait ouvert les yeux. Merci Tom. Il m'aidait maintenant à me déplacer dans mon fauteuil roulant. Par chance, j'avais écris ma musique et j'avais réussi à en faire jouer une des musicienne de Ponyville, pour l'enregistrer et pouvoir la diffuser à Tom quand il la voulait. Bien sur il était triste que je ne puisse pas la jouer directement, et moi aussi, mais il faisait avec.
Le docteur disait vrai, en trois semaines je ne ressentais plus rien dans mes pattes ou mon corps. Aucune sensation, je ne sentais Tom que par mon visage. Ce fût extrêmement désagréable pour moi de devoir mentir à Tom la première fois que nous fîmes l'amour. J'ai dit que j'avais aimé, alors qu'en réalité je n'avais strictement rien sentit. Mais je pensais à lui, à son bonheur, et toujours à ce qu'il me pardonne. Si mentir le rendait heureux, alors je mentirais, même si il ne le voulait pas.
Quand j'étais petite, j'allais parfois à la plage avec mes parents. Un jour, je me suis rappelé de ça, et j'ai proposé à Tom d'y aller. Il ne sembla pas d'accord, mais il ne me refusait rien, il ne protestait jamais. Pour lui c'était clairement une mauvaise idée, mais j'ai dit:
"Qu'est-ce qu'il peut arriver? Ça va nous faire du bien."
Nous fîmes nous bagages, deux jours, pas plus, et c'était bien suffisant. Nous sommes allés à la plage, évitant soigneusement Los Pegasus et ce que cela pouvait nous rappeler. Nos sommes arrivés dans un coin désert, juste pour nous deux.
La mer était superbe. Mieux que dans mes souvenirs, et Tom resta également bouche-bée. L'air sentait bon la mer, le vent était léger. Nous avons avancés, lui me poussant sur mon fauteuil. Nous nous sommes arrêtés sur une petite corniche, avec un mètre plus bas le sable, et à quelques mètres, la mer.
J'ai inspiré un grand coup pendant que Tom profitait de la vue.
"Viens te mettre à côté de moi."
Tom vint se placer à mes côtés et, comme si il savait la suite, me passa délicatement un sabot par dessus les épaules.
Tom, toujours aussi maladroit. Il ripa légèrement et il me poussa accidentellement dans le sable, un mètre plus bas, où j'atterris dans une position assez ridicule, la tête en avant, l'arrière train levé. Aucun dommage, du moins rien que je pouvais sentir. Pourtant je suis sur que Tom eut l'air terrifié par ce qu'il venait de faire. Il se précipita vers moi, contournant la corniche, arrivant sur ma gauche alors que je riais de cette chute. Mon rire fut de courte durée. Tom s'approcha, mais arrivé à deux mètres de moi, ses pieds furent enlisés dans le sable. Il essaya de s'en dégager, mais il s'enfonçait davantage. Des sables mouvants. Il le compris en même temps que moi et me regarda.
Il s'enfonçait dans le sable, sans aucune possibilité de s'en sortir, et je ne pouvais rien faire d'autre que de regarder, horrifiée. C'était de ma faute. C'était moi qui l'avais abandonné! C'était moi qui lui avait pris son cœur et fait souffrir durant toutes ces années de solitude! C'était moi qui l'avais fais venir ici! C'était moi qui ne pouvais pas bouger pour l'aider! C'était de ma faute! Alors pourquoi? Pourquoi, Tom? Pourquoi cet air navré? Pourquoi ce regard qui me disait "Désolé..."? Pourquoi partais-tu en t'excusant alors que tout était de ma faute!? Tom...
Il disparu sous les sables. Ce regard... Pas ce regard Tom, pitié. Pourquoi a t-il fallu que ma dernière vision de toi fut ce regard emplit de tristesse pour le monstre que j'étais? J'aurais tant voulu te voir partir heureux, voir même ne pas te voir partir tout simplement.
Je suis resté là, dans cette position ridicule de chute, ne pouvant rien faire que de contempler le désastre qu'avait causé ma vie, ou plutôt le désastre qu'avait été ma vie. Tout ceci pour ça? Voir mon ami, mon amour, mourir sous mes yeux impuissants? Était-ce cela ma vie? Mon but?
Tom... Tom... C'est moi qui suis désolée, Tom.
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