Chapitre 8 : Souvenir et culpabilité

Un peu plus tard

[Rarity]

Je pousse l'une des deux grandes portes menant à la salle du trône, y découvrant Twilight, assise sur son siège, Applejack sur le sien de l'autre côté.

« J'ai fait aussi vite que j'ai pu après le passage de Spike à la boutique. J'ai été surchargée ces derniers jours avec mes commandes. J'ai appris que notre ami s'est réveillé ? » dis-je d'un ton enjoué.

Applejack me répond aussitôt : « Ouaip, il s'est de nouveau évanoui, mais il va beaucoup mieux. L’hôpital a recommandé de le ramener ici. Ils manquent de place à cause de l'accident de la veille. Du coup on l’a ramené dans sa chambre, avec un peu de chance il va se réveiller dans pas longtemps. »

Pendant qu'elle me parle, je remarque Twilight, elle a la tête basse, l'air soucieuse. Je m'approche d'elle et pose mon sabot sur son épaule, attirant son attention et parlant doucement : « Qu’y a-t-il ma chérie ? Tu n'es pas contente qu'il s’en soit sorti ? »

Elle relève le museau et m’adresse un petit sourire, il me semble faux sur le moment, ce n'est pas difficile à deviner avec elle... « Je ne sais pas, la question est : est-ce bien Lumen qui va se réveiller ou cette— »

« —Je ne pense pas sucre d'orge, j’étais là quand il s'est réveillé tout à l'heure, je pense qu'il est bien de retour. J'en suis pas certaine, c’est plus un pressentiment, mais je suis plutôt confiante », coupa gentiment Applejack.

Notre petite alicorne prend une grande bouffée d'air avant d’expirer longuement puis de reprendre : « Ce qui m’inquiète le plus et m’a préoccupée toute cette semaine... C'est ce qu'il a fait. »

Elle y pense encore ?

« Twilight... » dis-je « … On en a déjà parlé plusieurs fois pendant son sommeil non ? Tu as même envoyé de nombreuses lettres à Célestia d’ailleurs à propos de ce que nous en pensons toutes. Tu veux vraiment en débattre de nouveau ? »

« Non ce n'est pas ça, je me suis mal exprimée, je veux dire : comment l'a-t-il fait ? J'ai repassé la scène et ce dont je me souviens. Je vous passe les détails mais... ce n'est pas de la magie qui a eu lieu devant nous. Il devrait y avoir une quelconque trace d’énergie, quelque chose, mais il n'y a rien nulle part, j'ignore comment il a fait... ce que nous avons vu. Et je ne parle même pas de la “disparition” de ses blessures après sa crise de colère, ça me dépasse complètement. »

« Si c'était une capacité humaine naturelle ? » dit Applejack, un coude appuyé sur la table et le visage sur son sabot. « Vu qu'il est assez mystérieux en ce qui concerne sa propre condition, je ne serais pas étonnée qu'il nous l'ait caché, surtout au vu du résultat. »

Quel manque de classe... Une jument avec un tel potentiel pourrait faire de temps en temps un petit effort... c'est dommage.

Twilight réplique : « J'y ai pensé Applejack, je lui poserai des questions à ce sujet dès son réveil. »

Je reprends la parole aussitôt : « Nous devrions avant tout nous assurer qu'il va bien, les questions sur ce qu'il a fait pourront attendre quelques jours non ? Ça a été une période difficile autant pour lui que pour nous, on ne devrait pas lui mettre plus de pression, tu n'es pas d'accord ? »

Twilight finit par acquiescer doucement, j'en profite pour poser la question : « Au fait, où est Fluttershy ? J’espère qu'elle se repose maintenant, la pauvre. »

« Avec Lumen. Elle tient à ce que quelqu'un soit avec lui au moment du réveil, pour qu'il ne soit pas affolé comme la dernière fois. »

J’entends Applejack se mettre à rire aux éclats sans crier gare, nous laissant Twilight et moi-même, surprises et curieuses d'en connaître les raisons.

« Maintenant que j'y pense hahaha, faut que je vous parle d'un truc. » Je vois la fermière retirer son stetson, le placer devant elle, ne nous laissant voir que ses yeux d'émeraude dans une expression suggestive. « Vous ne devinerez jamais quelle jument j'ai surprise sous un mâle tout à l'heure, l'air coupable quand elle m’a vue. »

J’entends Twilight couiner de surprise, les oreilles basses et un mouvement de recul qui manque de me faire glousser.

Ça pourrait détendre l’atmosphère, et puis ça aiderait à passer le temps pendant que les autres arrivent... Mais c'est vrai que Twilight n'est pas friande de ces petites histoires cocasses.

Ne pouvant m’empêcher d’être curieuse, je finis par craquer, non sans un certain enthousiasme : « Qui ? »

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[Lumen]

« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHH !!!!! »

Oh putain... encore... Vivement que ça s’arrête.

Réveillé en hurlant, le corps inondé de sueur, tremblant intensément, le souffle court et un sentiment d’effroi qui pourrait – pour à peine plus – m’arrêter le cœur et me laisser sans vie dans le lit.

Encore....

À chaque réveil, même en pleine nuit parfois, depuis que je suis arrivé dans ce monde. J’émerge toujours de la même manière : assis, en nage, terrorisé par quelque chose dont je ne me souviens jamais.

C'est peut-être lié aux souvenirs qui me manquent, ça me donne encore moins envie de savoir ce que c'est du coup mais... j'ai l’impression que c’est important, sinon pourquoi me mettre dans un tel état à chaque fois...

Les derniers événements bien que légèrement flous, me remontent : l'attaque du monstre, les coups encaissés, le danger sur la petite jument jaune et... la colère.

J'ai fait... quelque chose... Je finis par me secouer mentalement, tâchant de reprendre mon calme avant de réfléchir plus en avant.

Une chose à la fois, déjà reprendre la maîtrise de soi, j'aviserai ensuite les derniers souvenirs que j'ai.

Il me faut un bon moment avant de réussir à réprimer mon effroi.

Calmer ma respiration.

Remarquer que je suis apparemment dans la chambre que j'occupe chez Twilight Sparkle.

Voir une jument jaune au crin rose au pied du lit, les sabots sur la poitrine, à me regarder comme si j’étais mort puis ressuscité.

En prime, sursauter comme un idiot, surpris par sa présence, que je n'ai évidement pas remarquée avant.

« AaAh ! T'es… T’es là depuis combien de temps bon sang ?! » demandé-je, la voix un peu enrouée entre son manque d'utilisation et celle soudaine que je viens de faire.

« D-D... A-Avant que tu ne te réveilles... » bégaye doucement Fluttershy, visiblement intimidée par mon comportement. Elle s'approche un peu du bord et tend un sabot vers ma main. Par réflexe je m'écarte, elle sursaute, baissant les yeux vers le sol.

J'entends un “sniff”, elle a l'air pitoyable.

Bravo andouille, t'es réveillé depuis vingt secondes et tu fais chouiner quelqu'un, tu te surpasses décidément.

« Désolé Fluttershy... C'est dur de se remettre de “ça”, donne-moi un peu de temps... C'était pas contre toi, pleure pas va. »

Elle relève timidement les yeux. Que ça m'agace par moment, c'est pas comme si j'allais la mordre ou je ne sais quoi encore.

« C-Comment tu te sens ? » murmure-t-elle à peine.

Je laisse échapper un long soupir en balayant à nouveau du regard la pièce et mon état : pas de blessure visible malgré ce que j'ai pris dans les dents. Mais vu ce que j'ai fait et ce que je me rappelle, ça a dû être il y a un moment et j'ai dû avoir le temps de guérir complètement.

Il s'est peut-être passé des semaines...

Un peu mal à la tête et faible, mais dans l'ensemble j'ai l'air bien, la caresse des draps sur ma peau et plut—

… Punaise décidément ! Encore un réveil entouré de poney et j'ai rien sur moi.

Quand je finis par tilter, je tire un peu le tissu m'entourant pour couvrir le bas du dos et ce qu'il y a à cacher.

J'entends la pégase glousser.

« Tu devrais te voir, tu es tout rouge. »

« Je suis pudique et surtout pas d'humeur, elles sont où mes affaires ? »

« De l'autre côté Lumen, regarde. » Fluttershy pointe une direction dans mon dos. J'avise alors sur une commode un ensemble de mes vêtements, le rouge, pliés et près à être enfilés.

« Oh super. » Je la regarde. « Tu veux bien... » Je lui fait un signe, un doigt pointé vers le bas dans un mouvement circulaire.

Fluttershy s’exécute en silence, un petit sourire moqueur qui me donne envie de l'étrangler... Je suis vraiment pas d'humeur de base au réveil, mais depuis que j'ai ce problème de cauchemar mystérieux, je suis encore pire que d'habitude.

Gardant un œil sur elle, qu'elle ne se retourne pas, je file vers mes vêtements et les mets à toute vitesse en commençant par le bas, profitant d’être un peu plus réveiller pour me remettre les idées en place.

Mes derniers souvenirs... Les deux coups que j'ai donnés contre le monstre : un direct dans le ventre et ensuite, un uppercut dans la gueule pour me dégager.

Après plus rien... Comme si on avait recouvert ma vue et ma conscience d'un voile noir, il n'y avait qu'un désir de meurtre et longtemps après, pendant un long moment... de la douleur.

… ”Tu n'es plus seul”...

Je me fige et frémis sur le moment lorsque cette phrase passe dans ma tête, une voix féminine j'en suis sûr mais... Je ne la reconnais pas, cependant je m'en souviens... de ce que j'ai ressenti sur l'instant.

Je me suis sentis tellement... bien... en paix...

J'ai peut-être halluciné pendant la période où j'ai souffert de ma convalescence, mais tout est brouillé. Je n'ai pas l’impression d'avoir vécu ces instants, comme si ces souvenirs ne m'appartenaient pas, c'est plus comme un rêve éveillé, mais je vais devoir faire avec pour le moment. Le temps d'apprendre ce qui m’est vraiment arrivé et ce qui est du domaine du rêve, je vais devoir être patient.

Je passe le manteau sur mes épaules et avise au bout du meuble mon baladeur et mon pendentif...

M'approchant lentement, je me saisis du bijou et porte le joyau contre mon front pendant de longues secondes, ignorant totalement la présence de la pégase dans la pièce.

Mais avant de l'attacher à mon cou...

Il est partiellement ouvert... Qui a regardé dedans ?

J'ai... du mal... à résister à l'envie de regarder à l'intérieur. Mes doigts suivent les courbes irrégulières de la décoration, jusqu'à la partie fendue, cachant habilement l’ouverture. Une fois fermé c'est totalement invisible, mais laisser tel quel... impossible de le rater.

« J-Je...O-On le pensait cassé... »

La voix de la pégase me parvient à peine, elle porte un mélange de crainte et de culpabilité.

« Qui a regardé dedans », demandé-je d'une voix aussi neutre que possible, malgré une hostilité difficilement cachée.

« P-Personne... »

Je me crispe.

« Ne me mens pas », dis-je plus durement

Je l'entends couiner... En colère je me retourne vers elle, la fixant, bien décidé à lui faire cracher le morceau.

Je la vois lever son sabot pour frotter la patte opposée, cachée derrière sa crinière et tremblante.

Plutôt que d'insister, je vais lui laisser le temps de se mettre à table d'elle-même. Autant ne pas la traumatiser plus qu'elle et ses copines doivent l’être, après la boucherie que j'ai apparemment faite, si c'est bien ce qui c'est réaliser.

« I-I-Il… Je… Enfin… P-Personne d'autre que moi, mais pas longtemps… Le temps de me rendre compte que... E-En fait il n'était pas cassé comme l'avait suggéré Rainbow quand tu t'es évanoui la première fois », finit-elle par dire sans oser me regarder directement.

Je m'approche, repassant du côté du lit. Pendant que j'avance, je la vois reculer au même rythme, pour finir plaquée contre le mur, comme si elle craignait que je lui fasse du mal.

Regarde-toi... inspirer une terreur pareille à quelqu'un comme elle... Tu devrais avoir honte.

Malgré un sentiment de culpabilité grandissant, je m'assieds au bord du lit, à l'écouter d'une oreille, alors que mon regard est fixé sur le bijou à peine entrouvert.

« J-Je n'ai regardé qu'une fois mais pas longtemps… Je suis désolée, je l'ignorais… ”snif”. »

Je l'entends sangloter de nouveau, tellement figée par la peur que, bien qu'elle avise d’un œil la porte de la chambre, elle n'ose plus bouger.

Je relâche un long soupir tandis que mes souvenirs liés à tout cela me reviennent une fois de plus.

Une fois encore, je me l'étais promis mais... Je l'ouvre pour regarder ce qu'il cache.

« Je n'aurais pas dû être aussi agressif. Excuse-moi Fluttershy... C'est juste que c’est un objet très important pour moi et j'y tiens par-dessus tout. »

Elle relève des yeux pleins de larmes vers moi. Je lui fait signe d'approcher... Autant lui montrer ce qu'il y a dedans, maintenant que le mal est fait.

Lui dire ce que ça représente pour moi... Du moins, une petite partie.

Je l'entends encore chouiner un peu, essuyer les dernières larmes le temps de se calmer. Elle arrive à mon côté, pointant son museau pour voir ce que je cache dans mes deux mains avec tant d'attention, qu'on croirait que je tiens une bulle de savon entre mes doigts.

« C'est toi dedans ? Tu as l'air un peu différent », remarque-t-elle. « Et qui est cette personne à côté de toi ? »

Mes yeux... passent sur les détails de son visage : ses longs cheveux bruns lisses et brillants, son sourire plein de vie et de chaleur. Ses yeux intenses couleur noisette. L'ovale de son visage et ses petites pommettes légèrement rougies, me serrant dans ses bras pour se tenir à ma hauteur d'épaule alors qu'elle était sur la pointe des pieds. Je souriais sur cette photo... malgré les décombres nous entourant.

Mon monde est injuste, mais tant qu'elle était là...

« C'est... » Mes mots s'étouffe dans ma gorge sous le coup de l'émotion... Je ne veux pas en parler, je cherche depuis si longtemps à oublier ce qui s'est passer.

Je sens un sabot toucher mon genou et une voix chaleureuse. « Qu’y a-t-il ? Tu pleures ? »

Je ne sens même pas les larmes tomber sur mes joues... quelques-unes seulement. Un grain de poussière dans l’œil rien de plus sans doute, c'est même une certitude maintenant que j'y pense, je ne pleure pas.

« C'est... celle que j'ai aimée... de toute mon âme. »

« Elle te manque à ce point ? » dit-elle innocemment.

Autant lui cracher la réalité au visage maintenant que j'ai commencé...

« Elle est morte... » dis-je, alors que je referme avec soin le pendentif pour le passer à mon cou, un poignard dans le cœur en repensant à ce qui est arrivé.

Je la vois monter sur le lit à côté de moi et me serrer dans ses pattes gentiment... Elle me lâchera bientôt... Quand je lui dirai, elle s’enfuira.

« Je suis désolée Lumen, je ne savais pas… Je ne voulais pas être aussi indiscrète, pardon. »

« Tu n'as pas à être désolée 'Malyy tsvetok'... c'est moi... qui l'ai tuée. »