Chapitre 7 : Regrets et soulagement

[Inconnu]

Les ténèbres... et la douleur... Mes seules compagnes.

Tout ce que je mérite, pour tout ce que j'ai fait dans ma vie... Les meurtres, les vols... et tout le reste.

Mon monde n'est pas juste, mais je n'ai aucune excuse vis-à-vis de mes actes.

Je suis tellement désolé... si seulement je pouvais me rattraper... Et me voilà à en payer le prix aujourd'hui...

… Juste... mais si élevé.

Ma conscience se perd dans cette tempête de souffrance sombre, se fissure, se brise tel un miroir en millier de fragments irréguliers, symbolisant un être dans ses différents moments... Parfois les pires.

Le spectacle me laisse sans voix... Je mérite ce qui m'arrive sans doute, alors que je me sens disparaître dans le néant...

Pourtant...

Seul... Je suis seul... Si seulement je pouvais me racheter, si seulement au fond de ces abysses, les couvrant comme un écrin précieux, il pouvait y avoir un infime éclat, une lueur... un espoir.

Si seulement je le pouvais... Juste une dernière fois, avoir une chance.

Je donnerais tout pour y arriver, pour enfin... me faire pardonner.

Tant de regrets, tant de souffrances méritées et pourtant... Je voudrais tellement voir quelque chose au-delà.

Mon âme est tourmentée, mon cœur est brisé et ma conscience... emportée par la folie...

Le néant... n'offre rien de plus... que ce qu'il a toujours été...

Mais effleurer juste une seule fois ce joyau, rien qu'une fois...

Puisses-tu me pardonner... Pour ce que je t'ai fait...

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UNE SEMAINE PLUS TARD

[Fluttershy]

C'est difficile... mais je me refuse à le laisser seul, il a besoin de notre soutien après ce qui s'est passé.

À vrai dire les médecins n’ont rien pu faire, à part l'hydrater et donner des vitamines pour le maintenir en vie. Rien qui puisse soulager la douleur, malgré une absence totale de réaction à son environnement.

Twilight nous a expliqué en simplifiant autant que possible?: normalement dans certains cas, si une licorne use de trop de magie, elle peut ressentir de lourds effets sur le corps et l’esprit. Dans les cas plus graves elle pourrait souffrir et être malade plusieurs jours avant de s'en remettre. Dans les cas les plus extrêmes, la licorne peut succomber à une sur-utilisation de magie.

On ignore le comment du pourquoi pour le moment... apparemment, Lumen serait dans un état qui y ressemble. Son corps doit subir un grave contrecoup à cause de ce qu'il a fait, il est tombé dans un état proche du coma et il subit une grande douleur, qui ira en s'intensifiant jusqu’à ce que la crise passe. Visible physiquement par des sortes de boursouflures noires parcourant son corps et serpentant partout, s'étendant de jour en jour depuis une semaine maintenant.

Là où les bouffissures vont, les infirmières posent des bandages, pour qu'on ne les voie qu'un minimum... elles sont affreuses...

Il en a vraiment beaucoup, même ses yeux ont été couverts.

I-Il nous a sauvé d'un monstre très méchant... Mais le voilà dans cet état à présent, c'est pas juste.

Je n'ai presque pas quitté son chevet, je ne peux pas le laisser seul... Les filles lui ont rendu visite aussi et m’ont tenu un peu compagnie.

Même Applejack est venue plusieurs fois.

« Je n'aurais pas dû dire des choses aussi horribles contre lui... J’espère qu'il va bientôt se réveiller, pour que je puisse lui dire à quel point je regrette », m'a-t-elle confié une fois.

Pinkie et Twilight ont cherché à me renvoyer chez moi, pour que je m'y repose, pendant qu'elles resteront avec lui. Mais j'ai refusé en les remerciant. Hors de question que je le quitte. Elles étaient donc restées toute une nuit avec moi pour me soutenir finalement.

Je me sens coupable...

Si je me m’étais pas fait attraper, tout ça n'aurait pas eu lieu.

Il ne serait pas dans cet état.

Discord est venu lui aussi, d’abord curieux de ne pas me voir pour notre thé quotidien. Il s'est montré compréhensif après mes excuses, et nos explications concernant les derniers événements. Il avait même proposé d'user de sa magie du chaos, pour voir s’il était possible de faire quelque chose pour le soulager, mais rien n’a marché...

Il était resté avec moi toute la journée, faisant apparaître du thé et discutant à petite voix, cherchant à me changer les idées, sans tenter de me convaincre de quoi que ce soit sur mon comportement...

Heureusement que tous mes amis sont si gentils, autant avec moi qu’avec lui, en dépit de ce qu'il a fait... La vérité est qu'il a sauvé les habitants et moi-même d'un vilain monstre... Bien que la méthode en revanche, laisse un goût amer si l’on peut dire.

Je ne devrais pas lui en vouloir, il paye bien assez durement son acte comme ça, lui reprocher ses actions serait méchant... Il n'avait pas le choix.

On l'a toujours, il en a fait simplement un...

Les jours se sont enchaînés et malgré les différentes visites et nombreux soutiens, ils se sont ressemblé.

Mais il y a aussi cette routine depuis le début, quand je suis seule avec lui.

Il murmure... Parfois, alors qu'il est silencieux pendant plusieurs heures, il se met à parler sans prévenir... Les médecins ont attribué ça à des délires causés par la douleur sans cesse grandissante qu'il subit. Qu'il ne peut pas entendre ou réagir à quoi que ce soit dans son état.

Il se dit seul, triste, qu’il regrette ce qu'il a fait de mal, qu'il ne mérite rien d'autre, qu'il est... un monstre.

Sans relâche, même au beau milieu de la nuit, alors que je m'éveille aux son de ses soupirs, je réponds à chacun de ses mots, quelque chose de positif pour l'encourager, pour qu'il lutte, pour qu'il se sente mieux.

Q-Qu'il m'entende ou non n'a pas d'importance, nous sommes là... J-Je suis là.

Parfois le voir ainsi me fais pleurer...

Le corps frémissant, son agonie est une torture à supporter, mais je ne l'ai pas quitté, hors de question d’abandonner, alors que lui ne l'a pas fait.

Il est arrivé dans notre monde depuis peu et pourtant il n'a pas hésité à nous apporter son aide.

Il a été rejeté, mais il a risqué sa vie pour Applejack.

Il n'a pas d'aile ni de magie ni une grande force et pourtant il a fait face au danger.

Il s'isolait, mais avec le temps, les gens ont osé l'approcher, discuter, partager du temps et des moments avec lui. Lui faire comprendre qu'il leur fallait juste un peu de temps pour s'habituer, à lui, qui était si particulier pour nous.

S’il doit rester, il y aura une vie pour lui, s’il le veut bien...

Il ne mérite pas ce qui lui arrive, quelles que soient les choses qu'il a pu faire avant d'arriver chez nous... Personne ne mérite ça.

Ma résolution est vraiment difficile à tenir par moments, cela fait maintenant une semaine entière.

La mélodie dissonante de son souffle gémissant continue encore et toujours à remplir la chambre dans laquelle nous sommes.

Ça fait quelques heures qu'il n'a rien dit, il est tard et la Lune est haute... Mes paupières sont lourdes, je suis fatiguée.

Dormir un petit peu, s’il parle je l'entendrai et lui parlerai pour le rassurer, l'aider à ma manière...

* * *

Pas de bruit, pas de respiration douloureuse ou de frottement de tissus, un silence calme et paisible.

Calme et paisible ?!

Je me réveille de mon fauteuil en sursaut, à quelques pas du lit… vide.

Où... Où est-il ?

Il a l'air de faire jour vu la lumière.

Face à moi une grande et longue fenêtre donnant la vue sur le petit parc derrière l’hôpital.

Les malades qui doivent rester un moment hospitalisé vont là-bas pour prendre un peu l'air et profiter de la nature.

Le rapide coup d’œil avant de m'affoler et chercher Lumen partout m'informe cependant d'une présence seule près de la fontaine au centre du parc.

M'approchant rapidement de la fenêtre pour mieux voir, je reconnais le pauvre humain. Entre les bandelettes et sa crinière noir corbeau, on ne peut pas le rater, à moins de le faire exprès.

Je quitte la chambre et tâche de le retrouver rapidement, un sourire se fixant sur mon visage, heureuse de le voir enfin rétabli.

Il va mieux ! Il a repris conscience et il s'est simplement rendu dehors pour profiter du Soleil.

Étrangement, je n'ai croisé personne sur le chemin, je passe un virage et traverse un long couloir qui me mène à la porte pour aller dans le parc.

Une fois à l’extérieur, il est bel et bien seul.

Que je suis contente !

Je m’approche en trottinant, arrivant à sa hauteur.

« Bonjour Lumen ! Si tu savais comme je suis heureu— »

… Non...

Ma déception est immense en le détaillant, faisant disparaître mon sourire, le remplaçant par de la peine... La même depuis une semaine.

Entre les morceaux de tissu le couvrant pour les dissimuler, les marques noires continuent de palpiter légèrement, la peau pâle là où elle semble encore saine. Des petits frémissements lui parcourent les bras, pendant mollement sur les côtés.

Il est à genoux et courbé vers l'avant, comme lorsqu'il a perdu conscience la dernière fois.

Il murmure de nouveau.

« J'ai tellement mal... »

Toute ma frustration, s'ajoutant à cette fausse et sincère joie pour le découvrir une fois de plus ainsi, devient un torrent avec pour seules questions :

Comment est-il arrivé là, alors qu'il a les yeux bandés ?

Qui l'a laissé déambuler librement, alors qu'il délire ?

Je déglutis difficilement, essayant de faire taire ma lassitude.

« Bientôt tu n'auras plus mal », lui réponds-je d'une voix un peu enrouée après un long temps de silence, ajouté à la tristesse me tordant la gorge. Une fois de plus, lui parler... pour le soutenir. « Il... Il faut encore un peu de temps et tu iras mieux très vite. »

Je me déplace pour me mettre en face de lui, réfléchissant à comment le ramener dans sa chambre.

Je vais peut-être demander aux infirmières de m'aider.

« Je ne vois rien... »

Lumen...

« Tu as un bandeau devant les yeux et tu dors encore pour le moment, bientôt tu verras le Soleil », lui réponds-je avec douceur.

« Je regrette tellement... tout ce que j'ai fait. »

Il faut que ça s’arrête...

« On le sait, on te pardonne. Tu n'es pas méchant de nature. »

Sa voix me paraît plus empreinte de sentiment, plus présente, plus insistante que d'habitude.

« Je mérite... tout cela, je suis... un monstre. »

La tempête en moi grandit encore, je n'en peux plus, je voudrais tellement qu'il m'entende. Les larmes coulent de mes joues de façon si soutenue, que je ne parviens plus à le voir clairement.

« P-Personne ne mérite ça ! Rien de ce que tu as fait par le passé ne justifie ce que tu vis maintenant... TU ES quelqu'un de bon, tu as fait des mauvais choix par le passé mais c'est fini maintenant... tu n'es pas un monstre ! Tu es notre ami Lumen... » dis-je, la voix brisée par les sanglots, fixant finalement le sol.

« Il n'y a que le néant autour de moi... Si seulement... »

Comment faire pour que ça s’arrête...

« Alors entends ma voix ! Qu'elle te guide pour enfin en sortir ! S'il te plaît... arrête, réveille-toi Lumen... Arrête de te lamenter... Tu as le droit de vivre comme n'importe qui. »

« Je le voudrais... »

Sur ces mots, alors que je suis presque couchée au sol, à observer la flaque de larmes naissant entre mes sabots, je sens une certitude monter en moi.

Il… Il m'a entendue ? Il m'a répondu ?

« Je suis seul... tellement seul, je voudrais tellement... effleurer... un espoir. Une fois, rien qu'une seule fois. »

Je me remets sur mes sabots pour m'approcher, m'assieds sur mes hanches et l'entoure de mes pattes, je suis à bout de forces, il faut qu'il m'entende.

Il faut que son mal passe, que tout ça s’arrête.

« N-Non… tu as des amis ici », dis-je dans un câlin.

Si seulement il pouvait aller mieux... Je voudrais pouvoir faire quelque chose, qu'il arrête de souffrir...

« Tu as des gens ici qui tiennent à toi... Même si certains ne te connaissent encore que très peu... »

J'entends un hoquet venir de lui, des mots hurlent dans mon être, des mots qui viennent du cœur.

Je lui murmure alors avec toute la sincérité qui m'habite, car c'est une vérité qui demeurera tant qu'il sera avec nous : « Entends ma voix Lumen, je... j-je suis avec toi... Tu n'es plus seul. »

J’entends un battement grave et profond, je m'écarte un peu, son visage recouvert me donne l’impression de me fixer, ses lèvres tremblent, comme ému...

« V-Vraiment ? »

L'emplacement de ses yeux s'assombri lentement, il semble pleurer. J'en suis sûre maintenant ! Après tout ce temps passé à lui parler, il a l'air de revenir, de réagir à ce que je lui dis.

Enfin, après tout ce temps...

« Oui Lumen… tu ne l'es plus, et ne le seras jamais plus, tant que tu seras notre ami... Alors je le répète. Tu n'es plus seul. »

Un deuxième coup retentit, comme un battement de cœur... Ce qui m’entoure semble se couvrir d'un voile blanc éclatant.

Puis dans un soupir il dit :

«... Merci. »

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Au même moment

[Applejack]

Me voilà à l’hôpital, ça fait maintenant une semaine que Fluttershy n'a pas quitté le chevet de Lumen, mangeant assez peu et ne dormant pas beaucoup plus.

Nous en avons discuté entre nous, histoire de se mettre d'accord sur ce que nous pensons des événements, ce qui devrait être fait selon chacun de nos points de vue envers Lumen. Twilight de son côté a envoyé un rapport à la princesse Célestia, pour la tenir informée des changements.

Quoi qu'il arrive et quoi qu'on en pense, on lui doit une fière chandelle pour ce qu'il a fait. Même si ça été violent, même si je ne suis pas d'accord avec un tel dénouement en ce qui me concerne. Il a sauvé la vie de ma petite sœur, la mienne ensuite, et pour finir celle de Fluttershy...

Peu importe ce qu'il est ou a été, sans lui ça aurait été un drame... Et il en paye encore le prix aujourd'hui.

Pourvu qu'il aille mieux.

Je porte une tarte que j'ai faite sur moi, quitte à leur rendre visite, autant faire en sorte que la petite pégase mange. Le suivi des longs couloirs et l'ambiance aseptisée a tendance à me mettre mal à l’aise.

Finalement j'arrive à la chambre où se trouve Lumen, mais je n'entends rien. La porte est ouverte ? J'y passe le museau mais je n'y vois personne.

Ils l'ont déplacé ?

Ou peut-être qu'il va mieux ? Ça serait une très bonne nouvelle, dommage que je n'aie pas pensé à prendre du cidre et que les autres ne soient pas venues, on a toutes des choses à lui dire en plus.

En sortant de la chambre, j'entends quelque chose, comme une plainte.

Non d'une pomme, y'a des malades ici, faudra songer à éviter de crier.

Je ne suis pas sûre mais je pense reconnaître la voix. Vu qu'elle ne s’arrête pas je me mets en chemin pour découvrir la source, ça a l'air de venir du parc du bâtiment.

En arpentant les couloirs, le bruit devient de plus en plus fort. Des infirmières et du personnel près de la porte qui mène au parc se tiennent immobile, comme si quelque chose d'énorme se passait sous leur yeux.

Je tâche de me glisser entre eux, pour voir ce qu'il se passe.

Ce que j'y vois une fois arrivée me laisse sans voix, alors que j'avance lentement pour m'approcher.

C'est Lumen ?!

Je l'entends clairement maintenant, c'est comme un long mugissement, une plainte triste d'un animal blessé. Grave et long, empreint d'émotion difficile à ressentir ou décrire, on dirait presque... un chant.

Juste entre la fontaine et la porte d’où je viens, je vois des tas de bandelettes déchirées voleter, emportées par le vent, venant toutes d'un même point : une masse blanche et “fumante” que j'ai déjà vue il n'y a pas longtemps.

Mais plutôt que d’avoir peur, je suis plus... tranquille. Je n’ai pas cette sensation de danger imminent comme la dernière fois, il est de dos et à genoux.

Le mugissement devient plus discret, comme un murmure qui semble s'échapper de la brume blanche s'échappant de ses bras et de ses jambes.

Je décide de m'approcher, demeurant à une distance raisonnable. On ne sait jamais...

C'est bien lui ? Où est Fluttershy ?

Presque arrivée à la hauteur de Lumen, je vois Fluttershy juste devant lui, des volutes l'entourant, la couvrant comme un linceul, souriante, l'air soulagé d'un immense poids malgré les traces évidentes de fatigue qu'elle a.

J'ai à peine le temps de la remarquer, que j’entends la voix de Lumen, mais je n'comprends pas ce qui est dit alors que les derniers bandages le recouvrant semblent se détacher.

Il n'en a plus ! Ses horribles marques, elles sont enfin parties. Il a survécu à ça.

Avant que je puisse réagir, la brume se dissipe et Lumen s’effondre en avant.

J'entends un “Eeeeeeeeep !” et un “pouf” alors que je vois Fluttershy surprise, tomber à la renverse sur le dos et se retrouver en-dessous de l'humain, ses sabots dépassant sur les côté.

« Ah ! A-A-Au secours, Applejack ? c-c-c'est toi ? Aide-moi s'il te plaît, il... il est un peu lourd... »

Je finis par éclater de rire en la voyant désemparée, le feu aux joues, l'air piteuse et m'appelant à l'aide après avoir remarqué ma présence.

Il n'a plus de marques noires, et il est en vie, c'est tout ce qui compte. Vivement qu'il se réveille, afin de savoir si le Lumen que nous connaissons est bel et bien de retour.