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Destination Unknown

Une fiction traduite par BroNie.

Destination Unkown

Les poneys sont de la nourriture

Désormais accoutumée à le faire, elle ignora ce murmure et choisit de porter son attention à la fenêtre. Il neigeait au dehors. Elle n'avait jamais été dans un train auparavant. Elle n'avait jamais fait tout un tas de chose en fait. Elle n'en avait jamais eu le temps. Dans de meilleures circonstances, ça aurait une nouvelle expérience excitante, à partager avec sa Bien Aimée.

Mais meilleures, les circonstances ne l'étaient pas. Elle était encore en fuite. Elle n'avait plus le temps. Elle n'avait jamais le temps.

Elle regarda les lignes téléphoniques recouvertes de neige dépasser leur voiture. Elle se demandait jusqu'où elles étaient montées dans le nord. Elles devaient être au Caneighda, sans doute près des Chutes du Neighgara. Elle avait entendu dire que les caneighdiens étaient sympas, et bien qu'elle n'en ai jamais rencontré, elle ne doutait pas que ce soit vrai. C'était des poneys après tout. On disait que le Caneighda était froid, surtout en hiver.

Elle frissonna sur son siège, malgré son manteau. Elle n'aimait pas le froid. La plupart des changelins non plus.

Les poneys sont de la nourriture.

Ça, elle y avait cru. C'était il y a longtemps, quand elle avait été envoyée seule dans le monde pour la première fois. Avant qu'elle n'arrive à Canterlot. Avant qu'elle ne découvre la musique. Avant qu'elle ne la trouve.

Elle ne se rappelait pas vraiment de cette époque. Elle n'aimait pas beaucoup y penser, pour être honnête. Il n'y avait aucune nostalgie, aucun souvenir d'enfance, aucune anecdote qu'elle aurait pu partager avec quelqu'un. Les souvenirs de cette époque, quand elle était seule, se mélangeaient en un flou opaque. Les seules images qu'elle pouvait précisément isoler, c'étaient celles de la fuite, du froid et de la faim. Oh oui. Plus que tout au monde, elle se souvenait d'avoir eu faim.

La sensation se rappela à elle aussi sûrement que si elle avait eu un ulcère. Elle aurait mangé des cailloux si ça avait fait disparaître ce sentiment.

Peut-être l'avait-elle fait. Elle n'arrivait pas à être sûre si son ventre rempli de terre n'avait été que le fruit de son imagination, ou une vraie réminiscence, à demi-oubliée.

Il ne fallait pas se demander pourquoi. Toutes ses tentatives pour chasser quelque chose s'étaient soldées par un échec. Elle ne savait pas quoi chercher, quels appâts fabriquer, quel déguisement prendre. Tout cela ne finit qu'en une fuite en avant. Le temps qu'elle trouve le chemin de Canterlot, elle était épuisée, affamée et probablement en train de délirer.

Il n'y avait que le délire qui pouvait expliquer son premier choix de camouflage. Au moins, elle pouvait être fière d'avoir eu encore assez de bon sens pour éviter de se déguiser en alicorne. Le choix d'une licorne plutôt que d'une pégase ou d'une terrestre relevait principalement d'une considération pratique : dans son état de faiblesse, elle ne voulait pas se priver d'utiliser sa magie, et n'était pas sûre de pouvoir encore voler. Le reste fut le choix du hasard, produit bâtard de la faim et de la fatigue. Un nouveau-né sorti de l’œuf aurait fait un meilleur travail.

Une robe blanche car elle ne put penser à rien de mieux. Une crinière bleue, car elle aimait le ciel, qu'on ne pouvait voir depuis la ruche. Des yeux rouges tout simplement parce qu'elle aimait cette couleur. Cela ne lui vint jamais à l'esprit qu'aucun poney n'en possédait de semblables. Les lunettes qu'elle récupéra plus tard l'aidèrent dans sa tâche : toute une vie sous terre n'accoutumait pas les yeux à la lumière du soleil.

Elle imaginait qu'elle devait pouvoir changer de forme si elle le désirait. Elle avait depuis longtemps recouvré ses forces. Peut-être pour quelque chose de moins tape-à-l'oeil. Des yeux violets, une robe plus sombre. Une crinière...et bien de n'importe quelle autre couleur. Mais elle se sentait bien comme elle était maintenant, un peu comme une vieille selle, usée mais confortable. Ils disaient que son premier camouflage ne se quittait jamais vraiment. Ils avaient peut-être raison ;

Elle reprit ses esprits. Ce n'était pas le moment de faire des changements radicaux. Ça pourrait attendre plus tard, quand sa Bien Aimée et elle-même seraient en sécurité. Elles avaient toutes les deux besoin de stabilité. Ça lui avait pris assez longtemps à se faire à l'idée d'être « elle » mais c'était toujours mieux que d'être « ça ».

Si son apparence peu commune n'avait pas suffi à la faire repérer, alors c'était son absence de cutie mark qui aurait du le faire. Ne pas en avoir une, à l'âge qu'elle prétendait avoir, c'était très inhabituel, et c'était un miracle que personne n'ait découvert le pot aux roses.

Mais peut-être que tout le monde s'en fichait. Canterlot était ce type de ville, le grand melting-pot equestrien. Tout le monde était un peu bizarre. Vous ne pouviez pas faire deux pas sans tomber sur quelqu'un qui préférait les étalons, qui portait des habits, qui fantasmait sur les griffons ou un autre truc bizarre. Les gardes qui patrouillaient dans les rues avaient sans doute vu plus étrange qu'une flanc-blanc à la crinière bleue et aux yeux rouges, qui trébuchait et se parlait à elle-même. Une ivrogne, se disaient-ils, et ils la laissaient en paix.

Une ivrogne. Ha. Ça, c'était arrivé plus tard, quand elle s'était aventurée dans un nightclub. Elle avait eu de la chance que le vigile la laisse passer. Mais bien sûr, elle avait l'air d'être une habituée. Les fêtards le pensaient certainement puisque il ne fallut pas plus de cinq minutes pour qu'on lui glisse des anneaux fluos autour du cou, ou qu'une jument ne colle ses lèvres aux siennes.

Les poneys offraient ouvertement leur amour. Maintenant elle était plus âgée, plus sage, plus au fait du monde et de ceux qui y vivaient, mais à l'époque, elle ne pouvait y croire. Dans la ruche, l'amour était quelque chose qui s'achetait, qui s'échangeait, qui se marchandait. L'amour était tout à la fois un moyen de paiement et un produit de base, régulé et rationné, donné en récompense et repris en punition.

A Canterlot, l'amour était gratuit. Ce simple concept lui était étranger. On pouvait en trouver partout, des clubs et des jardins publics, aux chambres à couchers et aux ruelles, comme si la ville entière l'irradiait. Chaque poney qu'elle rencontrait la saluait, un sourire sur le visage, l'amour suant par chacune de leur pore.

Salut ma pote, tu vas bien ? Je peux t'aider à quelque chose aujourd'hui ? J'allais justement me chercher à manger, tu veux venir avec moi ? Le café au coin de la rue a les meilleures fleurs de la ville, et leurs frites au foin sont à tomber...

D'un poney à l'autre, tous avaient un « je t'aime » attaché au moindre de leur mot. Une semaine de plus dans la nature, et elle serait morte de manque. Maintenant, elle se noyait dedans

Les poneys sont de la nourriture.

Alors elle se nourrit. Elle se nourrit comme une ogresse, jusqu'à en éclater, se gorgeant de l'amour et de la générosité des poneys. Elle but leur affection et leur chaleur comme s'il s'agissait de vin, elle but jusqu'à s’évanouir, ivre d'amour.

Elle se réveilla au petit matin, allongée sur le sol du club, le responsable la touchant au côté comme un enfant l'aurait fait d'un animal mort. D'autres poneys avec la gueule de bois luttaient pour se remettre sur leurs sabots, et un jeune étalon qui avait réussi à se glisser derrière, faisait son possible pour sortir du bar.

On ferme, dit le responsable. Vous avez pas à rentrer chez vous, mais vous pouvez pas rester ici.

Elle se reprit rapidement, bredouilla quelques excuses et gagna la sortie, adressant une prière muette dans l'aube à la reine, pour avoir on se sait comment, réussi à garder son déguisement. Elle ne s'était jamais sentie aussi entière. Aussi vivante.

Elle resta à Canterlot après cet événement. C'était un parfait terrain de chasse – ou de récolte plutôt - et elle ne voyait aucun intérêt à aller ailleurs. C'était la capitale equestrienne, le centre de la civilisation ponette, la ville la plus peuplée et logiquement, le plus grand réservoir d'amour. Elle serait capable de se nourrir autant qu'elle le désirait.

Mais il n'y avait pas que l'amour. Il y avait quelque chose d'autre.

Canterlot, en tant que capitale, était le cœur de la culture equestrienne. Art, littérature, musique, tout était florissant ici. Les esprits les plus créatifs de tout le continent venaient en pèlerinage ici, se plongeant dans ces paysages et toutes ces voix, à la recherche de l'inspiration. Les artistes venaient ici pour peindre le château, ses remparts baignant dans la divine lumière du soleil. Les poètes venaient dédier leurs sonnets à la Princesse, rêvant de les murmurer à son oreille.

Elle, elle était venue trouver quelque chose à manger. Cette nuit dans le club, elle avait aussi trouvé la musique.

Elle aimait la dubstep, sans pouvoir expliquer pourquoi. Pour ceux qui ne s'y intéressaient pas, c'était qu'un fatras de bruits, des sons empilés sur les autres, une bouillie chaotique. Un bourdonnement qui vous envahissait l'oreille, comme un millier de voix qui entraient dans votre tête en même temps.

Ca lui rappelait la maison. Elle sut que cette musique serait son monde, et se créa une cutie mark en conséquence. Cela la rassura, source de réconfort pour une étrangère dans un univers inconnu. Les autres musiciens auxquels elle parlait décrivaient tous leur métier dans le champ lexical de la flexibilité. Cela les libérait, disaient-ils. La liberté de créer, d'expérimenter, de faire ce que personne n'a jamais fait.

Elle qui avait vécu toute une vie sans liberté, elle en trouvait l'idée très attirante.

Il n'y avait pas de musique dans la ruche. Pas plus que d'art ou de littérature. Il n'y avait aucune créativité, aucune individualité. Les changelins ne chantaient pas. Ils ne dansaient pas. Ils n'écrivaient pas de poésie, ni ne peignaient des portraits. Ils ne se jetaient certainement pas les uns contre les autres sous une lumière noire, suivant un rythme depuis longtemps oublié, un feu primaire réveillé par le beat et les basses, qui brûlait dans leur cœur et dans leur sang.

Mais les poneys, oui. Oh ça, les poneys, oui.

C'était comme ça qu'elles s'étaient rencontrées après tout. Pas dans une rave – bien que l'image de sa Bien Aimée avec des bâtons fluos faisait naître un sourire sur ses lèvres – mais à l'Opéra de Canterlot.

A l'époque, elle essayait les différents genres musicaux, essayant un peu de tout, comme si elle piochait d'un buffet ce qui irait le mieux avec son plat. Elle aimait le rock classique, mais pas le moderne. Elle appréciait le rap, et détestait la country. Elle bougeait les flancs sur de la pop, et le blues la déprimait.

L'opéra lui...sa Bien-Aimée aimait ça, donc tout ne devait pas être à jeter dedans.

C'était sa Bien-Aimée qui l'avait approchée après le spectacle. Elle n'avait jamais su pourquoi. Peut-être de la simple curiosité. Elle avait du se démarquer du reste de la foule ce soir, surtout au milieu des collets montés qu'on trouvait généralement à ce genre de représentation. Une crinière bleue électrique et des lunettes de soleil violettes se mélangeaient mal avec les costumes et les nœuds papillons.

Autant pour le camouflage.

Pardonnez-moi, avait dit la jument grise. Très polie, comme toujours. Je ne vous ai jamais vue dans les environs avant.

Vous aimez l'opéra ? Je suis une grande amatrice de Pavatrotti, bien que je comprenne que certains poneys préfèrent Donamengo. Ils ont chacun leur petit quelque chose, j'imagine.

Êtes vous à Canterlot depuis longtemps ?

Vraiment ?

Permettez moi de vous y souhaiter la bienvenue, alors. C'est une ville merveilleuse. On dit qu'il y a quelque chose pour chacun ici, et j'imagine que c'est vrai.

Je n'ai pu m'empêcher de remarquer votre cutie mark. Portez vous un intérêt à la musique ?

Je joue moi même du violoncelle.

Comment dois-je vous appeler ?

Vinyl Scratch ? Quel nom intéressant !

Oh, pardonnez-moi, j'ai peur d'avoir été incroyablement impolie.

Je m’appelle...

Bonjour très cher, comment allez-vous ?

Elle ne se souvenait pas de tous les détails de leur rencontre et c'était quelque chose qu'elle regrettait profondément, maintenant qu'elle avait l'esprit clair. Elle se demandait si s'être ainsi gorgée d'amour, comme une tique, alors qu'elle était affamée n'avait pas eu des effets sur sa mémoire. Elle n'avait jamais entendu parler de changelin qui ferait une overdose d'amour. Mais elle n'avait jamais rencontré quelqu'un comme sa Bien-Aimée non plus.

A l'époque, elle avait regardé sa Bien-Aimée comme n'importe quelle autre jument. Juste un autre repas. Mais alors que les jours passaient, elle se rendait compte que sa Bien-Aimée était spéciale. Unique.

La violoncelliste irradiait de gentillesse, comme tous les poneys, mais elle était d'un naturel réservé, stoïque. Elle n'ouvrait pas son cœur à n'importe qui. Elle pouvait tout aussi bien sourire qu'être froide et distante l'instant d'après.

Est-ce que sa Bien-Aimée était blessée ? Éconduite par un prétendant passé peut-être ? Elle ne savait pas. Mais elle se mit à voir sa compagne comme une épreuve à passer, un puzzle à résoudre.

Les jours devinrent des semaines.

Ce dont elle se souvenait le mieux, c'était ces expériences là, parce qu'elles étaient mondaines.

Les jours passés à trotter dans les jardins princiers, à grignoter en secret une des roses de Celestia, chacune plus douce et plus délicieuse que la précédente, avant de s'enfuir, riant à perdre haleine, espérant que les gardes ne les aient pas vues.

Les soirées dans les théâtres, les galeries d'art et les auditoriums de Canterlot, se gorgeant de culture, de musique, et de la compagnie de l'autre.

Les nuits passées autour d'une bougie jusqu'au petit matin, à parler du génie de Neightoven, du goût des roses fraîches, et si l'une d'elles pouvait réellement voir la Jument dans la Lune.

Tu crois qu'elle nous entend, Bien-Aimée ? Est-ce qu'elle s'est déjà posé la question, comme nous, nous la posions ? Est-ce qu'elle regarde au travers des barreaux de sa prison céleste, et se demande si quelqu'un écoute?

A la maison, elle n'avait jamais vu ni la lune, ni les étoiles. A la ruche, le ciel, c'était la terre ferme, et les poneys la foulaient. Plus d'une fois, quand elle était petite, au grand dam de sa mère, elle avait volé jusqu'en haut pour la toucher.

Au sommet d'une colline canterlotienne, sa Bien-Aimée à ses côtés, elle avait levé un sabot dans les étoiles, ses yeux écarlates s'écarquillant.

Les semaines devinrent des mois.

Elle ne pouvait se rappeler de leur première nuit ensemble. Elle ne pouvait plus se rappeler du moment où il n'y avait plus eu de différence entre l'amour et sa maîtresse. Pour ça, elle pouvait accuser le vin. Un peu trop de bougies, un peu trop de musique, beaucoup trop de vin.

A rouler sur le lit, à rire, à plaisanter, à tomber, à se toucher, à se câliner, à laisser l’instinct prendre les devants. Des rythmes anciens, des feux primaires, qui bougeaient à l'unisson, qui brûlaient dans leur sang.

Elle n'avait jamais fait l'amour auparavant. Elle n'avait fait que le voler.

Cependant, elle pouvait tout à fait dire comment elle s'était sentie après, emplie de bien-être, entendue contre elle dans l'obscurité, le souffle court, haletante, respirant nerveusement, tremblante sous l'effet d'une musique qui n'appartenait qu'à elles.

Elle s'était sentie malade. C'était la première fois qu'elle prenait conscience du fait qu'elle était un parasite. Un poney lui avait offert de l'amour, un véritable amour, de la vraie tendresse, un millier de fois plus précieux et plus réel que toute la malbouffe qu'elle s'était enfilée, et elle s'était étouffée. Un prédateur devait-il avoir des remords pour sa proie ? Est-ce que l'araignée courtise la mouche ? Partageaient-elles des larmes ?

Elle attendit jusqu'au moment où le souffle de sa Bien-Aimée se calma, emportée par le sommeil, avant qu'elle ne s’asseye au bord du lit, essayant de ne pas vomir.

Peut-on vomir de l’amour ? Si oui, ça ressemble à quoi ? Est-ce qu'elle aurait fait un arc-en-ciel ?

Les mois devinrent des années.

« Poney très spécial »

C'était un terme de poulain et de pouliches, qui servait à désigner quelque chose qu'ils ne comprenaient pas encore. Elle même commençait tout juste à le comprendre, après s'en être gavée depuis aussi loin qu'elle puisse s'en souvenir. Ce n'était que récemment qu'elle avait compris ce que cela voulait dire d'être nourrie. D'être en bonne santé.

D'être aimée.

Elle appris également que l'amour était limité par la peur. Cela faisait très longtemps qu'elle n'avait pas connu la peur. Avant sa Bien-Aimée, avant Canterlot, si longtemps que cela aurait pu être une autre vie. Peut-être même était-ce le cas, qui sait ? La vie qu'elle disait être sienne n'était qu'une illusion, un jeu de fumée et de miroirs, taillé pour une grande et puissante magicienne. Vinyl Scratch n'existait pas. C'était une fable, un fantasme, une créature mythologique pas plus réelle que le poney sans tête ou les êtres humains.

Les poneys aimaient. Les changelins mentaient. Ainsi allait les choses. Elle mentait par chaque mot qu'elle prononçait, par chaque respiration qu'elle prenait.

Mais elle ne mentirait plus.

Sa Bien-Aimée avait été amusée au début. Elle ne devait penser que ce n'était qu'un jeu, un stratagème pour l'attirer sous la couette.

Ooh un secret ? l'avait taquiné sa Bien-Aimée. Qu'est-ce c'est Vinyl ? Non, attends, ne me dis pas. En fait, tu détestes la musique électronique, et tu portes un amour immodéré et secret pour le violon depuis le début ? Ou alors tu as encore « perdu » tes lunettes de soleil dans la chambre, et tu as besoin de moi pour t'aider à les récupérer ?

Elle avait levé le voile, et le rire de sa Bien-Aimée mourut sur ses lèvres.

Ce n'était pas un poney. Ca ne serait jamais un poney, cette grosse chose noire avec des ailes, des crocs, des trous, c'était anormal, anormal, anormal !

Les yeux de sa Bien-Aimée s'écarquillèrent.

Vinyl ?

Elle pria silencieusement. Elle pria Celestia, Luna, elle pria des dieux au nom inconnu.

Pas elle. S'il vous plaît, n'importe qui, mais pas elle.

S'il vous plaît.

Elle avait été effrayée, si effrayée. Si l'amour était doux et alors la peur était amère et vénéneuse.

Elle tremblait sur ses pattes, luttant contre son envie intérieure de fuir à toutes jambes, de fuir loin de cette ponette qui se déchaînerait sur elle, comme tant d'autres avant l'avaient fait. Elle était sûre qu'elle commencerait à crier dans un instant.

Monstre ! Démon ! Abomination ! Ne le laissez pas s'échapper ! Chassez le, brûlez le, tuez le, tuez le, TUEZ LE !

Bien que le cœur des poneys débordait d'amour, il y avait toujours de la place pour la peur.

Elle n'eut le temps de faire qu'un pas en arrière avant que sa Bien-Aimée ne se jette sur elle, l'enserrant dans ses pattes, la tenant si serrée que jamais elle n'aurait pu s'échapper.

Elles passèrent la nuit à pleurer dans les pattes l'une de l'autre. De sa vie entière, jamais elle n'avait goûté à un amour si vrai, si riche, et si puissant.

Puis pour la première fois, elle réalisa qu'elle n'avait plus faim.

Les poneys sont de la nourriture.

Plus maintenant. Plus jamais.

Elle baissa les yeux sur sa Bien-Aimée. Assoupie, la jument grise reposait contre elle, le col de sa veste frottant doucement alors qu'elle se rapprochait. Les sièges du train étaient étroits, avec à peine assez de place pour une personne, et bien que la place d'en face soit libre, sa Bien-Aimée avait choisie de rester proche.

Elle n'allait pas s'en plaindre.

Combien d'années avaient passé depuis qu'elle s'était aventurée dans Canterlot, titubant sous l'effet de la soif ? Combien de temps depuis que les poneys lui avaient sauvé la vie ? Depuis que sa Bien-Aimée avait sauvé son âme ?

Elle ne savait pas et honnêtement, s'en moquait.

Elle se demandait à quoi rêvait sa Bien-Aimée. A elle, peut-être ? C'était orgueilleux de penser comme ça. Mais quand même, elle se demandait.

Les changelins ne rêvaient pas. Du moins il ne lui semblait pas, et s'il lui était déjà arrivé de rêver, comme tout le reste, elle ne pouvait s'en rappeler. Elle n'était pas sûre à quoi un insecte rêverait de toute façon. Mais qui ne lui disait pas qu'elle rêvait ici et maintenant ?

Elle avait trouvé le bonheur. Trouvé la paix. Trouvé quelqu'un qui l'aimait et qui l'acceptait, qui acceptait qui elle était vraiment. Si ce n'était pas un rêve devenu réalité, alors qu'est-ce que c'était ?

Puis elle se réveilla et recommença à courir.

Plus le temps. Jamais le temps.

L'attaque avortée de Canterlot laissa la ruche brisée et exsangue. La horde avait été repoussée de la cité après l'échec de leur siège. Personne ne remarquerait un changelin resté sur place.

Personne sauf la reine, bien sûr. Sa Majesté serait curieuse de savoir comment l'un de ses serviteurs avait réussi à rester dans la ville, alors qu'elle même en avait été chassée. Tôt ou tard, elle viendrait chercher son turbulent enfant...et elle ne serait pas seule.

Elle jeta sa tête en arrière, laissant son regard se perdre sur le toit du wagon, et concentra son attention sur une applique vacillante.

Elle pouvait encore les entendre.

Grouillant, cliquetant. Lui murmurer sans cesse quelque chose depuis les recoins les plus sombres de son âme. Leurs voix étaient faibles, indistinctes souvent, comme un écho qui se réverbérait au travers d'une large caverne.Toujours à commander, à ordonner, à tenter. Elle n'était pas certaine qu'ils sachent où elle était, mais elle ne pouvait en être sûre. La seule chose dont elle puisse être certaine, c'était que chaque jour qui passe, ils se rapprochaient et devenaient plus bruyants.

Elle ferma ses yeux écarlates. Elle aurait réellement aimé qu'ils se taisent. Dire que sa Bien-Aimée lui demandait toujours pourquoi elle jouait si fort de la musique.

Sa Bien-Aimée l'implora d'aller chercher de l'aide au palais, mais elle ne voulut rien savoir. Les poneys de Canterlot pouvaient bien avoir beaucoup d'amour à offrir, mais après l’invasion, ils en avaient peu à donner à un survivant de l'invasion. Pour ce qui en était de Celestia, elle avait banni sa propre sœur sur la lune pour une querelle familiale, alors personne n'avait idée de la vengeance divine que la princesse exercerait sur une sangsue comme elle.

Alors elles fuirent.

Elle ne savait pas pourquoi. Pourquoi elle avait échappé à la vague d'énergie magique qui avait purgé Canterlot de l'infestation. Pourquoi elle n'avait pas été catapultée au delà de l'horizon avec le reste de sa race. Pourquoi elle avait été capable de garder son déguisement. Pourquoi elle avait été épargnée. Pourquoi elle n'avait plus besoin de se nourrir.

Mais elle pouvait toujours deviner.

Si sa Bien-Aimée lui avait appris quoique ce soit – et elle lui avait appris beaucoup de choses – c'était que les poneys ne partageaient pas leur amour parce qu'ils devaient le faire.

Ils aimaient parce qu'ils le voulaient. C'était peut-être ça toute la différence.

C'était une leçon que sa race ferait bien d'apprendre.

Les poneys sont de la nourriture, murmurèrent les voix dans sa tête.

Elle n'est pas de la nourriture, grogna t-elle en guise de réponse. Elle est à moi.

« Mmm ? » murmura sa Bien-Aimée d'un ton ensommeillé. « Qu'est-ce qui se passe Vinyl ? »

Elle stoppa un moment. Elle n'avait pas réalisé qu'elle avait parlé à haute voix.

« Désolée, Tavi » dit-elle, passant une patte autour des épaules de sa Bien-Aimée. « Je me parlais juste à moi-même, comme d'habitude. »

« J'imagine que c'est donc une conversation idiote » la taquina sa maîtresse. Elle se blottit plus fort contre elle, laissant sa tête reposer contre son épaule.

« Sommes nous bientôt arrivées ? »

Elle regarda à nouveau par la fenêtre. Au loin, elle pouvait voir les pics gelés des montagnes. « Pas encore » dit elle. « Encore quelques heures, je pense. »

« Mmm »

Elles se turent un moment, à regarder les arbres défiler à la fenêtre. Le train grondait, raclait les rails, le moteur de la machine vibrant jusqu'à elles.

« Tu as l'air inquiète » dit sa Bien-Aimée.

« Ouais »

Elle haïssait la peur, elle laissait un goût amer sur sa langue.

« Ne le sois pas. Tout va bien se passer. Tu verras »

Elle se tourna vers sa Bien-Aimée

« Comment tu peux le savoir ? »

Sa Bien-Aimée haussa les épaules. « Parce que nous sommes ensemble. » dit-elle dans un sourire. Elle avait un sourire si magnifique, un qui ne naissait que rarement sur ses lèvres, un rayon de lumière dans un ciel de nuages gris.

« C'est tout ce qui compte. »

Elle sourit en guise de réponse.

« T'as toujours été la plus maligne » dit-elle

« Je sais » répondit sa Bien-Aimée dans un bâillement.

Elles laissèrent leurs museaux se toucher – un je t'aime sans aucun mot – et ne dirent plus rien.

Elles faisaient route vers le nord, vers les montagnes. Vers l'Empire.

Elle n'était pas sûre de ce qu'elles y trouveraient, ou de ce qui les attendrait quand elles seraient là bas. Un asile ? Un sanctuaire ? Le paradis ?

Les chefs de l'Empire de cristal n'avaient pas plus de tendresse pour les changelins que n'en avaient les poneys de Canterlot. Mais s'il y avait la moindre once de pitié en ce monde – et elle pensait qu'il y en avait – que peut-être la Princesse de l'Amour aurait de la pitié pour elles, les prenant pour des voyageuses cherchant un refuge dans le froid.

Les changelins n'aimaient pas le froid.

Mais entre les bras de sa Bien-Aimée, Vinyl Scratch ne connaissait que chaleur, lumière, et espoir.

Au dehors de leur voiture, dans l'air glacé de l'hiver, la neige continuait de tomber.

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Note de l'auteur

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D'après l'auteur, son inspiration est venue de cette musique : [lien]

Je tenais à remercier @Inglobwetrust pour m'avoir fait découvrir Pale Horse par le biais de sa traduction Confidence sur l'Oreiller

Ayant découvert qu'on avait plagié une de mes traductions, je me permets de rappeler que cette fic est sous licence CC BY-NC-SA. J'autorise donc toute reprise ou publication extérieure de ce travail, mais à la condition qu'on mentionne mon nom, que l'oeuvre dérivée soit non-commerciale, et qu'elle respecte à son tour cette même licence.

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Py7h0n
Py7h0n : #33278
Bro est de retour et avec une fic' de qualitay
Il y a 2 ans · Répondre
BroNie
BroNie : #33149
Camesky17 janvier 2016 - #33148
Cette fiction est très sympa et nous fait regarder notre couple musical d'un autre œil. Après j'ai aperçu deux trois fautes de frappes ici et là, mais cela ne gène en rien à la fiction (surement des fautes d'étourderie). Mais voilà, une fiction très sympa, très belle et mignonne qui est à lire :)


Quelques fautes ont pu sauter à la relecture. N'hésite pas à me les signaler pour que je les corrige ;)
Il y a 2 ans · Répondre
Camesky
Camesky : #33148
Cette fiction est très sympa et nous fait regarder notre couple musical d'un autre œil. Après j'ai aperçu deux trois fautes de frappes ici et là, mais cela ne gène en rien à la fiction (surement des fautes d'étourderie). Mais voilà, une fiction très sympa, très belle et mignonne qui est à lire :)
Il y a 2 ans · Répondre
Sliter
Sliter : #33134
Merci pour traduction cette fic était génial o_o
Il y a 2 ans · Répondre

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