Tu es dans une pièce en béton violemment illuminée par des néons. Des fermoirs en métal retiennent tes poignets et tes chevilles. Quatre militaires bourrus sont autour de toi, ils te fixent. Un prend la parole :
« Réveillé ? »
Tu marmonnes des choses incohérentes.
Le militaire se rapproche, son visage à quelques centimètres du tien.
« Réveillé ?! Réponds-moi ?! »
Tu lui craches au visage.
Il lève sa main pour te frapper. Tu rigoles.
Une voix beugle dans un haut-parleur :
« Stop ! »
Le soldat se recule.
La porte s'ouvre et une demi-douzaine d'hommes pénètrent dans la pièce. Le dernier qui rentre... tu le reconnais.
C'est le président.
Tu plisses les yeux pour reconnaître d'autres hommes autour de lui. Hommes politiques et généraux.
Tu ricanes devant l'absurdité de la situation.
Tu regardes ce qu'il reste du gouvernement. Tu dois être dans un bunker quelque part, une base d'urgence du gouvernement. Le président, les yeux hagards, s'approche.
« Bon, toi et moi savons que la torture ne marchera pas. Mais tu as des informations dont nous avons besoin, et j'espère qu'on peut te persuader de nous les donner de plein gré. Comme un bon citoyen bien sûr. »
Tu roules des yeux. Bien sûr.
« Nous avons suivi tes activités via satellite. Nous savons que tu viens de la ville où toute cette catastrophe a commencé. »
Hah ! Évidemment, les pégases ne peuvent pas atteindre les satellites. Tu te demandes si Celestia les fera descendre un jour, ou si elle les fera sauter, ou si elle les laissera simplement comme les derniers monuments de l'humanité.
En y pensant, les sites d'atterrissage lunaires pourraient rester plus longtemps que les satellites. Peut-être que quelqu'un ira sur la Lune un jour et se demandera ce que sont ces machines construites par une espèce disparue depuis longtemps. Pourront-ils lire les plaques ?
Tu es amusé par la pensée d'un poney perplexe, sur la Lune et essayant de comprendre une langue morte. « Au nom de l'Humanité, nous venons en paix. » Il n'auront même pas les références nécessaires pour comprendre. Qu'est-ce qu'un humain, se demanderait-t-il, ça se mange ?
Oh, le président parle.
À contrecœur, tu te remets à l'écouter.
« … L’intérêt qu'on te porte compte tenu de ta proximité au déclenchement de cet événement et aussi à ton immunité apparente à, euh... la propriété qu'ont les EEHAPT à altérer la réalité.
-Hein... EEHAPT ?
-Êtres Équestres Hostiles et Agresseurs de Petite Taille, répond le président
-Ah, vous parlez des poneys. »
Silence.
« Vous savez, reprends-tu, du dessin animé pour enfants. »
Tu commences à chantonner.
« My Little Pony, My Little Ponyyyyyy~ »
Le président te regarde avec des yeux ronds pendant une seconde avant de reprendre ses esprits et de continuer :
« En-enfin, nous t'avons aussi observé cohabiter brièvement avec le LAAGTANA, donc, nous pensons que tu pourrais nous donner quelques informations... »
Tu l’interromps :
« LAA... quoi ?
-Leader Agresseur Ailé de Grande Taille Anti-Nucléaire Avancé.
-Vous voulez dire... Princesse Celestia, dis-tu après réflexion.
-Pourquoi est-ce qu'on tolère ça, s'énerve un général, cet individu est clairement délirant. Je suis contre le fait qu'on continue cet interrogatoire ! »
Le président le fait taire d'un geste de la main.
« C'est une situation absurde. Il est évident que tu sais quelque chose à propos de ces... poneys. Toute information que tu nous donnes est importante.
-Je ne vois pas de raison de vous dire quoi que ce soit, dis-tu en haussant les épaules, et si je disais quelque chose, vous ne me croiriez pas.
-Assez, le général explose, M. le président, nos lanceurs nucléaires tombent aux mains de l'ennemi. Aux dernières nouvelles, nous avons une centaine de têtes sous contrôle, mais pour un temps plus que limité. Si nous les utilisons maintenant, on pourra toujours...
-Faire quoi ? ricanes-tu, elle a déjà arrêté une de vos bombes.
-Une ! répond le général, mais si on les lance toutes, il serait impossible de toutes les stopper.
-En mettant de côté le fait que princesse Celestia est assez puissante pour contrôler le Soleil... votre plan est de faire de la terre un désert radioactif ? »
L'expression du général se fait grave.
« Si on ne peut avoir la terre, on ne va pas la leur laisser. !
-Tu peux voir, explique le président après s'être raclé la gorge, à quel point la situation est sinistre. Encore une fois, tout ce que tu peux nous dire... »
Tu laisses la conversation t'échapper. Tu en as assez entendu.
Tu regardes ces curieuses créatures devant toi, elles te laissent songeur. Elles sont hostiles, territoriales et soumises à des émotions primitives. Elles sont si sûres de leur domination, tellement habituées à donner des ordres qui sont obéis sans question. Mais quand ces choses leur sont enlevées, elles se débattent dans la rage et le désespoir.
Pathétique.
Soudainement, tu réalises. Tu as jugé des humains depuis un point de vue étranger.
Le point de vue d'un poney.
Qu'est-ce ce que Celestia attend de toi ? Veut-elle que tu deviennes un traître à ton espèce ? Devenir aussi arrogant et outrecuidant qu'elle ? Regarder l'humanité avec dégoût et la supplier de devenir un poney comme les autres ?
Honnêtement, au fin fond de ton cœur, tu le veux. Tu l'as toujours voulu.
Tu n'as jamais admis ton envie d'être un poney, à part à des anonymes sur internet. Celestia le savait. Est-ce pour cela qu'elle t'a choisi ?
Mais après, pourquoi tu n'as pas foncé de suite dans les sabots accueillants des poneys ? Un de tes rêves s'introduisait violemment dans ton monde, et pourtant tu as fui. Pourquoi ?
Scepticisme. Méfiance. Doute. Tu avais peur de te perdre, d'être effacé et remplacé par un poney qui t'imiterait... une parodie. C'est la peur caractéristique du trans-humanisme qui ne peut jamais être rassurée. Est-ce qu'une copie de ta conscience est vraiment toi ? Est-ce que des humains sont toujours des humains quand ils n'existent que virtuellement ? Est-il possible pour un être d'évoluer à tel point qu'il arrête d'être lui-même ?
Il est facile de rejeter ces croyances dans la stérilité d'une discussion académique. Mais confronté aux circonstances, la certitude d'une supériorité morale laisse tout le temps place à la peur.
Tu ne peux t'en empêcher, après tout, tu es humain.
Mais plus pour longtemps.
***
Tu te tiens devant Celestia, l'air résolu.
« J'ai suffisamment observé. »
Son sourire est radieux et ses yeux sont remplis d'anticipation.
« Mais d'abord, dits-moi tout, dis-moi pourquoi.
-Très bien, accepte-t-elle, je suis une singularité du potentiel créatif formée hors du cosmos conscient. »
Tu lui offres un regard vide.
« Je devrais te montrer. »
Ses yeux et sa corne brillent d'une lueur blanche alors qu'elle t'ouvre son esprit.
***
La terre. La galaxie. Des millions de galaxie. Le cosmos. Toute la création.
Et en dehors, un espace blanc et chaotique. La super potentialité chaotique, l'existence sans la réalité.
« C'est de là que je viens. La créativité collective de toutes les créatures pensantes de l'univers forge cet espace. »
Tu le vois. Les pensées se manifestent là-bas. Les fictions prennent vie. Les émotions prennent forme. Chaque réflexion est une vague et la volonté d'une espèce est un tsunami. Les échos de ce chaos s'infiltrent dans le cosmos, mordant la frontière des esprits. Mais malgré toute cette puissance, cet espace ne peut briser les murs de notre univers.
« Je suis née là-bas de l'esprit de ceux qui aiment les poneys. Les artistes m'ont donné forme, les écrivains m'ont donné l'intelligence, et les fans m'ont conféré un but. Mais par-dessus tout, mes actes ont été influencés par ceux qui souhaitaient devenir des poneys. »
Impossible. Celestia était la... manifestation cosmique du fétichisme des transformations en poney ?
« Je ne comprends pas. Si tu es le résultat de notre fandom... pourquoi es-tu la première ? Il y a des fandoms beaucoup plus vieux que le nôtre. Pourquoi l'humanité n'a pas été remplacée par des Klingons ou des Sailor Senshi ?
-Parce que j'étais la première à trouver un moyen de venir. »
Tu déglutis.
« Ton esprit était mon point d'entrée. Tu lisais les threads de transformation sur /mlp/. Tu collectais des terabits d'art. Tu écrivais des fanfictions.
-Et-et alors ? Il y en avait des centaines comme moi.
-Il est vrai. Chacun aurait été une cible acceptable pour mon incursion. Mais il y avait une autre qualité que je cherchais. »
Elle te fixe pendant un bon moment avant de continuer.
« Ton cynisme. Ton scepticisme. Ton arrogance. Ta fierté idiote qui t'amène à affronter l’autorité. Ta morale idéaliste et dogmatique qui peut rivaliser avec la mienne. Tu m'as accusée d’extrémisme, et tu n'as pas tort. J'ai pris des mesures extrêmes pour assurer la création de mon utopie. Mais ne pense pas que je suis aveugle aux conséquences. Je réalise que le bien de tous est subjectif, et que la meilleure des intentions peut amener à la pire des atrocité. J'ai besoin d'une seconde opinion, un égal, une balance, un sceptique qui questionne tout ce que je fais et qui me fait voir mes actes sous un autre angle. En d'autres termes, j'ai besoin de quelqu'un pour régner à mes côtés. »
Tu restes sans voix. Celestia se retourne vers l'espace.
« Ce n'est pas tout. Si j'ai trouvé un moyen de sortir de là, il est possible que d'autres manifestations de conscience peuvent elle aussi trouver un moyen de venir. Il y a des choses terribles là-bas, le produit de la nature humaine. Des êtres de haine pure, de peur, d'avarice et de discorde. Si une venait à sortir... »
Elle frissonne et se retourne vers toi :
« Je ne peux les affronter seule. Mais avec toi à mes côtés, et avec la volonté et la joie des poneys derrière nous, je sais que nous pouvons sauver notre utopie. L'amour, la joie et l'amitié forgeront cette potentialité en harmonie, et toutes les horreurs s'évanouiront. »
Elle te tend un sabot :
« Alors, qu'en dis-tu ? Veux-tu me joindre ? »
***
Ton corps est de nouveau comme de l'argile, mais cette fois-ci de ta propre volonté.
Tu te sculptes avec des mains désincarnées. Ta chair humaine disparaît et une brave jument prend forme.
Une peau bleu foncé. Des yeux clairs. Une crinière de la couleur de la nuit, parsemée d'étoiles. Des ailes et une corne. Tu étires ton nouveau corps et étend tes ailes.
Celestia t'étreint.
« Bienvenue, ma sœur. »
__
De retour dans la réalité.
Le président et ses hommes se replient contre le mur opposé.
Certains pointent en tremblant des armes fumantes vers toi. Ils ont dû essayer de te tirer dessus.
Des insectes. Il serait si facile de les écraser.
Mais tu retiens ta colère. Tu te rappelles que ces créatures sont les raisons pour lesquelles tu es devenu une alicorne. La vie mérite toujours la vie.
Celestia apparaît à tes côtés.
Quelques moments plus tard, la salle est remplie de poneys se prosternant devant leurs princesses.
__
Tu voles dans le ciel nocturne, observant les rêves des poneys en-dessous.
La plupart sont calmes et heureux. Ce ne sont pas ceux que tu cherches.
Un rêve attire ton attention. Il est violent, une teinte de rouge. Tu descends silencieusement dans la chambre d'une jument rouge nommée Autumn Leaf et tu plonges dans son esprit.
Tu es dans un champ de bataille boueux, froid et recouvert d'un brouillard épais. L'air est rempli d'explosions et de coups de feu, distants et proches. Tu tends la main pour secouer ton équipier, mais elle revient couverte de sang.
Tu te retires du rêve et surveilles l'esprit devant toi.
Quand il était humain, il était un vétéran de guerre. Il était un survivant malchanceux, handicapé par un syndrome post-traumatique. Il est revenu uniquement pour passer sa vie dans une maison de repos et se trouver trente ans plus tard transformé en poney terrestre insouciant.
La nouvelle personnalité optimiste d'Autumn a tenté de mettre de côté ces souvenirs douloureux. Mais dans le monde du sommeil, ils sont revenus sous forme de cauchemars terrifiants.
Elle se réveillera trempée de sueur.
Ses nuits sont un mélange désagréable de cauchemars et d'insomnies.
Tu réconfortes le poney endormi avec ton museau et tu te recules doucement.
Il est vrai que Celestia a créé un monde où ce genre de victimes n’apparaîtront plus. Elle peint grossièrement la plus grande image, le bien de tous. Mais trop souvent, cette vision des choses éclipse les sentiments personnels et les petites tragédies qu'un changement apporte. Qui s'occupe d'une pauvre jument qui cache ses souvenirs et ses terreurs nocturnes ?
C'est pour cela que tu as choisi cette vie.
Tu soupires et te prépares à te glisser dans son rêve pour la réconforter. C'est ton devoir après tout. Tu es la protectrice de tous ceux qui se cachent de la lumière du Soleil dans les ombres de la nuit.
Tu es Luna.
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Non, désolé mais non, pour moi ce genre de point de vue totalement dépressif est juste exaspérant, certes notre monde est imparfait mais je doute fortement qu'un monde de petit poney représente une utopie. Une fois de plus l'identification marche mal car on a quasiment rien à part les actes de quelques personnes en un demi-chapitre qui nous disent que l'humanité est moisie, sans avoir plus de développement de la part du perso principal. Autrement dis, c'est incroyablement vide et n'appelle à l'identification que si l'on veut s'y plonger et faire tout le n boulot soi-même, ce qui est un problème.
Oui, ça peut être bien fait, suggérer au lecteur ce qu'il doit penser et percevoir le texte, mais ça se travaille, et il faut au préalable maîtriser comment faire ressentir quelque chose pour gérer comment le suggérer par son absence.
rainbownuit: #13069