Le geste de Lowerfield

Ici commence le roman qui pour vous sera en prose écrit, que tous puissent le lire et savoir comment Lowerfield qui de ferrant fut fait chevalier devint également l'amant de la princesse, et comment Lowerfield affronta Goddog, se maria et reçut la couronne.

Amour, ma foi, avait bien changé ! Aux temps anciens on se saoulait d'amour, on s'empoisonnait et on se donnait mille autres preuves de passion, mais de passion le royaume n'en avait plus.

Elle était bien malheureuse la cour du royaume, d'où amour était bannie. Car amour était un tare pour les mariages arrangés, et amour était insulte pour la princesse qui avait le visage blanc et pur. Gare à qui levait les yeux sur elle ! Il s'y serait aveuglé, il s'y serait brûlé et plus encore, il l'aurait offensée, car la princesse n'avait cure de se laisser conter amour, mais était trop sage et honnête pour ça. Tout son royaume la louait pour sa grâce et pour sa pureté.

Nous étions alors au second jubilé, et le royaume, ce n'est pas un mensonge, avait encore besoin de chevalières.

Ainsi la cour comptait vingt et trois chevalières toutes en cuirasses de cuivre et d'or, d'argent et de verre et chargées de pierres précieuses. Encore aujourd'hui, quand vous dites chevalière, vous pensez à la bague qui sert à signer, et vous n'en savez pas l'origine. Mais en ce temps la chevalière était la garde de Celestia, et avec leurs cuirasses et la bénédiction de la princesse, comme disent les textes, elles assuraient au royaume sa paix.

Maintenant voilà la princesse bien pensive, qui semble préoccupée. On dit qu'elle s'inquiète pour Lightning Horn qui est partie au sud dans les terres désolées, voilà trois lunes, et dont la cour n'a plus de nouvelles.

Celestia dit : « Aucune de vous ne me dira où est ma chevalière Lightning Horn, qui m'a tant servie et que rien n'inquiète ? »

La cour se désole et se plaint, car toutes sont sans nouvelles. Mais une chevalière s'avance, qui a pour nom Manefaire, et c'était Manefaire qui avait libéré la cité de Salt Marey, qui avait affronté le géant de Belleville et qui avait ramené le vent d'automne quand Acamachtli l'avait volé. Manefaire s'avance et met le poignet à terre devant sa princesse.

Elle dit : « Princesse, je ne sais pas où est votre chevalière Lighting Horn, mais pour vous j'irai la chercher. Si vous le voulez, je partirai au sud dans les terres désolées, et je vous la ramènerai. »

Alors Celestia dit : « Manefaire, tu as parlé comme une chevalière. »

Voilà Manefaire qui part pour le sud ! Elle va voir sa mère pour ses adieux, puis sa soeur puis son frère qui promet de veiller pour elle. Puis elle choisit ses écuyères et se fait revêtir de sa cuirasse. On lui appose le caparaçon, puis dessus la cotte et sur la cotte on attache la barde. On lui remet la selle dont la ceinture est ceinte de six pierres. Puis on attache le plastron, la croupière et le flançois. Enfin on lui fixe son chanfrein qu'elle portait beau et fier avec douze pierres sur les lamelles.

Manefaire s'en part pour le sud, dans les terres désolées. Ses écuyères lui tendent sa lance et ses javelots, et lui fixent son écu. On lui apporte sa bannière et la chevalière se tourne vers l'orient. Là elle prononce ses voeux et promet qu'elle ne reviendra qu'avec Lightning Horn, car sa princesse s'inquiète pour elle. Elle traverse alors la rue pavée d'Everfree où la foule l'acclame. Il y a dans l'air plus de pétales que dans toutes les prairies du royaume !

Manefaire est partie dans le sud retrouver Lightning Horn dont on est sans nouvelles. À son approche les monstres s'enfuient et se terrent. L'éclat de sa cuirasse est comme celui du soleil, qui impose la paix sur tout le royaume.

La voici à présent qui gagne Horn Lake, qui est au sud de Southayven. Les rumeurs l'ont précédée et les villageois sortent et se pressent pour voir la chevalière d'Equestria. Le village n'est pas pauvre, mais n'a pas de barrière et Manefaire sent son coeur se serrer. Mais elle demande si on a vu Lightning Horn et elle prend griefs et doléances.

Maintenant Manefaire s'avance, quand voici un jeune étalon qui se place devant elle, une fleur à la bouche, et qui parle.

Il dit : « Ma dame, vous êtes si belle, et vous avez le visage si blanc et si pur que vous ne pouvez être que ma princesse Celestia. Je suis Lowerfield, et je rêve de vous. »

Manefaire répond : « Quelle arrogance ! Qui es-tu ? »

Et il dit : « Je suis Lowerfield, ma dame. Je suis ferrant dans ce village, comme l'a voulu mon père. »

Alors Manefaire répond : « Je suis Manefaire, chevalière de la princesse. Au nom de ma dame, tu iras porter un message à Everfree. »

Lowerfield accepte, qui avait le pelage rustre et clair, si l'histoire dit vrai, et la crinière courte. Il part aussitôt. Il n'a sur lui pas même un sac et se retrouve vite dénué. Mais il ne se décourage point, mais va boire aux rivières comme font les bêtes, et dort à peine et va la nuit sans peur car Celestia règne sur ces terres. Quand il arrive au palais, il est fourbu et affamé. Les gardes le prennent en pitié et on l'emmène à la cour pour qu'il mange et se repose.

Voici Lowerfield à la cour, qui ne s'en rend pas compte.

Il demande : « Où suis-je ? »

On lui répond : « À la cour de la princesse Celestia. »

Il dit : « Mais ces poneys respirent, et ce bois est du bois. Ma dame la princesse ne devrait être entourée que de nuages et de lumière ! »

La cour rit de sa naïveté, mais on lui dit : « Gare à tes mots. »

Maintenant on annonce la princesse qui arrive vêtue d'un caparaçon de lin blanc et or, et qui porte les deux couronnes d'Equestria. À sa vue Lowerfield pâlit, car elle est plus belle qu'il n'en a rêvé. Le regard de Celestia est pur et profond. Sa crinière flotte de mille couleurs. Elle s'approche et parle et sa voix est aussi clair que les neiges.

Elle dit : « Qui es-tu ? »

La princesse s'est avancée jusqu'au jeune étalon. Elle lui a posé une question, mais Lowerfield est trop subjugué pour répondre. Il balbutie et ne sait pas baisser les yeux. La cour se renfrogne ! On regrette de lui avoir donné le couvert et le gîte, et on gémit en voyant l'insulte faite à la princesse.

Mais la princesse sourit et dit : « Brave étalon, quel est ton nom ? »

Alors Lowerfield dit : « Je suis Lowerfield, ma dame. »

Maintenant Celestia a rougi. Toute la cour se pâme et se lamente ! Qui tirera la princesse de cet embarras ? Plus d'une jure qu'elle tirera la lame, et que cet insolent n'en ressortira pas entier. On est prêt à se jeter sur lui, mais nul ne saurait troubler la princesse.

Lowerfield dit : « J'ai un message de Manefaire, que j'avais confondue avec vous. Combien je m'étais trompé ! Car vous êtes bien plus belle et plus pure. J'ai tant rêvé de vous, et j'ai peur de mourir à votre vue, mais je dois vous dire que votre chevalière a passé Southayven sans trouver de trace de Lightning Horn. »

Et Celestia dit : « Sais-tu qui est Lightning Horn, brave Lowerfield ? »

Lowerfield dit : « Certes. C'est votre chevalière, qui vous a tant servie et que rien n'inquiète. »

Ce n'est pas mensonge, mais rien que la vérité ! Qui douterait des légendes dont est fait notre passé ? Mais à ces mots la princesse se met fort à penser. La princesse et pensive et son silence effraie la cour. Elle ordonne qu'on loge Lowerfield puis se retire.

Lowerfield est haï de toute la cour, mais il ne s'en rend pas compte. Le jeune étalon est au ciel et ne songe plus qu'à revoir sa dame. Ce qui ne saurait tarder.

Voilà Celestia bien pensive, qui se promène dans ses jardins. Elle a peur pour Lightning Horn, mais plus encore pour Manefaire ! Et elle se lamente et s'apitoie à l'idée de perdre ces deux fleurs. Celestia est en détresse, elle ne sait plus que faire. Elle songe à Lowerfield qui lui a apporté ce message, et qui est arrivé épuisé et affamé à sa porte.

Celestia dit : « Allez me chercher Lowefield. »

Ses servantes obéissent et vont trouver Lowerfield qui se repose. On lui fait savoir que sa princesse le demande. L'étalon ne se le fera pas dire deux fois ! Il est prêt à lutter contre tout le palais pour s'y rendre, mais on le retient. On le baigne et on le lave, on le peigne et on le revêtit d'un caparaçon qui est vert et blanc, et qui vient de la famille de Southayven. On l'informe qu'il ne doit plus dire ma dame, ni regarder la princesse, car c'est l'insulter. En l'apprenant l'étalon est au comble du désespoir.

Celestia a fait appeler Lowerfield. L'étalon vient la trouver, baigné et lavé, peigné et revêtu d'un caparaçon vert et blanc. Quand il est là, il est pâle est tremblant. Il garde le regard dans l'herbe des jardins et s'aplatit devant la princesse.

Celestia dit : « Laissez-nous. »

Maintenant la princesse est seule avec Lowerfield. Ce dernier n'ose ni lever ni le corps ni le regard. Le silence l'effraie et il cède. Il lève les yeux et rencontre les yeux de la princesse Celestia, qui sont purs et profonds.

Lowerfield dit : « Ma dame, pardonnez-moi, je ne résiste pas à votre charme. »

Celestia lui dit : « Vous pouvez m'appeler amie, et je vous appellerai mon ami. »

Lowerfield demande : « Que veut dire ami ? »

Celestia dit : « Si vous m'aimez, alors vous serez mon ami. »

À ces mots Lowerfield tremble de joie. Il veut approcher la princesse mais ne peut pas : ses pattes et son coeur s'y refusent. Il lui semble soudain avoir commis un crime, et il supplie la princesse du regard.

Il dit : « Amie, je vous en prie, ne me torturez pas. Je vous aime follement. Un mot de vous, et je serai le plus heureux des étalons. »

Celestia lui répond : « Ami, l'amour a ses lois. Répondez à mes questions sans faiblir. En aimerez-vous une autre ? »

Il répond : « Jamais ! »

Elle demande : « Et si je meurs ? »

Il répond : « Alors je mourrai avec vous. »

Elle demande : « Et si vous mourriez ? Voudriez-vous que je meure avec vous ? »

Il pâlit et répond : « Jamais ! Mais que vous viviez heureuse et pour longtemps encore ! Quel amoureux serait assez fou pour souhaiter le malheur de l'autre ? Princesse, vous êtes trop sage, je préférerais mille fois être trahi et abandonné que de vous voir triste. Amour peut-il être si égoïste, qu'on ne se soucie plus que de soi-même ? »

Celestia rit et dit : « Ami, vous ne savez encore rien de l'amour. Restez avec moi et demain je vous adouberai. »

Maintenant Lowerfield se fait adouber. Quatorze chevalières sont présentes devant le trône, qui viennent voir leur pair. Lowerfield s'en vient, qui a un caparaçon vert et blanc et une fleur à l'oreille. On murmure sur cette fleur alors qu'il s'avance. Lowerfield s'avance et prête ses voeux devant la princesse, après quoi la princesse descend du trône et lui remet ses armes.

Celestia dit : « Mes craintes se sont confirmées. Goddog est revenu, qui pille et brûle nos villages. Y aura-t-il quelqu'un pour l'arrêter ? »

Quatorze chevalières s'avancent sans hésiter et supplient leur princesse de les y envoyer. Mais la princesse secoue la tête, car elle a trop peur de les perdre.

Elle dit : « Lightning Horn s'est rendue au sud, et nous sommes sans nouvelles. Manefaire est partie la chercher et n'est pas revenue. »

Elle se tourne vers Lowerfield et dit : « Chevalier Lowerfield, toi moins qu'aucun autre ne peux t'y rendre. Car tu n'as pas d'entraînement et tu te ferais tuer. Certainement, tu serais incapable de vaincre Goddog et de me ramener mes chevalières. »

Lowerfield se sent humilié et dit : « Princesse, pour vous j'abattrai Goddog et ses hordes et je vous ramenerai vos chevalières. »

Alors Celestia dit : « Lowerfield, tu as parlé comme un chevalier. »

Voilà Lowerfield qui part pour le sud ! Celestia vient le retrouver et lui promet de veiller sur lui. Elle lui demande de toujours porter sa fleur et de lui revenir. Lowerfield promet. Puis il choisit ses écuyères et on lui remet ses javelots, et on lui fixe son écu. Le comte Longspear vient le trouver et lui remet la bannière de Southayven, ainsi dit-on qu'un coffret d'or. Le chevalier se tourne vers l'orient et prononce ses voeux, et promet qu'il ne reviendra que Goddog vaincu et avec les chevalières, et qu'il portera toujours sa fleur. Il traverse alors la rue pavée d'Everfree.

Lowerfield est parti dans le sud vaincre Goddog qui pille et brûle les villages. Quand il arrive à Southayven, il a douze lances, mais les poneys voient son caparaçon et sa bannière. Voilà le chevalier qui mène deux cents poneys à la guerre ! Longspear lui fait remettre une cotte et lui apprend que Goddog s'approche.

Longspear dit : « Comment vaincras-tu Goddog ? »

Lowerfield dit : « Par les armes ! Je ferai couler son sang et je planterai sa tête pour qu'aucun autre monstre ne défie ma princesse ! »

Longspear soupire et dit : « Lowerfield, tu ne sais pas te battre et tu n'as pas de cuirasse. Le sang coulera des deux côtés, et la princesse sera en deuil. Mais si tu m'en crois, profite de la nuit pour t'infiltrer dans le camp de Goddog, et assassine-le. »

Lowerfield s'exclame : « Qu'en penserait la princesse ! »

Longspear dit : « Lowerfield, tu es chevalier. Tes sabots sont ses sabots, ta bannière est sa bannière. Tu ne veilles pas sur elle mais sur ses sujets, et tu as la responsabilité de deux cents vies comme de Southayven. Si tu agis pour lui plaire, tu nous perdras tous. »

À ces mots Lowerfield se mit fort à songer. Lowerfield est pensif et se détourne. Il commande qu'on campe à Roseville, puis il laisse Longspear en arrière et part seul. Lowerfield va la nuit sans peur car Celestia règne sur ces terres. La nuit est sombre et noire et Lowerfield est aveugle, mais bientôt il voit les feux de camp de la horde et s'en approche.

Goddog est là avec mille et mille monstres. Les bêtes rient et grognent, boivent et se battent à la lumière des feux. Ils ont capturé nombre de poneys qui sont dans les cages ou qu'ils font jouer. Lowerfield est horrifié : comment sa princesse autorise-t-elle de telles choses ? Il se promet d'y mettre un terme.

Goddog est là avec ses hordes. Lowerfield attend que la nuit soit bien avancée et que les bêtes s'endorment. Ses écuyères le couvrent de terre et il se glisse dans le camp jusqu'à la tente de Goddog.

À l'entrée de la tente se trouve la cuirasse de Lightning Horn, que Lowerfield reconnaît au chanfrein légendaire. Il s'y précipite et le soulève et le voit sali de sang. Puis il voit une cage où se trouve une jument. Lowerfield s'approche.

Il murmure : « Qui est là ? »

La jument répond : « Je connais cette voix. Tu es Lowerfield, qui appelle ma princesse sa dame. C'est moi Manefaire. »

À ces mots Lowerfield est horrifié. Il fait ouvrir la cage et Manefaire en tombe sans forces. La chevalière est faible et brisée, mais ses yeux ont encore l'éclat du soleil.

Elle dit : « Va dans la tente et tue Goddog tant qu'il dort. »

Lowerfield demande : « Qu'en pensera la princesse ? »

Elle dit : « Tu dis princesse ? Tant mieux. Tes yeux sont toujours en fièvre. Lowerfield, même si je te jalouse, rends ma princesse heureuse. »

Maintenant la chevalière se pâme et s'évanouit. Lowerfield ne sait quoi faire. Il regarde la tente et décide d'y entrer.

Goddog dort sur un lit de fourrures entassées. L'odeur est forte de chair et de vin. La cuirasse de Manefaire est suspendue en trophée. Lowerfield marche sur les os du dîner de Goddog, qui sont des os de poulet. Il soupire en voyant que la bête ne s'est pas éveillée. Il s'approche et lève l'écu, prêt à frapper, mais Goddog renifle la fleur que l'étalon porte à l'oreille, et il se réveille.

Voilà Goddog réveillé. La bête voit le poney, se redresse et le repousse. Ses griffes ont tailladé le caparaçon mais par la grâce de Celestia, la chair est indemne. Lowerfield est apeuré.

Goddog gronde : « Le poney est fou ? Il voulait me tuer dans mon sommeil ! »

Lowerfield ne se préoccupe pas de répondre. Il bondit sur la bête avant qu'elle ne se soit levée. Goddog veut le frapper. Il ne voit rien et se guide à l'odeur, vise la fleur et ses griffes manquent l'étalon. Ce dernier a visé le torse mais la bête en se levant lui a présenté la gorge. L'écu s'y plante et la bête retombe comme une pierre.

Goddog s'étrangle : « À l'aide ! »

La bête étouffe, son cri se perd. Lowerfield ne se préoccupe pas d'écouter. Il frappe encore et encore jusqu'à ce que la bête ne bouge plus, puis il recule. Il fait venir les écuyères qui récupèrent les cuirasses et tout ce que la bête a pu voler. Puis on va ouvrir toutes les cages qu'on peut avant de s'échapper, et on tue les bêtes dans leur sommeil.

Goddog est mort avant d'avoir pu se battre. Lowerfield quitte le camp et s'échappe dans la nuit. Il s'arrête à une rivière pour se laver. Les lucioles viennent à leur rencontre et le chevalier se lave. Une écuyère s'exclame alors, car la fleur de Lowerfield est tachée et rougie.

Maintenant Lowerfield est revenu à Roseville où Longspear l'attend. Ils partent à l'aube et tombent sur les bêtes qui s'affolent, car elles sont désormais sans chef. Les poneys chargent toute la matinée, puis Manefaire apparaît avec sa cuirasse et sa bannière. C'en est trop pour les bêtes qui s'égaillent et s'éparpillent. On les poursuit jusqu'au fleuve où elles se perdent, et jusque dans les terriers. Quand le soleil est au zénith, la victoire est acquise.

On fête Lowerfield à Southayven comme on fête Manefaire. Toute la population est dehors pour les accueillir !

Mais au moment de repartir, Manefaire refuse.

Elle dit : « J'ai failli à mes voeux, car je reviendrais sans Lightning Horn, qui était mon pair. Je suis indigne de ma princesse. »

Et Lowerfield : « Alors je ne pourrais pas repartir, car j'ai promis de vous ramener également. »

Elle répond : « Oh allez-y, les chevalières brisent leurs voeux tout le temps. Sinon, combien ne reviendraient jamais ! Mais ma princesse veut vous revoir, ne la faites pas languir. »

Tandis qu'ils parlent, Longspear s'en vient. L'étalon a des nouvelles du palais où la princesse, dit-on, est victime d'un sort. Il jure sur les deux couronnes que c'en est fini d'Equestria si on ne lui vient pas en aide.

Maintenant Manefaire et Lowerfield se dressent. Tous deux s'exclament en même temps et se précipitent dehors. La cité est triste de leur départ et leur remet des cadeaux pour Celestia. Manefaire ne porte que son caparaçon, car elle va au nord où la paix règne et auprès de sa princesse. Lowerfield en fait de même et se sent petit aux côtés de la chevalière.

Lowerfield et Manefaire vont au nord sans s'arrêter ni pour dormir ni pour manger, et boivent aux rivières comme des bêtes. Quand ils arrivent, la cité est en fête. Manefaire s'enquiert.

Elle demande : « Que se passe-t-il ? Où est la princesse ? »

On lui répond : « Il n'y a plus de princesse ! Nous avons une reine ! »

Sa soeur lui dit aussi : « Celestia a décrété qu'amour régnerait désormais, et elle emplit les coeurs de passion ! »

À ces mots Lowerfield s'enchante, mais Manefaire s'effraie. La chevalière demande où sont ses pairs, et quatorze sont au palais qui jouent et boivent avec les autres, et sept sont absentes. Alors Manefaire ordonne qu'on l'arme de sa cuirasse, car elle s'en va.

Lowerfield ne se préoccupe pas de cela, car la fièvre le prend. Il veut revoir Celestia. L'étalon se rend au palais dont on lui ouvre les portes, et on l'accueille avec liesse. La cour rit et boit, joue et chante et chacun le fête et le vante, et tous sont impressionnés qu'il ait vaincu Goddog. On veut lui faire raconter l'histoire mais il n'en a cure, qu'il veut revoir Celestia.

Une servante l'emmène jusque dans les jardins où Celestia l'attend. La princesse s'y trouve auprès d'une fontaine, et elle a le crin rosé, et la crinière plus ferme qui lui coule sur le cou, si bien que d'abord il ne la reconnaît pas. Lowerfield s'approche pour mettre le poignet à terre mais elle l'arrête et vient l'enlacer.

Celestia dit : « Ami, grâce à toi l'amour règne. »

Lowerfield demande : « Que s'est-il passé ? »

Elle répond : « Tu as taché ma fleur de sang. »

Puis elle dit : « Désormais je n'aimerai que toi, ami, et tu n'aimeras que moi. Reste, et nous partagerons les couronnes. Amour régnera sur Equestria. »

Lowerfield dit : « Je resterai, amie. »

Ainsi comme le dit le roman, en tuant Goddog Lowerfield conquit Celestia, qui en fit son amant et en fit son roi. Le palais se couvrit de roses et les portes en furent fermées à tout autre qu'amour. Car amour a ses lois, amour a ses joies et ses conséquences. Le couple vécut heureux pour des années encore, mais c'est assez, car ici finit le geste de Lowerfield.