Dream

Aujourd'hui, j’ai rêvé que je volais.

Le vent jouait avec ma crinière, tandis que je m'approchais rapidement du soleil en frôlant les nuages solitaires. Le ciel bleu m'invitait à voler, la gravité ne semblait plus avoir le moindre effet sur moi. Heureuse, je repliais alors mes ailes et me laissais tomber en observant les yeux grands ouverts malgré le vent la terre s'approcher. Les poneys, les maisons, tout ce que je connaissais jusqu'alors n'était plus que de minuscules taches dans le monde que j'avais découvert. Mes ailes s'ouvrirent d'elles-mêmes me sauvant ainsi de justesse, et je riais. J'exultais devant ce plaisir propre aux créatures volantes, devant cette liberté totale qui me tendait les sabots.

Le retour au monde réel fut des plus durs. Ma chambre était froide, mes couvertures rejetées sur le côté, le soleil encore endormi, et mes ailes battaient vainement dans mon dos, inutiles et faibles. Un soupir m'échappa alors, brisant le silence régnant dans la pièce. Rien n'était réel, mon imagination comme à son habitude se jouait de moi. Selon bien des pégases, qui chuchotaient dans mon dos quand ils pensaient que je n'étais pas dans les parages, un développement tardif était impossible. Selon eux, je ne volerais jamais.

Cette pensée me fit mal. J'étais un pégase, le besoin de voler était inscrit au plus profond de moi mais je ne pouvais le satisfaire. Une créature volante coincée au sol, si ce n'était pas ridicule…

Cette idée resta dans ma tête, me tourmentant encore et encore tandis que le temps passait. Je sortis de chez moi au lever du soleil, bien avant les habitants de la ville ou mes parents. Je voulais rester seule, sans questions idiotes ni cachotteries, sans la pitié exaspérante de mes proches.

Rainbow Dash devait sûrement encore dormir. C'était dommage, j'aurais tant voulu la voir effectuer quelques figures. De tous les poneys que j'ai pu voir, c'est bien elle qui représente le mieux la liberté et la beauté du ciel. Alors qu'elle peut sembler banale au sol, dans les airs elle ressemble à une déesse, volant avec grâce au-dessus de nous. Il y a bien longtemps, je m'étais promis de lui ressembler, de voler jusqu'à n'en plus pouvoir et de vivre dans les cieux à ses côtés, mais peut être devrais-je renoncer.

Non, cette idée était impossible, renoncer m'était impossible. Elle avait confiance en moi et je devais lui faire honneur. Après tout, elle était ma sœur.

C'est avec une détermination renouvelée que je m'engageai dans un bosquet en dehors de la ville. J'y avais mon refuge, à l'abri des regards, où je pouvais m’entraîner sans crainte des moqueries. Je passai ma matinée à battre des ailes, tentant maintes et maintes façons de décoller, mais rien ne se passait. Je restais clouée au sol comme un terrestre.

Depuis des années j'espérais, je priais, afin de voler enfin. Je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour être digne de mes ailes, de ma lignée. Mais rien ne semblait en ressortir, hormis du temps gâché à désespérer sur l'injuste destin.

C'est le cœur lourd que je rentrais chez moi en faisant un léger détour pour me débarbouiller à un ruisseau proche. Je m'immergeai totalement dans l'eau, après tout il faisait beau et je ne tarderais pas à sécher, alors autant en profiter. L'eau froide me fit du bien et m'empêcha de réfléchir plus longtemps sur ma condition. En ressortant, je jetai un coup d'œil à la surface du liquide et vit un petit poney m'observant, les ailes à demies ouvertes. Le regard qu'il me retournait semblait contenir toute les peines du monde en son sein. Pourtant, rien ne semblait clocher chez lui, rien d'externe du moins. Rejetant cette vision bouleversante, je couru à en perdre haleine vers la ville sans faire attention à la route.

Ce n'est que lorsque je m'écrasai de tout mon long que je pu le regretter. Un léger cri m'échappa, chose que je regrettais aussi. Je devais être forte afin de compenser mon incapacité, je n'avais pas le choix. L'espoir que cette erreur était passée inaperçue s'évanouit avec un bruit d'ailes se rapprochant de moi.

« Hé p'tite, ça va ? Tu t'es pas fait mal ? »

Cette voix… Je m'en voulu encore davantage. Mon idole, ma sœur, allait comprendre mon inutilité et me rejeter. Je tentais de lui répondre, mais ne put produire que de faibles gémissements. Alors qu'elle se penchait vers moi, j'éclatais en sanglot. Je détestais ça mais ne pouvais l'empêcher.

Rien ne bougea pendant quelques secondes, et je crus qu'elle était partit. Cela fut démenti par une chaude présence autour de moi quelques secondes plus tard, alors qu'un doux pelage était pressé contre mon museau.

« Chut… Ne t'inquiète pas, d'accord ? »

Rainbow me prit dans ses pattes et patienta. Une fois la crise passée, elle me proposa de m'accompagner chez mes parents, chose que je refusai vivement. Je ne voulais pas qu'ils me voient comme ça. J'étais déjà une véritable honte pour ma famille, ce n'étais pas la peine que cela soit affiché publiquement.

Elle soupira et décolla. Je sentis alors deux pattes puissantes m'agripper et m'éloigner de la terre. J'eus tout le loisir d'observer les habitations rétrécir, comme dans mon rêve, avant qu'elle ne me dépose devant sa maison, sur un nuage à plusieurs centaines de mètres d'altitude.

Sans un mot, elle m'emmena dans sa douche et me lava avec une douceur qui lui semblait étrangère. Elle pansa également mes quelques blessures avant de m'envelopper dans une serviette moelleuse et de me déposer dans sa chambre.

C'est alors que je pris conscience de ce qui c'était passé. J'étais dans les cieux, dans la pièce la plus privée de ma sœur pour être exact. Je sentais son shampoing sur ma fourrure, comme si une partie d'elle restait à mes côtés pour me protéger. Un sentiment de bien-être m'enveloppa, et je ne pus que lui sourire lorsqu'elle entra dans la pièce, une assiette de biscuits dans la bouche.

Elle l'a posa devant moi, m'invitant à me servir tandis qu'elle passait derrière moi. Un gâteau en bouche, je réussis tout de même à glapir lorsqu'elle tenta de déplier l'une de mes ailes.

« Laisses toi faire, je veux tenter quelque chose. »

Je réfléchis quelques secondes, et décida de lui faire confiance. Mon aile s'ouvrit en grand, et je reportais mon attention sur la nourriture. Je ne pus néanmoins m'empêcher de frémir en sentant son museau fouiller dans mes plumes, talonnant et tirant doucement. Le sentant, elle m'expliqua alors qu'elle me lissait les ailes. Elle semblait surprise que je n'en aie pas l'habitude.

C'était agréable. Agréable de sentir que quelqu'un s'occupait de soi, quelqu'un sur qui l'on pouvait compter. Je me laissais faire et ouvrit de moi-même la seconde aile lorsqu'elle eut finit la première. Elle recommença alors ses mouvements tandis que mes yeux se fermaient d'eux-mêmes.

Je me réveillais à ses côtés, les ailes grandes ouvertes. Pour une fois, je ne regrettais pas d'être arrachée au monde des rêves. Lorsqu'elle vit que j'étais consciente, elle eut un léger sourire et donna un petit coup de patte sur mon aile.

Je la suivis lorsqu'elle se leva lentement et sortit de chez elle avant de s'asseoir au bord du nuage.

« C'est beau hein gamine ? Les autres ne savent pas ce qu'ils ratent, à rester en bas… J'ai tenté de leur faire comprendre, mais je n'ai pas réussi. Peut-être que c'est un trait des pégases, de préférer les cieux au sol… »

Je hochai la tête et me mit à ses côtés. Une aile m'entoura immédiatement et une douce chaleur se répandit en moi. Nous savourâmes ensemble le vent dans nos crinières en observant la lente descente du soleil vers la terre. Jamais je n'avais connu une paix pareille, il me semblait qu'elle pourrait durer infiniment.

« Tu me fais confiance, non ? Demanda-t-elle soudainement. »

Je répondis par l'affirmative. Elle sembla alors prendre une décision. Une légère pression se fit sentir dans mon dos, me poussant lentement en avant.

« Je suis là, rien ne t'arrivera, fais-moi confiance. Fais-toi confiance. »

Ces mots m'accompagnèrent dans ma chute. Je n'eus pas le temps de paniquer qu'elle fut à mes côtés, les ailes fermées. Elle m'observait.

Prenant une rapide décision, je décidais de tout faire pour qu'elle soit fière de moi, elle qui a fait tant d'effort pour une simple pouliche. J'ouvris mes ailes.

Le vent s'engouffra dedans, me faisant perdre pied et m'obligeant à les refermer aussi sec.

« Aller Scoot, ensemble. Tu peux le faire. »

Je croisai son regard, et m'en servis comme stabilisateur. Si elle avait confiance en moi, je pouvais le faire, je devais le faire. J'ouvris à nouveau mes ailes, et me prépara à contrer la pression qui s'y forma immédiatement. J'y mis toute ma volonté, ma peur, ma colère.

Le soleil passa derrière les montagnes, illuminant une dernière fois la vallée toute entière. Je battis véritablement des ailes pour la première fois. Sous le regard fier de ma sœur de cœur, je battis encore et encore des ailes, jusqu'à bloquer complètement la gravité qui semblait vouloir m'emmener vers le bas.

J'avais réussi. Je volais.

« Rainbow Dash, merci… »

Aujourd'hui, J'ai mérité ma place dans ce monde.

J'ai accompli mon rêve.