Un "french kiss"

Rarity observait la petite horloge suspendue sur le mur de la boutique, qui affichait une heure de l'après-midi. La licorne, qui était affalée sur la table depuis une demi-heure au moins, réfléchissait. Lorsque lui vint une idée, elle se releva sur ses deux pattes avant avec un sourire tellement grand, comme si on venait de lui annoncer l'installation de sa boutique à Canterlot, mais celui-ci disparut et se changea avec une expression de déception, et la pauvre se recoucha sur le meuble, pensant que son idée n'était pas originale. Les yeux mi-clos, elle soupira puis leva sa tête lentement vers le cadran de la pendule. La grande aiguille s'était déplacée uniquement d'une barre, indiquant maintenant une heure une. Elle passa son sabot sous son menton, et regarda le plafond, cherchant une réponse à cette question :

Que pouvait-elle faire ? 

En effet, la jument ne trouvait pas d'inspiration. Elle avait fini sa collection d'hiver il y a quelques jours, et les avait mises en vitrine. Ce matin, quelques clients étaient passés, ainsi que Soarin, pour la plus grande surprise de la licorne. Il souhaitait acheter un cadeau pour Rainbow Dash, et on lui avait conseillé cette boutique. Rarity fut flattée d'avoir reçu un Wonderbolt, mais si on voulait acheter un cadeau pour Dashie, il fallait éviter les vêtements de mode. Il ne la connaissait pas assez pour savoir cela ? L'étalon prit finalement une magnifique écharpe faite artisanalement, multicolore avec une bande de bleu nuit. Assez bon choix, à vrai dire.

Maintenant qu'elle se rappelait de cette anecdote, son regard traversa la pièce pour atterrir sur la fenêtre. Le paysage dehors était celui d'hiver désormais, la neige recouvrant les pavés, ainsi que du verglas sur lequel les poulains glissaient, des poneys de neige remplissaient les bordures des maisons, et quelques poneys se promenaient, chaudement habillés. Elle se leva difficilement en bâillant, pour s'avancer lentement et pouvoir observer l'extérieur. Elle passa un sabot dans sa crinière pour la recoiffer, et tourna la tête, avec une légère joie sur son visage, pour vérifier la date sur le calendrier légèrement déviant sur le côté. Elle regarda la dernière case cochée en rouge ; 9 février. Quelques jours après, il y avait une case entourée avec un cœur ; Hearts and Hooves Day.

 Ce jour revint dans sa mémoire. Les étalons avec qui elle était sortie avec, revenaient dans ses souvenirs sans qu'elle put se rappeler d'un de leurs noms. Des images différentes d'étalons de certaines couleurs ou de race lui venaient à l'esprit. Elle était tellement perdue dans ses pensées, que la ponette n'avait pas remarqué le chat qui venait se frotter contre elle. Après que celui-ci partit à cause de l'ennui, quelque chose lui éclaira son esprit. La visite de Soarin ce matin.

S'il avait acheté cette écharpe, cela devait être un cadeau pour la pégase bleue pour le Hearts and Hooves day. Puis ses pensées dérivèrent sur les petits amis de ses meilleures amies : Soarin devait sûrement avoir une relation avec Rainbow Dash. Twilight, elle, était en couple avec Flash Sentry sans aucun doute. Les balades nocturnes à deux et les baisers discrets, ça ne trompe pas. Pinkie et Cheese Sandwich s'étaient rapprochés fortement depuis un certain temps. Mais Applejack et Fluttershy ?

Rarity ne se demandait même pas pourquoi Applejack n'était pas en couple. La fermière ne se laissait pas charmer et a un caractère fort ; même Rainbow ne la surpassait pas à ce point-là. Elle préférait s'occuper de sa famille, ses champs et de sa ferme. On pourrait dire qu'elle était tombée amoureuse de ses pommiers, tellement que celle-ci y mettait de tout son cœur. La jument orange ne voulait pas tomber amoureuse ou quoi que se soit ; elle voulait simplement garder les pieds sur terre, et battre Dashie à la fête d'automne.

Fluttershy, cependant, était aussi fragile que du cristal ; le moindre brisement de cœur pourrait la pousser à bout. La timide voulait être avec un poney honnête, qui l'aimerait vraiment, qui resterait avec elle et qui la réconforterait à tous les moments. Mais, pour Rarity, la cruauté des poneys est grande, et elle devra bien passer par cette étape un jour ou l'autre. Cela attrista la licorne, qu'un poney aussi beau et gentil pouvait se faire briser le cœur.

Et là, l'esprit de la styliste s'éclaira : elle avait trouvé une idée fantastique. Elle allait aider ses deux amies à trouver l'amour. Mais attention, elle voulait juste les aider : conseils, "entraînements", etc... Car on ne pouvait contrôler les sentiments des gens, ce serait sale d'ailleurs. Déjà qu'elle se mêlait de la vie privée de ses amies, mais bon. Rarity, c'est Rarity.

Alors elle réfléchit et pensa : « Comment les aider à trouver l'amour ? Leur donner des conseils pour savoir gérer leurs couples ? Non, ce serait trop bizarre. Poster des annonces à la mairie ? Ce ne sont pas des chiens perdus quand même ! Leur apprendre le "french kiss" ? No- Mais attends, c'est une superbe idée ça ! » Elle poussa un petit cri de joie et sautilla énergiquement. C'était parfait ! Elle avait l'idée qu'elle cherchait depuis si longtemps ! Car oui, savoir embrasser est une chose importante. Le premier baiser avec le poney qu'on aime est très important, et en garder un mauvais souvenir ne serait pas convenable pour la demoiselle. Le "french kiss", ou le baiser avec la langue si vous préférez, était la technique parfaite pour ne surtout pas oublier ce moment magique, mais seulement s'il est bien réussi. Mais elle n'avouerait jamais que petite, elle essayait d'embrasser ses peluches pour s'entraîner, et elle préférait oublier ce souvenir.

Toute excitée, la licorne prit une écharpe en laine et un manteau dans son placard, pour être bien au chaud dehors. Elle se sentait si utile auprès de ses amies à ce moment (elle avait sûrement déteint sur Twilight pour penser cela), en même temps, elle était l'élément de la générosité, donc offrir son savoir faisait partie de son "travail". Après s'être habillée, elle ouvrit la porte et fut surprise par le vent glacial. Elle porta son sabot au visage et plissa les yeux pour pouvoir faire quelques pas. Elle se retourna, ferma la porte à clé et soudainement se rendit compte d'une chose. Comment les deux concernées pouvaient s'entraîner ? Elle resta immobile pendant quelques instants, puis soudainement reprit sa marche sur le chemin, avec un air enthousiaste sur son visage. Les deux ponettes pouvaient s'entraîner "ensemble" non ? Si elles ne sont pas amoureuses l'une de l'autre, alors ce n'est pas un baiser important. Car Rarity n'avait forcément pas très envie d'embrasser Applejack... La licorne n'avait rien contre elle, c'est juste que... C'était une fermière. La demoiselle fut dégoûtée juste en pensant à cette idée.

***

La licorne marcha à travers Ponyville. Elle passa d'ailleurs devant la librairie de Twilight mais la princesse semblait occupée ces derniers temps, donc elle la laissa tranquille. Elle croisa Pinkie sautillante sur le chemin et la salua avec un sourire :

« Bonjour Pinkie !

- Oh, salut Rarity ! répondit la jument rose, toute contente, en courant jusqu'à Rarity.

- Qu'est-ce que tu fais de beau aujourd'hui ? questionna la licorne, en reculant d'un pas pour éviter la collision.

- Eh ben, je faisais des gâteaux avec Cheesy quand soudain je me suis rendu compte qu'il n'y avait plus de sucre ! s'exclama-t-elle d'un air choqué. Donc là je vais aller en chercher ! Et toi, tu fais quoi ?

- Je vais "juste" rendre visite à Applejack et à Fluttershy, répondit la licorne en accentuant le juste, cachant dans son regard un air d'ironie. Elle avait toujours son idée d'apprendre à embrasser derrière la tête, mais aucune autre jument ne doit savoir.

- Oh c'est cool ! Pinkie regarda sa patte comme si une montre s'y trouvait et ouvrit grand la bouche en inspirant fortement. Je vais être en retard moi ! Bon je dois te laisse ! À plus Rarity !

- Au revoir, Pinkie ! ajouta gaiement la licorne. »

La jument rose partit et disparut du champ de vue de Rarity. En tout cas, ses doutes sur la relation entre Pinkie et Cheese Sandwich s'étaient éclaircis. Elle rit légèrement et se remit en route en observant les boutiques et les poulains jouer sur le verglas.

***

Après une longue marche, elle arriva à Sweet Apple Acres. La styliste aperçut le bâtiment qui semblait entouré d'une carcasse de gel ; les tuiles n'étaient même plus visibles, les volets étaient plaqués contre le mur à cause du vent et le bois avait pris une couleur plus foncée que d'habitude, un signe d'une humidité permanente. Les pommiers effrayaient la jument ; tronc couleur ardoise, branches tordues et des stalactites au bout de certaines se formaient.

Des bruits s'échappaient de la grange, des meuglements pour être plus précis. Applejack devait sûrement se trouver à l'intérieur, à s'occuper des vaches. Cela ne l'étonnait pas, en voyant le temps dehors. Elle s'avança vers la grange et y passa sa tête pour vérifier l'endroit. Il faisait sombre, seulement quelques rayons de lumière entre les lattes du mur et une lanterne posée au fond de la pièce éclairaient le lieu. La licorne marcha prudemment en regardant des deux côtés, et entendit les pas d'un poney dans l'obscurité ainsi que quelques paroles incompréhensibles, mais n'aperçut aucune ombre, à aucun animal et les meuglements avaient disparu.

Rarity s'avançait, apeurée, et soudainement elle sentit quelque chose de gluant sur son sabot. Elle s'arrêta, les yeux grands ouverts, et commença à hurler à cause de la chose inconnue qui se trouvait sur sa patte, qu'elle ne pouvait pas distinguer dans l'ombre. Ses cris résonnèrent fortement, assez pour que la jument orange, lanterne à la bouche, arrive en galopant et en supportant la douleur à ses oreilles. Celle-ci posa rapidement un sabot sur le museau de l'autre pour qu'elle puisse se taire, et poussa un soupir de soulagement, mais interrogea la licorne avec un air inquiet :

« Rarity, ça va pas d'crier comme ça ? On aurait dit un cochon qui v´nait de s'faire égorger ! »

Après s'être remise de ses états, la jument blanche répliqua, embarrassée :

« Je suis désolée, c'est à cause de, elle s'interrompit pour observer son sabot avec un air de dégoût, cette chose...

- C'est d'la boue.

- Oh, répondit la styliste d'un ton neutre, effectivement. Est-ce que tu aurais une serviette ou quelque chose pour que je puisse me nettoyer ? questionna-t-elle gênée.

- Bien sûr, j'vais t'en chercher une, sucre d'orge », répondit l'autre joyeusement.

La jument orange partit prendre une serviette dans le coffre du fond de la grange, laissant l'autre seule. Elle revint rapidement avec un morceau de tissu.

« Tiens, j'espère que ça ira, rétorqua Applejack en lui tendant la serviette.

- Merci beaucoup, reprit-elle avec un grand sourire.

- Au fait, qu'est-ce qui t'as fait v´nir ici ? »

Rarity réfléchit un instant, et la raison lui revint immédiatement à l'esprit.

« J'avais complètement oublié ! Merci de me le rappeler Applejack. Je voudrais savoir si tu voulais aller boire un thé chez Fluttershy ? demanda la licorne avec un petit sourire espiègle.

- Oui, pourquoi pas ? J'n'ai pas beaucoup d'travail avec l'temps de dehors d'toute façon, répondit la fermière en regardant par la fenêtre le paysage froid. »

Rarity suivit le regard abattu et désespérant de son amie et se rendit bien compte que les temps n'étaient pas faciles pour elle, avec un paysage aussi vide et froid, sans aucune verdure. Mais pour l'instant, la styliste avait un plan à faire fonctionner. Le "french kiss" à leur faire apprendre. Cela devrait réconforter un peu la jument orange non ? Même si ce n'est pas un de ses intérêts...

« Eh bien, on y va ? demanda avec un air soucieux la jument blanche.

- On y va ! » s'écria soudainement avec un air joyeux la questionnée.

Et les deux ponettes quittèrent la grange et la ferme, et se mirent en route vers la maison de Fluttershy. Elles discutèrent sur de vastes sujets tout le long du chemin gelé.

***

Les juments virent au loin le cottage de Fluttershy. Devant une brume épaisse recouvrait la vue, mais les points de lumière qui perçaient dans le brouillard indiquaient qu'une habitation s'y trouvait. En avançant sur le chemin enneigé, on pouvait observer les arbres sans feuilles qui tordaient leurs cimes qui semblaient presque atteindre le sol, comme des bras qui voudraient nous emporter dans ce paysage morose. Le petit ruisseau était glacé littéralement, et sous le pont des pieux de glace énormes se joignaient à désormais ce qu'on pourrait appeler une patinoire. Aucun animal ou plante encore verte ne se présentait devant les ponettes, ce qui rendait Rarity un peu mal à l'aise, « On dirait un endroit sans vie » pensa-t-elle en tremblant légèrement. La demoiselle regardait parfois derrière elle pour voir s'il y avait un fantôme ou monstre, tellement que ce lieu l'effrayait. C'était étrange de voir une nature abondante et colorée au printemps, alors que l'hiver rendait tout cela en un lieu vide et mélancolique.

La licorne fut interrompue par son amie qui frappait à la porte du cottage. Elles avaient déjà fini le trajet ? Elle s'en était même pas rendu compte ! La porte s'ouvrit doucement. Un œil vert foncé qui dépassait de l'ouverture observa, puis remarquant ses amies la regardant avec une certaine joie, Fluttershy les accueillit chaleureusement :

« Oh, bonjour les filles ! Rentrez vite, vous devez sûrement avoir froid, surtout toi Applejack ! murmura-t-elle, inquiète. »

Rarity tourna la tête avec un sourcil levé et aperçut Applejack grelotter légèrement. « C'est vrai qu'elle doit avoir froid, sans habits... » songea la styliste.

La pégase se poussa de l'entrée et laissa ses deux amies rentrer dans la maison. Par rapport à l'extérieur, l'intérieur ici était synonyme de confort, de douceur et de chaleur. Les flammes de la cheminée se secouaient lentement, ce qui donnait une atmosphère apaisante. Angel dormait sur le canapé, enroulé dans une couverture. La fenêtre offrait une vue sur ce paysage que Rarity appréciait. Elle détourna les yeux, et se rendit compte que l'endroit était bien trop calme. Ce n'était pas normal. Même si Fluttershy aimait le calme et la douceur, il devait avoir toujours des bruits, comme les chants des oiseaux, l'aboiement d'un chien affamé. Mais là, juste la pendule se balançait. Les filles étaient immobiles au milieu de la pièce, sauf Applejack qui se tenait contre le mur. Rarity interrogea, légèrement anxieuse, Fluttershy sur ce problème :

« Ma chérie, je ne veux pas te déranger avec des questions, mais pourquoi est-ce aussi calme ?

- Eh bien, marmonna la pégase, avec ce temps-là, beaucoup d'animaux hibernent au loin de Ponyville. Je les laisse faire, c'est dans leur nature après tout. Du coup, je me retrouve seule avec Angel, expliqua-t-elle en fixant le sol, les yeux montrant le chagrin qu'elle ressentait. » La jument raffinée fut attristé par sa réponse et son regard, mais également par Applejack collée contre le mur, observant l'horizon par la fenêtre, et de temps en temps, elle soupirait d'un air peiné, yeux fermés et tête baissée. Rarity ne supportait pas de les voir si tristes à cause d'une simple saison, mais son idée de leur apprendre le "french kiss" lui revint et, son esprit rempli de courage, savait qu'elle arrivera à réchauffer ces deux cœurs refroidis par la solitude et l'ennui avec un peu d'amour. Pendant qu'elle préparait tout son plan dans sa tête, elle proposa l'air de rien :

« Que pensez-vous de discuter autour d'un thé bien chaud ? Je pense que cela nous fera tous du bien. Ça ne te dérange pas d'en préparer un pour nous tous, Fluttershy ?

- Ça ne me dérange pas du tout, répliqua timidement la questionnée, ça me fait même plaisir.

- Merci beaucoup. »

La gardienne d'animaux se dirigea vers la cuisine, y rentra et sortit des tasses du placard. Pendant ce temps, les deux invitées s'assirent dans le calme autour de la table. Rarity scrutait Applejack ; celle-ci semblait réfléchir, avec un sabot posé sous le menton et son regard qui fixait un point invisible sur le mur. La licorne s'approcha et secoua légèrement son amie :

« Applejack, est-ce ça va ? Tu ne sembles pas être dans ton état natur-

- Oh, euh, balbutia la fermière en interrompant Rarity, oui, j'vais bien, n't'inquiète pas ! Je... J'avais juste la tête dans les nuages, c'tout, répondit-elle en passant un sabot derrière sa nuque avec un sourire forcé. »

La styliste ne semblait pas convaincue, surtout avec la rougeur des joues de la cowpony, mais laissa passer ses doutes avec un sourire. À ce moment-là, la pégase revint de la cuisine avec un plateau avec dessus une théière, trois tasses, quelques sachets de thé, un pot de sucre et quatre cuillères (une pour le sucre). Elle le posa sur la table, installa les tasses et commença à servir l'eau chaude. Les filles prirent un sachet de thé chacune ainsi qu'un peu de sucre. Après que chacune ait préparé son thé, un silence se fit. Mais Rarity, se sentant mal à l'aise, engagea la discussion. Puis elle se poursuivit, donnant une atmosphère relaxante à l'endroit. Mais la licorne laissa les deux autres juments parler, qui semblaient s'être rapprochées depuis, pour songer à son plan. Elle devait poser la question, et elle savait qu'elles n'allaient pas accepter comme ça. Mais il fallait bien se lancer à un moment ou un autre ! La licorne, en prenant une grande respiration, puis frappant la table du sabot pour qu'on l'écoute, prononça clairement :

« Mes chères, je vois que vous vous ennuyez beaucoup pendant l'hiver. C'est pourquoi je suis venue, pour vous aider à traverser cette période en vous apprenant quelque chose pour... trouver l'amour. »

À ces mots, Applejack leva les yeux au ciel en secouant la tête, puis porta sa tasse à la bouche. Fluttershy, elle, mit son museau entre ses deux sabots et rougit légèrement. Suite à ces réactions, la styliste soupira et reprit en cachant un sourire :

« Je vais vous apprendre le "french kiss". Ou le baiser avec la langue. Je vous expliquerai les étapes, mais vous me demanderez "comment on va s'entraîner ?" Eh bien, il suffira juste que vous vous embrassiez toutes les deux. »

À cette dernière phrase, la jument orange cracha son thé, ce qui créa une ligne sur la table, l'air choquée et les joues teintées de rouge. Tandis que la timide s'était réfugiée par terre sous la table, recroquevillée en boule, sa queue essayant de recouvrir son corps pour se cacher, sa crinière dissimulant son visage rougissant comme une tomate mûre. La fermière se leva rapidement, posant ses deux pattes avant sur la table, s'exclama auprès de Rarity :

« Non mais ça va pas ? T'm'as prise pour qui ? J'vais pas embrasser Fluttershy, on n'est pas même ensemble ! Regarde, tu l'as embarrassée !

- Mais ce n'est qu'un simple baiser ! Rien de plus ! Je veux juste vous apprendre quelque chose. Juste un contact lèvres à lèvres. Je vous demanderai juste ça, rien de plus », supplia la licorne en faisant les gros yeux, comme sa sœur Sweetie Belle le faisait.

La cowpony était perdue. Elle n'avait pas envie, mais ce regard et son esprit lui disaient le contraire. Elle réfléchissait un instant ; c'était juste un baiser, rien de plus, et en plus cela fera plaisir à Rarity. Et puis, la fermière avait un faible pour les juments. Si ça leur apprenait quelque chose ? Elle se trouvait vraiment influençable à ce moment-là, mais embrasser Fluttershy lui donnait envie en fin de compte.

Fluttershy, qui s'était rassise depuis, resta calme, rougissante, mais pas pour autant contre l'idée. Pour la surprise de beaucoup de monde, elle voulait bien essayer. Applejack s'était tue un moment, puis demanda à la pégase si elle voulait tenter l'expérience, sans même la regarder. La jument accepta en hochant et détournant la tête. Les deux juments se mirent face à face comme Rarity l'expliqua, en regardant le sol, le sang montant aux joues.

« Bien, maintenant, rapprochez vos museaux », dit la licorne, avec un air sérieux et en scrutant chaque faux pas.

Les deux juments se rapprochèrent, se demandant vraiment si c'était une bonne idée. Leurs yeux se croisaient et dans leurs regards, on pouvait voir une peur immense mélangée à un brin d'excitation. Leurs museaux étaient si proches, qu'elles pouvaient sentir le souffle du poney en face de chacune d'entre elle, ce qui faisait frissonner Fluttershy.

« Puis, joignez vos lèvres », poursuivit Rarity, en plissant les yeux pour observer chaque détail.

Les deux juments étaient légèrement apeurées. Elles n'avaient jamais fait cela. Mais c'est la fermière qui avança ses lèvres tremblantes sur celles de la pégase. Et c'est au contact de celles-ci que les deux fermèrent les yeux, en profitant au maximum des sensations.

Pour Applejack, ce fut comme une flamme ; la chaleur s'emparait de son corps, la berçant dans une atmosphère relaxante. Elle essayait de ne pas être une brute, ne voulant pas effrayer Fluttershy ; mais son corps demandait plus, voulant aller plus loin. C'est comme si elle voulait ce baiser depuis longtemps, mais avait trop peur de le dévoiler à la pégase. Serait-ce de l'amour ? Elle sortit de ses pensées lorsque sa partenaire força dans le baiser.

Du côté de Fluttershy, ce fut comme une étincelle ; au contact, tous ses soucis s'étaient envolés, remplacés par de la joie et du réconfort. Son cœur battait la chamade. Les lèvres d'Applejack étaient encore mieux que celles dans ses rêves ; car oui, elle avait un faible pour la fermière, mais ne l'avait jamais avoué. Mais pour l'instant, elle était concentrée sur ce baiser. Lorsqu'elle sentait que la cowpony lâchait, la timide forçait sur les lèvres de l'autre, pour ressentir cette sensation à nouveau.

Rarity assistait à la scène, sans se douter de la relation qui se passait entre les deux partenaires. Elle était même plutôt heureuse de leur "travail", elles se débrouillaient plutôt bien !

« Maintenant, Applejack, glisse ta langue dans la bouche de Fluttershy », annonça la styliste avec un ton hésitant, n'étant pas sûre de la réaction qui allait suivre.

La jument orange obéit, et força sa langue sur les lèvres de Fluttershy. Celle-ci frissonna à l'émotion nouvelle qui traversait son corps, qui ressemblait à une sorte d'excitation. Lorsque la langue de la fermière pénétra dans la bouche de sa partenaire, Fluttershy n'arrivait plus à se contrôler. Elle sentait l'excitation monter bien trop vite à l'intérieur. Sous cette puissance, elle se sépara du baiser et recula en rougissant énormément. Un filet de bave mince reliait leurs museaux. Elle fixait le sol en se cachant derrière sa crinière, comme le faisait Applejack derrière son chapeau.

Rarity semblait très déçue, et s'en plaignit :

« Allez mes chéries, je sais que vous pouvez le faire ! Vous y étiez presque !

- Rarity, t'vois pas que Fluttershy n'a pas envie de continuer ? Laisse-la tranquille ! » hurla soudainement la cowpony, en regardant Rarity droit dans les yeux, qui d'ailleurs recula d'un pas à cause du regard.

Et s'ensuivit une querelle entre la styliste et la fermière, qui n'était pas utile certes, mais elles se disputaient quand même pour valoir le baiser et le début de celui-ci ou alors protéger Fluttershy et prouver que c'était une mauvaise idée.

D'ailleurs, la pégase était recroquevillée sur elle-même dans un coin, en regardant, effrayée, la querelle entre les deux juments. Elle ne faisait pas attention à ce qu'elles disaient, mais essayer de contenir son envie d'embrasser Applejack à nouveau. La pégase l'avait tellement appréciée, qu'elle voulait, non, qu'elle devait même ressentir ses lèvres contre les siennes cette sensation de sûreté et de confort, ainsi que ce brin d'excitation, et ce n'est plus un coup de langue qui allait l'arrêter. Elle songea un moment, si sa partenaire avait apprécié, alors elle pouvait le faire, non ?

La pégase prit une grande respiration, se leva, observa les deux juments qui se querellaient encore, puis accourut encore hésitante vers Applejack. Allait-elle le regretter ? De toute façon, il était trop tard, car elle ne s'arrêta pas au bon moment et atterrit sur le sol avec la fermière, avec leurs lèvres collées ensemble, qui fut surprise au début, mais ferma les yeux comme le faisait sa partenaire.

Les deux ponettes étaient allongées sur le sol. Applejack rentra la langue dans la bouche de Fluttershy sans difficulté, et alors commença une lutte entre leurs deux muscles. La cowpony était plutôt du genre un peu rude et sauvage, alors que la gardienne d'animaux s'y prenait avec douceur et lentement, créant donc une complémentarité entre ses deux âmes, comme le yin et le yang. Une harmonie d'émotions et de sentiments se propageant dans leurs corps, une magie qu'on appelait "amour", tout un nouveau monde pour ces deux juments. Elles souhaitaient que ce moment ne s'arrête jamais. D'ailleurs, Fluttershy mit ses bras autour du cou d'Applejack, mais leurs museaux se séparèrent pour pouvoir respirer.

Les deux ponettes se regardèrent tendrement, mais se rendirent compte que Rarity était toujours là. Elles tournèrent la tête pour observer la réaction de la styliste. Celle-ci était immobile, aucune expression ne s'affichait sur son visage. Applejack, embarrassée, tenant Fluttershy rougissante qui cachait son visage dans sa poitrine, bégaya :

« Eu-Euh... C'n'est p-pas ce que tu cr-crois... »

Rarity ne répondait pas, mais soudainement, un sourire s'éleva sur son visage et elle coiffa sa crinière pour simplement ajouter :

« Vous voyez, je vous ai aidé à trouver l'amour. J'ai quand même de bonnes idées parfois ! »

La fermière, suite à sa réponse, se frotta la nuque avec un de ses sabots et rit légèrement en disant :

« Oui, c'est vrai... »

Après ce petit dialogue, Fluttershy se releva doucement et embrassa sur la joue sa nouvelle petite amie, pendant que celle-ci lui caressait la crinière.

La licorne regarda les deux tourtereaux en riant discrètement en mettant son sabot près de son museau, puis se dirigea vers la porte et l'ouvrir, et reprit, avec un ton enjoué, avant de partir :

« Allez, je vous laisse faire des choses entre amoureuses ! »

Puis elle ferma la porte derrière elle, et s'en alla vers la boutique de vêtements en trottant gaiement. Elle était si heureuse pour ses amies ! Elle les avait aidées à trouver leur amour pour le Hearts and Hooves day. La styliste trouvait de bonnes idées parfois, mais si elle peuvent sembler stupides à première vue.

Et toi, Rarity, as-tu trouvé un amoureux pour passer le Hearts and Hooves Day ensemble ?

« Moi, rétorqua la licorne avec un sourcil levé, je n'ai pas besoin d'amoureux. Je suis très bien toute seule. De plus, je n'ai pas un seul coup de cœur pour quelqu'un. » Si tu le dis.

Au fait, il y a Trender Hoof au centre-ville en ce moment don-

« QUOI ? s'exclama-t-elle, IL Y A TRENDER HOOF EN VILLE ? MAIS C'EST MAGNIFIQUE ! J'AI ENFIN TROUVÉ MON ÉTALON ! »

Et elle galopa, très heureuse, sur le chemin enneigé, bordé par les arbres et le lointain horizon dégagé, qui laissa paraître les rayons du coucher de soleil.

Il était maintenant dix-sept heures une.