Ma, P'pa...

Applejack se dirigea vers deux petites pierres tombales, un petit sourire triste aux lèvres. Une pluie froide ruisselait sur son poil orange la trempant jusqu’aux os.

Elle avait appris à vivre avec l’absence de ses parents. Au début, elle pensait à eux en pleurant, en pensant à tous les souvenirs qu’elle n’aurait pas, tous les sourires qu’elle ne leur donnerait pas, de toutes les étreintes qui resteraient de simples envies.

Puis elle avait pensé à tous les souvenirs heureux. Du bonheur qu’ils lui avait souhaité. Alors la fermière était heureuse quand elle pensait à la chaleur de ses parents, de tous ces instants qu’elle avait retenu et qui resteraient figés dans sa mémoire à tout jamais.

Depuis, elle vit heureuse, forte et attachée à ses valeurs sans jamais être attristée par le point qui termine chaque vie.

« P’pa, Ma’, aujourd’hui j’voudrais vous parler d’un truc qu’j’ai sur le cœur depuis pas mal d’temps, mais j’peux pas vraiment en parler à mes amies, elles y comprendraient pas grand-chose…

C’sont d’bonnes amies, c’est bien vrai ! Mais j’ai pas envie d’leur en parler, v’là tout. »

Elle déposa son chapeau devant l’endroit qui symbolisait son père, à défaut d’avoir pu retrouver son corps, elle y voyait l’âme de ceux qui lui avaient donné la vie.

« J’crois qu’ça a commencé quand on a fait une tournée à Canterlot. J’me suis aperçue d’un truc. »

Elle marqua une pause, les yeux tristes et emplies d’une culpabilité enfantine, comme apeurée de recevoir un châtiment parental.

« C’est qu’not’ capitale, c’est la ville des licornes ! Tous ceux et toutes celles qui veulent être au pouvoir et qu’étudient à fond pour ça, c’sont des licornes… C’pas qu’les terrestres et les pégases et qu’les terrestres sont paresseux, y peuvent juste pas faire de magie. Du coup, les licornes ont un sacré monopole, elles peuvent bosser dans tout. Nos dirigeantes sont des licornes. Nos futures dirigeantes sont des licornes. Nos grands lycées sont pour les licornes ! »

Un long silence passa. La pluie continuait de s’acharner sur elle, et ses dents commençaient à s’entrechoquer, l’empêchant d’avoir une voie claire.

« Y’a peu d’gens qu’y l’savent, mais chui très perfectionniste… »

Un sourire éclaira son visage, suivi d’une petite ombre que seuls ceux qui lui sont très proche sont capables de remarquer.

« …dans mon domaine. C’pour ça qu’j’ai cru qu’ma place, c’tait à Manehattan. »

Ses mots sonnaient comme des excuses.

« Mais chuis pas faite pour la haute société. Faut bien quelqu’un pour empêcher les frères Flim Flam de nous piquer not’ business ! »

Elle rit. Un rire lumineux qui ensoleille la journée de celui qui le voit. Un rire sincère.

« Pac’qu’ la technologie, les terrestre aussi peuvent s’y mettre, mais y z’ont un sacré désavantage. J’ai donc abandonné mes rêves d’grandes études. Chuis forte et endurante. Mais vous avez d’ja vu un poney terrestre dont on vante les exploits ? Nan ? C’pour une bonne raison. Les exploits par terre, on en a pas grand-chose à cirer. C’est les voltigeurs de Cloudsdale qu’ont un interêt. Avec leurs pirouettes et tout l’tralala, y s’ramènent pas mal de monde pour assister à leurs spectacles. ‘Fin un pégase peut pas d’venir quelqu’un d’important, quoiqu’ p’têt Wonderbolt. Mais y peuvent pas avoir le port de tête des licornes d’Canterlot. »

Soupirant, elle reprit, après avoir pesé la seconde phrase. Elle n’aimait pas parler de ses amies.

« J’peux pas rêver des mêmes choses qu’Rainbow Dash. »

Une petite larme coula le long de sa joue, se mêlant à la pluie. Puis quelque chose transperça les nuages, laissant le soleil faire briller Applejack et ses parents. Une plume bleue se déposa sur le Stetson de la jument blonde. Puis un arc-en-ciel apparut, reliant le cimetière à la ferme de la Douce pomme. Un sourire délicat se dessina sur le visage de la cowpony. Quelques minutes ensuite, un pégase azure aux couleurs emblématiques se déposa à côté d’elle.

« Rainbow Dash ? »

Son ton n’était ni indigné ni surpris. A vraie dire, une lueur d’espoir brillait dans les yeux d’Applejack.

« Oui ?

-Tu m’observais ? »

Sa question avait comme unique but de faire ressentir de la culpabilité à la jument chatoyante.

« Oui. »

Peine perdue.

« J’aime pas quand tu viens confier tes peines à tes parents ici sans nous en parler avant. Tu sais très bien que tu as besoin de réponses quand tu te poses ce genre de question ! »

La fermière baissa la tête, consciente de son erreur.

« Je suis une grande fille, tu sais ? »

Un petit gloussement détendit l’atmosphère.

« Mmmm… »

Rainbow Dash marqua une pause, taquine.

« Non ! »

Ce fut un peu trop.

« Ecoute, mon petit sucre, ici, c’est un lieu de recueillement, on va éviter de trop rigoler si tu veux bien…

-Mmmh…Non ! »

Applejack soupira, un sourire en coin. A croire que Rainbow Dash était capable d’égaler Pinkie Pie sur ce point. Connaissant l’invitation implicite, elle suivit la jument bleue. Toutes les deux se dirigeaient vers la ferme, après avoir récupéré le vieux chapeau paternel.

« T’es trempée ! Ecoute. J’espère que tu sais au moins que les terrestres ont une particularité ?

-Mmmmh….Non ! »

Cette manie de reprendre ses répliques –géniales- agaçait Rainbow Dash.

« Eh bien c’est un mystère que même l’alicorne Célestia n’a pas résolu. Et pourtant…Tu n’as pas remarqué à quel point tu es extraordinaire ? »

La jument rousse écoutait d’une oreille distraites les flatteries de son amie, qui au fur et à mesure qu’elles avançaient, devinrent plus cohérentes. Toute sa jalousie qui s’était accumulée depuis vingt ans quittèrent la fermière s’envola par la simple tendresse d’une amie.

« Rainbow ?

-Moui ?

-Est-ce que je mérite de t’avoir ? Tu es si…extraordinaire.

-ça, je l’sais, mon p’tit sucre ! »

Cette manie de retournement de répliques agaça maintenant Applejack.

« Mais c’est plutôt moi qui ne te mérite pas. »

Elles arrivèrent à destination. La jument terrestre proposa d’une voix timide une invitation à un moment auquel elle attache beaucoup d’importance.

« Rainbow Dash ?

-Oui ?

-Tu accepterais de venir à un anniversaire qui est très important pour moi…

-Euuh…Bien sûr ! L’anniversaire de qui ?

-L’anniversaire du mariage de mes parents. »