Twilight Sparkle fredonnait alors qu’elle trottait en direction de la Ferme de la Douce Pomme, une paire de sacoches lourdes sur son dos. Au-dessus d’elles, se trouvait son assistant numéro un, Spike, qui étudiait avec intérêt la liste des livraisons.
La saison de la plantation était arrivée à Poneyville. Avec le soleil du printemps et la floraison venait le temps du travail de la terre. Les citoyens émergeaient de la douceur de l’hiver pour se confronter aux mois de travail, sueur et labeur.
Alors que Twilight n’était pas plus un poney de ferme que le dragon sur son dos, elle avait ses propres moyens d’aider ses amies lorsqu’ils étaient occupés. Spécifiquement, donner un bon livre ou deux (ou cinq) pour se blottir quand le crépuscule arrivait à l’horizon et que la journée de travail se terminait. Il n’y avait pas de meilleur moyen de se relaxer que de lire un bon livre à la lumière d’une bougie.
« Combien de livraisons nous reste-t-il, Spike ? » demanda Twilight.
Spike tournoya le crayon entre ses griffes et scruta la liste. « Euh… En fait, Twi, c’est la dernière. » Levant un sourcil, il fixa les sacoches. « Combien de livres tu as apporté pour les Apples ?
-Oh, tu sais, dit Twilight en agitant son sabot, quelques-uns.
-Quelques-uns ? » rit Spike.
Twilight roula des yeux. « On n’a jamais assez de livres. »
Spike roula des yeux à son tour. « J’imagine que oui… »
Les deux partagèrent un rire alors que Twilight trottait, suivant la route vers la ferme. Devant elle se tenaient des rangées de pommiers. L’odeur de leurs fleurs chatouillait les narines de Twilight, ce qui la fit sourire. La Ferme de la Douce Pomme était magnifique à ce moment de l’année.
Alors que son rire diminua, Twilight accéléra un peu, avec l’intention de finir sa livraison avant que Celestia rencontre Luna dans le ciel. Sa propre pile de livres l’attendait à la librairie.
« Alors, qu’est-ce que tu leur as amené ? » demanda Spike.
Twilight s’abaissa pour éviter une branche pendante, et Spike fit de même. « J’ai amené quelques-uns de ces livres d’aventures qu’aime tant Apple Bloom. Et le dernier Casse-Cou pour Applejack. On dirait qu’elle n’est pas la seule à être une fan maintenant, gloussa-telle, et quelques romances pour Granny Smith. »
Spike grimaça. « Des romances ? Beurk !
-Ne fais pas comme si je ne t’avais jamais vu traîner du côté du rayon des romances, Spike », réprimanda Twilight, son sourire plus grand.
Spike croisa ses bras. « Pff ! Ouais, c’est ça.
-Oh ? Alors où est mon exemplaire de Différents Sangs ?
-Euh ? » Spike tourna ses griffes entre elles, une goutte de sueur sur son front. « De quoi tu parles ?
-Tu sais, celui où la jolie jument Clover tombe amoureuse d’un- »
Spike pointa du doigt, s’exclamant, « Oh, hé ! Regarde, c’est Big Mac ! »
Twilight dévisagea Spike et regarda où le dragon avait dirigé son doigt. En bas de la colline se tenait l’étalon, le collier d’épaule autour du cou.
Deux cordes attachées à son collier menaient à une charrue rouillée, que Big Macintosh tirait avec difficulté. La lame traçait des lignes profondes dans la terre sous ses sabots massifs. Un petit chariot rempli avec des sacs de graines était posé près du sol retourné. Big Macintosh semblait inconscient de leur arrivée, ses yeux verts concentrés droit devant alors que la sueur coulait sur sa crinière et sa nuque.
« Hey ! Big Mac ! » l’appela Twilight, en agitant son sabot.
L’étalon se figea en plein milieu de son travail. Ses yeux se tournèrent vers la source de cette interruption. Quand ses yeux rencontrèrent les siens, il sourit. « B’jour, Miss Twilight ! » répondit-il en agitant l’un de ses sabots massifs. « S’lut, Spike ! »
Les sacoches bondissaient à chaque pas, Twilight trottait joyeusement en bas de la colline pour le saluer. « Encore de la plantation aujourd’hui ? » demanda-t-elle en s’arrêtant près de la charrue. Spike sauta hors de son dos et retira de la poussière sur lui.
Big Macintosh acquiesça. « Ouaip. Du maïs et des patates dans cette section. » L’étalon retira les cordes de son collier et les rejoignit, retirant la terre de ses sabots.
« Génial ! Spike se lécha les lèvres. Ça veut dire des épis de maïs pour l’été, hein ?
-Ouaip ! »
Spike se frotta les griffes. « Super ! »
Twilight gloussa alors que de la bave se formait aux coins des lèvres du dragon, puis se retourna vers Big Mac. « Tu travailles depuis combien de temps ? »
Big Mac s’essuya le front avec son sabot. « Pas trop longtemps. Grâce à cette bonne vieille dame derrière, sûr », dit-il en désignant la charrue avec un sourire.
La charrue, malgré sa rouille, brillait dans le soleil couchant, sa lame dessinant de grandes lignes dans la terre. Son sourire reflétait sa fierté, observa Twilight.
« Wow, c’est super ! » dit Twilight, en lévitant ses sacoches grâce à sa magie. « Bon, je ne veux pas te déranger trop longtemps dans ton travail, Big Mac, alors pourquoi ne te donnerais-je pas tout simplement ça ?
-Hm ? Me donner quoi ? demanda Big Macintosh, en se grattant la tête.
-Oh ! Que je suis bête ! » Avec un gloussement, Twilight ferma ses sacoches. « Eh bien, comme tout le monde est occupé avec la saison des plantations en ce moment, j’ai pensé à une façon de vous aider. Sans magie, ajouta-t-elle, en se souvenant de ce qui s’était passé durant la Fête de la Fin de l’Hiver. J’ai pensé : quel serait la meilleure façon d’aider un poney à se détendre après une dure journée de travail.
Big Macintosh souriait chaleureusement. « Ah, c’est vraiment gentil d’vot part, Miss Twilight.
-Merci. » Ouvrant à nouveau ses sacoches, Twilight continua : « J’y pensais depuis un moment, et j’ai compris… Quel meilleur moyen de se relaxer qu’avec un bon livre ? »
Spike s’approcha et donna un coup de coude amical à Big Macintosh sur l’épaule. « Personne ne lui a dit que la glace au chocolat, c’était mieux. Sinon, tu en aurais eu un cône maintenant », glissa-t-il, en donnant à Twilight un sourire insolent.
Twilight se moqua. « Qu’est-ce que je t’ai dit à propos des glaces, Spike ?
-Ouais, ouais… » grommela Spike.
Twilight se retourna vers Big Macintosh avec un autre gloussement. « Donc, je pensais que, vu que tout le monde est trop occupé pour aller à la librairie, j’amènerai la librairie à eux ! »
Avec sa déclaration triomphante, Twilight finit par révéler le livre qu’elle avait sélectionnée pour Big Macintosh ce matin : Le Travail du Bois.
Elle avoua que le choix était difficile. Twilight connaissait peu de Big Macintosh, et encore moins ses lectures préférées. Elle n’en avait jamais parlé avec Applejack. Cependant, elle savait qu’il aimait tailler de temps en temps.
Tenant Le Travail du Bois, Twilight rencontra le regard de l’étalon. « Et c’est ça que je t’offre ! J’espère que tu aimeras ! »
Spike scruta le titre du livre. « Le travail du bois, hein ? Ça a l’air… amusant, admit-il. Qu’est-ce que tu en penses, Big Mac ? »
Pendant un moment, Big Macintosh resta silencieux, le regard songeur. Il recula d’un pas du livre entouré de l’aura violette, le regardant avec ce qui semblait être de la confusion.
Peut-être était-il tout simplement touché par son geste, pensa Twilight. Elle laisse le silence perdurer quelques minutes avant de prendre la parole.
« Je n’étais pas sûre de ce que tu aimerais. Désolée si ça n’est pas à ton goût », dit Twilight, plus doucement qu’avant. Elle se sentait étrangement mal à l’aise. « J’en ai d’autres si tu préfères-
-C’est bon, Miss Twilight. » Big Macintosh recula encore. « C’est… c’est très gentil de votre part, mais, j’ai peur de devoir refuser. »
Twilight sourcilla. « Tu… tu es sûr ? demanda-t-elle, tenant le livre près d’elle. Pas de problème, vraiment ! Il n’y a pas de date de retour dessus. Je laisse juste tout le monde-
-Nope, c’est bon. » Attrapant les cordes attachées à la charrue, Big Macintosh ajouta : « J’suis sûr qu’Applejack aimera bien. Pourquoi ne lui laissez-vous pas l’emprunter ? »
Proche de faire tomber le livre, Twilight manqua de vaciller. « Mais… j’ai- »
Alors qu’il attachait les cordes à son collier, Big Macintosh leva un sabot. « Miss Twilight, s’il vous plaît, j’dois r’tourner travailler. » Il hocha la tête vers elle et Spike. « Maintenant, je vous souhaite une bonne journée. »
Avant que Twilight puisse bafouiller une réponse, Big Macintosh tira sur les cordes, les trouvant bien robustes, et la dévisagea. En quelques secondes, ses forts sabots tiraient à nouveau la charrette, reprenant son rythme. Sans autre mot, les yeux de l’étalon retournèrent vers le sol alors qu’il tirait la lame, dans un va-et-vient au cœur de la terre.
Confuse, Twilight remit lentement le livre dans son sac. Spike, debout derrière elle, semblait également perplexe. Tous deux se regardèrent, ne trouvant aucune réponse dans le silence.
« Bon… d’accord. » Twilight remit les sacoches sur son dos. « Okay… au revoir ? »
Big Macintosh ne les regarda même pas. « Au r’voir ! »
Avec un haussement d’épaules, Twilight se tourna vers Spike. « Hum… la ferme ensuite, j’imagine ? »
Spike haussa aussi les épaules. « J’imagine. »
Leur marche vers la ferme fut courte et silencieuse.
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« B’jour, Spike ! B’jour, Twilight ! » salua Applejack. Elle s’avança vers le porche pour les rejoindre dans la brise, prenant une grande bouffée d’air printanier. « C’est sûr que c’est une bonne journée, hein ?
-Sûr que ça l’est, dit Twilight, pas aussi enthousiaste qu’elle aurait dû l’être.
-Tu nous as amené des livres ?
-Comment as-tu deviné ?
-J’tai vu faire la même chose pour les sœurs Flower hier. Désolée, j’tai pas dit bonjour, ajouta Applejack, en se grattant la nuque avec son sabot. J’étais occupée.
-C’est pas grave. » Twilight reposa les sacoches. « Je me demandais juste pourquoi Big Macintosh ne voulait pas être de la partie.
-Qu’est-ce que tu veux dire ? »
Spike ouvrit l’une des sacoches de Twilight. « On a essayé de lui donner ce livre… » Il tendit Le Travail du Bois. « … et il semblait confus. Il a refusé de le prendre. »
Applejack leva un sourcil. « Refusé de le prendre ?
-Ouais ! » Spike posa le livre sur un outil à proximité. « Je veux, c’est pas le livre le plus excitant du monde, mais-
-C’était une bonne idée pourtant ! » protesta Twilight, l’air un peu offensée. Elle fixa ses yeux sur lui. « Qu’est-ce que tu aurais choisi ?
-Euh, je ne sais pas, je disais juste ça, répliqua Spike en tapotant le livre, peut-être aurais-tu pu venir avec quelque chose d’un peu plus intéressant ?
-Comme quoi ? grimaça Twilight. Peut-être Différe- »
Applejack se mit entre eux. « Aw, ne t’sens pas mal à propos d’ça, Twilight. Big Mac est juste occupé en c’moment. Sois pas fâchée. »
Twilight soupira. « Oui… j’imagine que tu as raison. » Elle donna quelques livres à Spike. « Est-ce qu’Apple Bloom est là ?
-Ouaip, elle est dans la cuisine. J’imagine que c’est pour elle ? »
Twilight acquiesça.
Applejack ouvrit la porte à Spike. « Vas-y, j’suis sûre qu’elle va adorer ! »
Spike s’élança. « Merci, Applejack ! Je reviens », dit-il en entrant dans la maison, tenant les trois romans dans ses griffes.
Applejack gloussa. « AB adore la lecture, comme Granny. J’suis sûre qu’elle en voudra d’autres d’ici ou une deux semaines. »
Un petit sourira s’étala sur le visage de Twilight. Même si elle s’était trompée sur Big Macintosh, au moins elle avait tout bon avec Apple Bloom. Utilisant sa magie, elle déposa le reste des livres, créant deux piles sur le porche – une pour Applejack, une pour Granny Smith. Le Travail du Bois était resté dans sa sacoche.
Souriante, Applejack regarda les deux piles. « Merci, Twi ! L’nouveau Casse-Cou, hein ? ET Granny s’ra aussi contente ! Elle lit toujours ce genre de livres, d’aussi loin que je me souvienne. Faut que j’les laisse loin d’AB, tout de même. » Elle rougit légèrement en en désignant un, La Vallée des Poupées.
Retenant un rire, Twilight posa son sabot sur son museau. « Oui, je ne lui conseille pas de mettre le sabot dessus avant quelques années.
-Quelques années ?! s’exclama Applejack. Plutôt quelques décennies, Twi ! Mince !
-Oh, allez AJ. Tu ne peux pas la laisser innocente pour toujours !
-J’imagine que non ! Hé, hé. » Revenue de son fou-rire, Applejack s’approcha et étreignit Twilight dans un câlin. « J’apprécie vraiment tout ce que tu fais pour nous, Twi. Si je n’avais pas un millier de choses à faire aujourd’hui, je t’aurais préparé une tarte. »
Twilight retourna l’étreinte. « Aw, tu n’as besoin de faire ça, Applejack. C’est la moindre des choses pour moi. Mais… » Alors qu’elle recula, son ton se fit plus grave. « Je suis désolée de ne pas avoir amené quelque chose que Big Macintosh aimerait. C’est juste… c’est juste que je ne sais pas du tout ce qu’il aime lire. Tu as une petite idée ? »
Applejack secoua sa tête. « Je ne m’en f’rais pas, Twi. Le travail nous use, et lui travaille très dur. Je ne pense pas qu’il a le temps pour ça.
-Pas le temps de lire ? » Cette fois, Twilight était celle qui leva un sourcil. « Oh s’il te plaît ! Il y a toujours du temps pour lire ! Est-ce qu’il préfère les romans d’aventures ? Peut-être de l’horreur ? Du mystère ? Com-
-J’ai dit, ne t’en fais pas pour ça, Twilight », dit fermement Applejack.
Twilight se mordit la lèvre. « Mais… je- »
« Tu es la bienvenue, Apple Bloom ! » salua Spike en sortant de la maison sur le porche. Toutes deux tournèrent lorsqu’il les rejoignit. Le dragon grimaça et enleva quelques miettes de ses lèvres. « Livrer des livres, avoir des cookies. Tout ça dans la même journée ! »
Applejack grimaça. « Ne me dis pas que toi et AB avez mangé les derniers qui refroidissaient à la fenêtre. »
Levant son nez en l’air, Spike croisa ses bras. « Peut-être… »
Applejack rit de bon cœur alors qu’elle prit entre ses sabots les deux piles de livres. « C’est bon, petit gourmand. Bien, j’apprécie vraiment ce que tu fais pour nous ! On les ramènera quand on les aura terminés pour que quelqu’un d’autre puisse les lire. Merci encore, Twi ! »
Regardant ses sacoches et Applejack, Twilight recommença : « Mais- »
Applejack trotta vers la porte, saluant les deux. « Bonne nuit ! Rentrez bien !! »
Elle claqua la porte, laissant Spike et Twilight sur le porche.
« Quelque chose ne va pas, Twi ? Spike posa une griffe sur son épaule. Tu as l’air contrariée.
-Pas vraiment contrariée, juste… confuse. » Allumant sa corne, Twilight remit les sacoches sur son dos, puis fit un signe vers Spike pour qu’il grimpe.
Spike bondit sur son dos. « C’est à propos de Big Mac ? »
Twilight s’éloigna du porche. « Oui. C’était vraiment… bizarre.
-Oui, ça l’était. Applejack t’en as parlé ? »
L’herbe s’écrasait sous ses sabots alors que Twilight avait pris un chemin différent pour quitter la Ferme de la Douce Pomme. « Juste de ne pas m’inquiéter. Que Big Macintosh n’a pas le temps de lire. »
Spike fit un signe avec ses griffes. « Tu vois ! Ce n’est pas parce que tu n’as pas choisi le bon livre. C’est juste qu’il n’a pas le temps de lire. »
Twilight ouvrit sa bouche pour protester, mais ne dit rien. « Oui… j’imagine que tu as raison. »
Les deux continuèrent leur route, chassant le soleil dans une course de sabots contre l’horizon. Spike était de meilleure humeur qu’avant, et parla des cookies au chocolat que lui et Apple Bloom avaient dévorés, et des dernières aventures des Chercheuses de Talents dont elle lui avait parlé.
Twilight Sparkle écouta tout ce qu’il dit, même si son esprit était focalisé sur quelque chose de totalement différent.
Quel genre de poney n’avait pas le temps de lire ? Et pourquoi Big Macintosh ne lui avait-il pas tout simplement dit ?
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« Je vais au marché, Spike. Tu as besoin de quelque chose ? »
Avec un gros programme de lecture à venir, Twilight se sentait agitée. Même si sa cuisine était loin d’être vide, un peu de shopping n’avait jamais fait de mal à personne. En tout cas, c’est ce que lui avait dit Rarity.
Spike, perché sur une étagère vide, un livre sur les jeux d’Equestria dans ses mains, secoua la tête. « Nan. Amuse-toi bien au marché, Twi. »
Twilight trotta vers la porte, une paire de sacoches sur son dos. « Tu es sûre que tu n’as besoin de rien ? »
La griffe libre de Spike s’avança près d’un bol de bonbons près de lui. « Ça va aller.
-D’accord. À plus tard ! »
Twilight profitait du printemps à Poneyville. Après avoir fermé la porte, puis posé la pancarte « Je reviens dans une heure » dessus, elle s’avança vers le centre-ville.
Même si Applejack lui avait dit de ne pas s’en faire, Twilight, comme toujours, était incapable de se sortir de l’esprit sa rencontre avec Big Macintosh.
La façon dont il avait réagi lorsqu’elle lui présenta le livre, la façon dont il recula, les yeux confus, et reprit son travail avec quelques mots, était très étrange pour Twilight.
Est-ce qu’elle l’avait offensé ? Comment ? Peut-être avait-elle malencontreusement impliqué que ses talents de travailleur sur bois n’étaient pas à la hauteur ? Peut-être avait-elle, en suggérant un livre aussi ‘ennuyeux’ (selon Spike, en tout cas), laissé croire à Big Macintosh que lui aussi était ennuyeux ?
Alors qu’elle passait devant une foule de clients agités, les mots d’Applejack résonnaient dans sa tête.
« Je ne pense pas qu’il ait le temps pour ça. »
Si une future Wonderbolt comme Rainbow Dash avait le temps de lire Casse-Cou, pourquoi pas lui ?
« Salut Twilight !
-Hein ? »
Sortie de ses pensées, Twilight leva les yeux pour voir qu’elle traînait du côté du stand de Carrot Top. La jument lui souriait et désigna des bouteilles de jus de carotte et des carottes fraîches sur les étalages. « De quoi as-tu besoin aujourd’hui ?
-Oh ! Hum… » Twilight regarda son stand. « Quelques carottes, j’imagine.
-Trois ? »
Twilight acquiesça.
Carrot sélectionna trois de ses plus belles carottes et les mit dans un sac.
Twilight lui donna une pièce, puis mit les carottes dans ses sacoches. « Merci, Carrot !
-Pas de problème. Passe une bonne journée. Oh, ravi de te voir, Big Mac ! »
Big Mac ?
Faisant un pas de côté, Twilight regarda pour voir l’énorme étalon qui l’avait rejointe au stand. Un sourire chaleureux éclairait son museau. « Eh bien, b’jour, Miss Twilight, Miss Carrot Top. »
Derrière son stand, Carrot rougit et cacha son visage avec son sabot.
À côté de lui, Twilight retourna son sourire. « Oh, hé, Big Mac ! Comment vas-tu ?
-Ça va.
-Bien ! Heh… » Grattant sa nuque, Twilight dit : « Hé, euh, écoute. Je suis désolée pour- »
Big Macintosh leva son sabot. « Pas besoin d’être désolée pour ça, Miss Twilight. C’est moi qui d’vrais m’excuser pour avoir été aussi sec avec vous.
-Non, pas de problème ! Twilight secoua sa tête. Ce n’est pas grave, je comprends. »
Big Macintosh ne répondit rien.
Twilight fit demi-tour. « Bien, c’était bien de te revoir ! Passe une bonne journée, Big Mac ! »
Il acquiesça, lui offrant un petit sourire. « Merci, Miss Twilight. Vous aussi. »
Il lui fit un signe d’au revoir avec son sabot tandis que Twilight trotta hors du stand. Elle s’approcha du stand de Davenport, dans l’idée d’acheter de nouvelles plumes (mais pas de nouveaux canapés).
Twilight avait à peine fait la moitié du chemin lorsque la voix de Big Macintosh, porté par la légère brise, arriva jusqu’à ses oreilles.
« Je pensais que c’était seulement une pièce pour cinq, Miss Carrot Top. »
Hein ? Twilight regarda par-dessus son épaule.
Au stand de carottes, Big Macintosh avait déposé une seule pièce à côté d’une liasse de carottes. Carrot Top désigna la pancarte au-dessus du stand qui indiquait les prix. « Une pièce pour trois, Big Macintosh. Là. »
Twilight regarda l’étalon bouger ses sabots, s’approchant de la pancarte. Quelques instants plus tard, il enleva deux carottes, puis baissa la tête. « Mes excuses, Miss Carrot Top. Mes yeux sont fatigués. »
Ses yeux sont fatigués ? Peut-être porte-t-il des lunettes ? Twilight continuait de regarder, cachée par le flot continu de clients qui naviguaient autour du marché.
Si elle était gênée par cette erreur, Carrot Top n’en montrait aucun signe. Elle se contenta de hocher la tête, prit sa pièce et mit les carottes dans un sac. Big Macintosh le déposa dans sa sacoche et la remercia. Puis, il se hâta de partir, disparaissant autant que le pouvait un étalon de sa taille dans un océan de poneys.
Twilight Sparkle, ayant oublié ses plumes, choisit de terminer au plus vite sa virée au marché ce matin.
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« Spike, je suis rentrée ! »
Toujours plongé dans son livre, Spike grommela en réponse.
Twilight enleva les carottes de ses sacoches. Après avoir rangé les deux sacs vides, elle déposa les carottes dans la cuisine, puis retourna dans la pièce centrale de la librairie. « Spike, j’ai une question pour toi. »
Spike retira un caramel de sa bouche. « Bien sûr, Twi, dit-il, les yeux toujours collés sur son livre. Qu’est-ce que c’est ?
-Est-ce que tu sais si Big Macintosh porte des lunettes ? »
Lentement, le dragon leva les yeux de son livre. « Des lunettes ? Qu’est-ce qui te fait croire qu’il porte des lunettes ?
-Quand j’étais au marché aujourd’hui, Big Macintosh est allé au stand de Carrot Top. Il s’est trompé sur les prix, et quand elle lui a dit, il a répondu que ses yeux étaient fatigués », expliqua Twilight. Même s'il n’y avait rien de drôle à avoir des problèmes de vues, elle ne pouvait s’empêcher de sourire en racontant cette anecdote, espérant avoir résolu le mystère de la réaction de l’étalon face au livre.
Peut-être que la famille Apple vit une passe difficile, et qu’il a besoin de nouvelles lunettes ? Je serais heureuse de lui en trouver ! Il pourrait me rembourser après les récoltes, si jamais je le laissais me rembourser !
Spike se gratta le menton. « Hmm… non, pas que je sache.
-Tu es sûr ?
-Oui, je ne l’ai jamais vu avec des lunettes, et jamais personne ne m’a dit qu’il en portait… Attends un peu. Pourquoi est-ce que tu me le demandes ? » Spike pointa une griffe accusatrice. « Tu ne devrais pas le savoir mieux que moi ? Tu es plus souvent avec lui et Applejack que moi !
-Je… je ne lui parle que rarement, en fait. » Les oreilles de Twilight s’aplatirent. Alors qu’elle fit tourner son sabot sur le sol, elle ajouta : « Il est toujours là quand je vais chez Applejack, et je le vois souvent au marché, mais… il est toujours très… silencieux.
-Comme Fluttershy, et tu en connais beaucoup sur elle. »
Sentant une pointe d’énervement dans sa voix, Twilight sourcilla. « Spike, quelque chose ne va pas ?
-C’est juste que ça me semble… bizarre, Twilight », dit lentement Spike, comme s’il choisissait prudemment ses mots, « que tu lui parles à peine, et maintenant qu’il ait refusé un de tes livres, tu veux tout savoir de lui. Tu le prends si… durement, je crois. Je veux dire… c’est pas aussi important, non ?
-Eh bien… » Twilight le dévisagea. Après un moment, elle dit : « Je pense que ce n’est pas que je me sente offensée. C’est plus… il semblait presque… blessé que je lui amène un livre. N’est-ce pas ? »
Spike referma le livre et le posa à côté de lui, amenant ses griffes ensemble. Il se balançait sur l’étagère, l’air pensif. « Ouais… dit-il après quelques instants. Oui… un peu. Comme s'il avait… peur. »
Twilight arpentait la librairie. « Oui… c’est ce que je pensais aussi. Je ne connais pas bien Big Macintosh, mais… si quelque chose ne va pas, et si je peux l’aider, j’aimerais pouvoir le faire. »
Spike acquiesça. « Eh bien, pourquoi tu ne vas pas lui demander ? »
Twilight leva les yeux. « Je… je ne suis pas sûre que je peux aller demander ça comme ça, Spike. Il n’avait pas de problème à parler avec moi au stand de Carrot Top, mais… Tu sais où se situe la fierté de la famille Apple. »
Spike acquiesça à nouveau. « Hmmm… est-ce que l’opticien, Keen Sight, saurait s’il porte des lunettes ? »
Immédiatement, Twilight était ragaillardie. « C’est une super idée, Spike ! Tu sais quoi ? J’ai un peu de temps libre dans mon planning, alors je vais aller lui demander maintenant. Merci ! »
Avec un sourire, Spike reprit son livre. « Y’a pas de quoi. »
Un autre salut entre amis, et Twilight Sparkle était de nouveau dehors, dans la douce lumière du printemps.
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La cloche au-dessus de la porte de l’opticien tinta alors que Twilight y mit le sabot. Dans la salle d’attente, quelques vieux étalons, une jument d’âge moyen, et quelques enfants à lunettes la regardèrent, puis retournèrent à leurs vieux magazines. Twilight trotta vers l’accueil.
« Bonjour, comment puis-je vous aider ? demanda la réceptionniste.
-Je viens voir Keen Sight, dit Twilight. Est-il disponible ? »
La réceptionniste jeta un œil dans le carnet. « Quel est votre nom ?
-Twilight Sparkle.
-Hmmm… je ne vois pas de ‘Twilight Sparkle’ là-dedans. »
Twilight se racla la gorge. « Oh non, je ne suis pas là pour un rendez-vous. Je veux juste lui poser une petite question. »
La réceptionniste sourcilla.
« Vous voyez, je pense qu’un de mes amis a un problème de vue, et je voulais savoir s’il portait des lunettes.
-Euh… Pourquoi vous ne demandez pas directement à votre ami ? » répondit la réceptionniste, en lui donnant un regard confus.
Raclant sa gorge à nouveau, Twilight chercha une réponse. « Eh bien… Hum… vous voyez, c’est-
-Twilight Sparkle ? »
En entendant sa voix, Twilight manquait de vaciller, même si sa surprise fut vite remplacée par un grand sourire. « Keen Sight ! Juste l’étalon que je cherchais. »
L’opticien s’avança, essuyant ses lunettes sur sa blouse avec sa magie. « Je suis en pause maintenant, mais j’ai quelques minutes devant moi. Vous avez besoin de prendre rendez-vous ?
-Non, en fait, je me demandais si vous pouviez me dire si quelqu’un est de vos patients, s’agita Twilight. C’est un peu…privé. Je pense qu’il a besoin de lunettes mais ne peut pas se les payer, alors je voulais savoir s’il avait une prescription dans son dossier. »
Keen Sight se gratta le menton. « Hmmm… vous comprenez qu’il existe une chose qui s’appelle le secret médical, n’est-ce pas ?
-Je sais, dit Twilight, mais je ne cherche rien de spécifique. Juste oui ou non si vous l’avez déjà vu, et si oui ou non il a besoin de lunettes. »
L’opticien s’appuya sur le bureau, continuant de se gratter le menton, pensif, pendant que la réceptionniste regarda entre les deux. Finalement, Keen Sight hocha légèrement la tête et fit un signe pour qu’elle lui parle dans son oreille.
Poussant un soupir de soulagement, Twilight se pencha et lui murmura : « Big Macintosh. »
Alors qu’elle reculait, les yeux bleus brillants de Keen Sight s’écarquillèrent pendant un instant. Puis il sourit. « Oh, je le connais ! »
Surprise par sa réponse rapide, Twilight demanda, « Vous le connaissez ? Alors, est-ce que-
-Vous rigolez ? rit Keen Sight, se tapant le sabot sur son torse. Une vue fine. Il vient se faire examiner tous les deux ans, mais il n’en a pas besoin. Cet étalon peut voir aussi loin qu’un griffon ! »
Les pièces du puzzle se séparèrent devant les yeux de Twilight, la laissant à sec, entourée d’un océan de doute. Il peut voir parfaitement ? Alors pourquoi n’a-t-il pas vu la pancarte de Carrot ? Et pourquoi a-t-il dit que ses yeux étaient fatigués ?
« Puis-je faire quelque chose d’autre pour vous, Twilight ? » Keen Sight regarda sa montre. « J’ai des patients qui m’attendent. »
Revenue à la réalité, Twilight s’exclama : « Oh ! Je suis désolée ! Non, non, tout va bien. Euh… » Elle se racla encore la gorge. « Merci, Keen Sight. Je… euh… je vais y aller maintenant. »
L’opticien hocha la tête, souriant une dernière fois. « Vous êtes la bienvenue. Faites bien attention à manger des carottes ! Gardez vos yeux en bonne santé ! »
Twilight choisit de ne pas répondre, laissant le mystère de Big Macintosh continuer à occuper ses pensées sur le chemin de la librairie.
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En revenant du cabinet de Keen Sight, Twilight réalisait qu’elle avait oublié de préparer pour elle (et pour Spike) son déjeuner. Si Spike n’aurait aucun problème à se débrouiller seul, l’estomac de Twilight ne pouvait faire de même. Il grognait et grognait comme le tonnerre, alors que son esprit était toujours en plein dilemme.
Twilight ne pouvait faire un pas de plus vers la librairie et se devait de nourrir son ventre en colère. Le choix le plus évident était son café favori, Horte Cuisine, où les plus fins sandwichs de marguerites et jonquilles étaient servis accompagnés de délicieuses frites de foin.
Un repas frit aidait toujours à résoudre un mystère, après tout.
Peut-être que je penserai à une solution en mangeant, raisonna Twilight, heureuse d’avoir sur elle son sac de pièces.
Le serveur, qui lui offrit un sourire en la reconnaissant, l’amena à une table en terrasse. Il prit sa commande de son sandwich préféré avec des frites de foin, accompagné d’une limonade.
Quand son verre arriva, elle faisait tournoyer ses pensées en même temps que sa paille.
Peut-être… se peut-il que… Non ! Non, ne tirons pas de conclusions hâtives. Twilight se punit mentalement pour avoir pensé une telle chose. Stéréotypes, Twilight. Ne les crois pas. Ne-
De l’autre côté de la terrasse, Twilight entendit le serveur accueillir un autre client. « Bienvenue chez Horte Cuisine. Comment allez-vous ?
-Euh, merci m’sieur. J’vais bien. Et vous ? »
Distraite alors que son verre de limonade était à moitié entamé, Twilight manqua de s’étouffer en entendant cette voix.
Big Macintosh est ici ? En plein milieu de la journée ? Mais… et la saison des plantations ? Je croyais qu’il était trop occupé pour faire autre chose que travailler et dormir ?
« Très bien, monsieur. Qu’est-ce que vous prendrez ? » demanda le serveur.
En face d’elle, caché par le décor du restaurant, seulement reconnu par son ton de voix si particulier, Big Macintosh grimaça. « Euh… donnez-moi une seconde… »
Curieuse, Twilight posa sa limonade, puis trotta derrière un des buissons délimitant en deux la terrasse. Seule de son côté, elle n’avait à craindre que d’avoir l’air étrange pour les passants.
Big Macintosh tenait le menu. À côté de lui, un journal.
De sa position, Twilight pouvait faire quelques gouttes de sueur sur le front de l’étalon. « Euh… je… » Ses yeux parcouraient les pages indéchiffrables du menu. « Je… je vais… »
« Monsieur, le menu est à l’envers, toussa le serveur.
-Oh ! Ah oui. »
S’il était possible pour Big Macintosh de rougir sous son pelage rouge, Twilight le vit à cet instant.
Après avoir retourné le menu, Big Macintosh attendit quelques secondes, qui semblaient durer une éternité pour lui et sa spectatrice. Le fin collier de sueur coulait le long de sa crinière, amplifié par le soleil et le vent.
Finalement, Big Macintosh posa le menu. « Je vais… prendre… le… le spécial.
-La salade de pois chiches, monsieur ?
-Ouaip. »
Même si son ton était toujours le même, Twilight sentait un manque de confiance dans sa voix.
Le serveur acquiesça, prit le menu et partit en cuisine.
Clignant des yeux, Twilight regarda Big Macintosh prendre le journal, dépliant les pages. Ses yeux vifs, aussi fins que ceux d’un griffon, parcouraient les articles.
Twilight sortit de son buisson, toujours abaissée pour éviter le regard de Big Macintosh. De plus en plus de questions s’agitaient dans son cerveau, et toutes voulaient être enfouies dans les frites de foin, la limonade, et ses fleurs favorites entre deux tranches de pain.
Durant les dix minutes suivantes, Twilight mâcha son sandwich et plongea ses frites dans le ketchup, tentant tant bien que mal de faire fondre ses pensées comme la glace dans sa limonade.
Peut-être que je me fais des idées. Peut-être que je prends tout cela trop à cœur. Peut-être que Spike a raison. Big Macintosh a toujours été le frère d’Applejack sur qui on peut compter. Honnête, discret, gentil, serviable… Alors peut-être ne voulait-il tout simplement pas emprunter un de mes livres ? Tout le monde n’aime pas lire… Aussi étrange que ça puisse paraître…
Le monstre dans son ventre se calma. Son assiette était vide, dépourvue de la moindre trace de frites de foin ou de pétale de jonquilles. Le serveur arriva avec l’addition. Twilight sortit dix pièces et en ajouta deux, les déposant sur le ticket de caisse.
Avant qu’elle ne se mette en route, Twilight regarda autour d’elle. Une fois. Deux fois.
Elle était toujours seule de son côté.
J’imagine que je vais voir comment il va avant de partir.
Accroupie, Twilight écarta buissons et jeta un œil à travers les feuilles.
À sa table, Big Macintosh attendait toujours sa salade de pois chiches. Un verre d’eau devant lui, qu’il sirotait de temps en temps. Le plus intéressant était le journal qu’il tenait dans ses mains.
Il était toujours sur la même page.
Dix minutes ? Cet article doit être passionnant, j’imagine. Ou alor-
« Twilight ? Euh, qu’est-ce que tu fais ?
-Aaah ! » Twilight sursauta, manquant de tomber les quatre fers en l’air. Elle couvrit sa bouche avec un sabot et s’accroupie, espérant, non, priant pour que Big Macintosh ne l’ait ni vue ni entendue, ne l’ai ni vue ni entendue être si-
« Euh, tout va bien, Twi ? Qu’est-ce que tu fais, caché dans un buisson ?
-Sp-Spike ? »
Regardant au-dessus de son épaule, Twilight vit Spike se tenant debout, un cône de glace à la vanille entre ses griffes. Il roula ses yeux. « Oui, c’est moi. Et qui es-tu ? Miss Dingo ?
-Shhh ! » Elle porta son sabot sur ses lèvres, et quitta sa cachette, laissant des feuilles sur sa crinière. « Allez ! Partons avant qu’il nous voie ! »
Spike ne put que suivre. « Euh… okay… »
Sans autre mot, Spike suivit Twilight alors qu’elle le prit par le sabot, se déplaçant au petit trop hors du Horte Cuisine. Le dragon lécha sa glace en silence, le regard suspect. Twilight, les joues aussi rouges que le pelage de Big Macintosh, cherchait refuge en silence, attendant de rentrer à la librairie avant de parler à nouveau.
« Okay, bon, insista Twilight, en ouvrant la porte grâce à sa magie, ce n’est pas du tout ce que tu crois.
-Hum hum. » Spike entra, la langue enroulée autour de sa glace.
La porte fermée, Twilight protesta : « Je suis sérieuse, Spike ! Je ne le… fixais pas pour une mauvaise raison.
-Bien sûr.
-Tu vois, après que j’ai été voir Keen Sight, et qu’il m’a dit que Big Macintosh avait une excellente vision, j’ai eu faim et puis- »
Spike se tourna. « Attends. Keen Sight a dit qu’il n’avait pas besoin de lunettes ? »
Twilight hocha vigoureusement la tête. « Exactement ! Donc, j’avais faim, et j’ai choisi de déjeuner au restaurant, et alors que j’y étais, Big Macintosh y était aussi ! Il ne m’a pas vue, mais je pouvais l’entendre et… je pouvais le voir à travers les buissons », murmura-t-elle, le rouge lui piquant les joues.
Avant que Spike puisse répondre, Twilight poursuivit : « Et j’ai vu d’autre choses, Spike ! Il tenait le menu à l’envers, et a juste demandé le spécial. Une salade de pois chiches ! Tu connais un Apple qui mange des pois chiches ? C’est de la nourriture de la haute société ! Quelque chose que je mangeais à Canterlot, pas ici ! »
Oubliant sa glace, Spike se posa sur une étagère, se grattant le menton. « C’est… c’est un peu bizarre.
-Il avait un journal avec lui. Rien de plus normal, non ? Donc, j’ai continuée à manger. Dix minutes plus tard, je m’apprêtais à partir, mais j’ai pensé, ‘Heu, peut-être que je devrais voir comment il va avant que je parte’. Parce qu’il agissait bizarrement.
-Ouais…
-Il y a autre chose, Spike »
Twilight se mordit la lèvre, tendue avant de révéler la dernière pièce de cet étrange puzzle. Gênée après que Spike l’eut découverte dans une position embarrassante, elle avait négligé d’analyser cette information ; maintenant qu’elle avait un peu de temps pour y penser, elle commençait à avoir sa petite idée sur la question.
« Il… il était sur la même page du journal que dix minutes plus tôt. La même page. Je pouvais le dire car j’en lisais les gros titres… de là où j’étais. Je ne l’ai même pas vu bouger ses yeux à travers la page. »
Quelques gouttes de crème à la vanille tombèrent sur l’étagère, laissant une flaque collante sur le bois. Spike n’y prêta pas attention, et Twilight s’en fichait. Elle commença à tourner autour de la statue dorée au milieu de la librairie, encerclant l’emblème alors qu’un océan de doutes traversait son esprit.
« Maintenant… je… je ne veux pas tirer de conclusions hâtives, pensa Twilight à haute voix, secouant sa tête, mais… tout laisse à penser que… »
Elle ne put finir sa phrase.
Twilight, qui avait commencé à lire dès qu’elle savait parler, qui vivait dans une librairie, qui vivait et respirait les livres et des encyclopédies de connaissance et sagesse, ne pouvait dire ces quelques mots.
Spike ne le pouvait pas non plus, lui qui, même s’il n’avait pas été à l’école, était aussi un lecteur assidu, comme tout bon assistant d’une librairie et meilleur ami.
Finalement, quand son cône glacé n’était plus qu’un tas coulant de sucre, lait et vanille, Spike leva ses yeux et tomba sur ceux de Twilight, préoccupés et incrédules.
« Mais… comment ? »
Twilight arrêta de tourner, pour regarder ses sabots. « Je… je ne sais pas. Mais… si c’est vrai… je veux l’aider. C’est mon ami. »
Spike se leva hors de l’étagère. « Il est aussi mon ami. Je veux l’aider. »
Twilight secoua sa tête. « Non, Spike, je… je pense que c’est moi seule qui doit le voir. Ce sera du seul-à-seul. Je ne veux pas qu’il se sente jugé ou blessé.
-Je ne vais ni le juger ni le blesser ! » dit Spike en élevant la voix.
Twilight leva un sabot. « Je n’ai jamais dit que tu le ferais. C’est juste… au cas où ça ne se passerait pas bien, je ne veux pas te voir blessé. C’est… quelque chose de très privé, et Big Macintosh pourrait se mettre en colère. Tu te souviens combien il l’était quand les Chercheuses de Talent écrivaient toutes ces rumeurs dans La Gazette du Poulain. Si j’ai raison, eh bien… il sera encore plus en colère. »
Spike leva sa griffe, puis l’abaissa. « Eh bien… » En se balançant sur son pied, il soupira, puis dit : « D’accord. Juste… ne me laisse pas en dehors de ça, okay ? » Il sourcilla. « S'il a vraiment besoin d’aide, je veux l’aider de quelque sorte. »
Twilight se blottit contre sa joue. « Bien sûr, Spike, dit-elle en lui donnant un sourire chaleureux. Je te promets que je le ferai. »
Avec un même sourire en réponse, Spike lui fit un câlin. Quelques gouttes de vanille perlèrent sur sa crinière. Twilight Sparkle le remarqua, mais n’y fit pas attention.
Le lait renversé était la dernière chose dont elle se souciait.
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Le crépuscule était proche lorsque Twilight quitta la librairie pour la troisième fois de la journée. Comme hier, elle avait une paire de sacoches sur son dos.
Cette fois, il n’y avait qu’un seul livre à l’intérieur. Twilight espérait ne pas avoir à s’en servir.
La place du marché se vidait peu à peu. Carrot Top et son stand avait levé le camp depuis longtemps. Les portes de Horte Cuisine étaient fermées pour la soirée. Les lampadaires étaient allumés à la main par les allumeurs de réverbères.
Le jour n’avait pas encore laissé place à la nuit, et elle en était reconnaissante. Un poney de ferme avait encore une heure de travail devant lui avant que le ciel ne s’obscurcisse et que le travail touche à sa fin.
Twilight se hâta.
Alors qu’elle approchait de la Ferme de la Douce Pomme, elle se prépara mentalement à la rencontre qui allait suivre. Twilight était une jument sensée, qui raisonnait beaucoup ; elle n’irait jamais se confronter à ce genre de situation sans une bonne raison. Les faits présentés en étaient une très bonne.
Et une tragique.
J’espère qu’il me laissera une chance…
Arrivée au sommet de la plus haute colline de la ferme, Twilight regarda en bas pour trouver une figure familière. Cette fois, il naviguait de pommier en pommier, vérifiant les branches, bougeant les lèvres comme s’il comptait leurs pétales.
Un vrai poney de ferme était habitué aux méthodes et sciences qu’aucun livre ne pouvait expliquer.
Avalant la boule dans sa gorge, Twilight prit une dernière inspiration. Puis, elle descendit la colline, et se fit voir de l’étalon.
« Salut, Big Macintosh ! »
L’étalon se tourna, ses muscles tendus, comme si le visiteur était un intrus plus qu’un invité. Son expression s’adoucit, un gentil sourire parcourant son museau. « Bien le bonjour encore, miss Twilight. Il faudrait qu’on arrête de se voir comme ça. »
Twilight retint un gloussement alors qu’elle s’approchait du pommier. « Hé, hé, oui…
-Y’a queq’chose que j’peux faire pour vous aider ? »
Elle était encore là – la boule dans sa gorge.
Twilight toussa et se gratta la nuque. Bien qu’elle ne soit pas une Apple, elle mentait aussi mal que l’un d’entre eux. « Euh… non. En fait, je… j’allais te demander la même chose. »
Big Macintosh baissa la tête. « Qu’est-ce que vous voulez dire, miss Twilight ? Tout va bien, je vais bien. Un peu fatigué, admit-il, étirant ses jambes, mais rien que je ne puisse pas supporter.
-Non… ce n’est pas ce que je voulais dire. »
Le cœur de Twilight battait à pleine vitesse contre sa cage thoracique, la voix du doute plus présente que jamais. Avoir juste dans sa prédiction serait encore plus terrible que d’avoir tort. Peut-être pour la première fois dans sa jeune vie, Twilight Sparkle voulait avoir tort, et avoir tort maintenant.
L’étalon recula d’un pas, comme s’il sentait son tourment et ce qui se trouvait dans ses sacoches. « Miss Twilight… est-ce… est-ce c’est à propos d’hier ? »
Hier. Il dit ce dernier mot tel un poulain apeuré, comme si c’était le fantôme dans le grenier ou le monstre sous le lit.
Twilight acquiesça. Elle utilisa sa magie pour retirer les sacoches de son dos, puis les ouvrit.
« Big Macintosh… je… je pense… qu’il y a quelque chose que je peux faire pour t’aider. »
Des simples mots.
« Il… n’y a pas de honte à avoir besoin d’aide, tu vois, s’agita Twilight. On a tous des choses qui nécessitent de l’aide. Il y a des choses que je ne peux pas faire moi-même, comme patiner, utiliser un chasse-neige, ou… d’autres choses. »
Ses grands yeux verts se fixèrent dans les siens, ses pupilles se dilatèrent, comme si elle était un prédateur, un ennemi. L’étalon aux yeux de griffon était figé sous le pommier, incapable de parler.
Avec une dernière inspiration, Twilight lévita le livre de sa sacoche.
« Je… je pense que tu as besoin d’aide, Big Macintosh, et… je veux pouvoir t’aider. »
Twilight leva le livre à hauteur de Big Macintosh.
Il ne pouvait pas le lire, mais elle, oui :
Vaincre l’Analphabétisme des Adultes
Les lèvres de Big Macintosh tremblèrent. « Tw… Twilight… »
Twilight sourit. « C’est bon. Tu n’es pas une mauvaise personne, Big Macintosh. Tu as juste… manqué quelques choses ici et là. Et je… je veux t’aider. »
Il ouvrit et ferma sa bouche, sans un mot.
« On peut avoir des cours à la librairie. Personne ne doit le savoir. Je pense, que d’ici quelques semaines, on pourrait- »
« NON ! »
Un simple mot.
Les yeux de Big Macintosh se remplirent de rage, aussi rouge que son pelage. Il recula de Twilight comme si elle lui avait craché dessus, comme si elle avait insultée sa mère, comme si elle lui avait dit que le monde allait s’écrouler, il aboya encore : « NON ! Je ! Je ne suis- NON ! »
À ce moment, Twilight comprit combien il était grand, combien il était fort, et combien il pouvait être terrifiant lorsqu’il était en colère.
Dans une position de défense, Twilight dit, aussi calmement que possible malgré sa peur : « Big Macintosh, s’il te plaît. Je veux juste te- »
Big Macintosh, les quatre sabots tels une locomotive, tourna la queue et courut, courut loin du soleil, de Twilight et du livre.
« Big Macintosh ! Attends ! »
Il leva un nuage de poussière dans sa course, la faisant tousser et tomber le livre. Il atterrit avec un bruit sourd sur le chemin et regardait droit vers elle lorsque la poussière retomba.
Big Macintosh était invisible.
Twilight baissa la tête. « C’est ce que je craignais… »
Après avoir remis le livre dans sa sacoche, elle se dirigea vers la ferme.
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« J’arrive ! J’arrive ! »
L’attente entre les mots d’Applejack et l’apparition de son visage derrière la porte semblait plus éternelle que Tartarus lui-même.
« Salut, Twi ! Qu’est-ce qui t’amène ici ? Et pourquoi t’as l’air si poussiéreuse ?
-Applejack, est-ce que je peux entrer ? »
Applejack ouvrit la porte et la laissa entrer.
Lorsque ses sabots rencontrèrent le sol du salon de la famille Apple, Twilight déposa ses sacoches et les mit près de la porte. Un feu brûlait dans la cheminée. Apple Bloom était elle aussi invisible, pas plus que Big Macintosh.
Il y avait Granny Smith, assise dans son rocking-chair préféré, portant un bandana orange et rouge. « Bonjour, étranger ! Ça fait longtemps que je n’t’ai pas vue.
-Elle est venue hier, Granny, tu te souviens ? gloussa Applejack. Avec les livres, ceux que tu voulais ?
-Aw, c’est vrai ! Granny Smith frappa son flanc et rit. Viens ici, p’tite ! Je devrais te donner un câlin pour t’avoir amené tous ces livres ! »
Twlight grimaça, penaude. « Euh… ça va. Euh, vous avez vu Big Macintosh dans le coin ?
-Ben, j’peux pas dire que j’l’ai pas vu, répondit Granny, étirant ses jambes et baillant. J’ai dormi depuis que je suis ici, ma p’tite.
-Oh, désolée.
-T’inquiètes pas pour ça, Twi, dit Applejack, en tapotant sur son épaule. Granny dort dix-huit heures par jour de toute façon. Quelques minutes en plus ou en moins ne changeront pas grand-chose. »
Granny Smith fusilla du regard sa petite-fille. « Ne joue pas l’effrontée, miss ! C’est seize ! »
Applejack agita un sabot. « Ouais, peu importe. »
Pointant Twilight du sabot, Granny répliqua : « Peut-être que j’devrais la prendre à ta place, Applejack ! Au moins elle a d’bonnes manières ! »
Alors que les deux juments de la famille Apple rirent de plus belle, Twilight pouvait seulement attendre, se réprimandant mentalement pour avoir posé un simple sabot dans cette ferme aujourd’hui. Lorsqu’elle ouvrirait sa bouche, le rire deviendrait silence, puis de la colère.
Ce serait bien le dernier moment où Granny Smith aurait l’idée de l’adopter.
Alors que leur rire diminua, Granny Smith se tourna vers Twilight. « Alors Twilight, pourquoi tu l’cherches ? Est-ce que j’entends les cloches des mariés ?
-Non, dit Twilight, qui rougissait. Je… je pense l’avoir contrarié. »
Applejack sourcilla. « Le contrarier ? Comment ? »
Twilight prit un siège. « Euh… c’est… c’est une longue histoire, vraiment. »
Soupçonneuse, Applejack prit également un siège à côté d’elle. « Euh… d’accord. Eh bien… pourquoi ne commences-tu pas par le commencement, alors ?
-Tu te souviens quand, hier, il ne voulait pas prendre le livre que je lui avais apporté, et il semblait plutôt… confus, j’imagine ? Et en colère ? Et même… effrayé ? »
Lentement, les deux Apple se fixèrent des yeux.
Twilight avala la boule dans sa gorge.
« Et Applejack t’a dit de le laisser tranquille, répondit Granny Smith, regardant droit dans les yeux de Twilight. Mais tu ne l’as pas fait, c’est ça, ma p’tite ?
-Non, m’dame.
-Tu es futée, dit Granny Smith, alors, j’imagine que tu as deviné. »
Applejack continuait à la fixer du regard.
Twilight hocha la tête.
S’affaissant dans son siège, Granny Smith soupira.
Twilight regarda ses sabots. « Je… je suis désolée… je ne voulais soulever ce problème. » Elle rencontra le regard de l’aînée des Apple. « Je voulais juste l’aider.
-Tu ne crois pas qu’on a essayé de faire ça il y a des années, mon p’tit sucre ? » Le surnom sortit de la langue d’Applejack d’un ton plus sec que doux.
Twilight leva son sabot. « J’y… j’y ai pensé, mais peut-être… qu’il est… têtu ? »
Granny Smith rit encore. Celui-ci semblait dépourvu de joie. « Il y a plus que de l’entêtement, ma chère.
-Je ne voulais pas soulever le problème », insista Twilight.
Granny Smith se releva. « Eh bien, comme tu connais quelque chose que seuls les poneys dans cette pièce connaissent, autant que je te raconte toute l’histoire. Peut-être que tu comprendras pourquoi il n’a pas été aussi gentil lorsque tu lui as proposé ton aide. »
Chancelante, la culpabilité coincée dans sa poitrine, Twilight leva ses deux sabots. « Je suis vraiment dé- »
Granny Smith la stoppa. « Rien de tout ça, Twilight. » Son expression s’adoucit un peu. « Je sais que tu voulais bien faire. Mais maintenant que le lapin est sorti du chapeau, autant tout te dire… »
Twilight choisit de ne pas répondre et hocha simplement la tête.
Applejack et Granny Smith, leurs quatre yeux fixés sur elle, laissèrent le lourd silence s’installer. Puis la plus âgée des deux se racla la gorge, pris une grande inspiration, et commença son récit.
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« … et après le grand dégel, les deux princesses alicornes vécurent heureuses jusqu’à la fin des temps. Fin. »
Granny Smith ferma le livre de contes et regarda ses deux petits-enfants, qui avaient écouté son histoire avec les yeux et oreilles grandes ouvertes. Le petit Macintosh, sept ans, et la petite Applejack, quatre ans, serraient très forts leurs jouets préférés en écoutant leur grand-mère préférée lire leur livre préféré. Leurs jouets préférés étaient des peluches, en forme de pommes.
« Encore ! Encore ! s’exclama Applejack, en tapant ses sabots ensemble.
-Non, ma p’tite, rit Granny Smith, en caressant sa crinière, il est tard. C’est l’heure du dodo.
-J’ai toujours aimé cette histoire, dit Macintosh, serrant fort sa peluche. À part le prince. Il est méchant.
-Tout le monde déteste le prince, s’accorda Granny Smith. À part les fous. Hé, hé. »
Applejack roula sur son dos et faisant tournoyer l’un des longues couettes blanches de sa grand-mère. « Mais Graaaany ! J’suis pas fatiguée ! »
Granny Smith caressa sa crinière une nouvelle fois, et la fit glousser. « Peu importe ! Il faut que vous soyez en forme tôt demain matin pour aider votre maman et votre papa avec les pommiers ! Ça sera drôle ! »
La pouliche frappa ses sabots ensemble, cette fois de joie. « Oui ! Maman et Papa et les pommiers ! »
Macintosh gloussait dans son sabot. Sa petite sœur n’échouait jamais à le faire rire. En tant que grand frère, il était responsable d’elle, comme de l’enfant qui grandissait dans le ventre de sa mère. Il serait doublement un grand frère bientôt.
Macintosh adorait les histoires. Que ce soit avec Granny Smith, sa mère, ou son père, il adorait entendre une bonne histoire. Des histoires sur des gardes royaux courageux et des courageuses princesses alicornes. Des histoires avec des dragons cracheurs de feu et des hydres à trois têtes. Des histoires avec des poulains comme lui, et des pouliches comme Applejack. Et il adorait chacune de ces histoires. Il ne savait pas encore lire, mais il savait qu’il en serait bientôt capable.
Pour le moment, Granny Smith se leva hors du lit qu’il partageait avec sa petite sœur à la ferme. Granny Smith qui lui souriait, comme elle le faisait toujours – un doux et chaleureux sourire qui le rendait toujours heureux, peu importe comment se passait sa journée. Elle leur sourit, et déposa un bisou sur leurs fronts – ce qui était un peu dégoûtant, mais bien – et les borda.
« Bonne nuit, Applejack, Macintosh », dit Granny après avoir remonté les couvertures.
Applejack bailla et se blottit dans le lit. « Bonne nuit, Granny. »
Macintosh tenta de cacher son bâillement, mais celui-ci prit le dessus. « Bonne nuit, Granny. »
Granny Smith lui sourit, puis éteignit la lampe sur la table de chevet. Elle trotta hors de la pièce, ses pas le rendant somnolent.
Il s’endormit peu après.
Macintosh adorait les histoires.
Macintosh ne voulait pas que les histoires s’arrêtent.
Mais il le fallait.
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La grange était son sanctuaire.
Les grandes portes rouges et blanches s’ouvraient sans peine, lui permettant d’accéder à ses sommets sacrés. Des ballots de foin l’encerclaient, alors qu’il traçait sa voie jusqu’au vrai centre de son refuge.
L’échelle.
Big Macintosh ne se souvenait pas vraiment comment tout cela avait commencé. Peut-être après que Papa était décédé. Peut-être avant. Peut-être entre les deux.
Papa était mort le jour avant, d’une façon que seul comprenait Big Macintosh. D’une certaine manière, il était condamné à le comprendre, si jeune, si intelligent et si naïf.
L’amas de foin, de vieux outils et de charrettes était silencieux, saluant le seul occupant. L’échelle grinçait un peu lorsqu’il la grimpait, mais elle faisait le poids.
Lorsque ses sabots trouvèrent le sol du grenier à foin, Big Macintosh fit un dernier effort pour grimper. C’était facile, comme beaucoup de choses, mais aussi difficile.
Ici, encore plus de foin l’accueillait. Le dieu de silence le recevait, et il priait avec des choses qui ne pouvaient pas aller parler dans son dos.
Au début, Big Macintosh se souvint, il pleurait beaucoup lorsqu’il venait ici. D’abord, lorsque l’école commençait à devenir… difficile. C’était compliqué de se concentrer sur des maths bizarres et des sonorités confuses quand rien de tout cela n’était important, quand rien de tout cela ne comptait le moins du monde.
C’était dur de se concentrer quand il n’y avait que des grandes choses, trop grandes, tout autour de lui. Et la plus grande de ces choses était partie.
Alors que Big Macintosh s’étirait dans le foin, il pensa aux mots de Twilight, au livre.
Le livre aurait pu être écrit en vieux Equestrian pour ce qu’il savait. Tout ce qu’il savait, c’est que Twilight savait.
Personne ne le savait. Caramel ne le savait pas. Carrot Top ne le savait pas. Apple Bloom ne le savait pas… encore. C’était facile pour lui de ne pas l’aider à faire ses devoirs, de prétendre lire les cartes qu’elle lui faisait pour son anniversaire et pour la fête du solstice d’été, agir comme si tout était normal.
Bientôt, elle comprendrait, Applejack ou Granny Smith lui dirait, ou elle lirait entre les lignes.
Et il y aurait cette douleur, cette honte, une fois de plus.
Mais c’était pour le mieux.
C’était ce qu’il s’était dit, il y a longtemps, dans ce grenier à foin.
C’était pour le mieux.
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« Granny ? »
Le petit Macintosh frappa à la porte de la chambre de Granny Smith.
Elle ne répondait pas.
Il colla son oreille à la porte.
Il pouvait l’entendre pleurer.
Cela faisait six jours. Presque une semaine.
Le petit Macintosh ne comprenait pas vraiment. Il comprenait, mais pas entièrement.
Un moment, Maman et Papa étaient allés à l’hôpital pour avoir leur petit frère ou sœur. Lui et Applejack étaient là. Ils étaient dans la salle d’attente.
Ce qu’il savait ensuite, c’est que l’étalon en blouse sortit de la pièce où était Maman, et il prit Papa dans une autre pièce pour parler.
Après ça, Papa criait, criait très fort, plus que lorsque son cousin Braeburn avait amené ce serpent à sonnettes avec lui d’Appleloosa. Plus fort que lorsque les branche-loups avaient envahi le verger. Il avait crié très très fort.
Et il avait beaucoup crié, lui aussi.
Maman n’était pas sortie de la pièce.
Il y eut des funérailles. Tout le monde pleurait. Même Granny Smith et Applejack.
Mais pas Macintosh. Il devait être fort pour la famille, parce que Papa pleurait aussi. Les poulains et étalons n’étaient pas censés pleurer.
Il y eut un moment durant ces funérailles où chacun pouvait dire les mots qu’il voulait. Le prêtre, Monsieur Waddle, en fit la demande et quelques poneys prirent la parole. Ils parlèrent de Maman. Ils l’appelaient leur Soleil.
Macintosh voulait dire quelque chose, mais il ne le fit pas. C’était mieux de ne rien dire.
Quelques semaines plus tard, Papa était toujours très triste après les funérailles. Très, très triste.
Puis, un jour, Applejack le trouva dans la grange. Il était parti rejoindre Maman.
Granny Smith ne lui avait pas dit ce qui s’était passé, juste qu’il était parti pour être avec Maman, quelle que soit la raison.
S’il y en avait une.
Maintenant, il était ici, frappant à la porte de la chambre de Granny Smith.
Elle ne répondait pas, et ne sortait pas.
Ça faisait six jours maintenant.
Sa nouvelle petite sœur, Apple Bloom, criait. Applejack était… quelque part. Il ne savait pas. Ils avaient tous faim.
Mais Granny ne voulait pas sortir.
Alors, après quelques minutes, Macintosh savait ce qu’il avait à faire.
Il alla dans la cuisine et sortit un gallon de lait du frigo. Il prit un des biberons d’Apple Bloom et le remplit de lait. Les vaches étaient gentilles de lui donner leur lait.
Macintosh porta le biberon jusqu’au landau de sa petite sœur. Il porta le biberon dans sa bouche. Il ne connaissait pas la magie des poneys terrestres, alors il ne savait pas très bien utiliser ses pattes avant. C’était difficile.
« Ne pleure pas, Apple Bloom », dit-il en amenant le biberon. « Je suis là. »
La petite pouliche pleurait, parce qu’elle avait faim.
Aussi doucement que possible, Macintosh se baissa et guida le biberon jusqu’à sa bouche. La pouliche cesse de pleurer et commença à boire.
Pendant quelques instants, le silence se fit, et c’était bien. Macintosh regarda sa petite sœur et sourit.
« Je t’aime, Apple Bloom. »
Il le pensait vraiment. Il ferait n’importe quoi pour elle, et pour Applejack.
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« … c’était… ce qu’a dit le docteur. Quasi-catatonique, voilà, toussa Granny Smith. Perdre ma belle-fille, puis mon fils, dans un court laps de temps ? Je ne pouvais pas le supporter, je ne pouvais pas. »
Applejack retira lentement son Stetson. Évitant les yeux de Twilight, elle regardait le sol.
Twilight n’avait pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle pleurait. Elle pleurait, elle aussi.
Elle voulait l’étreindre, mais sentait qu’elle n’en avait pas le droit. Pas maintenant.
« Tout s’est arrêté. Je ne pouvais plus manger, plus dormir. Je pleurais. Pense à la plus grande douleur que tu aies connue, mentale ou physique, mets-les ensemble, multiplie par cent. C’est comme ça que j’étais. » Granny Smith s’éclaircit la voix pour la sixième fois. « Mon monde s’est écroulé. Tout ce que je connaissais, ou espérait, était parti. Tout ça à cause d’un simple accident, et un autre qui… »
Granny Smith fit une pause, se mordit les lèvres. « Un autre qui a pris la voie la plus simple. Mon fils. Mon fils qui a abandonné ses enfants. Et… et, pendant longtemps, je n’ai pas pu prendre soin d’eux, non plus. »
Le silence, aussi lourd que deux pierres tombales.
Twilight se sécha les yeux. Applejack également.
« Alors, tu vois, continua Granny Smith, je pense que ce qui est arrivé, c’est que Macintosh… comme il était l’aîné, il… il pensait que c’était à lui de prendre ses responsabilités. Et nom d’une pomme, pour être honnête… s’il n’avait pas été là… je ne sais pas ce qui aurait pu se passer.
Il a commencé par des choses simples. Je pense. Je ne sais pas vraiment. Tout c’que j’ai vu pendant un long moment, c’était le mur de la chambre. Peu importe… ça a commencé par Macintosh qui préparait les repas. Nourrissait Apple Bloom. Faisait les lessives. Ce genre de choses.
Puis… il a arrêté d’aller à l’école. C’était proche de la fin de… mon état. Il a arrêté d’aller à l’école, et faisant toutes les corvées dans la ferme. Récolter les pommes. Semer. Nourrir les cochons, les poulets. Réparer du mieux qu’il pouvait avec ses petits sabots. Je le sais car il me le disait à travers la porte… Il pensait que j’écoutais mais j’étais…
Quand j’en suis sortie… j’ai essayé de le faire retourner à l’école. J’ai fait du mieux que j’ai pu. L’amener là-bas ? Il rentrait à la maison. Il disait des choses comme, ‘Je dois t’aider, Granny. Je dois prendre soin de tout le monde maintenant que Papa est parti’, ou quelque chose dans le genre. Et je n’ai rien pu y faire. Ses professeurs ont essayé, et le principal. Mais personne ne pouvait le garder à l’école.
Un an plus tard… j’imagine que j’avais fait tout ce que je pouvais, et j’ai abandonné. Je lui ai dit, ‘Bien, tu ne veux pas aller à l’école, Macintosh ? D’accord ! Tu n’as pas besoin d’y aller !’ Et voilà… »
Granny Smith regarda ailleurs. « C’est la plus grande erreur de ma vie. »
Quand le silence se fit à nouveau, seule Twilight trotta pour enlacer Applejack.
Et Applejack fit de même, la serrant autant que possible.
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Quelquefois, lorsque Big Macintosh se trouvait dans cette grange silencieuse, il entendait la voix de son père.
« Tu prends bien soin de tes sœurs, d’accord, fiston ? Tu me le promets ? »
Big Macintosh avait promis.
Il était un étalon de parole.
Applejack, maintenant une jument, était beaucoup plus efficace qu’il ne le serait jamais. Intelligente, forte, serviable, et un des éléments d’équilibre. Big Macintosh avait aidé à élever une pouliche qui avait libéré Luna de la Lune et mis Discord dans une prison de pierre.
Papa aurait été fier.
« Je t’aime, Macintosh. Rends-moi fier, fiston. »
Big Macintosh ferma ses yeux. « Je te rendrai toujours fier, Papa. »
Une simple larme coula le long de sa joue.
Personne n’était là pour le juger.
Il s’allongea dans le grenier à foin pendant quelques secondes, minutes, heures. L’éternité. Big Macintosh pensait à tout et à rien.
Parfois, il pensait à Applejack et Apple Bloom. Parfois, il pensait à Maman et Papa. Combien sa mère était belle et tendre et combien son père était fort et honnête. Il adorait penser à sa famille.
Parfois, il pensait aux histoires qu’on lui racontait, et le livre sur les princesses alicornes. Il aimait beaucoup celle-là. C’était une vraie histoire d’amour. Elle disait que l’amour véritable, c’était de faire passer les autres avant soi.
Big Macintosh se sentait seul parfois, mais il connaissait l’amour véritable.
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Twilight prit ses sacoches, et étreignit Applejack une dernière fois. Elle enlaça Granny Smith, aussi.
« Juste une fois, ma p’tite, murmura Granny dans son oreille. Juste une dernière fois, et après ça, je veux que tu le laisses tranquille à propos de ça. Tu comprends ? »
Twilight acuiesça.
Les deux juments Apple lui firent un signe d’au revoir. Twilight les salua à son tour.
Twilight trotta hors de la maison. Vers la grange, Applejack lui avait dit qu’il serait là.
Quand elle arriva devant les grandes portes rouges et blanches, Twilight hésita à toquer.
Sachant que la porte ne s’ouvrirait pas d’elle-même, Twilight choisit d’y entrer.
« Big Macintosh ? »
Et là, depuis le grenier à foin, une voix de baryton se fit entendre.
« Là-haut. »
Twilight regarda l’échelle, puis le grenier à foin. Elle n’avait pas très envie de grimper, mais elle ferait n’importe quoi pour un ami.
Big Macintosh, ses joues couvertes de larmes, ses yeux verts tachetés de rouge, se mit sur son ventre et regarda vers elle.
« B’jour, Miss Twilight.
-Bonjour, Big Macintosh. »
Silence à nouveau.
Lentement, Twilight trotta vers lui, puis s’assit sur ses hanches alors qu’il était tout près de lui.
« Applejack et Granny Smith m’ont dit ce qui est arrivé. Quand tu… quand tu étais petit. »
Big Macintosh écrasa une larme.
« J’avais deviné. »
Twilight se mordit la lèvre.
« Je suis désolée. »
Big Macintosh feignit un rire.
« Ne le soyez pas. Ce n’est pas de votre faute. »
Twilight soupira.
« Je sais. »
Le silence à nouveau.
Twilight posa les sacoches et les ouvrit avec sa magie.
Twilight déposa le livre à côté de lui.
« Ce livre est pour apprendre aux poneys adultes à lire. »
Big Macintosh hocha la tête.
« Je veux… je veux que tu y penses.
-Mais Miss-
-S’il te plaît, laisse-moi terminer. »
Big Macintosh hocha à nouveau la tête.
« Je sais que tu as honte de ça. Je peux le comprendre. Mais il n’est jamais trop tard pour apprendre. Jamais. »
Twilight sourit.
« C’était très courageux de faire ce que tu as fait, Big Macintosh. Et… je sais que tu te sens responsable, pour tout ce qui est arrivé. C’est ce que ressentent les poulains lorsque… lorsque ce genre de choses arrivent. Tu as été courageux d’avoir été si mature et pour avoir pris soin de toi. C’est comme si tu avais grandi trop vite. Et ce n’est pas juste. »
Big Macintosh se mordit la lèvre.
Twilight poussa du coude le livre.
« Je ne peux pas te rendre ton enfance, mais je peux t’apprendre à lire, si tu veux. Tu n’as pas besoin de lire ce que tu ne veux pas lire. Je peux t’apprendre à lire les pancartes au marché et le journal. Je peux t’apprendre à lire les plans et les devoirs d’Apple Bloom. Je peux t’apprendre à lire les livres sur le travail du bois ou Casse-Cou ou tout ce que tu veux. Mais seulement si tu le veux vraiment. D’accord ? »
Les yeux verts de Big Macintosh rencontrèrent les siens.
« D’accord, Miss Twilight. »
Twilight sourit une dernière fois.
Elle voulait l’étreindre, mais elle pensait ne pas en avoir le droit.
Il était plus grand qu’elle, de beaucoup de manières.
« Tu peux venir à la librairie quand tu veux.
-Merci, Miss Twilight.
-Je… je vais y aller.
-D’accord, Miss Twilight. Rentrez bien.
-Merci. Bonne… bonne nuit, Big Macintosh.
-Bonne nuit, Miss Twilight. »
Comment il avait grimpé l’échelle autant de fois, année après année, était au-delà du raisonnable.
Twilight quitta la grange et la Ferme de la Douce Pomme, trottant sous le ciel étoilé.
Elle détestait avoir raison.
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« Je t’aime, Macintosh. Rends-moi fier, fiston. »
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« Spike, où est mon exemplaire de L’Histoire Complète de Griffonia ? Je l’ai presque fini.
-Ici ! appela Spike, en tendant le lourd livre.
-Ah, super ! dit Twilight depuis la cuisine, qui faisait du thé. Tu peux le laisser avec les autres livres que je dois lire ? »
Spike regarda la pile géante devant la statue dorée de la librairie. « Euh… d’accord. »
Quand il partit prendre un escabeau, un coup se fit entendre à la porte.
Twilight tourna la tête hors de la cuisine. « J’y vais ! »
En quelques pas, elle se trouvait devant la porte. Cela faisait quelques semaines qu’elle livrait les livres aux fermiers, et elle était heureuse de voir que la plupart d’entre eux aimaient les livres qu’elle leur avait amenés.
Twilight ouvrit la porte avec sa magie. « Bonj- »
Big Macintosh se tenait à l’entrée.
« -Oh, sourit Twilight. B-bonjour, Big Macintosh.
-B’jour, Miss Twilight. Puis-je entrer ? »
Big Macintosh avait une paire de sacoches sur son dos.
« Bien sûr. »
Twilight le laissa entrer, puis ferma la porte derrière lui. « Comment vas-tu ?
-Ça va. »
Big Macintosh déposa ses sacoches et en sortit le livre.
« Oh… », Twilight réfréna son envie de se froncer les sourcils. Elle reprit le livre avec sa magie. « Merci, Big Macintosh. Je vais le remettre en place. »
Twilight commença à faire léviter le livre jusqu’à son emplacement.
« Attends. »
Big Macintosh leva un sabot.
Twilight le regarda.
Big Macintosh s’éclaircit la gorge.
« Je… je… j’apprécierais vraiment si vous… vous pouviez… m’apprendre à lire. »
Le sourire de Twilight s’élargit alors qu’elle fit léviter le livre vers elle.
« Je pensais que tu ne me le demanderais jamais. »
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mais ce qui ma fait surtout tiquer c'est quand il est fait référence à Applejack en tan que futur Wonderbolt. (bon après peut-être que les Wonderbolt on décider que savoir volé n'était plus indispensable pour les rejoindre,mais pour les acrobatie aérienne Applejack risque d'être un peut à la traîne :)
sinon bonne lecture agréable rapide comme le disait black la fic était assez prévisible mais pas déplaisante pour autan