Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

Aimer d'un amour fou.

Une fiction écrite par lnomsim.

Aimer d'un Amour fou

Aimer d'un amour fou

C'était une belle nuit qui s'annonçait. Les plaines et montagnes d'Equestria sombraient lentement sous la couverture bleue du ciel étoilé, leurs ombres s'étendaient à perte de vue jusqu'à couvrir entièrement le paysage. Il ne restait plus pour éclairer les quelques poneys encore éveillés que la lumière de leurs chaumières, ou les étoiles hautes dans le ciel.

Cette nuit, il n'y avait aucun nuage et la lune rayonnait comme son frère maintenant endormi. Le sourire aux lèvres, Luna contemplait son œuvre, ajustant par moment quelques astres mal placés dans les constellations. Elle imaginait parfois que ces dernières la remerciaient pour la beauté qu'elle leur offrait, et cela lui réchauffait le cœur.

"Bonne nuit Luna, lui souhaita Celestia avec un bâillement.

-Bonne nuit Tia." lui répondit-elle en prenant sa suite dans l'entrée du palais.

Ce serait aussi une nuit calme, il ne se passait pas grand chose en Equestria ces derniers temps. Cela lui laisserait tout le loisir d'accompagner ses sujets dans leurs rêves et les protéger de leurs songes les plus sombres.

Après un déjeuner léger dans la grande salle à manger, elle remercia les serviteurs et se dirigea vers ses quartiers. Là, elle entreprit de terminer sa toilette et se dirigea enfin vers le tapis déployé au pied de son lit à baldaquin. C'était une étoffe qui lui était chère, elle l'avait tissée elle même, après avoir réussi à mener la nuit pour sa première fois. Il était d'un bleu plus sombre que son pelage, et couvert de différentes nuances de violets pour représenter le firmament ténébreux, parsemé de plusieurs boules blanches et jaunes.

Luna s'assit dessus, croisant ses jambes sous son postérieur et ses sabots avant sur chacune d'entre elles. Elle ferma les yeux et prit de grandes inspirations. Son esprit commençait à quitter son corps pour aller vagabonder dans le monde des songes, jamais elle ne se lasserait de cette sensation. Un sentiment de légèreté, proche de l’euphorie, l’envahissait à l'idée de pouvoir franchir des barrières dont elle était la seule à connaître l'existence. La possibilité de partager l'intimité de tous ces poneys endormis l'enivrait. Elle lâcha un soupir d'extase et s'abandonna au monde des rêves, prête à effleurer le premier d'entre eux-

« Devine qui c'est ? demanda une voix masculine amusée, probablement propriétaire de la patte coussineuse et de la serre qui couvraient ses yeux fermés.

-Discord, je n'ai pas le temps, lui répondit la princesse ennuyée en repoussant le draconequus d'un revers de la patte. Tu ne vois pas que je travaille ?

-Non, pas vraiment ma chère, tu es juste assise sur une carpette les yeux fermés. Celestia fait la même chose dans son lit, et elle est en charge du jour.

-Cette... carpette ? demanda Luna, les yeux furieusement plissés à l'attention du nouvel occupant impromptu. Je te ferai savoir que j'ai mis des années à tisser ce tapis de méditation, et que si j'ai les yeux fermés c'est pour accompagner mes sujets dans leurs rêves. Car oui, contrairement à toi, j'ai des responsabilités.

-Plutôt les épier tu veux dire, répondit Discord en frottant nonchalamment sa serre sur son torse. Même moi j'ai la décence de respecter ce niveau d'intimité, et je n'ai pas besoin de faire semblant de travailler pour dormir. Ou le contraire.

-Tu ne travailles même pas.

-Exactement ! dit-il dans une pose grande et fière.

-Qu'est-ce que tu veux ? lui demanda Luna en se passant un sabot sur la figure. Fais vite, je commence à perdre patience...

-La patience n'a pas toujours été la meilleure de tes vertus ma petite Luna, dit Discord, s'approchant de la princesse bleue.

-Si tu ne me dis pas pourquoi tu viens me déranger pendant mon service dans moins de trois secondes, je te ferai découvrir qu'il existe bien pires sorts que d'être prisonnier dans la pierre pendant des millénaires. Alors parle ou va-t-en, grogna-t-elle avant de reprendre sa position pour tenter d'entrer de nouveau en méditation.

-Pourquoi tant de haine ? J'ai seulement vu ce magnifique ciel étoilé et me suis dit qu'il n'y aurait pas meilleur divertissement que s'asseoir pour en profiter avec la beauté qui l'a créé. » dit Discord, sa patte de lion passée autour du cou de Luna, tout en montrant le ciel de l'autre. L'action ne fut pas difficile puisque les deux se retrouvèrent alors sur la coupole de la tour, toujours assis sur le doux tapis bleu.

« Quoi ?! S’exclama Luna en repoussant le draconequus. Est-ce que tu essayes de me faire des avances ?

-Peut être ? demanda-t-il les yeux plissés et frottant ses pattes avant.

-J’ai des choses plus importantes à faire que jouer à tes jeux, va embêter quelqu’un d’autre. J’ai une nuit à surveiller. » Luna se leva et déploya ses ailes. Dans un battement, elle prit la direction de sa chambre, le tapis enroulé dans son aura à sa suite.

Verrouillant la porte de son balcon, elle déplia le tapis à côté du lit et reprit sa position. Faisant le vide dans son esprit, elle tenta d’oublier l’intervention du trublion. Elle sentait de nouveau son esprit quitter son corps. La chambre disparut peu à peu pour laisser place à une vaste étendue vide de toute chose. Un soupir s’échappa de ses lèvres lorsqu’elle atteignit enfin le néant, il ne lui restait plus qu’à s’ouvrir pour laisser la lumière et le chant des songes l’atteindre. Il ne lui resterait plus alors qu’à choisir les rêves les plus tourmentés pour leur prêter secours. Avec un peu de chance, cette nuit il n’y aurait que des rêves plaisants-

« Tu devrais vraiment revoir tes manières, c’était très impoli tu sais ? La voix la sortit immédiatement des ténèbres. Elle se retrouva brusquement dans sa chambre en face de Discord, tranquillement adossé à l’un des montants de son lit. Tu aurais au moins pu me donner une réponse.

-Non, grogna Luna. Maintenant pars avant que je ne t’expédie je ne sais où. J’ai du travail à faire contrairement à toi !

-Si tu faisais de moi ton régent, j’aurai du travail, on pourrait même se partager la tâche. Imagine, Princesse Luna de la nuit, de la lune et d’Equestria, et Prince Consort Discord, régnant tous les deux sur les songes, apportant joie et surprise à tous les poneys du monde, dit-il les yeux brillants en faisant tourner sa serre en un cercle autour de lui dans le vide.

-Tu... es sérieux ? lui demanda Luna en haussant un sourcil. Je crois que tu devrais consulter, il y a quelque chose qui ne semble pas aller chez toi.

-Oui, je sais, soupira-t-il. Et c’est un mal qui me ronge de plus en plus, qui me vide de mon essence vitale. Je me sens faiblir de jour en jour. Ô ! Où es-tu passée lumière de ma vie ? S’exclama-t-il alors qu’il s’effondrait dramatiquement sur le lit, ce dernier grinça lorsque Discord traversa les rideaux et défit les draps de soie qui le couvraient. Je souffre de la solitude, je suis en mal d’Amouuuur.... Termina-t-il en relevant la tête et faisant de l’œil à Luna.

-D’accord, qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour me débarrasser de toi ? » Lui demanda-t-elle en se passant à nouveau un sabot sur le visage.

Aussitôt Discord fut debout devant elle, son visage éclairé par un sourire plein d’espoir et ses yeux dépourvus de malice, presque.

« Je savais que je pouvais compter sur ton aide.

-Pas vraiment comme si j’avais le choix, grommela Luna en baissant la tête.

-Pardon ?

-Rien, je t’en prie, continue, je suis toute ouïe et j’ai tout mon temps, dit-elle avec un sourire forcé. Ce n’est pas comme si la nuit était déjà à moitié entamée, ajouta-t-elle en soufflant.

-Parfait ! S’écria Discord, il fit apparaître un petit rouleau de parchemin dans l’air d’un claquement de serres. Comme tu as pu le remarquer, les draconequus femelles se font rare de nos jours.

-Et j’en remercie le ciel, pensa Luna en retenant un rire.

-J’ai donc préparé une liste de partenaires potentiels, et vu que tu connais la vie privée de chacun des poneys du pays, j’aimerais que tu m’aides à l’épurer.

-Heureusement qu’elle semble cou- »

La pensée de Luna fut stoppée lorsque le petit parchemin se mit à se dérouler, une vague déferlante de papier s’en échappa, il se mit d’abord à recouvrir le sol, puis à s’accumuler pour grimper le long des murs jusqu’à en noyer tous les meubles.

« Je crois qu’on devrait travailler petit à petit ! cria Luna au dessus du brouhaha causé par le déluge de parchemin.

-C’est une excellente idée ! cria Discord en retour, aussitôt le parchemin fut réduit à un simple morceau de papier, partant des pattes du seigneur du chaos jusqu’à s’enrouler plusieurs fois autour de Luna qui laissa s’échapper un soupir.

-Pourquoi certains noms sont déjà rayés ? Même le mien et celui de Tia ? demanda-t-elle étonnée, puis son regard se porta sur six autre noms barrés les uns à la suite des autres.

-Celestia et moi avons eu notre lot de différents, je ne suis pas pressé de retenter l’expérience. Et certainement pas jusqu’à ce que la mort nous sépare. Quant à toi... comment le dire poliment ? demanda-t-il en levant les yeux au ciel pendant qu’il tirait sur sa barbichette. Tu devrais réellement travailler ton tempérament, aucun étalon ne voudra de toi si tu continues sur cette voie- »

Il fut interrompu par un large coussin qui vint s’écraser sur sa figure. Lorsqu’il retomba, il dévoila une alicorne bleue, les pattes croisées sur son buste, les yeux fermés et les joues gonflées.

« Euh, si je peux me permettre, je crois que tu n’as pas très bien compris le concept, pointa-t-il de sa serre en se penchant en avant vers Luna.

-Si tu veux que je continue à t’aider, tu as intérêt à très vite changer de sujet. »

Elle se saisit de la liste et commença à la lire minutieusement pour essayer d’enregistrer chaque nom de jument qui lui était familier, un sourcil se relevait occasionnellement sur le nom de certains étalons. Finalement, elle atteignit la série des six noms rayés, six noms qui lui étaient plus que familier.

« Fluttershy ? J’aurais plutôt pensé à elle en premier, vous semblez bien vous entendre, je doute qu’elle refuserait si tu lui demandais d’aller plus loin dans votre relation.

-Fluttershy est une amie très chère, elle est douce, gentille et attentionnée. Elle dédie sa vie à la paix et l’harmonie. Et c’est pour cela qu’elle ne sera jamais rien d’autre qu’une amie. J’ai besoin de quelqu’un de plus dynamique, de plus ambitieux, de plus imprévisible, quelqu’un avec de la fougue ! dit-il, un poing serré levé au ciel.

-Applejack a de la fougue, je n’ai jamais vu une jument aussi dédiée et têtue.

-Elle est aussi très honnête, et ne manque jamais de me le rappeler à chaque fois qu’elle me voit, grogna Discord en fronçant les sourcils. Je crois qu’elle m’en veut encore d’avoir transformé sa ferme en patinoire. Et de l’avoir transformée en menteuse de bas étages. Et de les avoir trahis avec Tirek. Et-

-Je crois que j’ai compris le message, l’interrompit Luna. Rainbow Dash, elle est dynamique, sûre d’elle, et ambitieuse, elle veut devenir Wonderbolt et s’entraîne très dur depuis toute son enfance.

-Rainbow Dash ? La jument qui réussit chacun de ses exploits en dix secondes chrono ? demanda Discord, son visage marqué d’une grimace, comme si Luna venait de lui annoncer qu’elle était un étalon.

-Hum, fit-elle en se raclant la gorge, tentant sans succès de cacher son rougissement. Pinkie Pie ? Je ne connais pas de Poney plus imprévisible qu’elle. Je ne serais pas étonnée si elle avait du sang de draconequus.

-Je cherche une compagne, pas une migraine. Un poney avec tant d’énergie, ça devrait être interdit, même selon mes standards -et tu sais qu’ils sont bas- cette jument est un moulin à parole monté sur ressort.

-Twilight ? demanda Luna, hésitante.

-Vraiment ? répondit platement Discord avec le regard le plus blasé qu’il avait en réserve. Et ne me lance pas sur Rarity, si j’ai rayé ces noms, c’est qu’il y a une raison. Tu ne connaîtrais pas quelqu’un qui réponde à mes critères dans cette liste ? » Demanda-t-il en se rapprochant de Luna pour lire les noms derrière son épaule.

Elle continua à regarder la liste, la majorité des noms étaient ceux de poneys qui vivaient à proximité de Ponyville ou y ayant mis les sabots récemment. Malheureusement, la plupart étaient déjà en couple, ou bien loin de répondre aux attentes de Discord. Deux noms finirent néanmoins par attirer son attention.

« Il y a deux juments à Ponyville qui pourraient t’intéresser. Toutes deux adorent attirer le regard de la foule sur elles. Elles ne cherchent qu’à atteindre le sommet de leur carrière et se faire reconnaître de tous. Pour ça elles sont prêtes à tout et sont assez imprévisibles.

-Tu piques ma curiosité, répondit Discord, le regard de nouveau attiré par la liste. Qui ça ?

-La mairesse, cette jument est en permanence en manque d’attention et fait toujours tout pour se faire remarquer. S’incruster pendant des réunions ou des commémorations, interrompre des discours, elle n’hésite pas à faire dans la mégalomanie pour impressionner. Tu verrais les bits qu’elle dépense pour décorer Ponyville lors des visites officielles... Et ce costume ridicule qu’elle porte pour Nightmare Night, termina Luna avec un petit rire. Je pense qu’elle serait parfaite pour toi.

-Et l’autre ?

-C’est une itinérante du spectacle, elle n’a qu’un seul objectif : épater les foules en montrant qu’elle est la meilleure. Même si son talent consistait à jouer avec des lumières et des bruits, elle y arrivait assez bien jusqu’à ce qu’elle croise la route de Twilight. Depuis, elle a un nouvel objectif, surpasser notre nouvelle princesse. Elle n’a pas hésité à prendre le contrôle de Ponyville et la bannir pour y parvenir. Même si au final ça a été un échec. Depuis elle vit dans Everfree et s’entraîne avec une zèbre shaman.

-Excellent. » Dit Discord les yeux plissés malicieusement. Il se frotta les pattes pendant qu’une ombre malveillante descendait sur son visage. Un gloussement commença à secouer sa gorge avant de se transformer en un rire cruel à gorge déployée, levant ses pattes au ciel en signe de trio-OMPH !

« AÎE ! Mais ça va pas ? demanda-t-il en se frottant la tête entre ses deux cornes, une forte douleur pulsait au point de lui arracher une grimace.

- Si j’apprends que c’est encore l’un de tes plans tordus, attends-toi à plus qu’un coup de sabot sur la tête. Maintenant va embêter quelqu’un d’autre, j’ai une nuit à surveiller.

-A vos ordres votre majesté. » Répondit-il en s’inclinant humblement, son geste accompagné d’une révérence de la patte.

Puis il disparut dans un nuage de fumée rose à l’odeur de barbe à papa, il laissa derrière lui un rouleau de parchemin disproportionné et une princesse hilare, qui se roulait en se tenant les côtes sur un tapis bleu.

*****

« Rappelle-moi, pourquoi c’est à moi de t’accompagner ?

-Fluttershy accompagne Rainbow Dash à un spectacle des Wonderbolts, Applejack est occupée à la ferme et Rarity est en retard sur sa nouvelle collection, récita monotonement Discord.

-Tu aurais pu demander à Pinkie Pie, moi aussi j’ai des affaires urgentes à régler avec mes nouvelles fonctions, répondit Twilight ennuyée.

-Pourquoi mentionner Pinkie Pie ? La journée commençait si bien, demanda Discord, les yeux brillants de déception et la mine abattue. Et quelles affaires importantes est-ce que tu pourrais avoir ? Tu es Princesse depuis plus d’un an, ça n’a rien changé jusqu’à maintenant... ajouta-t-il en reprenant son air nonchalant, toujours au côté de l’alicorne violette.

-Tu ne devrais pas parler comme ça de tes amis, répondit Twilight en levant les yeux au ciel. Quant à mes nouvelles fonctions, depuis l’attaque de Tyrek, je me retrouve à gouverner un nouveau fief. Et c’est pourquoi j’aurai énormément préféré que tu demande à quelqu’un d’autre de t’accompagner. Mayor Mare ne prend pas très bien le changement de pouvoir, et on ne peut pas dire que je sois en très bons termes avec Trixie, dit-elle en grinçant des dents, le regard fixé au sol.

-Ces derniers jours ont été des plus ennuyeux, je me suis dit qu’un crêpage de chignon entre les trois juments les plus puissantes de la ville serait un spectacle assez divertissant, répondit-il platement tandis qu’il avalait une poignée de pop-corn sortis de nul part.

-Au revoir, répondit Twilight tout aussi platement avant de faire demi-tour.

-Non, attends ! J’ai besoin de toi pour un support moral ! » Cria-t-il la serre tendue dans sa direction. Le pop-corn disparut aussi vite qu’il était apparu.

À ces mots, Twilight s’arrêta net dans ses pas, elle mit un certain temps à se retourner, haussant un sourcil.

« Toi ? Besoin d’un support moral ? demanda-t-elle avec une trace d’incrédulité dans la voix.

-Oui, c’est assez embarrassant, mais si je vais voir ces juments, c’est pour essayer de démarrer une relation... et éventuellement aller plus loin... » Dit-il les yeux rivés au sol et se grattant nerveusement la tête.

Twilight laissa retomber son sourcil, pour le relever avec son voisin, les yeux écarquillés et la bouche bée à la confession de Discord.

« Ohmondieuohmondieuohmondieuohmondieu, se mit-elle à répéter rapidement en sautant sur place, un large sourire fit place à sa stupéfaction. C’est la première fois qu’un ami me demande de lui servir de soutien moral dans une relation amoureuse, je vais enfin pouvoir le rayer de ma liste ! Un long parchemin apparut devant elle en même temps que sa corne s’entourait de son aura. Aider une, non, un ami dans une relation amoureuse, check ! Je vais être le meilleur support moral que tu n’as jamais eu !

-Euh... en fin de compte, je ne suis plus tout à fait sûr, dit-il en essayant de repousser l’alicorne qui tentait de sauter à son cou pour l’enlacer.

-Ne sois pas bête, tu verras, tout va bien se passer, pas besoin d’être timide. Oh ! Ça va être une super journée !

-Non, en fait je parlais de toi... »

*****

« Je n’ai que deux amour dans ma vie, » dit la jument avec fierté, ses pattes avant sur son bureau, elle prit la pose, crinière dans le... crinière collée contre son cou, il faisait une chaleur étouffante dans la pièce et la fenêtre ouverte n’apportait aucun courant d’air.

Discord attendait la réponse de Scroll Lock avec trépidation et Twilight avait observé sa déclaration avec l’attention d’une pouliche le jour de la saint galopin. Même si elle désapprouvait la méthode d’approche de Discord, ses mots concernant le pouvoir et la grandeur semblaient avoir touché la mairesse. Elle lui avait même donné son vrai nom. Twilight se serait bien demandé pourquoi elle ne savait pas que Mayor Mare n’était pas son vrai nom, mais elle était trop excitée par la réponse dramatique que cette dernière s’apprêtait à donner.

« ... Ponyville et ma carrière ! » Annonça-t-elle tel un héros victorieux sur le champ de bataille, les rayons du soleil luisaient sur la sueur de son front et les plis de son visage montraient son sérieux et sa dévotion. Il aurait aussi pu y avoir le vent faisant flotter sa crinière, mais bon sang ! Il faisait une de ces chaleurs !

Elle se rassit à son bureau et vida d’une traite la bouteille d’eau posée à ses côtés, puis elle reposa sa tête sur le meuble en face du ventilateur, elle soupira et profita à nouveau du peu de fraîcheur de la pièce.

« Je suis désolée, monsieur Discord, je suis vraiment flattée de l’attention que vous me portez, mais Ponyville est tout pour moi. Je ne pourrais jamais dédier une autre partie de ma vie à un poney en particulier -ou vous- cette ville prend tout mon temps, et c’est ma seule joie de vivre.

-Je vois... Mais avec moi vous pourriez avoir plus que Ponyville, vous pourriez diriger, le Fief ! Même Equestria ! Ou le monde !

-Hum, hum, interrompit Twilight d’un raclement de gorge, pour rappeler sa présence au draconequus un peu trop ambitieux.

-Je suis vraiment flattée, Monsieur Discord, mais même si je dois avouer que votre proposition est tentante, je vais devoir refuser. Je laisse Equestria aux Princesses et je suis sûre que Twilight Sparkle saura diriger le fief comme il se doit.

-Eh bien, je crois que nous allons prendre congé, promettez moi juste une chose, demanda Discord en s’apprêtant à quitter le bureau.

-Laquelle ?

-Pour ce que j’ai entendu, restez vous même, et faites en sorte que Ponyville reste aussi aléatoire et imprévisible.

-J’essaierai. » Répondit-elle avec un petit rire avant de s’effondrer à nouveau devant le ventilateur.

*****

« Trixie n’aime que Tw-Trixie. » annonça Trixie avant de se reprendre de justesse. Difficile de voir si elle rougissait, ou si c’était seulement le sang qui lui montait à la tête dû à sa position. Durant tout l’échange, elle était restée la tête en bas, le bout de sa corne reliée à un morceau de bambou sur lequel elle tenait en équilibre.

Twilight ne pouvait qu’observer avec satisfaction les progrès de la licorne bleue. En plus de ses avancées en magie grâce à la tutelle de Zecora, elle avait aussi appris à mieux se maîtriser. Même si son égocentrisme était loin d’avoir disparu, elle s’était peu à peu ouverte aux autres et savait faire preuve de plus de considération pour son entourage.

« Oui, Trixie n’aime que Trixie, et certainement pas une licorne violette resplendissante par ses connaissances en magie et son sourire, ou encore sa grandeur d’esprit et sa gentillesse. Non, Trixie n’a absolument aucuns sentiments pour une licorne à la crinière bicolore ayant un don fantastique pour s’ouvrir aux autres et se faire des amis. Une licorne qui peut aider les autres à se remettre dans le droit chemin, une lico-

-Ca va, ça va, j’ai compris, l’interrompit Discord en grognant, le regard sombre. Il ne me reste plus qu’à vous laisser à votre entraînement. Trixie, Zecora. » Il les salua avant de prendre la route vers la sortie d’Everfree, Twilight sur ses pas.

« C’était bien essayé, peut être la prochaine fois devrais-tu tenter moins de subtilité ? Plaisanta légèrement Zecora, dans la même position que la licorne bleue. Elle avait suivi la conversation avec peu d’attention, mais elle ne pouvait s’empêcher de sourire aux tentatives maladroites de son élève.

-Elle comprendra l’amour de Trixie un jour, elle comprendra ! »

*****

« Ouaf ! Ouaf !

-Je suis désolée pour toi Discord, au final je n’ai pas été d’une grande aide. Je me demande qui était cette licorne dont Trixie parlait. » Dit Twilight en se frottant le menton et levant les yeux en cherchant dans sa mémoire.

Ça n’eut pour seul effet chez Discord que de se passer les serres sur le visage, toujours marqué par son air sombre.

« En effet, tu n’as pas été d’une très grande aide. Mais j’ai apprécié l’effort, se reprit-il en voyant l’air désolé et déçu de Twilight.

-Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !

-J’ai juste besoin de temps pour réfléchir, est-ce que tu pourrais me laisser seul un instant ?

-Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !

-Si je peux faire quoi que ce soit d’autre pour t’aider ?

-Ouaf ! Ouaf !

-Non, je crois que tu en as assez fait, répondit-il sombrement, sans même daigner jeter un œil à Twilight cette fois.

-Ouaf !

-Oh, je, d’accord, répondit Twilight, légèrement déçue d’avoir failli à son ami et de se voir rejetée. Elle se leva du banc en bois dans le parc où les deux se trouvaient, et se tourna une dernière fois vers Discord avant de partir. Si tu as besoin de moi, je serai au château.

-Ouaf ! Ouaf ! Ouaf ! Ouaf !

-C’est ça, bon vent, finit-il par murmurer pendant qu’il la regardait s’éloigner en direction de Ponyville.

-OUAF !! OUAF !! Aboya le chien directement dans les oreilles de Discord, avant de lui offrir une longue léchouille épaisse et mouillée.

-ET EST-CE QUE QUELQU’UN PEUT CALMER CE FOUTU CHIEN ?! Rugit-il, il repoussa la lourde bête de son dos, son souffle fit plier l’herbe et fendre le banc sous le coup de sa patte féline. On put même entendre le grondement du tonnerre accompagner son cri au loin.

-J-Je suis désolée, elle a encore réussi à s’échapper de l’hôpital, j’espère qu’elle ne vous a pas trop importuné, lui répondit timidement une voix effrayée derrière lui, accompagnée des couinements du chien.

-Ce n’est rien, répondit-il en se calmant tandis qu’il commençait à se retourner. J’ai juste passé une mauvaise journ- »

Il s’interrompit en voyant la jument blanche avec un képi portant le même symbole que sa cutie mark : une croix rouge autour d’un cœur. Mais ce n’est pas ce qui le frappa le plus. Non, ce fut plutôt l’absence de chien et la présence d’une jument bleue au regard dément, recroquevillée sur elle même qui couinait et trembait, ainsi que la camisole défaite qu’elle portait autour du torse.

« Euh... Si vous voulez bien m’excuser, je dois ramener Screwie à l’hôpital, passez une bonne journée. » Finit par dire Redheart avant de relever la jument bleue et l’accompagner vers une grande battisse à la sortie du parc.

Discord resta cloué sur place après que les deux juments aient disparues au loin. Il n’avait jamais rien vu d’aussi perturbant et excitant depuis... qu’il avait été emprisonné dans la pierre. Il resta bouche bée et les yeux écarquillés en essayant de comprendre ce qu’il venait de voir. Lorsque ce fut fait, il parvint à une simple conclusion.

*****

« Twilight ! Je l’ai trouvée !”

L’alicorne sursauta derrière son pupitre lorsque Discord surgit soudainement du grimoire qu’elle lisait.

«-Oh, on dirait bien qu’au final tu n’avais vraiment pas besoin de moi, dit-elle en gardant les yeux baissés et les oreilles plaquées sur la tête.

-Non, pas du tout, je suis même venu te remercier, dit-il en la saisissant dans ses pattes pour la faire tournoyer dans les airs. Si nous n’étions pas allés dans ce parc, je ne l’aurai probablement pas rencontrée. Où est l’hôpital? Il faut que je la revoie, que je lui parle !

-L’hôpital ? C'est le bâtiment qui était au bout du parc où nous étions. Pourquoi, qui est-ce ?

-Une merveille de la nature, je n’aurais jamais pensé pouvoir la trouver si parfaite dans ce monde si calme et ennuyeux. Pourtant elle était là, dans sa blouse blanche cette étincelle dans ses yeux, elle reste encrée dans ma mémoire. Il n’y a aucun doute, ça ne peut être qu’elle !

-Qui ça ? Redheart ? Je n’avais pas l’impression qu’elle puisse être ton genre, répondit Twilight en haussant un sourcil, sceptique. Discord, je crois que tu devrais me reposer, je ne me sens pas très bien.

-Quoi, Redheart, l’infirmière ? Non, bien sûr que non, elle a l’air beaucoup trop sérieuse, elle n’est même pas sur ma liste.

-Quelle liste ? demanda Twilight en retenant un hoquet nauséeux une fois au sol.

-Oublie ça, je veux parler de... je crois qu’elle l’a appelée Screwie?

-Qui ?! Screw Loose ? C’est Screw Loose que tu as choisis ?! Demanda-t-elle abasourdie.

-Tu la connais ? Comment est-elle, tu crois qu’elle acceptera ma proposition ?

-Qui ne la connaît pas ? C’est l’unique résidente de l’aile psychiatrique de l’hôpital.

-Elle est parfaite, dit Discord en battant des paupières les yeux au ciel, serrant ses deux pattes à côté de sa tête. Comment ai-je fait pour la louper tout ce temps ?

-Parce qu’elle est malade, Discord, répondit sévèrement Twilight, essayant littéralement de faire descendre le draconequus de son nuage rose. Elle ne peut pas sortir de l’hôpital, elle pourrait se blesser, ou pire, blesser d’autres poneys. Ils sont obligés de la gaver de médicaments pour qu’elle retrouve sa lucidité, mais la majorité du temps, ses crises sont si importantes qu’ils sont obligés de la camisoler.

-Quoi ?! Mais c’est horrible !

-Je sais, dit Twilight en baissant les yeux, mais nous n'y pouvons rien, les médecins font du mieux qu’ils peuvent.

-Ce n'est pas ça qui est horrible, je n'arrive pas à croire ce que je viens d'entendre. Tu veux dire qu'ils veulent la rendre normale, comme toi, comme les poneys que je croise tous les jours ? Demanda Discord horrifié.

-Ouiii... ? Répondit Twilight incertaine. Ça pose un problème ?

-Et comment ! Je n’ai plus vu de poneys comme elle depuis que j’ai été emprisonné par Celestia et Luna. Perdre la raison arrivait souvent aux esprits les plus faibles vivant trop longtemps dans le chaos. Si tu savais à quel point c’était amusant de les voir déambuler, vivre dans leur propre monde sans jamais comprendre à quoi ils pouvaient penser. Ils étaient complètement imprévisibles, un instant ils semblaient normaux, l’instant d’après ils faisaient une crise. Tant de chaos, tant d’incertitude... raconta-t-il avec nostalgie. Je ne pensais jamais avoir l’occasion d’en revoir, et voilà qu’elle est là, à seulement quelques pas d’ici, et vous voulez la rendre normale ?! C’est hors de question ! Dit-il en frappant du sabot au sol, ce qui fit trembler tout le château.

-C’est pour son bien Discord. De plus, si tu veux te marier, tu ne pourras pas tant qu’elle sera malade, expliqua-t-elle pour calmer son compagnon. Mais si tu tiens tant à t’approcher d’elle, je suppose que je pourrais glisser un mot aux médecins, je ne pense pas qu’un peu de compagnie puisse lui faire du mal.

*****

« Je suis sûr qu’un peu de compagnie ne peux lui faire que le plus grand bien, dit l’étalon ambré, qui guidait Discord et Twilight à travers les longs couloirs aux murs verts, décorés d’arcades en bois blanc. C’est même une excellente idée, et je trouve désolant que personne ne se soit porté volontaire avant vous. Vous tombez justement à point nommé, nous venons de lui donner ses médicaments et elle semble calme, ce sera plus facile pour... communiquer avec elle, ajouta-t-il avec hésitation.

-Ça reste à voir. » Grogna Discord, ce qui lui valut un regard réprobateur de la part de Twilight.

Si le docteur Horse l’entendit, il ne le montra pas et continua à les mener vers la chambre de Screw Loose, ils ne croisèrent que quelques infirmières sur leur chemin. C’était une journée plutôt calme pour l’hôpital, ce qui devait expliquer le sourire et l’air détendu du docteur licorne qui ouvrait la marche.

« Et voilà, nous y sommes. » Dit-il après s’être arrêté devant une porte. Vue de l’extérieur, elle n’avait rien d’extraordinaire comparée aux autres bordant les murs du couloir. Elle était en simple bois marron, assortie d’une poignée en métal, et aussi propre que le reste de l’hôpital.

« N’hésitez pas à la caresser ou à jouer avec elle pendant qu’elle divague, ça a tendance à la calmer. Hum, en revanche, évitez de le faire pendant qu’elle est lucide, elle a horreur des contacts physiques. Si elle fait une crise d’angoisse ou devient dangereuse, pour vous, ou, j’insiste -dit Horse en fronçant les sourcils derrière ses lunettes- elle-même, appelez directement une infirmière, elles sauront quoi faire. Merci encore de vous être portés volontaires pour lui tenir compagnie. Prévenez moi ou une infirmière lorsque vous partirez. » Ajouta-t-il avec un sourire, puis il leur tourna le dos pour vaquer à ses occupations.

Discord et Twilight restèrent devant la porte, à observer sa simplicité, sa propreté et le numéro 01 inscrit au milieu d’un cadre du même métal que la poignée.

« Qu’est-ce qu’on attend ? » demanda Twilight qui commençait à se sentir gênée par le silence interminable. Elle leva les yeux vers Discord et ne sut pas vraiment quelle expression adopter en le voyant.

Un sourire bêta inscrit sur le visage et les pattes serrées devant lui, il se dandinait comme une pouliche à son premier rendez-vous. En fait il faisait même des couinements, ce qui était assez déconcertant pour l’alicorne. Elle espérait juste qu’elle n’avait pas été comme ça toute la matinée lorsqu’elle l’accompagnait vers ses conquêtes.

« Je suis trop nerveux. Tu imagines, ma dulcinée m’attend juste derrière cette porte. Est-ce que je dois attendre qu’elle m’invite à entrer, est-ce que je dois frapper ? Oh, et puis laisse tomber, je suis trop impatient ! »

Il prit Twilight sous son bras et s’apprêta à traverser la porte, lorsqu’un lourd BOUM le fit changer d’avis.

« Oups. » Dit-il avec un sourire désolé, puis il ouvrit la porte pour laisser une alicorne se frottant le bout du museau endolori entrer dans la pièce. Il ne tarda pas à se tourner vers la jument bleue étalée sur le sol. Elle était là, l’élue de son cœur, vautrée par terre, se serrant les côtes en riant à pleins poumons, les lanières de sa camisole dansants au rythme de ses soubresauts. Sa crinière grise échevelée rebondissait sur son visage, marqué d’une joie innocente.

Twilight pouvait bien rôtir au Tartare, il n’y avait plus que Screwie pour lui dans la pièce, une douce musique emplie du son mélodieux d’harmonies désaccordées venait flotter dans ses oreilles tandis que la douce créature démente devant lui s’entourait d’un léger halo scintillant, obscurcissant à sa vue le reste de l’univers.

Il posa sa tête sur ses pattes toujours collées ensembles et les yeux en cœur, il se laissa porter par le léger battement de ses ailes dissociées devant la ponette toujours allongée au sol, haletante et qui le regardait avec une curiosité infantile.

« Bonjour toi. » lui dit-il en rapprochant leurs visages. Il lui passa une patte féline dans la crinière, pour la gratter entre les oreilles et fit de même avec sa serre, sur son ventre. Il fut récompensé par de nouveaux gloussements et une grosse langue lui léchant le visage jusqu’au dessus des yeux.

« N’est-elle pas magnifique ? demanda-t-il à Twilight, sa tête placée à côté de celle de Screwie, tous deux regardaient la princesse avec un air ravi.

-Je suppose que c’est une façon de voir les choses. » Répondit-elle avec un sourire nerveux, essayant d’éviter leur regard.

La ponette bleue avait de profondes cernes inscrites sous les yeux, probablement dues à la fatigue causée par son hyper activité et son traitement médicamenteux. Son sourire innocent, induit par le reste de pilules qui coulaient en bave le long de son menton, portait encore les traces de ses démences profondes, gravées en gerçures tout le long de ses lèvres. Et enfin, il y avait ses yeux. Quoi que non. Twilight en fut même étonnée, la première fois qu’elle avait vu la jument, après l’épisode Rainbow Dash, ses yeux étaient emplis de folie. Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, ses iris violets étaient de la même taille. Ses yeux doux et joyeux, presque apaisants. Si Twilight avait continué à fixer son regard, elle aurait pu oublier le stress de ses nouvelles responsabilités. Mais ce ne fut pas elle qui interrompit le contact. Screw Loose se passa la langue le long du museau avant de finalement la rentrer dans son habitat naturel. Puis elle se tourna vers Discord, un air surpris sur le visage.

« Hé ! Z’êtes le drôle de poney qui crie fort et qui goûte bon ! Vous m’avez fait peur, dit-elle la voix tremblante en se relevant d’un bon et cachant sa tête sous ses sabots avant. Mais vous goûtez bon ! cria-t-elle, la peur l’abandonnant aussi vite qu’elle était arrivée. Elle se mit à bondir autour de Discord, les bras pliés sur eux-même et remuant la queue. Sa langue ressortit de sa bouche lorsqu’elle recommença à haleter.

-Oh, et tu parles, remarqua Discord quelque peu surpris.

-Bien sur idiot, répondit Screwie avec un rire léger. Mais seulement quand les infirmières me donnent les bonbons muti-mluti- de toutes les couleurs. Mais s’ont pas bon et goûtent beurk j’en mange qu’un peu et je cache les autres, dit-elle fièrement avant de tirer la langue, montrant les restes de diverses gélules et cachets à moitié digérés par sa salive. Vous goûtez meilleur ! Comme la barbe à papa, mais les infirmières disent que je dois pas manger de sucre. Z’êtes venu pour goûter bon ou crier fort ? demanda-t-elle après s’être assise, pantelante, sa queue continuant de remuer de droite à gauche.

-Je peux continuer de goûter bon, mais je suis venu pour passer du temps avec toi, qu’est-ce que tu en dis ?

-Z’êtes venu jouer, chouette ! S’écria-t-elle en recommençant à sauter frénétiquement, les yeux écarquillés. Mais seulement si vous faites pas peur, et… si vous continuez à me gratter entre les oreilles et sur le bidon, ça fait sentir drôle et bien, vous faites mieux que les infirmières.

-Je peux même faire mieux que ça ! annonça Discord, une patte fièrement posée sur son torse. Bon appétit ! » dit-il en faisant claquer ses serres. Des bâtonnets de barbe à papa de toutes les couleurs apparurent dans l’air, flottant et tournoyant dans le vide, rependant la substance duveteuse dans toute la pièce.

Folle de joie, Screw Loose se mit à danser dans le coton, elle mordit dedans à pleines dents et en rependit partout sur sa fourrure avec des cris d'allégresse.

« Discord, je ne crois pas que ce soit très prudent, intervint Twilight lorsqu’elle rejoignit le draconequus au milieu de la pièce, tandis qu’il observait en jubilant les sauts de cabri de la jument bleue partie à la chasse une couleur en particulier, celle de son pelage.

-Ne t’en fais pas Twilight, lui répondit-il sans se tourner vers elle. Elle est sans sucre.

-Quoi ? Comment ça sans sucre, comment est-ce qu’on peut faire de la barbe à pa- elle fut interrompue lorsque sa bouche fut forcée par un gros morceau du délicieux duvet. Elle le laissa fondre sur sa langue avant de l’avaler, à sa surprise. Il n’y avait pas de sucre.

-Avec le chaos tout est possible ma chère, répondit Discord.

-J’adore la magie ! s’écria Screwie. Elle se lança depuis son lit pour plonger dans la barbe à papa qui recouvrait le sol. Encore ! Encore ! Montre-moi plus de magie !

-A vos ordres demoiselle, dit-il avec une révérence, faisant apparaître un chapeau de magicien sur sa tête et une canne dans sa serre. Si ma très chère assistante voulait bien m’assister, laissa-t-il glisser en direction de Twilight.

-Quoi ? dit-elle surprise. Euh, qu’est-ce que je dois faire ? demanda-t-elle timidement.

-Et bien, tu as une corne, quel meilleur moyen de faire de la magie que de s’en servir ? »

Sans lui laisser le temps de répondre, il s’approcha de Twilight et saisit sa corne de sa serre, la canne pendant le long de sa patte. Les yeux écarquillés, l’alicorne observa sa corne se détacher pour se transformer en un bouquet de fleurs que Discord tendit ensuite à la jument bleue émerveillée.

« Bravo ! Bravo ! Applaudit-elle en faisant claquer ses sabots ensemble, les pièces métalliques de sa camisole cliquetèrent de concert. Encore ! Encore !

-J’apprécierai que tu arrêtes de faire ça, murmura Twilight à Discord en sentant sa corne revenir à sa place.

-Tu as dit que tu m’aiderais, et regarde là, elle s’amuse comme une folle, s’il te plaît, continue de jouer le jeu, lui répondit-il en coin sans quitter la jument bleue du regard.

-Je-je suppose que je peux faire un effort, dit Twilight en se décontractant, mais évite de toucher à ma corne, ou mes ailes… Qu’est-ce que tu fais avec cette scie ? »

*****

La journée continua à se passer ainsi, Discord usait de ses tours et Twilight l’assistait à contre cœur pour l’aider à gagner l’admiration de la jument malade. Cette dernière les rejoignît même dans leur chorégraphie dans la comédie musicale de Discord, qui racontait comment il avait contribué à la victoire du chaos sur l'harmonie et défait les six porteuses des éléments. Au plus grand désarroi de la princesse violette.

Finalement, vint un temps où la seule lumière dans la pièce, maintenant vide de toute barbe à papa et seulement remplie d’un lit à sangles, provenait des lampes murales. Allongée contre Discord, remuant de temps en temps une jambe ou une oreille sous ses caresses, Screwie avait un large sourire inscrit sur son visage, et ses yeux fatigués étaient enfin fermés.

« Elle s’est endormie, pointa Discord en regardant la jument allongée sur le dos, ses bras avant repliés sur son torse. Même sa façon de dormir et de tiquer est chaotique, n’est-elle pas mignonne ?

-Je dois bien avouer que j’ai appris à la voir sous un autre angle, répondit Twilight avec un bâillement. Peut être qu’il serait temps pour nous de la laisser, j’ai encore du travail qui m’attend et je n’ai pas fait grand-chose aujourd’hui.

-Ou alors je pourrais la réveiller, et nous pourrions continuer à nous amuser toute la nuit ? demanda sournoisement Discord.

-C’est hors de question, lui répondit sévèrement Twilight. N’oublie pas que c’est un poney, et qu’elle a besoin de dormir, elle plus que personne d’autre, son esprit a besoin de se reposer. Tu dois comprendre que si nous avons pu partager tout ça aujourd’hui, c’est grâce aux médicaments, elle ne sera peut être pas comme ça la prochaine fois que tu la reverras. Tu comprends j’espère ? Demanda-t-elle en fronçant les sourcils.

-Oui… répondit-il d’un soupir, il continuait de caresser le ventre de la jument endormie.

-Bien. Je vais chercher une infirmière, couche là en attendant. » Dit-elle avant de quitter la chambre.

Discord se leva et porta Screw Loose dans ses bras pour la coucher sur le lit étrange. C’était le seul meuble de la pièce, il n’y avait même pas de table de nuit ou de chaise. Ce n’était pas un lit en bois avec un matelas et une chaude couverture pliée au carré. C’était un lit en métal monté sur roulettes, simple et froid. Un fin sommier en mousse faisait office de couche, surmonté d’un drap en guise de dessus de lit.

Puis il y avait ces sangles, noires et rigides. Même ouvertes et vides de tout membre à emprisonner, elles firent frémir Discord de dégoût. A contre cœur, il déposa Screwie sur le matelas de fortune, la regardant gémir à son contact et remuer sa bouche pâteuse pour ne prononcer des mots audibles que d’elle.

En attendant le retour de Twilight, il observa le reste de la pièce. Bien qu’il n’y ait pas eu grand-chose à voir. Juste une grande étendue de moquette du même bleu foncé que les murs, sur laquelle reposait par endroits, des restes de la friandise qu’il avait fait apparaître. D’un claquement de serres, il la renvoya d’où il l’avait faite venir et regarda les murs.

Ils étaient aussi vides et froids que le reste de la pièce. La tapisserie bleue de velours était décorée ici et là de représentations florales dessinées d’une simple ligne noire partant en vrilles. Il avait du mal à comprendre comment ce genre d’art grotesque pouvait avoir un quelconque impact, même sur des poneys.

L’élue de son cœur devait déjà avoir assez de solitude et de désolation dans sa vie, pour en plus devoir supporter la monotonie de ces quatre murs. D’un nouveau claquement, des tâches de couleurs se mirent à apparaître sur l’océan calme de bleu. Des nuances de rose et de jaune vinrent onduler dans une tempête de couleurs chaudes, se battant pour chasser la froideur de la nuit omniprésente.

Lorsque la bataille fut terminée, un paysage discordien était désormais sur les murs. Sur trois d’entre eux, un village sans dessus dessous était représenté, des chaumières à l’endroit, à l’envers, ou flottant dans les airs. Elles exposaient fièrement leurs façades roses pâles et leur toit couvert de barbe à papa, une couleur différente pour chaque bâtisse. Le sol était couvert de bonbons et autres friandises, à perte de vue, dans l’herbe violette formant des motifs à carreaux au loin.

Un village n’était peut être pas le lieu le plus ouvert qui lui était venu à l’esprit, et la jument semblait avoir besoin d’air et d’espace. C’est pourquoi sur le mur auquel était adossé son lit, une large prairie verte s’étendait au loin, ne s’arrêtant qu’aux pieds de collines parsemées de petits bois.

Le ciel bleu de la nuit marquant l’horizon s’élevait jusqu’au plafond, pour se mêler au reste des astres et aux deux lunes qui éclairaient le ciel enchanté. Une grosse bleue autour de laquelle gravitait une plus petite brune.

Satisfait de son travail, il regarda la jument dormir en attendant l’arrivée de l’infirmière.

Celle-ci ne tarda pas ; Redheart entra dans la pièce avec un sourire chaleureux, suivie de Twilight. Elle souhaita le bonsoir à Discord, puis s’approcha du lit pour commencer à glisser les pattes de Screwie dans les sangles. Finalement, elle boucla les deux dernières autour du torse de la ponette.

« Qu’est-ce que vous faites ? demanda Discord se sentant offensé de voir sa nouvelle conquête attachée de la sorte pour la nuit.

-Ne vous en faites pas, lui répondit calmement l’infirmière après avoir vérifié la fermeté des sangles. C’est pour son bien, elle a tendance à se réveiller en pleine crise, les sangles l’empêchent de tomber du lit ou de se blesser.

-Écoute-là Discord, elle te dit que c’est pour son bien, elle sait ce qu’elle fait. Il est temps pour nous d’y aller. » Ajouta Twilight face à l’air mécontent de Discord.

Tous deux quittèrent la pièce en souhaitant une bonne nuit à l’infirmière. La salutation ponctuée d’un grognement de la part de Discord.

*****

« C’était un beau paysage que tu lui as offert, dit Twilight pour briser le silence sur le chemin du retour.

-J’ai pensé qu’elle se sentirait moins enfermée, répondit Discord, distant.

-Je ne veux pas être offensante, mais je ne pense pas qu’elle soit capable de s’en rendre compte. »

Il y eu de nouveau un long silence, uniquement ponctué du son de leurs sabots dans les rues sombres de Ponyville.

« Tu sais, tu n’es pas obligé de me raccompagner au château, dit Twilight avec un petit rire. Je crois que je saurai trouver le chemin toute seule.

-Je voulais juste te dire merci, répondit Discord en se tournant vers elle.

-Merci pour quoi ? Au final je n’ai rien fait d’autre que te suivre, dit-elle, le regardant à son tour.

-Je ne pensais pas avoir à le dire un jour, mais ça m’a suffit, c’est ce dont j’avais besoin. Je me sens plus confiant en ta présence. Je commence à comprendre Trixie, elle avait probablement raison, dit-il avec un petit rire.

-Pourquoi ? Qu’est-ce qu’a dit Trixie ? demanda-t-elle étonnée en penchant la tête.

-Rien, je pensais à voix haute, dit-il avec le sourire. Twilight ?

-Oui ?

-Tu pourras continuer à m’accompagner quand je lui rendrai visite ?

-J’essaierai de trouver du temps. » Répondit-elle tandis qu’ils reprirent la route du château.

*****

Lorsqu’ils arrivèrent dans la chambre 01 le lendemain matin, Screw Loose n’avait pas pris de médicaments, et comme l’avait annoncé docteur Horse, elle n’en aurait pas ce jour là. La ponette bleue sauta sur Discord lorsqu’il entra dans la pièce, elle le plaqua au sol de ses pattes camisolées et lui lécha le visage à plusieurs reprises à l’aide de longs coups de langue baveux.

Discord la saisit dans ses bras et roula avec elle dans l’herbe violette qui avait remplacé la moquette. Twilight les observa, le sourire aux lèvres, tandis qu’ils dansaient et jouaient dans la fausse prairie colorée. Elle pouvait parfois sentir une petite brise fraîche flotter dans sa crinière, et apaiser la jument bleue couverte de sueur et pantelante.

Au fur et à mesure que le temps passa, Discord fit apparaître des arbres pour accommoder la plaine impromptue. Le draconequus et Screw Loose se lancèrent alors dans de longues parties de cache-cache et de chat perché. De crainte que la jument surexcité ne se cogne ou se blesse, Twilight allait protester quand elle se rendit compte que les arbres étaient en caoutchouc. A force de simplement regarder ses deux compères jouer, elle finit par se joindre à la partie, elle partit au galop dans la prairie qui semblait maintenant plus grande que la chambre.

L’herbe violette et les arbres mous aux feuilles multicolores s’étendaient à perte de vue, elle ne pouvait même plus voir le lit ou la porte de la chambre. Au loin, elle pouvait apercevoir le village flottant aux toits couverts de barbe à papa, et à mesure que le groupe s’en rapprochait, toujours perdus dans leurs jeux, elle sentait le sol durcir sous ses sabots. Quand elle baissa la tête, ce fut pour découvrir qu’ils étaient maintenant dans le champ de friandises.

Un chemin bordé de cannes en sucre d’orge menait jusqu’à l’entrée du village. Screwie dansait et sautillait sur le chemin, tandis que Discord l’observait avec un air enjoué. A chaque canne qu’elle croisait, la ponette bleue leur offrait un gros coup de langue, ainsi qu’aux friandises qui tombaient occasionnellement du ciel. Avec les manches blanches de sa camisole, et le reflet du ciel dans les sangles métalliques, qui produisaient un son cristallin lorsqu’elles s’entrechoquaient : elle avait l’air d’un ange.

Et aux yeux de Twilight, ils devaient avoir atteint les portes d’Elysium. La lumière colorée, la douce odeur des bonbons et la gaieté contagieuse de la jument bleue lui rappelaient ses rêves d’enfance. Elle ne tarda pas à rejoindre Screwie dans ses cabrioles, abandonnant ses airs princiers et se perdant dans le moment et l’euphorie du chaos omniprésent.

Ainsi la journée passa sans que Screw Loose ne prononce un seul mot, mais son visage resta marqué en permanence d’une immense joie et la chambre ne cessa jamais de résonner à l’écho de ses rires et aboiements, parfois accompagnés de ceux de Twilight et Discord.

Ils ne durent rompre l’illusion qu’en milieu de journée, redonnant à la chambre ses quatre murs, son plafond et sa moquette, afin de laisser une infirmière nourrir Screwie. Celle-ci se laissa faire, haletant entre deux bouchées et ne quittant jamais Discord et Twilight -qui se tenaient en retrait- du regard. Twilight semblait embarrassée et tentait de couvrir son visage marqué d’un profond rougissement dans ses ailes.

Lorsque l’infirmière fut partie, les jeux reprirent jusqu’à la tombée de la nuit, il ne resta plus dans la pièce qu’un Discord plus que ravi, qui carressait Screw Loose sur le ventre tandis qu’elle murmurait dans ses rêves, et une Twilight essoufflée, épuisée mais satisfaite de sa journée.

Ils regardèrent l’infirmière rattacher Screwie pour la nuit et reprirent la route du château.

Ainsi passèrent les journées, puis les semaines. Généralement Discord arrivait à l’hôpital quelques temps après le levé de Screwie. Les médecins, insistant sur son instabilité dans ses premières heures de la journée, n’autorisaient jamais sa présence. Quelques fois, les visites lui étaient refusées, il apprenait qu’elle avait fait une crise et s’était retrouvée en cellule matelassée. Mais au plus le temps passait, au moins les celles-ci semblaient être régulières ou violentes.

Au bout de quelques mois, les visites de Twilight se firent de moins en moins régulières, jusqu’à ce qu’elle cesse de venir, trop occupée par ses nouvelles responsabilités. Le docteur Horse se réjouissait chaque jour de voir Discord rendre visite à leur patiente spéciale, et d’entendre ses cris de joie de l’autre côté de la porte. Ce n’étaient cependant pas les seules améliorations qu’il avait pu noter. Dès les premières visites, Screw Loose avait définitivement cessé de tenter de s’échapper, et les matinées calmes, sans crises, se faisaient de plus en plus fréquentes.

Si bien qu’à partir d’un matin, il autorisa Discord à assister l’équipe d’infirmières au réveil de Screwie. Il arriva sur les coups de huit heures du matin, le soleil hivernal commençait tout juste à montrer timidement ses premiers rayons, mais l’équipe médicale était déjà levée depuis bien longtemps.

En plus de Discord, la chambre 01 était occupée du docteur Horse qui se tenait en retrait et de quatre infirmières qui entouraient le lit, attendant le réveil de la jument bleue. Celui-ci ne tarda pas à venir : elle ouvrit d’abord ses yeux, encore embrumés par les résidus de fatigue et fit travailler sa mâchoire pâteuse, ses lèvres se pincèrent et sa langue vint claquer sur son palais. Elle ne tenta même pas de tirer sur ses liens ou de se débattre. Elle attendit juste patiemment que les infirmières estiment qu’il était sûr de la détacher. Elle tourna la tête et les regarda commencer à défaire ses sangles. C’est là qu’elle le vit. Un grand sourire plein de dents vint éclairer son visage et elle commença à se débattre et tirer sur ses liens. C’était la première fois qu’il venait la voir si tôt !

Les infirmières reculèrent immédiatement, resserrant les sangles et immobilisant Screwie qui continuait de se débattre sur son lit.

« Relâchez-là, demanda le docteur aux infirmières avec le sourire. Je crois qu’elle est juste excitée, il n’y a rien à craindre. »

Les infirmières hochèrent la tête à l’unisson et s’exécutèrent, faisant attention à ne pas se prendre un coup de sabot de la jument surexcitée. A peine les cinq sangles furent défaites que Screwie se carapata sur place pour trouver un appui et sauta sur Discord à la surprise du personnel médical. Les infirmières s’apprêtaient à réagir mais se ravisèrent en entendant les rires de Discord sous les assauts langoureux de la ponette bleue.

« Z’êtes venus plus tôt aujourd’hui ! dit-elle toute excitée avant de se relever et se mettre à sauter sur place en se dandinant.

-Oui, on va pouvoir passer plus de temps ensemble. » Répondit Discord avec un gloussement et lui frotta affectueusement une patte dans sa crinière grise ébouriffée. Elle répondit à la caresse en poussant sa tête contre sa patte et ferma les yeux pour succomber à la sensation.

« C’est une première, dit le docteur Horse, abasourdi.

-Quoi donc ? lui demanda Discord en se tournant vers lui. Le docteur avait la bouche bée et ses lunettes pendaient au bout de son museau.

- C’est la première fois qu’elle parle aussi tôt, et surtout sans prendre de médicaments. Je dois avouer que je suis impressionné, Monsieur Discord. Seulement quelques mois en votre présence, et elle a fait des progrès extraordinaires, plus qu'avec nous en plusieurs années.»

Une ombre passa sur le visage de Discord. «Qu’est-ce que vous voulez dire ? Qu’elle est en train de redevenir normale ?

-C’est encore trop tôt pour le dire, il se pourrait ce soient les médicaments qui commencent à prendre effet avec du retard. Il va me falloir plus de temps pour étudier la question. Je vais vous laisser avec les infirmières pour son déjeuner et sa toilette et vous souhaite une bonne journée. Comme d’habitude, venez me voir si vous avez besoin de quoi que ce soit. »

Sur ces mots, le docteur et trois infirmières quittèrent la pièce, le laissant seul avec l’élue de son cœur et l’infirmière Redheart. Il l’aida à donner la cuillerée à Screw Loose et à lui faire la toilette. Il ne savait pas à quoi s’attendre, mais il sentit son cœur louper un battement lorsqu’il la vit pour la première fois sans sa camisole. Elle n’avait rien d’extraordinaire, c’était le même pelage bleu que sur le reste de son corps.

Mais elle s’offrait entièrement à sa vue et à son touché. L’infirmière l’invita à lui laver l’avant main tandis qu’elle s’occupait du reste de son corps. Il commença par lui passer un gant sur la figure pour lui enlever les quelques traces de bave et les grains ayant échappé à sa langue. Il continua le long de son cou, lui volant quelques petits rires sur ses zones sensibles. Enfin, il termina par son buste et ses pattes, se perdant dans la sensation de chacun des muscles et soubresauts sous son touché.

Lorsqu’ils eurent terminé, Redheart remit la camisole autour des épaules de Screwie. Cette dernière se laissa faire, et l’enfila sans protester. Sa crinière commença à passer l’encolure, tandis qu’elle levait ses pattes une par une pour les passer dans les longues manches, qui restèrent détachées, une fois les sangles fixées dans son dos.

« Bonne journée. » Leur souhaita Redheart avant de quitter la pièce et laisser les deux autres ensembles.

La journée se déroula comme les autres, ils passèrent leur temps à s’amuser et se perdre dans les décors fantaisistes créés par Discord. Si les cris de joie de la jument résonnaient dans la chambre, ce n’était pas toujours le cas pour lui. Il avait toujours les mêmes sentiments pour la ponette, mais quelque chose au fond de lui commençait à le troubler, à le ronger lentement.

Le soir venu, la jument endormie dans ses bras, il la grattait sur le ventre comme à son habitude. Il attendait que l’infirmière arrive pour la coucher. Pendant ce temps, il essaya de trouver ce qu’était cette chose qui noircissait ses pensées, mais s’en trouva incapable. Après avoir quitté l’hôpital, il se dirigea vers le château.

*****

« Elle commence à redevenir normale ?! Mais c’est une bonne nouvelle ! s’écria Twilight en direction de Discord, assis dans un large fauteuil en face d’elle, devant le feu de sa bibliothèque. Tu dois vraiment être content ! dit-elle avec le sourire. Ouuuu… pas ? demanda-t-elle les oreilles baissées, en voyant la mine de Discord.

-Je ne sais pas, je n’ai jamais été aussi troublé, et je n’aime pas ça. Je l’aime parce qu’elle est différente, elle est unique. Mais elle s’en moque, elle vit dans l’insouciance malgré le chaos qui règne dans sa tête. Et c’est ça qui m’a plu en premier lieu. Mais maintenant qu’elle est en train de redevenir normale…

-Ne me dis pas que tu comptes la laisser tomber juste pour ça ? demanda Twilight sévèrement.

-Non ! Bien sûr que non ! répondit-il précipitamment. C’est encore elle, et je me suis plus attaché à elle que je ne l’aurai cru possible au début. C’est juste qu’il y a cette part de moi qui se demande si elle sera toujours aussi attirante lorsqu’elle sera comme tous les autres. Est-ce qu’elle continuera à se plaire dans ce que j’ai à lui offrir ? Est-ce qu’elle m’aimera comme je l’aime maintenant ? Est-ce que nous pourrons continuer à partager ce que nous partageons aujourd’hui ?

-Tu te poses trop de questions Discord. Je suis sûre qu’elle saura te rendre tes sentiments, elle est déjà complètement attachée à toi, je doute qu’elle puisse jamais te renier. Quand au chaos… certes, peut être qu’elle n’en voudra plus qu’à petites doses. Mais avec toi, qui sait ce qui sera possible ? Regarde ce que tu as réussi à faire ! Tu m’as même fait retomber en enfance et permis d’oublier le stress de mes fonctions quand je t’accompagnais. Je donnerai tout pour pouvoir y retourner si j’avais le temps !

-Parce qu’elle était là, répondit-il sombrement. Honnêtement, est-ce que tu aurais réagi de la même façon si j’avais fait ça uniquement pour toi ? » Lui demanda-t-il en plongeant ses yeux dépareillés dans les siens.

Elle baissa les yeux et soupira.

« Tu marques un point.

-Tu aurais probablement juste été ennuyée et m’aurait demandé de partir. Si tu es restée c’est parce que je te l’ai demandé, et si tu as apprécié, c’est parce qu’elle a apprécié. Mais demain, si elle redevient normale, est-ce qu’elle continuera, ou est-ce qu’elle deviendra comme toi ? Est-ce qu’elle voudra plus de place ? Est-ce qu’elle me sourira gentiment comme Fluttershy pour ne pas me vexer ?

-Peut être qu’elle restera la même, qu’elle deviendra plus attachée, et qu’elle trouvera son unique réconfort à tes côté, l’interrompit Twilight en le fixant dans les yeux. Peut être qu’elle n’appréciera plus ton chaos comme avant mais qu’elle t’aimera pour qui tu es et non ce que tu fais. Peut être qu’elle pourra passer outre tes défauts et t’accepter tel que tu es. Peut être qu’elle ne voudra plus jamais que tu partes et que tu restes à ses côtés, peut être qu’elle ne voudra plus servir d’excuse et seulement être celle vers qui ton regard se tourne, peut être qu’elle voudra occuper chacune de tes pensées, peut être… termina-t-elle au bord des larmes.

Peut être que tu devrais partir, excuse-moi. » Elle se leva de son fauteuil et se précipita hors de la pièce, sans lui jeter d’autre regard. Il eut tout juste le temps d’entendre un sanglot avant que la porte ne se referme.

*****

« Y’a quelque chose qui va pas ? demanda innocemment Screwie.

-J’ai peut être blessé quelqu’un, répondit Discord, le regard distant fixé devant lui.

-Tu as encore crié très fort sur un poney ? Ça fait très peur quand tu fais ça.

-Non, dit-il avec un petit sourire. J’ai probablement fait pire que ça. Encore je ne vis que pour le chaos, encore j’ai horreur quand c’est lui qui règne en maître dans mon esprit. Comment est-ce que tu vas aujourd’hui ?

-Bizarrement, dit-elle en levant ses yeux vers les siens avec une grimace. Les docteurs m’ont donné un nouveau médicament, j’ai l’impression de voir les choses mieux, mais y’a cette chose, *pouf*, dit elle en faisant un geste d’explosion dans les airs. Ça fait tout drôle dans ma tête. Parfois je suis fatiguée, parfois je suis excitée, et parfois… j’ai juste envie de rester comme ça, dit-elle en se blottissant un peu plus contre Discord.

-Tu ne veux pas jouer aujourd’hui ? Dit-il, un sourcil haussé.

- Non. Tu as l’air triste, et si tu es triste, je suis triste et j’ai pas envie d’être contente, et j’ai pas envie de jouer. On a qu’à rester comme ça jusqu’à ce que tu sois plus triste.

-Alors on va rester comme ça longtemps, dit-il avec un petit rire.

-Tant mieux. » Dit-elle avec le sourire.

*****

« Comment allait-elle aujourd’hui ? lui demanda le docteur Horse, lorsqu’il quitta la chambre le soir venu.

-Bien, je suppose, répondit Discord en hésitant. Elle arrivait à faire des phrases complètes, mais elle se plaignait de… une sorte d’explosion ou de coton dans la tête. Elle dit aussi qu’elle est fatiguée, et elle était plutôt calme.

-Probablement un effet du nouveau traitement. Son esprit doit se faire au fait que nous la forcions à rester lucide en dehors de ses périodes naturelles, répondit le docteur avec le sourire derrière ses lunettes. Je suis sûr que ça va finir par lui passer. A propos, comme j’ai vu que vous sembliez énormément tenir à elle, j’ai préparé une petite surprise pour vous deux demain, ajouta-t-il, son sourire s’élargissant.

-Je n’aime pas les surprises, sauf lorsqu’elles viennent de moi, grogna Discord.

-Ne vous en faites pas, je suis sûr que vous apprécierez celle là, venez juste un peu plus tard, je pense que vers onze heures elle devrait être prête.

-Pourquoi si tard ?

-Ahaha, c’est une surprise ! Je peux compter sur vous ?

-Je suppose… répondit Discord, incertain.

-Bien, je vous souhaite donc bonne nuit et à demain ?

-A demain. »

*****

Le lendemain, Discord arriva à l’hôpital à l’heure convenue se demandant quelle surprise pouvait bien lui avoir préparé le docteur. Il passa les portes d’entrée avec le sourire et le torse gonflé, comme à son habitude, mais ceux-ci ne tardèrent pas à se défaire lorsqu’il vit l’ambiance du hall principal. Il n’y avait que deux infirmières présentes, Redheart et une autre au pelage cyan et à la crinière bleue délavée dont il avait oublié le nom.

Il n’y avait aucun signe des deux autres. Peut être qu’elles étaient en service, c’est ce qu’il pensa, mais il était difficile de faire l’impasse sur la grise mine des deux encore présentes. En l’espace d’un instant, il se sentit envahit par la panique.

« Qu’est-ce qui s’est passé ? Il est arrivé quelque chose à Screw Loose ?! Elle va bien ?! demanda-t-il précipitamment, craignant la réponse des ponettes en blouse blanche.

-Hein ? Oh, euh, non. Elle va… bien, elle était avec le docteur, je crois qu’elle vous attend, je vais prévenir Horse que vous êtes arrivé, répondit nerveusement Redheart.

-Il s’est passé quelque chose ? Redemanda Discord en voyant le regard fuyant de l’autre infirmière.

-Non, ce n’est rien, il y a juste eu un accident, Snowheart s’est blessée et elle est aux urgences, on est juste encore sous le choc. Ne vous en faites pas pour nous, répondit Redheart avec un petit sourire forcé.

-Oh, je suis désolé, dit Discord, j’espère qu’elle va bien.

-Ne vous en faites pas pour nous, répéta Redheart, ce sont des choses qui arrivent. Screwie vous attends dans sa chambre, bonne journée. » Termina-t-elle, le même sourire figé sur son visage.

Soulagé que rien de grave ne se soit produit, Discord prit le chemin de la chambre 01, il longea le long couloir vert et blanc de l’hôpital. Les portes en bois se succédaient en décroissant, pour finalement atteindre la dernière. Enfin arrivé à destination, il souffla et tenta de faire disparaître toute trace d’inquiétude de son visage. Il força un grand sourire laissant pointer sa canine et tira sa longue langue serpentine. Il regonfla son torse et entra brusquement dans la chambre, sa patte griffue levée au ciel en signe de triomphe.

« Hé ! Screwie, regarde qui est de retour ! » Cria-t-il en gardant la pose, les yeux fermés.

A l’absence de plaquage au sol et de léchouilles, ou de réponse, il ouvrit un œil et abandonna immédiatement sa posture ridicule. Elle était bien là, mais elle n’avait guère meilleure mine que les infirmières.

Elle était assise dans son lit, les yeux boursouflés à moitié fermés par la fatigue et marqués de profondes cernes comme il n’en avait plus vu depuis des mois. Elle le dévisageait comme si un hurluberlu venait de débarquer dans sa chambre. Ce qui était probablement le cas, mais ce n’était pas le genre de réaction à laquelle il s’attendait.

Il ne s’attendait pas non plus à voir ses jambes sanglées au lit et sa camisole fermée dans une position des plus inconfortables. Il y eu un long moment de silence et Screw Loose se rallongea légèrement dans son lit, les yeux rivés sur le village peint en face d’elle.

« Qui êtes vous ? demanda-t-elle faiblement.

-C’est une blague ? » Demanda-t-il choqué de la question.

Elle tourna lentement sa tête dans sa direction, le regard toujours absent, et il eu sa réponse. Elle le percuta comme le maudit rayon d’harmonie, lui coupant le souffle et il eut l’impression d’être de nouveau pétrifié.

« Je- c’est moi, Discord, balbutia-t-il. Tu ne m’as pas oublié en seulement une nuit ? » Demanda-t-il les lèvres tremblantes.

Screw Loose finit de s’allonger et regarda le plafond enchanté qui montrait un ciel violet, éclairé de deux lunes brillantes et d’étoiles timides. Elle observa la Grande lune bleue autour de laquelle gravitait une plus petite marron et ferma les yeux. Elle lâcha un grand soupir avant de les rouvrir.

« Oui, Discord. Non, je n’ai pas oublié, je suis vraiment désolée, dit-elle d’une petite voix en retournant la tête vers lui. C’est le médicament, je suis tellement fatiguée. Approche, n’ai pas peur, je ne mords pas, dit-elle les lèvres retroussées, et bougeant ses pattes pour montrer la camisole. Prend une chaise, assieds-toi. » Ajouta-t-elle avec un faible rire.

Et c’est ce qu’il fit, il s’approcha du lit et invoqua une chaise qu’il plaça à côté de sa douce puis s’y assit, laissant un long silence s’installer, uniquement ponctué par les longues respirations de la jument bleue.

« Tu m’as appelé Screw Loose… finit-elle par dire.

-Oui, c’est ton nom.

-Non, c’est comme ça que les autres m’appellent parce que je suis différente.

-Désolé, tu veux que je t’appelle par ton vrai nom ? se reprit Discord.

-Ahah, ce serait bien, si je ne l’avais pas oublié... Je crois que Screwie sonne bien, qu’est-ce que tu en penses ? lui demanda-t-elle en levant ses yeux vers les siens.

-Je pense que c’est le plus joli nom qu’il m’ait été donné d’entendre, répondit-il avec le sourire.

-Alors va pour Screwie, de toute façon, c’est un nom qui me colle à la peau, tu ne trouves pas ? dit-elle avec un rire nerveux. Elle remua son postérieur pour monter la vis solitaire et déglinguée de sa cutie mark.

-Je suppose, dit-il en la joignant dans le rire qui s’estompa rapidement. Qu’est-ce qui s’est passé ? Finit-il par demander. Le docteur avait parlé d’une surprise.

-Tu parles d’une surprise, cracha-t-elle en retournant son regard vers le plafond. Discord ?

-Oui ?

-Tu veux bien me gratter entre les oreilles pendant que je raconte ? »

Il hocha la tête et passa sa patte féline dans sa crinière, il la frotta le long de son cou et remonta vers le sommet de son crâne où il la caressa, faisant battre ses oreilles à chaque passage.

« Juste comme ça, ronronna-t-elle les yeux fermés. Fais attention, je pourrais ne plus m’en passer, dit-elle avec un sourire sincère, qui s’effaça lorsqu’elle commença son récit.

Lorsque j’ai ouvert mes yeux ce matin, tu n’étais pas là, mais eux oui. Il y avait le docteur et les infirmières, ils avaient tous l’air content pour une certaine raison, mais ne semblaient pas vouloir défaire mes sangles. Au début, j’ai cru que c’était un jeu, alors j’ai commencé à sourire comme eux, en pensant qu’ils me détacheraient. Au lieu de ça, le docteur a donné une seringue à l’une des infirmières, et j’ai commencé à paniquer.

J’avais beau tirer sur les sangles, je n’avais pas plus de résultats que d’habitude. Les trois autres infirmières sont venues m’immobiliser et la première s’est approchée pour me piquer. Au début, ça n’a rien fait, je me suis juste sentie légère, comme quand je suis avec toi, mais tu n’étais pas là, ça semblait si bizarre, et faux. Plus le temps passait, plus j’essayais de comprendre pourquoi est-ce que ça semblait si mauvais, et j’ai recommencé à paniquer.

D’habitude, je ne me pose pas ce genre de question, il y a juste ces quatre murs, puis il y a toi, et tout va bien. Mais tu n’étais pas là et tout semblait allait bien, mais ce n’était pas normal, j’ai recommencé à me débattre et c’est là que ça recommencé. Tu te souviens ? demanda-t-elle en regardant Discord dans les yeux, il ne semblait pas ravi par la tournure que l’histoire prenait pour le moment.

*pouf* *pouf* *pouf* Ça faisait ça, *pouf* et encore *pouf* pleins de *poufs* dans ma tête, puis il y a eu les questions, pourquoi est-ce que les infirmières souriaient, pourquoi est-ce que j’étais toujours attachée, et pourquoi ma tête flottait dans du coton ? *pouf* *pouf* toujours *pouf*

Alors j’ai fermé les yeux, et j’ai attendu, je me suis dit que ce n’était qu’un mauvais moment à passer, mais ça ne passait pas. Il y avait tous ces *poufs* et cette sensation de bien être mais tu n’étais pas là, alors j’ai commencé à pleurer, mais mes lèvres ne voulaient pas cesser de sourire.

Ils ont du croire que je souriais de joie, parce qu’après ils m’ont détachée, mais tu n’étais toujours pas là. Ensuite j’avais une seconde seringue enfoncée dans la patte et Snowheart gisait par terre dans une flaque de sang, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais je crois que je lui enfoncé le museau dans le visage.

Ils m’ont donné des antidouleurs pour éviter que je ne fasse une crise et m’ont mis la camisole en me laissant seule, comme avant, sans compagnie, sans toi. J’avais peur, mais je ne ressentais rien. Puis Horse est revenu, il m’a donné des pilules et m’a dit que je devais être gentille avec toi, sinon tu ne reviendrais plus. Alors je suis gentille avec toi. Hein ? Je suis gentille ? » Demanda-t-elle en le suppliant du regard.

Il la regarda les yeux pleins de pitié et sentit une boule de rage se former dans son estomac, elle lui brûlait les poumons et remontait lentement, prête à exploser dans sa gorge. Mais il devait être fort pour elle. Il continua de lui caresser la crinière et fit de son mieux pour la rassurer.

« Chut, je suis là maintenant, tu sais bien que je ne t’abandonnerai jamais. Tu n’as pas à être gentille juste pour moi, je t’aimerai toujours, qui que tu sois, sois juste toi-même.

-Mais je ne peux pas Discord ! criat-t-elle avant de fondre en larmes. Ils jouent avec ma tête, et ça fait mal ! Je ne sais même pas qui je suis, est-ce que je suis la ponette bleue insouciante qui ne pense qu’à courir et sauter dans tous les sens ? Est-ce que je suis la jument déboussolée qui se réveille au milieu de la nuit se demandant où elle est et ce qu’elle fait attachée ? Est-ce que je suis cette épave en train de sombrer incapable de se souvenir de celui qu’elle aime quand elle le voit arriver ?

Tout est mélangé et se bouscule, ça fait mal, je veux que ça s’arrête, est-ce que tu peux faire quelque chose ? Dis-moi que tu peux alléger la douleur ? » Le supplia-t-elle. Il pouvait clairement voir la souffrance dans ses yeux violets, et il la ressentait aussi.

Il ne trouva qu’un seul remède, il ferma les yeux, approcha son museau de celui de Screwie et déposa un baiser sur ses lèvres. D’abord surprise, elle le lui rendit et ils restèrent liés l’un à l’autre pendant un moment qui leur sembla interminable. Jusqu’à ce que les sanglots de la jument se calment pour finalement cesser.

« Je te promet que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour arrêter la douleur, lui dit-il tendrement, il observa le soulagement refaire place à la souffrance dans les yeux de Screwie.

-Merci. » Dit-elle avec un sourire avant de fermer les yeux pour s’endormir.

Discord la regarda sombrer dans le néant et pria Luna pour qu’elle l’accompagne. Peut être que là bas elle pourrait s’échapper et recommencer à être libre.

« Je te le promet. » Dit-il plus sombrement en regardant la porte de la chambre.

*****

« Vous avez apprécié ma surprise ? demanda Horse joyeusement en montrant toutes ses dents lorsque Discord sortit de la chambre. Joie qui disparut rapidement lorsqu’il se trouva plaqué par une patte de lion contre le mur derrière lui.

-On peut dire que j’ai été surpris, dit-il gravement en serrant sa patte sur le cou du poney devant lui. Dites moi ce qui me retient de vous transformer en pot de chambre ou de maudire votre famille jusqu’à la dernière génération ? Je n’aurais jamais du vous écouter, j’aurais du venir comme tous les autres matins, elle m’attendait.

-Je ne vous aurais pas laissé venir plus tôt, vous auriez ruiné l’expérience, répondit calmement le médecin sans même tenter de se débattre. C’était nécessaire, elle n’a jamais été lucide aussi longtemps, nous ne sommes plus qu’à un pas de la guérison.

-ELLE SOUFFRE ! hurla Discord, une lourde bourrasque vint s’écraser au visage de Horse, l’étalon grimaça lorsque ses lunettes se fendirent sous le choc. Ce n’est pas un rat de laboratoire, c’est un poney, et vous lui faites subir les pires atrocités, de quel droit ? demanda-t-il la voix tremblante, ses yeux s’humidifiaient sous la colère et la tristesse .

-Nous la soignons, ce n’est qu’un cap à passer, bientôt la douleur et la confusion finiront par s’estomper, ou alors elle s’y fera et pourra commencer une vie normale. Elle ne peut pas vivre dans l’innocence et l’insouciance toute sa vie, si elle a été amenée ici, ce n’est pas pour que nous l’accompagnions dans sa folie, c’est pour l’aider à trouver la lumière. La mettre sur le bon chemin et lui offrir une vie normale. Elle souffre peut être aujourd’hui, mais c’est un mal nécessaire, sans ça, elle ne guérira jamais.

-Elle a failli tuer l’une de vos infirmières, grogna Discord.

-Ce-c’était un accident, répondit Horse, semblant perdre sa confiance pour la première fois.

-Un accident dont elle aurait du porter la responsabilité et le poids sur sa conscience grâce à votre ‘expérience’, grogna Discord. Je veux que vous arrêtiez le traitement, repassez aux autres médicaments, mais arrêtez de la faire souffrir.» Il desserra légèrement son étreinte et inspira profondément pour laisser la colère le quitter. Il rouvrit les yeux aux bord des larmes. «Je vous en prie.

-Ce n’est pas à vous de faire cette demande, répondit Horse en se ressaisissant. Nous arrêterons le traitement uniquement s’il présente un danger pour sa santé. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Alors reposez-moi immédiatement au sol et quittez cet hôpital avant que je n’appelle les gardes.

-C’est ce que nous verrons. » Répondit Discord avant de s’éxecuter à contrecœur et prendre la route de la sortie.

« Et je compte sur vous pour continuer à lui rendre visite, ne la lâchez pas maintenant ! » Cria Horse à l’autre bout du couloir.

*****

« Non, répondit catégoriquement Twilight. Horse m’a déjà contacté avant que tu n’arrives, et il est hors de question d’arrêter le traitement. Tu savais à quoi tu t’exposais dès le début, je t’avais prévenu. Elle est sur la bonne voie, d’ici quelques semaines, elle sera probablement même guérie. Tu devrais être content pour elle plutôt que venir m’interrompre dans mon travail. Je te rappelle que si tu veux te marier, il faut qu’elle soit saine d’esprit.

-Mais s’ils continuent comme ça, elle n’aura plus d’esprit, ils sont en train de la détruire Twilight ! Ils veulent lui laver le cerveau ! cria Discord en tapant du poing sur la table ronde.

-Et alors ? Si c’est le prix à payer pour qu’elle redevienne normale, qu’il en soit ainsi. N’est-ce pas ce que tu as fait pour tenter de faire régner le chaos ? demanda-t-elle, ennuyée.

-Non, et tu le sais très bien. Je n’ai fait que vous manipuler pour faire sortir la partie la plus sombre de vous. Je n’ai rien changé, c’est quelque chose qui était déjà enfoui dans votre âme. Je n’ai pas essayé de vous détruire pour mettre quelque chose d’autre en vous.

-Ah oui ? Même Fluttershy ?

-… Je… C’est un coup bas Twilight, répondit Discord les yeux fixés au sol. Et j’ai changé depuis, est-ce que tu veux dire que tu es d’accord pour utiliser des méthodes aussi mauvaises que les miennes juste pour la transformer en un poney lambda ?

-Oui, si c’est ce qu’il faut pour la guérir, il n’y a pas de petit sacrifice. Son esprit est malade, nous avons essayé de le soigner, mais elle lutte. Si nous voulons réussir, il faut la changer, et nous y sommes presque.

-Et si elle ne voulait pas guérir ?

-Ce n’est pas à elle de prendre cette décision, répondit simplement Twilight.

-A qui alors ?

-A nous, les poneys sains d’esprit, et c’est ce que nous faisons.

-De quel droit ?! Il sentait la colère revenir bouillonner dans ses veines..

-Du droit que nous œuvrons pour la paix et l’harmonie ! Comment l’harmonie peut-elle prospérer si nous laissons des poneys vivre avec un tel chaos dans leur tête ?! hurla Twilight en retour. Elle eut tout juste le temps de comprendre ce qu’elle venait de dire lorsqu’elle remarqua l’expression horrifiée sur le visage de Discord. J-Je suis désolée, je me suis laissée emporter.

-Non, c’est moi qui suis désolé, répondit Discord, les oreilles basses. Je n’aurais jamais du te demander de m’aider, ni t’impliquer dans tout ça, et je suis désolé de t’avoir fait souffrir.

-Ce n’est pas de la jalousie Discord, répondit calmement Twilight.

-Alors c’est vraiment ce que tu penses ? Que tu peux abandonner ton sens moral pour parvenir à tes fins ? C’est comme ça que tu comptes régner ? Hier tu étais une simple licorne, puis une princesse, et regarde aujourd’hui, tu as ton propre fief à gouverner, ne t’y trompes pas, demain tu auras ton royaume, c’est comme ça que tu veux le diriger ? demanda Discord avec pitié.

-Je… non, je… rha ! Grogna Twilight en frappant à son tour sur la grande table de pierre. Je ne sais pas ! Il n’y a pas de bonne réponse ! Je suis comme toi, je veux seulement qu’elle guérisse, mais je ne devrais même pas avoir à prendre ce genre de décision ! Peut être que tu as raison, je suis jalouse. Pourquoi est-ce qu’elle aurait droit à la simplicité, l’insouciance et l’amour alors que je suis prisonnière de ce château. J’ai des responsabilités que je n’ai pas demandées, un territoire à gérer, un peuple à satisfaire, et voilà que je me retrouve au milieu de cette histoire !

Tu veux une réponse ? Je ne peux pas t’en donner ! Horse a dit qu’il arrêterait le traitement s’il mettait sa vie en danger, je ne peux rien faire de plus. Crois-moi, j’aimerais, mais je ne peux pas, j’ai des affaires bien plus importantes à régler. Maintenant, si tu veux bien m’excuser.

-Est-ce que je peux juste te demander un service ? Je lui ai promis que je l’aiderai à ne plus souffrir, mais je ne sais pas si j’y arriverai seul. Si tu pouvais lui rendre visite...

-Je verrai ce que je peux faire. » Soupira Twilight.

*****

Les jours recommencèrent à passer et Discord observait chaque matin le rituel qui consistait à réveiller Screwie avant de l’injecter avec le nouveau traitement. Chaque semaine, une nouvelle seringue et un nouveau médicament. Il n’y avait plus d’échanges amicaux ou de sourires entre le personnel médical et les deux amoureux. Une fois l’injection faite, tout le monde se retirait pour laisser à Discord le soin de son amante : repas, toilette, et journées sans fin.

Leurs courses folles et leurs cabrioles dans le paysage enchanté avaient cessé depuis longtemps, pour faire place à de longues promenades. Éventuellement, Screwie finissait par tomber de fatigue, et ils s’asseyaient dans l’herbe violette au pied d’un arbre. Ils contemplaient ensemble le ciel étoilé, quelque soit l’heure de la journée. Tous deux éclairés par la lumière des deux lunes qui gravitaient maintenant l’une autour de l’autre. Ils attendaient la tombée de la nuit, Screwie blottie contre Discord, succombant à ses caresses avant de s’abandonner au sommeil libérateur. Twilight ne vint jamais.

Les mois recommencèrent à se succéder, mais l’état de la jument bleue ne s’arrangeait pas. Certes, maintenant elle n’avait plus de camisole, elle pouvait s’occuper d’elle-même et une table de nuit ainsi qu’une bibliothèque conséquente avaient rejoint son lit en bois. Mais les médicaments étaient son pain quotidien. Une piqûre, une gélule. Un verre d’eau, une pilule. Une bouchée de grain, un cachet.

Les cernes continuaient à creuser son visage, ses nuits se faisaient de plus en plus longues et leurs promenades de plus en plus courtes. Discord ne quitta jamais ses côtés, mais toujours pas de trace de Twilight.

Cette journée était comme les autres, Discord était arrivé tôt le matin, accompagné des rayons du soleil des derniers mois du printemps. Il avait attendu calmement, observant l’élue de son cœur dormir paisiblement, il profita du seul moment de répit qui restait de sa vie. Lorsqu’il était entré dans la chambre, il avait remonté la couverture sur la jument endormie et sourit en l’entendant murmurer son nom. A midi, elle finit par ouvrir un œil et commença paresseusement et péniblement à s’étirer, sa couverture et ses draps glissèrent peu à peu sous ses grands gestes. Elle sourit à son propre rayon de soleil et l’embrassa avant de se diriger vers sa salle de bain où une baignoire déjà remplie l’attendait.

Une fois propre et coiffée, elle sortit pour trouver Discord, assis sur sa chaise à côté du lit, semblant lire un livre. Il aurait pu être convaincant s’il ne le tenait pas à l’envers et qu’il ne portait pas ce monocle ridicule en cul de bouteille.

« Tu sais, peut être qu’un jour tu devrais essayer d’en lire un sérieusement, le temps te paraîtrait moins long, dit-elle d’une voix râpeuse en s’approchant pour lui donner un coup de museau.

-Le temps n’est jamais long quand je suis près de toi ma chère, répondit-il en tirant sur sa pipe pour ensuite en laisser s’échapper les bulles.

-Écoute-toi, on pourrait nous prendre pour un vieux couple, moi avec ma voix enrouée et mes cernes comme des rides, toi avec ta barbichette et ta pipe, dit-elle avec un gloussement.

-Le plus charmant des vieux couples si j’en crois les ragots, répondit-il avec une voix chevrotante. Comment tu te sens ce matin, qu’est-ce que tu veux faire aujourd’hui ? C’étaient toujours les mêmes questions, mais enfermés entre ces quatre murs, même seigneur du chaos, ses possibilités finissaient par faiblir.

-Pourquoi faut-il toujours que tu me poses la question, regarde mes yeux, est-ce que j’ai l’air d’aller ? » Il suffisait toujours qu’elle le demande pour qu’il le fasse avant de reculer imperceptiblement. ses yeux naturellement violets étaient maintenant entièrement rouges à cause des vaisseaux éclatés qui parcouraient ses globes oculaires. La majorité du temps c’était difficilement notable dans la mesure où elle avait du mal à les garder ouverts tout en restant debout, la dernière action lui demandant toute son énergie.

Lorsqu’elle disait que ses cernes ressemblaient à des rides, elle ne mentait pas. Un œil non averti aurait même eu du mal à reconnaître les cernes ou deviner qu’elle avait moins de la trentaine.

« J’avais pensé à faire une promenade dans le parc, répondit-elle à la deuxième question.

-Bien, allons-y ? demanda-t-il en lui tendant sa patte griffue.

-Pas ici, Discord, dit-elle sérieusement, son regard se durcissant du mieux qu’il le pouvait. Dans le vrai parc, celui devant l’hôpital.

-Tu sais bien que les infirmières ne veulent pas que tu sortes, et dans ton état, s’il t’arrivait quelque chose…

-Je ne suis pas aussi fragile que tu le crois, juste… fatiguée, soupira-t-elle. Est-ce que le grand seigneur du chaos aurait peur de quatre infirmières et d’une promenade dans le parc ? Plaisanta-t-elle. Peut être devrait-on m’appeler Screwie la dompteuse de Chaos dorénavant. » Fit-elle triomphalement avec un petit rire, avant de tomber à la renverse en perdant l’équilibre.

Discord se précipita aussitôt pour la rattraper et la soutenir avant de l’aider à s’asseoir.

« Tu vois, tu tiens à peine debout, ce n’est pas pour moi que je m’inquiète, mais pour toi. Je ne sais pas ce que je ferai si tu ne te relevais pas dehors, dit-il inquiet.

-Je vais bien, j’ai juste manqué d’équilibre. Je ne peux pas finir ma vie sans jamais sortir, et j’ai besoin de prendre l’air, s’il te plaît, fais ça pour moi. »

Il soupira, et d’un claquement de serre, la chambre s’effaça pour laisser place à la grande étendue verte devant l’hôpital. Ils marchèrent un moment le long du chemin de gravier, ils passèrent devant quelques statues de marbre et sous l’ombre de saules et de peupliers. Il ne fallut pas beaucoup de temps à Screwie pour qu’elle s’écroule, à bout de force.

« On devrait rentrer, lui dit Discord gentiment en l’aidant à se relever.

-Pourquoi rentrer maintenant ? Il fait un temps magnifique. Regarde, tu reconnais cet endroit ? » Demanda-t-elle en se dirigeant vers le banc le plus proche sur ses pattes flageolantes. La vis de sa cutie mark semblait plus instable qu’à son habitude.

C’est en voyant le banc qu’il reconnut l’endroit. C’était ici qu’il avait rencontré Screwie pour la première fois, un an auparavant. Il prit place aux côtés de sa dulcinée et se rendit compte que la fente causée par son coup de colère était toujours là, intouchée.

« Hé ! Z’êtes le drôle de poney qui crie fort et goûtez bon ! dit-elle en essayant d’imiter son ancienne voix avec un sourire malicieux. Vous savez faire de la magie ?

-Et bien plus que ça, répondit Discord en entrant dans le jeu.

-Alors j’ai une faveur à te demander, lui répondit Screwie. Elle le fixa sérieusement dans les yeux. J’ai un petit secret à te dévoiler. Elle s’approcha de lui pour lui murmurer dans l’oreille. J’ai toujours voulu courir et gambader comme un chien Il pouvait deviner un sourire sur son visage.

-Où est-ce que tu veux en venir ? lui demanda Discord, incertain de ce que lui demandait son amante.

-Est-ce qu’il faut vraiment que je te fasse un dessin ? dit-elle en essayant de lever les yeux au ciel, mais elle ne réussit qu’à s’affaler sur le banc.

-Je ne sais pas si c’est très prudent dans ton état, tu tiens à peine debout.

-Allons, tu es le seigneur du chaos, tu dois bien pouvoir me donner un peu d’énergie, juste pour cette fois ? demanda-t-elle en le suppliant. Si tu pouvais faire ça, tu ferais de moi la plus heureuse des juments. »

Il hésita encore un instant puis se rendit compte qu’elle essayait du mieux qu’elle pouvait de lui faire des yeux de chiot. Ce qui n’était pas vraiment convainquant vu l’état des dits yeux ravagés par la fatigue. Néanmoins il soupira et fit claquer sa serre, ce qui fit disparaître son amour dans un nuage de fumée rose. Lorsqu’il se dissipa, il dévoila un petit chien bleu aux pattes courtes et au corps compact. Son museau était fin et allongé, sa queue touffue était du même gris que la petite crinière qui longeait son cou et remontait sur sa tête pour finir en houppette entre ses oreilles pointues.

« Juste cette fois-ci, dit-il à l’attention du petit chien, le grattant entre les oreilles.

-Wif, wif ! » Lui répondit-elle.

Voir Screwie courir et jouer dans le parc lui emplit le cœur de nostalgie, que ce soit pour aller chercher la balle ou faire des parties de cache-cache, il avait l’impression de retrouver la jument dont il était tombé amoureux à l’origine. Une jument simple, pleine d’énergie et insouciante. Même si à l’heure actuelle, elle n’avait rien d’une jument.

Elle n’avait rien non plus du poney qui souffrait des diverses drogues, qu’elle était forcée consommer, pour garder un semblant de vie normale. Il aurait voulu que ce moment ne s’arrête jamais, ou pouvoir remonter le temps et faire en sorte que rien de tout ça ne soit arrivé.

Alors qu’il se perdait dans la nostalgie, une balle serrée dans ses griffes prête à être lancée, il fut interrompu par une voix familière ; il avait perdu espoir de la réentendre un jour.

« Discord ? Qu’est-ce que tu fais là, je croyais que tu étais avec Screwie à ‘hôpital, où est-ce qu- »

Twilight s’arrêta en voyant le petit chien bleu un peu plus loin dans le parc, il se tenait sur ses pattes arrière et remuait la queue en attendant que la balle lui soit lancé. Elle ne mit pas longtemps à résoudre l’équation, et elle n’en apprécia pas le résultat.

« Alors c’était ça depuis le début ?! s’écria-t-elle à l’attention de Discord. Comment est-ce que j’ai pu être aussi bête ?! Bien sûr que ce n’était que ça, comment est-ce que j’ai pu croire que TOI, tu pouvais tomber amoureux ?! Je comprends mieux pourquoi tu voulais arrêter le traitement maintenant, tu sais quoi ? Tu me dégoûtes, comment est-ce qu’on a même pu être amis ? Est-ce que tu te rends compte de ce que tu as fait ? Est-ce que tu as seulement, réellement pensé à elle ?

-Twilight, tu te fais de fausses idées, essaya de la raisonner Discord. Laisse-moi t’expliquer-

-Mais il n’y a rien à expliquer, tout est clair, tu ne changeras jamais, dit-elle au bord de l’hystérie. Après Tirek j’avais repris espoir mais au final, tu es incapable d’apprendre, il n’y a que toi qui compte. Prie pour ne plus jamais croiser ma route, car je ne garantis pas de pouvoir me retenir de te changer en pierre. Et une dernière chose, ne t’approche plus de Fluttershy ni d’aucune de mes amies ou tu le regretteras amèrement. » Dit-elle avant de s’enfuir du parc au galop sans même penser à utiliser ses ailes.

Discord resta là un moment, à observer l’endroit où se tenait l’alicorne un instant auparavant, incrédule. Il savait que Twilight avait cette capacité à se monter des histoires en tête, mais cette fois-ci il trouvait sa réaction plus qu’exagérée. Elle ne lui avait même pas laissé le temps de lui donner sa version des faits. Il n’était même pas sûr de savoir à quelle conclusion elle était arrivée !

Il y eut un flash rose derrière lui, suivit d’un grognement de douleur.

« Préviens-moi la prochaine fois que tu fais ça, lui dit Screwie avant de s’effondrer au sol. Oh, je crois que je vais avoir besoin de dormir. »

Un claquement de griffes plus tard, ils étaient de nouveau dans la chambre et Discord aida la jument à se glisser dans le lit et la couvrit des couvertures.

« Est-ce que tu peux m’expliquer ce qui vient de se passer ? finit-elle par demander.

-Tu te souviens quand je t’ai dit que j’avais blessé quelqu’un ? dit-il dans un soupir.

-C’était elle ? demanda-t-elle alors que la fatigue commençait à l’emporter.

-Oui.

-C’est pour ça qu’elle a arrêté de venir ?

-Je ne sais pas, peut être. Elle est aussi très occupée tu sais, c’est une princesse, répondit-il distant.

-Tu lui en veux ? D’avoir arrêté de venir ?

-Pas vraiment, je lui en veux juste de ne pas avoir tenu sa promesse. Elle a dit qu’elle essaierait de prendre du temps pour venir te voir et t’aider. Mais elle ne l’a jamais fait.

-Moi je ne lui en veux pas, répondit Screwie en fermant ses yeux fatigués. Elle est venue aujourd’hui, même si elle s’est fait une mauvaise idée. Je pense que tu devrais la voir et lui expliquer que c’était mon envie.

-Elle n’est peut être pas venue pour toi, une de ses amies finit souvent à l’hôpital, c’est à se demander comment elle fait pour encore voler…

-Je ne pense pas, répondit-elle lentement, sa respiration commença à se calmer et sa voix devint un murmure. Sinon elle ne serait pas venue directement vers le banc. »

Il resta là à la regarder allongée dans son lit, un sourire sur ses lèvres malgré les traits qui marquaient son visage. Il essaya de réfléchir à ce qu’elle voulait dire, mais il n’aimait pas la tournure que cela prenait. Il avait choisi dès le début, c’était Screwie qu’il voulait. C’était elle qui occupait chacune de ses pensées et c’est pour elle et avec elle qu’il trouvait la joie de faire le chaos.

Twilight n’était qu’un malheureux accident, et il n’y pouvait rien. L’idée qu’elle ait pu venir tous les jours devant l’hôpital, hésiter pour finalement se contenter du banc où ils s’étaient séparés avant qu’il ne rencontre son élue, lui semblait absurde. Il ne comprenait même pas comment Screwie était parvenue à cette conclusion.

Lorsqu’il décida finalement d’écarter ces pensées de son esprit pour se concentrer sur la présence de son amour, il se rendit compte que le soleil était couché depuis longtemps, dehors la lune était déjà haute. Il se tourna vers la forme allongée dans le lit et soupira.

« Tu peux arrêter de faire semblant tu sais, lui dit-il en la regardant ouvrir lentement les yeux, parfaitement éveillés.

-Tu savais ? demanda-t-elle faiblement, ses yeux commençant à s’humidifier. Depuis quand ?

-Je m’en suis rendu compte il y a quelques jours, tu ne bouges presque pas quand tu es couchée, tu te contentes juste de murmurer mon nom quand j’arrive. La question c’est : depuis quand tu ne dors plus ?

-Depuis plusieurs semaines, dit-elle la voix tremblotante. D’abord ce sont les rêves qui se sont arrêtés, puis le sommeil qui a disparu. J’ai si mal. Ces choses dans ma tête, ça n’arrête pas de remuer, de frotter, j’ai envie de tout arracher, de crier, mais je n’ai même plus la force pour ça. Je ne sais pas si j’arriverai à me lever demain.

Je n’arrive même plus à savoir si mon esprit fait encore partie de ce corps, la douleur est partout, et pourtant je ne sens plus rien, dit-elle avec un sanglot. Est-ce que ce sont mes pattes ? Si oui, alors pourquoi est-ce que je n’arrive plus à les bouger ? J’ai l’impression que ma tête va exploser et que mon corps va m’abandonner. J’ai peur Discord, reste avec moi, ne pars pas cette nuit… implora-t-elle en essayant de lever un sabot dans sa direction, mais elle réussit tout juste à le lever du matelas avant qu’il ne retombe mollement à côté d’elle.

-Ne t’en fais pas, dit-il en lui déposant un baiser sur les lèvres. Je serais toujours là pour toi. » Ajouta-t-il en se glissant dans le lit et l’enlaçant, prenant sa tête dans son épaule.

Elle continua à pleurer une longue partie de la nuit, jusqu’à ce qu’elle n’en ait plus la force. Elle finit par fermer les yeux sans cesser ses gémissements, la douleur crispant son visage et pinçant le cœur de Discord.

Alors que le soleil était levé depuis quelques heures, la colère prit le meilleur de lui-même. Laissant un dernier baiser à sa bien aimée, il sortit du lit et l’entendit gémir lorsqu’il quitta ses côtés. Aujourd’hui, tout devait s’arrêter. Le docteur avait dit qu’il cesserait le traitement s’il mettait sa vie en danger. A l’évidence, il n’avait pas tenu parole.

Il ne pouvait plus supporter de la voir dans cet état végétatif et de douleur omniprésente. D’un pas décidé, il quitta la chambre et l’hôpital. Peu importe ce qu’il devrait faire, il ne s’arrêterait pas tant qu’il n’aurait obtenu la paix de Screwie. Il traversa les rues de Ponyville sans jamais ralentir, les poneys se poussant sur son passage et regardant sa progression avec inquiétude.

*****

Chacune des grandes chaises sculptées à l’effigie de leur élément était occupée autour de la table ronde. Les six éléments avaient été convoqués par les deux princesses astrales pour faire le bilan sur l’année passée. Elle avait été plutôt calme et aucun incident important n’avait été à déplorer. La reconstruction du pays après l’attaque de Tirek était maintenant achevée et chaque poney avait repris ses activités dans la joie et l’harmonie.

Le sujet finit éventuellement par dévier sur les diverses aventures qu’avaient pu vivre les six juments pendant cette période, qui épatèrent les princesses Celestia et Luna par leurs récits. Tout allait pour le mieux lorsque les huit occupantes de la salle entendirent de l’agitation de l’autre côté des doubles portes. Les gardes n’eurent pas le temps d’appeler des renforts qu’ils furent projetés contre les battants, les ouvrants dans leur course qui se termina au pied de la grande table en pierre.

Discord ne perdit pas de temps pour les suivre et entrer à son tour. Le regard sombre, il fixa les trois princesses devant lui, sans prêter la moindre attention aux cinq autres éléments sur la défensive.

« Nous avons à parler, annonça-t-il d’un ton sans appel. En privé. » lança-t-il avec un regard noir en direction des cinq autres juments.

Celestia et Luna le regardèrent, surprises de son intrusion, tandis que Twilight le fixait d’un regard furieux, tentant de le faire fondre par sa seule rage.

« Hors de ma vue ! hurla-t-elle dans sa direction. De quel droit oses-tu venir ici après ce que tu as fait ?! Et interrompre une réunion princière, pour qui tu te prends ?! Tu crois qu’il te suffit de franchir ces portes pour que nous soyons à ton service ? Il y a des règles Discord, il serait temps que tu apprennes à les suivre !

-Du calme Twilight, dit paisiblement Celestia en lui posant une patte sur l’épaule, puis elle tourna un regard inquisiteur vers Discord. Il y a d’autres moyens d’entrer en contact avec nous que d’interrompre de la sorte l’une de nos réunions. J’espère que tu as une bonne raison pour justifier ce comportement, Discord.

-Une excellente, répondit-il en grognant. Et je n’ai plus le temps de passer par la voie formelle, j’aurais du faire ça depuis longtemps. »

Il jeta un nouveau regard aux cinq juments, et leur fit clairement comprendre que leur présence n’était plus nécessaire pour ce qu’il avait à faire.

Elles se tournèrent vers les princesses et quittèrent la pièce après un hochement de tête de Celestia. Les gardes les suivirent, et fermèrent les deux grandes portes en bois massif derrière eux.

« Maintenant parle, lui demanda sévèrement Celestia. Que nous vaut cette visite impromptue ?

-Je suis venu faire ma demande en mariage, répondit-il sans que la colère ne quitte sa voix.

-Tu étais sérieux ?! demanda Luna, les yeux écarquillés. Celestia lui lança un regard étonné avant de se tourner vers Discord, en haussant un sourcil.

-J’ai bien peur qu’aucune de nous trois ne soit à marier, répondit-elle calmement.

-Pas vous. Je suis venu demander l’autorisation de me marier à Screw Loose, dit-il en soutenant le regard de Celestia et ignorant les flammes qui brûlaient dans celui de Twilight.

-Oh… dit Luna, les yeux baissés et les oreilles plaquées en arrière.

-Tu la connais ? lui demanda Celestia.

-C’est… une jument perturbée. Elle vit dans l’aile psychiatrique de l’hôpital de Ponyville depuis plusieurs années. Je n’ai jamais réussi à comprendre ses rêves, ils étaient toujours… chaotiques, il n’y avait aucun sens, des choses partout, mouvant sans arrêt. Puis elle a commencé à rêver de Discord, et c’est là qu’elle a commencé à avoir les cauchemars, dit-elle avant de relever la tête, et de regarder sévèrement le draconequus dans les yeux. Puis plus rien, elle a arrêté de rêver. Je ne sais pas si c’est une bonne idée Discord.

-En effet, rajouta Celestia. De plus, je ne vois pas en quoi cette affaire de mariage nous concerne.

-Elle est sous la tutelle de la couronne, tant qu’elle ne sera pas jugée guérie, c’est à vous qu’il faut que je demande.

-Je m’y oppose ! hurla à nouveau Twilight, surprenant les deux autres princesses. Le mariage est fait pour deux êtres qui s’aiment, tu n’as aucun droit de faire cette demande !

-Je l’aime, Twilight, répondit-il sérieusement en soutenant son regard ardent.

-Ce n’est pas l’amour dont je parle ! Tu l’aimes comme un animal de compagnie, comme un objet satisfaisant ta curiosité et ta soif d’attention. Elle n’est rien d’autre pour toi qu’un poney que tu laisseras tomber dans l’oubli après que- Mph !

-Discord ! Arrête ça tout de suite ! Tonna Celestia après que Discord ait scellé les lèvres de Twilight, l’empêchant de prononcer un autre mot.

-Non, répondit Discord avec une ombre sur le visage. C’est aussi pour ça que je voulais vous parler en privé, il est temps que Twilight et moi ayons cette discussion, dit-il en se tournant vers l’alicorne en question. Tu vois Twilight, d’ordinaire je suis quelqu’un de patient, j’ai eu des millénaires d'entraînement. Mais je ne supporterais pas que tu m’insultes moi, ou celle que j’aime. Car oui, je l’aime.

Peut être que je n’ai été attiré que par le chaos qui régnait dans sa tête en premier lieu, mais j’ai appris à la connaître, à partager ses joies, ses douleurs, et à l’aimer. Contrairement à toi, j’étais là quand elle a commencé à parler sans traitement. J’étais aussi là lorsque ce dernier s’est intensifié. J’étais à ses côtés lorsqu’elle a commencé à sombrer sous les effets des drogues qu’ils lui ont fait ingérer. Je l’ai vu remonter vers la lucidité pendant que son corps l’abandonnait. J’ai passé la nuit avec elle parce qu’elle ne peut plus dormir. Elle n’a même plus la force de garder les yeux ouverts ou de pleurer sa douleur, pourtant le sommeil refuse de l’emporter. Elle est devenue une épave et j’ai toujours envie de la serrer dans mes bras, être là pour elle, la protéger, et c’est pour ça que je suis là.

Tu m’en veux peut être de l’avoir choisie plutôt que toi, mais sache que je t’en veux tout autant de l’avoir abandonnée et l’avoir laissée sombrer sans jamais te montrer. Tu as dit que tu viendrais, que tu la soutiendrais, mais tu n’es jamais venue.

Et tu sais le plus ironique ? C’est que moi je t’en voulais, mais elle, elle ne t’en a jamais voulu. Tu me juges pour ce que tu as vu dans le parc ? Sais-tu seulement ce que nous faisions là-bas ? J’ignore comment, mais elle savait. Elle savait que si l’on ne te voyait jamais c’est parce que tu étais là bas, seule sur le banc où nous nous sommes quittés.

Je ne sais pas si elle voulait que nous nous retrouvions ou si elle voulait te revoir. C’était peut être même la dernière fois que ses sabots pourraient la porter. Et elle l’a choisi pour enfin recommencer à courir et jouer en liberté. Tu aurais pu le faire aussi, mais tu as préféré te laisser aveugler par la jalousie.

C’est indigne de toi, dit-il la tête baissée. Tu voulais la voir guérir, qu’elle redevienne normale ? Félicitations, tu as réussi. Mais je t’en prie, je t’en supplie même, viens la voir, elle souffre. Est-ce que tu crois toujours que c’était la meilleure chose à faire ? Tu as réussis à prendre son innocence, mais elle souffre tellement qu’elle ne peut même plus replonger dans la folie pour échapper à la douleur.

Est-ce que tu crois que nous priver de notre bonheur te rendras le tien ? lui demanda-t-il en relevant la tête.

-Twilight, de quoi parle-t-il ? lui demanda sévèrement Celestia.

-Je… Je… hésita-t-elle la voix tremblante. Ses yeux commencèrent à s’embrumer. Je ne voulais pas, j’ai même essayé d’oublier, de faire comme si rien ne s’était passé, mais à chaque fois, il fallait que je redresse les choses, que tout redevienne normal. Mais quand j’arrivais devant l’hôpital pour tout arrêter, il y avait ce banc. Je sais que c’est là que tout a commencé, et à chaque fois que je le voyais, j’avais cette partie en moi qui ne voulait pas que j’aille plus loin. Je voulais qu’elle se soigne, mais je savais aussi qu’elle souffrait. Pourquoi aller plus loin que le banc ? Tous mes désirs étaient réalisés.

Elle redevenait normale, Discord voyait celle qu’il aimait disparaître, et sa souffrance ne pouvait être aussi grande que la mienne. Après tout, pourquoi est-ce que j’aurais dû aller la voir ? Elle avait tout, la liberté, l’attention, l’amour. Je n’avais que le château et les mêmes journées monotones se suivant sans cesse.

-De quoi est-ce que tu parles Twilight ? lui demanda doucement Celestia.

-C’est de ma faute, dit-elle quelques gouttes tombant à ses sabots. J’aurais du dire non dès le début, mais Horse disait que la douleur serait temporaire, qu’elle serait guérie en un rien de temps, qu’elle finirait par s’y faire.

Alors je l’ai autorisé à commencer un nouveau traitement expérimental. Mais les jours sont passés, puis les semaines. Une partie de moi voulait tout interrompre pour que la douleur cesse, mais l’autre jubilait à l’idée que je puisse réussir à la guérir tout en la faisant souffrir.

C’est ironique, hier, quand je t’ai vu dans le parc, dit-elle, le regard tourné vers Discord. J’ai cru que vous vous étiez échappés et que ce serait l’occasion pour moi de m’excuser. Mais quand je l’ai vue, énergique, heureuse, qui s’amusait avec toi... Je ne sais pas. Quelque chose s’est brisé en moi, elle était la jument la plus heureuse d’Equestria et moi j’étais déchirée, incapable de savoir ce que je devais faire, continuer à la torturer ou finalement la libérer. Je m’attendais à devoir culpabiliser en la voyant marquée par le traitement. Mais non, elle était là à me narguer. Je voulais simplement effacer ce sourire, l’écraser, la voir disparaître.

Je ne sais même pas comment me faire pardonner, ça m’a rongé pendant si longtemps, ou si je serai de nouveau capable de me soucier des autres, de recevoir leur attention. Je- je ne suis qu’un monstre finit-elle en s’écroulant au sol, secouée par ses sanglots.

-Tu sais ce qu’il te reste à faire pour arranger les choses, lui dit Discord. Mais saches que quoi que tu choisisses, je suis sûr que Screwie te pardonnera.

-Un instant, interrompit Luna. Ça n’explique en rien ses cauchemars, tu étais dans chacun d’eux, Discord, comment expliques-tu cela ? demanda-t-elle en le scrutant.

-Ce sont les médicaments, répondit Twilight en s’essuyant les yeux. Ils forcent sa lucidité à faire surface, même lorsqu’elle devrait rester scellée. Mais son esprit n’est pas assez fort et trop fragile pour le supporter. Elle devait chercher du réconfort dans son sommeil, mais le traitement continuait de la poursuivre.

Le but était d’effriter son esprit pour recommencer à zéro, lui donner une nouvelle vie en partant de rien. Si elle réussissait à guérir avant ça, nous étions tous gagnants, sinon…

-Tu te rends compte qu’avec tout ceci tu ne pourras pas rester impunie ? l’avertit sombrement Celestia.

-Je sais, répondit Twilight en baissant la tête. Je retire mon opposition à la demande en mariage de Discord.

-Je ne peux pas simplement donner mon accord comme ça, dit Luna. Certes, Discord nous a prouvé la valeur de ses sentiments, mais qu’est-ce qui nous prouve que ceux de Screw Loose sont réciproques ?

-Je suis d’accord avec Luna, dit Celestia. Qu’est-ce que tu comptes faire ? Nous avons assez d’éléments pour arrêter le traitement. Mais tu comprends bien que cela signifie très probablement qu’elle va replonger dans la folie ? Il pourrait même y avoir des effets inattendus à arrêter les médicaments brusquement. Tu penses vraiment que c’est ce qu’il y a de mieux pour elle ?

-J’en suis sûr, répondit Discord sans hésitation.

-Tu es prêt à porter l’entière responsabilité de ce qui se passera à partir de maintenant ?

-Oui, je m’occupe d’elle depuis presque un an, je suis prêt à tout pour elle.

-Bien, répondit Celestia. Je ne m’oppose pas à ta demande, en revanche, j’y mets une condition.

-Laquelle ?

-Je veux qu’elle accepte ta demande tant qu’elle le peut. »

*****

Il faisait encore jour dehors, mais la pièce était sombre, uniquement éclairée par le plafond enchanté. Screwie était allongée, blottie contre Discord, tous deux allongés contre le tronc mou d’un arbre en caoutchouc. Discord détachait des morceaux de barbe à papa qu’il tenait dans une patte pour les donner à Screwie, qui essayait de les savourer avec difficulté.

Devant eux s’étendait un long parc violet traversé par un chemin de gravier blanc. A ses côtés, flottaient à quelques mètres au dessus du sol, diverses statues de poneys ou autres emprisonnées dans la pierre.

« Tu me gattes, dit faiblement Screwie en avalant son morceau de friandise. Deux sorties dans le parc en deux jours, bien que je ne me rappelais pas qu’il était si… chaotique. Dommage que je ne puisse plus marcher.

-Ce sera bientôt fini, répondit Discord. Qu’est-ce que tu dirais, si je pouvais arrêter le traitement ? Si tout pouvait s’arrêter et redevenir comme avant ?

-Comme avant ? demanda-t-elle en levant la tête. Tu veux dire… quand j’étais… différente ?

-Tu n’as jamais été différente, tu as toujours été toi, dit-il avec le sourire. Mais oui, sans le traitement, tu redeviendras probablement comme avant, peut être que tu ne pourras plus parler, ni lire, ni t’occuper de toi-même. Mais tu ne souffriras plus.

-Est-ce que tu continueras de venir me voir ? dit-elle en hésitant légèrement. Tu ne me laisseras pas hein ?

-Bien sûr que non, je pourrais même faire mieux que ça, il n’y aura plus d’hôpital, plus aucun médicament, juste toi et moi. Qui sait ? Tu pourras peut être rencontrer d’autres poneys, recommencer à courir et t’amuser. On ira marcher et jouer dehors sur de la véritable herbe, sentir le vent dans ta crinière, manger autant de barbe à papa que tu voudras sans que les infirmières ne se fâchent.

-Je ne sais pas, l’herbe violette va probablement me manquer. Où est-ce que tu veux en venir, j’ai l’impression que je suis en plein délire, est-ce que tu me vends un rêve qui ne pourra s’accomplir ?

-Non, c’est un rêve qui pourrait se réaliser, mais je veux que tu comprennes que tu ne pourras probablement plus être aussi lucide que tu l’es maintenant. Tu recommenceras à faire des crises et il faudra te rattacher si tu deviens dangereuse. Est-ce que c’est vraiment ce que tu veux ? »

En grognant d’effort, elle se leva sur ses pattes tremblantes et essaya de l’enlacer, l’embrassant sur les lèvres. Lorsqu’ils se séparèrent, elle se pencha pour lui murmurer à l’oreille.

« Tu sais, je me suis toujours sentie nue sans ma camisole, qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que tu arrêtes de me faire baver et que le rêve se réalise ?

-Il te suffit de répondre à une seule question.

-Oh, et laquelle ? »

Il la reprit pour l’embrasser et plongea ses yeux dans les siens lorsqu’ils se séparèrent. Il se perdit dans ses yeux violets un long moment avant de la poser.

« Veux-tu m’épouser ? »

*****

La cérémonie se fit en comité réduit. Les princesses et les six éléments de l’harmonie étaient là. Mais il y avait aussi dans le fond, une licorne bleue marine à la crinière argentée, assise à côté d’une licorne violette à la crinière bicolore et les flancs marqués d’une étoile à six branches.

Discord, dans sa tenue ridicule se tenait impatient devant Mayor Mare. A ses côtés se tenait Screwie, habillée dans une robe particulière. Redheart se tenait à côté d’elle, remettant régulièrement sa couronne sur sa tête lorsque celle-ci commençait à glisser sous les mouvements incessants de la jument.

La robe avait été conçue par Rarity. Faite de soie blanche, elle avait néanmoins une singularité. Elle se distinguait par les manches trop longues qui pendaient sur ses bras, et des sangles en platine qui la parcouraient sur toute sa longueur. Il avait fallu à Rarity l’aide des infirmières pour maintenir la jument tranquille et lui mettre la tenue. Des bandes de tissus partaient des sangles, et devenaient de plus en plus longues en s’approchant de ses flancs, pour finalement laisser place à une longue pièce couvrant ses jambes.

La plus grande difficulté avait été de trouver un tissu assez solide pour résister à la mâchoire de Screwie, qui avait la fâcheuse tendance à tirer dessus lorsqu’elle commençait à s’impatienter lors de la conception. Pour le voile, Rarity avait essayé de faire une couronne qui puisse s’attacher autour de la tête de la jument. Mais lorsque celle-ci avait senti la pression autour de son crâne, elle avait fait une crise de panique. Il avait fallu plusieurs heures pour la convaincre de revenir poser et continuer la tenue. Au final, elle avait dû opter pour une simple couronne à poser sur sa tête. Le voile avait même du être raccourci, car Screwie s’amusait en permanence à souffler dessus pour le soulever.

En revanche, la tenue de Discord était de sa propre conception, à la plus grande horreur de la couturière. Il portait une simple chemise blanche accompagnée d’une cravate à carreaux jaunes, le tout couvert d’une jaquette violette en satin. Pour sa part, il trouvait que l’ensemble s’accordait parfaitement bien avec son pantalon vert en velours. Il portait aussi son monocle en cul de bouteille, accentuant la disparité entre ses deux yeux.

La cérémonie était la dernière étape qui finirait de lier les deux amants. Toutes les autres formalités avaient été remplies quelques jours auparavant, lors des derniers instants de lucidité de Screwie. Ils écoutaient le discours de Mayor Mare qui semblait anormalement long pour un simple mariage. Lorsqu’ils étaient arrivés devant l’hôtel, elle les avait accueillis avec un sourire chaleureux, et félicité Discord pour avoir finalement trouvé un poney qui puisse partager ses sentiments.

Le temps continuait à passer mais le discours ne semblait pas vouloir se terminer. Même Luna commençait à bailler tandis que l’attention du reste de l’audience s’enfuyait lentement. A bout de patience, Discord se mit à taper par terre, dans l’espoir que le son ferait comprendre à la mairesse qu’il était temps de passer à l’étape suivante.

Curieusement, Screwie était beaucoup plus calme, elle fixait la jument ambrée à travers son voile avec la plus grande attention. Elle semblait boire chacun de ses mots, et elle faisait bien, car elle devait probablement avoir soif après avoir dévoré la moitié de son bouquet, qu’elle continuait à brouter. A chacun des mots de la mairesse, Screwie mastiquait bruyamment pour accompagner le discours.

Finalement, arrachant un soupir de soulagement général à l’assemblée, Mayor Mare prononça les mots que tout le monde attendait.

« Vous pouvez embrasser la mariée. »

Lentement, Discord s’approcha de Screwie qui le regarda avec une attention toute particulière, sans comprendre pourquoi tout le monde était content, ni ce qui allait se passer. Discord leva le voile et plongea son regard dans les yeux démentiels de sa dulcinée. Les vaisseaux éclatés qui les parcouraient avaient disparus pour laisser place aux larges globes oculaires. Ponctués de petits iris violets contractés par la folie.

En voyant son visage approcher, Screwie cessa de mâcher les fleurs qu’elle avait dans la bouche et avala bruyamment. Redheart en profita rapidement pour faire flotter un mouchoir, afin de lui essuyer la bave au coin des lèvres, et sur le menton. Enfin, Discord boucla les derniers centimètres qui les séparaient et déposa sur ses lèvres un baiser avant de se retirer.

Elle le regarda confuse, la tête penchée sur le côté. Pendant un moment, il y eut un long silence et on put entendre les mouches voler. Puis sans prévenir, elle sauta sur Discord, le plaqua sur le sol et lui lécha le visage à plusieurs reprises.

Ce faisant, le bouquet attaché à ses côtés, ou du moins les tiges qui restaient, s’envola. Sa course libre dans les airs ne fut pas longue, puisqu’il fut rapidement intercepté par une licorne bleue, sautant comme une furie au dessus des autres juments qui tentaient de l’attraper.

Une fois le bouquet en sa possession, Trixie retourna au galop au fond du hall de la mairie pour embrasser tendrement la licorne violette qui l’y attendait. Fermant les yeux, Twilight lui rendit son baiser sous les hourras des autres spectateurs.

*****

Quelques jours plus tard, la chambre 01 était de nouveau vide de tous meubles, à l’exception d’un simple lit en métal sur roulettes, muni de sangles. Les murs avaient retrouvés leur tapisserie bleue monotone parcourue par endroit de motifs floraux. Il n’y avait pas plus de Lunes gravitant l’une autour de l’autre que d’étoiles dans un ciel violet pour éclairer le plafond blanc de la pièce.

Oui, la chambre 01 avait retrouvé son ton froid et monotone, prête à accueillir sa prochaine victime. L’étalon ambré leva les yeux de son bloc note. Devant lui se tenait une jument mauve, que les infirmières tentaient de calmer.

« Screw Ball, c’est bien ça ? Ne vous en faites pas, on va bien s’occuper de vous ici, vous vous sentirez mieux en un rien de temps, dit-il avec un large sourire. »

La jument n’eut pas le temps de se détendre, qu’elle se retrouva camisolée et attachée au lit.

« Ne vous en faite pas, dit Horse en regardant la jument apeurée. Ce n’est qu’une petite piqure, ça fera mal l’espace d’un instant, puis tout finira par redevenir normal. »

Il se saisit de la seringue que tenait l’infirmière et fit son office sans que son sourire ne le quitte.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Note de l'auteur

Si vous avez aimé et voulez plus de Screw Loose, je ne peux que vous conseiller d'aller visiter cet artiste, j'ai découvert ses dessins en regardant un clip de "good girl", et ça m'a beaucoup inspiré pour l'histoire.

Lien: [lien]

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

RainbowSoarin00
RainbowSoarin00 : #47673
La troisième fic à me faire pleurer, c'est beau, c'est émouvant, c'est [lien]
Il y a 8 mois · Répondre
ViveLesHistoires
ViveLesHistoires : #46291
neobius19 janvier 2016 - #33205
pour la scène de l'entrainement de trixie avec zecora : on devrai faire un ytp avec le joueur du grenier qui dit "la subtilité c'est pour les tapettes

Mais trop !
Il y a 10 mois · Répondre
supersonic
supersonic : #42608
POURQUOI ... il n'y a pas de suite ,il faut sauver screw ball
Il y a 1 an · Répondre
neobius
neobius : #33205
pour la scène de l'entrainement de trixie avec zecora : on devrai faire un ytp avec le joueur du grenier qui dit "la subtilité c'est pour les tapettes
Il y a 2 ans · Répondre
Especiel
Especiel : #25142
J'ai adorer oOo je ne sais pas pk mais un moment de l'histoire ma fait penser que Screwie allait mourir a la fin :/ mais apres c petetre juste mon esprit tordu xD
Une fic que je recommande avidement pour les amoureux de Draconeïcus x)))
C un chef-d'oeuvre !!
Il y a 3 ans · Répondre
GhostPonyRider
GhostPonyRider : #4863
Je plussoie JackHyde pour commencer !

Et j'ajoute que les personnages sont franchement bien maîtrisés ! Sauf peut être une Luna un peu trop douce, mais bon.

Un Discord superbement écrit et une histoire touchante ! J'adore !
Une fic' qui mérite vraiment le détour !

Et comme je dis toujours après avoir fini mon dessert : "Encore !" 8D
Il y a 3 ans · Répondre
Trone
Trone : #2968
Nom de Zeus...... JackHyde à tout dit, du coup j'ai plus rien à ajouter, quoique il y a bien un mot que l'on peut dire quand on ne sais plus quoi dire. Ta fic est supercalifragilisticexpialidocious ! Et je le pense ^^.
Il y a 4 ans · Répondre
JackHyde
JackHyde : #2886
Gosh ... je n'ai rien a redire là dessus.

Te rend tu compte de ce que tu a créer ? C'est au délà d'un simple One-shot. C'est même mieux qu'un film. C'est une histoire !

Discord est parfaitement représenter. Chaque moment est utile, avec leur lot de détail sans pour autant être surchargés. L'évolution des personnage ainsi que leur sentiment et motivations sont proche de la perfection.


Tu as écrit l'une des meilleurs fiction qu'il m’ait été donner de lire. Bon sang je ... rah merde ! Bravo putain !

Il y a 4 ans · Répondre

Nouveau message privé