Site archivé par Silou. Le site officiel ayant disparu, toutes les fonctionnalités de recherche et de compte également. Ce site est une copie en lecture seule

To love a mortal

Une fiction traduite par BroNie.

Tester la volonté d'une Princesse.

Je refermai la porte de ma chambre derrière moi et laissai échapper un soupir de contentement. Cela avait été une longue journée, et un peu de repos aurait été très apprécié. Je m'assurai que la porte du balcon était bien close avant de me préparer à ôter mes regalia. Alors que mon collier flottait au-dessus de ma tête, je sentis quelque chose d’extrêmement particulier à la base de ma corne. Surprise, j'envoyai rapidement une sonde magique trouver la source de la perturbation. Presque instantanément, je reconnus le charme qui m'affectait.

Quelqu'un était dans la salle du trône au moment où il n'avait pas le droit d'y être.

C'est étrange, j'avais presque oublié l'existence de ce sort.

Personne n'avait activé cette alarme magique pendant des milliers d'années, pas depuis qu'un de mes étudiants s'était, par accident, téléporté dans la salle du trône. Préparant mon propre sort de téléportation, je me préparai à faire face à l'intrus, quand quelque chose m'arrêta.

S'il s'agissait vraiment d'un assaillant, je pouvais me précipiter droit dans un piège. Mais quand même... pourquoi s'embêter à envahir une salle du trône complètement vide ?

Je baissai les yeux jusqu'au tapis de ma chambre alors que je réfléchissais au problème. Ça pouvait être un autre accident, et rien de sérieux comme la dernière fois, ou au contraire, être important si je me montrais négligeante.

Finalement, j'entrevis une solution.

D'une chiquenaude magique et d'un fermement d'yeux, j'appelai à moi un sort très ancien dont je ne m'étais pas servie depuis très longtemps.

J'ouvris les yeux, et j'étais sur mon trône, regardant partout dans la pièce. Je n'étais pas vraiment là, seul mon esprit y était. Mon corps, lui, était toujours dans mes quartiers, et tant que je fermais les yeux, je voyais la pièce aussi bien que si j'avais été physiquement présente. Je regardai en bas de la volée d'escaliers qui conduisait à mon trône, découvrant mon garde personnel... Artémis.

Je sentis mon esprit se troubler. Pourquoi est-ce qu'Artémis était ici à une heure aussi tardive ? Et pourquoi est-ce qu'il avait l'air aussi nerveux qu'un poulain en face d'une hydre ?

Depuis ma vision, j'observais le moindre de ses mouvements, comme une prédatrice devant sa proie. Je notai le regard inquiet d'Artémis alors qu'il montait lentement les escaliers.

Il s'arrêta à quelques pas de la place que j'occuperais si j'étais physiquement sur mon trône. Après un dernier coup d'œil aux alentours, je vis une de ses ailes se soulever et lâcher quelque chose dans ses sabots.

C'était une lettre.

Piquée, ma curiosité augmenta. Je n'avais jamais vu Artémis faire quelque chose d'aussi bizarre quand il était en service, et surtout pas livrer du courrier. Tout ce que je pouvais voir de l'enveloppe était du blanc, avec une fine écriture que je ne pouvais lire depuis ma condition spectrale. Regardant la lettre comme s'il voulait qu'elle prenne vie, Artémis la retourna, et j'entrevis ce qu'il y avait de l'autre côté : un cachet de cire rouge. En forme de cœur.

Artémis... qu'est-ce que tu fais.

Quelqu'un qui m'aurait vue en ce moment précis n'aurait vu qu'une déesse alicorne au visage blanc et confus. Artémis s'accorda quelques secondes supplémentaires de contemplation silencieuse avant de s'éloigner de mon trône, et de gagner rapidement la sortie. Mon regard basculait de la lettre, au pégase incapable de retenir son excitation nerveuse plus longtemps.

Je vis Artémis battre des ailes et s'en aller, me laissant complètement interdite.

Je cessai mon sort, et regagnai mon enveloppe physique dans mes quartiers. Sans une hésitation, je lançai le charme de téléportation. En un instant, je sentis l'habituelle impression de vertige qui accompagnait le voyage magique. J'ouvris les yeux exactement là où je désirais être : au centre de la salle du trône. Je ne perdis pas de temps sur le chemin de mon fauteuil princier. La lettre d'Artémis était exactement là où il l'avait déposée. Je penchai la tête d'étonnement.

Après un coup d'œil circulaire, m'assurant que j'étais seule, je pris magiquement l'enveloppe. Je m'assis sur mon trône, et tint la lettre en face de moi, me préparant à l'ouvrir.

Je n'étais pas aveugle, je savais ce que c'était. C'était trop évident.

Cela ne me calma pas pourtant, alors que j'ouvrais avec attention l'enveloppe, laissant le sceau en forme de cœur intact.

L'enveloppe chut au sol tandis que j'approchai son contenu de mon regard.

Je découvris les plus beaux mots qu'il m'avait été donné l'occasion de lire en un millier d'années...

¤¤¤

Je marchai vite dans les couloirs du château. Mon visage était aussi fermé que mon pas était leste. Si quelqu'un remarqua quelque chose, nul n'osa faire la moindre remarque. L'endroit où je voulais aller était protégé contre la téléportation. La lettre, remise précautionneusement dans son enveloppe, était en sécurité, entre ma poitrine et mon collier.

Atteignant ma destination, j'augmentai encore mon allure et ne ralentis même pas en ouvrant les grandes double-portes.

La ponette qui se trouvait à l'intérieur n'était pas des plus enchantée de cette visite impromptue.

« Tia ! Au nom de quoi est-ce que... »

« Luna, nous devons parler. Maintenant », interrompis-je ma jeune sœur.

D'une étincelle magique, les portes se refermèrent et se verrouillèrent. Nous avions beaucoup à discuter.

¤¤¤

« Donc...il a juste laissé la lettre, et il est parti ? »

« Pour la dixième fois, Luna, oui », répondis-je.

Je faisais les cent pas dans la chambre de ma sœur.

Je réfléchissais toujours mieux quand j'étais en mouvement, spécialement quand quelque chose me troublait.

« J'ai vu Artémis déposer la lettre, et puis voilà », continuai-je, m'arrêtant de l'autre côté du lit de Luna, attendant sa réponse.

Ma sœur était paresseusement étendue sur son lit, en parfaite opposition avec ma nervosité à cette heure de la nuit.

« Dis-moi... » commença Luna, « comment est-ce que tu l'as découvert aussi vite ? Tu t'étais sans doute retirée pour la nuit, alors comment est-ce que tu as pu savoir ? » questionna-t-elle, curieuse.

« J'ai su ce qu'il faisait grâce à un sort de sécurité, que j'avais jeté dans la salle du trône », expliquai-je. « Il m'alerte s'il y a quelqu'un dans la pièce à un moment où elle est supposée être vide. »

« Pourquoi est-ce qu'il y a un sort de sécurité dans la salle du trône ? » demanda Luna sans perdre le fil. « Si nous étions attaqués, tu le saurais bien avant qu'ils n'arrivent jusque-là, non ? » questionna-t-elle tandis que je recommençais à marcher dans la pièce.

« C'était il y a longtemps, un de mes élèves... »

Je soupirai tandis que les souvenirs de cet étudiant refaisaient surface.

« Un de mes plus vieux élèves avait tendance à s'égarer dans le château. Un jour, je lui ai dit que s'il se perdait, et ne pouvait demander de l'aide à un garde, il n'avait qu'à aller dans la salle du trône, et je le trouverais. »

C'était une licorne si timide...

« Je vois », dit Luna, posant le paturon de son sabot contre son menton pendant qu'elle réfléchissait. « Y avait-il des signes antérieurs de son engouement avant cette nuit ? »

« Non, ça m'a complètement prise par surprise », répondis-je, m'avançant jusqu'au lit de Luna.

Quelques secondes plus tard, j'étais confortablement allongée à côté d'elle, mes pattes repliées sous mon corps.

« Artémis est mon garde personnel depuis des années, maintenant. Il a bien réussi à cacher ses sentiments envers moi », dis-je, impressionnée. « Ce n'est pas souvent que je rate des indices sur le comportement de quelqu'un... je suppose que je ne suis pas aussi attentive que je le pensais. »

« Je pense que tu suréagis, ma sœur », me conforta Luna. « Dis simplement à ton garde que même s'ils sont appréciés, tu ne peux répondre favorablement à ses désirs », dit-elle d'un ton qui donnait à penser que ce n'était pas plus dur à faire que de respirer.

« C'est pas si simple que ça », murmurai-je à moitié, baissant la tête et la posant sur le lit.

Je commençai à regretter d'être venue ici. Je pouvais sentir le sermon qui approchait.

« Qu'est-ce que tu veux dire ? Je suppose que tu ne partages pas les sentiments amoureux d'Artémis, Tia ? » questionna simplement Luna.

Comme je ne répondais pas et détournai le regard, Luna revint à la charge.

« Tia ? Pourquoi est-ce que tu ne me réponds pas... »

Je me retournai et regardai dans l'autre direction, sentant mon visage s'empourprer. Je sentis le sabot de Luna pousser contre mon flanc, espérant me faire réagir.

« Celestia, réponds-moi », ordonna Luna, d'un ton sérieux.

Je me sentais comme une pouliche grondée par sa mère : j'évitais son regard et je regardais dans l'autre direction.

« C'était... c'était une jolie lettre », admis-je, penaude.

Je tournai la tête en arrière juste assez pour voir l'expression de ma sœur. Son visage était blanc, mais elle fronçait les sourcils.

« Tia... qu'est-ce que tu es en train de dire ? » demanda Luna, toujours de son ton très ferme.

« Tu n'as qu'à la lire », dis-je, sortant la lettre de mon collier. « Elle expliquera tout d'elle-même » murmurai-je, faisant léviter l'enveloppe à Luna.

Ses yeux allèrent de moi à la lettre pendant quelques instants.

« Tia, je ne peux pas lire ça », déclina poliment Luna, écartant l'enveloppe de son sabot. « Elle t'a été donnée en privé, ce n'est pas pour moi, ma sœur », termina ma cadette, avec un petit sourire à mon attention.

« Lulu, s'il te plaît », suppliai-je, rapprochant magiquement la lettre d'elle. « Tu ne pourras pas comprendre si tu ne la lis pas toi-même », plaidai-je.

Luna soupira, contemplant l'objet qui flottait devant elle. Ses yeux allèrent jusqu'à moi, m'interrogeant tacitement.

« Tout va bien. Je n'aurais rien dit si je n'avais pas une entière confiance en toi », la rassurai-je, lui offrant mon meilleur sourire.

« OK Tia, je vais le faire. »

Luna hocha la tête et s'empara magiquement de la lettre, causant une courte interférence. Elle ouvrit l'enveloppe avant de la laisser de côté, maintenant la lettre en face de son visage. Elle s'éclaircit la voix et commença à lire.

« Chère Celestia.

En tant que votre protecteur personnel, j'ai dû rester alerte de nombreuses années, un œil aiguisé étant ce que vous demandiez de moi. Pendant ce temps, j'ai pu assister à certains de vos plus grands accomplissements, et certains de vos pires moments de stress. »

Luna fit une pause, me jetant un regard interrogateur. J'hochai silencieusement la tête, répondant à sa question non formulée. Elle reprit sa lecture à haute voix.

« Mais ce n'est pas tout ce que j'ai vu durant mes années de service. J'ai aussi vu une ponette qui est aussi réelle que moi ou que n'importe lequel de ses sujets. Une jument d'une grande beauté, pleine d'assurance, gracieuse dans tout ce qu'elle fait. Avec autant de pouvoir entre vos sabots, vous pourriez commander la plus puissante des armées et faire ce qui vous chante. Pourtant, vous ne le faites pas. Au contraire, vous luttez pour le bien de la principauté, pour le bien de vos poneys. C'est quelque chose qu'une vraie dirigeante, non, qu'une vraie ponette ferait.

« Je sais que bien des choix que vous avez dû prendre n'étaient pas faciles. Bien des fois j'ai voulu vous consoler quand je vous ai vue pleurer, quand vous pensiez être incapable de régner toute seule.

« Le retour de votre sœur m'apporta une grande joie, de vous voir aussi heureuse que vous l'êtes désormais, chaque jour, comme un rayon de soleil vivant, échappé de l'étoile que vous commandez. Un exemple à suivre pour quiconque avait la chance de vous rencontrer.

« Je vous ai toujours admirée, pas seulement en tant que ma souveraine, mais en tant que ponette. Parce que tout au fond, je sens le conflit déchirer votre cœur. Une partie d'entre vous souhaite une vie simple, libérée de tous les fardeaux du trône. Bien que vous êtes une dirigeante, et une déesse aux yeux de beaucoup, pour moi, vous êtes bien plus que cela.

« Chaque fois que je vous regarde, je vois une jument sublime, dont la beauté n'est cachée ni par l'âge, ni par le temps. Tout étalon donnerait tout pour une personne aussi charmante que vous, mais il y a tellement plus que votre apparence physique. Votre rire, votre sourire, votre personnalité qui se révèle si subtilement quand vous n'êtes plus obligée de porter votre masque de suzeraine. Derrière ce masque que je sais que vous haïssez, se cache une des juments les plus incroyables avec laquelle j'ai eu la chance de parler.

« J'ai voulu en savoir plus sur cette jument, en apprendre plus sur « Celestia », sur ses désirs et ses envies. Je voulais vous le dire depuis longtemps, vous dire que j'aimerais vous aider à effacer cette solitude que je vois. Car je suis amoureux de vous depuis quelques temps maintenant.

« Hélas, je ne suis qu'un simple soldat quand vous êtes la gardienne éternelle d'une principauté de centaines de milliers de poneys. Je réalise la réalité de mon amour : il est infructueux, et ne sera jamais réalité. Alors mes rêves de vous et moi resteront ce qu'ils sont. Des rêves. Je connais les dangers qu'il y a à être trop près d'un chef. Je ne crains rien de ce qui pourrait m'arriver, mais la pensée que l'on puisse se servir de moi pour vous faire du mal m'est insupportable.

« Et il y aurait les retombées politiques de vous voir engagée avec votre protecteur personnel. Je ne souhaite pas que ces ragots vous atteignent, pas pour satisfaire mon petit bonheur personnel.

« Cela dit, mes pensées, mes sentiments, je devais vous les avouer. Vous dire qu'au fond, vous êtes la jument la plus incroyable que je n'aie jamais rencontrée. Je ne peux qu'espérer qu'un jour, vous puissiez trouver un amant qui se dresse à votre côté, en parfait égal.

« Jusqu'à ce moment, ma garde ne faiblira pas.

« Votre loyal sujet et protecteur très honoré.

« Artémis. »

Luna fixait la lettre, seuls ses clignements d'yeux agitant son visage. Elle tourna le visage vers moi, la bouche entrouverte.

« Tia... c'est sublime », souffla Luna.

Elle revint à la lettre et la parcourut une fois de plus avant de me la rendre.

« Si j'avais reçu une missive si charmante... j'en aurais été bouleversée. »

« Oui. J'ai eu une réaction similaire », dis-je en tournant la tête pour cacher le rouge de mes joues.

Mon acte n'attira pas l'attention de ma sœur, toute occupée à réfléchir aux éléments de la lettre.

« Cela a dû demander bien du courage à Artémis de laisser le mot à cet endroit plutôt que de te le poster », admit Luna, visiblement impressionnée. « Mais ce n'est pas ta première lettre d'amour, n'est-ce pas, Tia ? »

« Non. J'ai déjà reçu bien des lettres de cette nature, et je continue d'en recevoir », dis-je d'un ton détaché.

J'étais heureuse que nous glissions à un autre sujet de conversation.

« Tu pourrais développer ? » questionna Luna, remettant la lettre dans l'enveloppe avec soin avant de la laisser à côté de moi. Je regardai le mot quelques instants avant que Luna ne me donne un petit coup de museau, attendant toujours sa réponse.

« J'ai déjà reçu beaucoup de ces lettres dans le passé, et je continue d'en recevoir, de bien des poneys », commençai-je à expliquer. « Le plus souvent, il s'agit de poneys de haut rang, qui voulaient pousser leur famille sur le devant de la scène, obtenir de l'argent, ou d'autres raisons politiques. »

« Je comprends, mais pourquoi est-ce que tu as autant de mal ? » demanda Luna, réfléchissant presque à haute voix. « Si tu as éconduit tous ces nobles, qu'est-ce qui te trouble chez lui ? »

Luna pencha la tête sur le côté, intriguée.

« La lettre d'Artémis était... différente », dis-je, luttant pour trouver les bons mots. « Elle n'était pas aussi directe, aussi ordinaire... ou même glauque que les autres. Tous les autres voulaient quelque chose de moi pour leur intérêt personnel. Ça lettre à lui venait du cœur, elle s'adresse directement à moi, elle me dit ce qu'il ressent vraiment. C'est pour ça que je suis si confuse. »

« Confuse ? Pourquoi est-ce que tu serais con... » Luna s'arrêta, réalisant soudain la vraie raison de ma présence en ces lieux. Elle soupira, se massant les tempes des sabots. « Celestia ne me dis pas que... »

« Si », l'interrompis-je avant qu'elle ne puisse finir.

Elle fronça les sourcils, comprenant lentement la situation. Avant qu'elle n'ouvre la bouche pour objecter quoique ce soit, j'avais déjà repris la parole.

« Tu as admis toi-même que c'était une très belle lettre, et que tu aurais été touchée de la recevoir. »

Luna cligna des yeux alors qu'elle recevait l'assaut de mon argument. Étonnement, un petit sourire s'afficha sur son visage.

« Maintenant, tout s'explique », dit Luna de façon énigmatique. « Je me demandais pourquoi est-ce que tu avais mis la lettre derrière ton collier, maintenant j'ai compris. »

« De quoi est-ce que tu parles ? En quoi est-ce que ça compte où je l'avais mise ? » demandai-je, sans voir ce qu'elle insinuait.

« Tu ne vois pas, Tia ? Tu l'as spontanément mise derrière ton collier pour l'avoir au plus près de ton cœur. »

« Tu suranalyses », dis-je d'une voix blanche.

« Tu essayes de dissimuler les faits alors que je vois très bien que tes joues rougissent dès qu'on mentionne son nom ! » me contra Luna.

Mon visage me trahit et je le sentais s'empourprer de plus en plus tandis que la situation se poursuivait.

« Bien, vas-y, fais-moi tes commentaires si intelligents », soupirai-je en décroisant les pattes, tournant la tête pour ne plus voir Luna.

« Tia s'il te plaît. Je ne voulais pas te mettre en colère », s'excusa Luna. « Je t'embêtais juste un peu. Ce n'est pas souvent que c'est toi qui viens me voir pour des conseils. »

Elle se rapprocha et enroula une de ses ailes autour de moi.

Pendant un moment, nous restâmes allongées ainsi, sans une pour briser le silence. J'étais heureuse de pouvoir laisser les choses se calmer un peu dans nos esprits. Mais je savais que je ne pouvais rester éternellement ici : je devais trouver et confronter Artémis avant que la nuit ne s'achève. Mon anxiété menaçait d'exploser à tout moment, et je craignais de ne pouvoir tenir jusqu'au lendemain.

« Artémis est un pégase plutôt séduisant, non ? » demanda Luna, pulvérisant le silence.

« Je ne sais pas. »

« Tu ne l'as jamais regardé ? » me pressa Luna.

Je lui jetai un regard court, mais sévère.

« Non. Cela aurait été inapproprié en service », répliquai-je.

« Aussi inapproprié qu'une princesse amoureuse de son garde au travers d'une lettre ? » contra rapidement ma sœur.

« Ce n'est pas que ça ! C'est... »

Je m'arrêtai, mais il était déjà trop tard. J'étais tombée dans son piège.

« Que disais-tu ? »

Luna me fit un sourire maléfique. J'ouvris la bouche pour dire quelque chose, n'importe quoi, mais les mots ne vinrent pas. Je soupirais, laissant ma tête tomber sur mes sabots en signe de défaite. Si j'avais été d'une meilleure humeur, j'aurais demandé à ma sœur d'où elle tirait ses talents oratoires. Mais je restais là, allongée, sans lui dire un mot.

« Tia ? Désolée de t'embêter », s'excusa Luna d'une voix sincère. « Qu'est-ce que tu vas faire à propos d'Artémis ? »

Je ne répondis pas tandis que je glissais lentement du lit, et me dirigeai vers la porte. Ma décision était prise, et nul ne pouvait m'arrêter.

« Où est-ce que tu vas ? » questionna Luna, haussant la voix.

Je ne lui répondis pas, continuant mon chemin vers la porte.

« Celestia stop ! » commanda-t-elle.

J'entendis un battement d'ailes avant de voir Luna se poser devant moi, me barrant le passage.

« Écarte-toi, Luna », demandai-je, plongeant mes yeux dans les siens avant d'essayer de la contourner.

À chaque pas, elle me suivait d'un mouvement souple, se dressant fermement devant moi.

« Je ne bouge pas avant que tu me dises où tu vas. »

La voix de Luna était ferme et sérieuse. Je savais que je pouvais tout simplement me téléporter ou m'envoler par-dessus son balcon, mais elle finirait par me rattraper. Je devais m'en occuper maintenant.

« Je vais... je vais trouver Artémis », répondis-je à moitié, ma voix perdant en force alors que je regardai par-dessus l'épaule de ma sœur. D'un pas rapide, je tentai une nouvelle fois de passer, seulement pour me retrouvée bloquée, comme si elle avait lu dans mes pensées où je me dirigerais.

« Pourquoi est-ce que tu vas le voir ? » demanda doucement Luna.

Elle releva la tête, tentant de maintenir le contact visuel.

« Et qu'est-ce que tu as décidé ? »

« Je vais le retrouver... et il sera mon compagnon », sifflai-je entre mes dents.

Je profitai de la surprise de Luna pour tenter ma chance. Je n'avais pas fait deux pas qu'elle me bloquait encore, me mettant en rage.

« Tu ne peux pas faire ça, Tia, tu le sais aussi bien que moi ! » s'écria bruyamment Luna, les ailes déployées pour m'interdire toute tentative d'évasion. « Réponds-moi ! »

Tout au fond de moi, je sentis quelque chose se briser.

« POURQUOI ? Pourquoi je ne pourrais pas être avec quelqu'un qui m'aime ? » hurlai-je droit dans le visage de Luna.

Avant même qu'elle ne puisse ouvrir la bouche pour répondre, je continuai.

« Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je sois heureuse ? C'est trop demander un peu de confort dans ce monde ? Trop de vouloir quelqu'un qui est là pour moi, qui me voit comme je suis vraiment ? C'est trop demander d'avoir quelqu'un, n'importe qui qui m'aime ? »

Je sentis des larmes de frustration couler sur mes joues. Je plantai mon regard dans celui de Luna, pas une de nous cillant après mon éruption de colère.

« Comment est-ce que tu oses... » soupira Luna, fermant brièvement les yeux pour les rouvrir, me jetant un regard de glace. « Comment est-ce que tu oses dire que personne ne t'aime ! Tu as l'amour d'une principauté toute entière, de milliers de sujets, l'amour de ta plus fidèle élève, Twilight Sparkle et de toutes ses amies, et le plus important, tu m'as moi ! Je t'aime plus que n'importe qui, Tia ! Alors pèse bien tes mots avant d'affirmer que nul ne t'aime dans ce monde... »

Elle souffla par les naseaux, et passa à côté de moi, empruntant la porte qui menait à son balcon privé.

Je ne bougeai pas. Je ne pouvais pas bouger, pas après ce qu'elle avait dit. Je soupirai et tournai la tête, regardant Luna sur son balcon. Je connaissais cette position, elle disait tout ce que j'avais besoin de savoir.

Je l'avais blessée.

« Luna ? » appelai-je alors que je cheminais dans la pièce, passant le pas de porte qui conduisait dehors. « Je suis désolée. Je ne voulais pas dire ce que j'ai dis. »

Je baissai la tête vers elle, faisant un timide sourire. Elle ne bougeait pas le moindre muscle. Après un long moment, elle déploya une de ses ailes.

« Assise », dit doucement Luna, d'une tape de son aile sur le sol du balcon, juste à côté d'elle. J'obéis silencieusement, me mettant dans une position identique à la sienne. Pendant un long moment, nous restâmes ainsi, sans dire à un mot, à regarder la lune se frayer un chemin dans le ciel nocturne.

« Je ne voulais pas raviver ça, mais... tu te souviens de cet étalon que tu as courtisé, il y a si longtemps ? » questionna Luna, la voix pétrie de prudence.

Je fouillai mon esprit à la recherche des souvenirs de ces temps anciens. Quand je les trouvai, ils ne m'apportèrent ni nostalgie, ni joie, mais du désespoir et de la douleur.

« Oui » répondis-je, la mine basse. « Je ne m'en souviens que trop bien. »

« Donc tu te souviens aussi du temps qu'il t'as fallu pour te remettre de son décès, n'est-ce pas ? »

Luna se tourna pour me regarder. Sa question était presque une question oratoire.

« Des siècles », soupirai-je une fois de plus, mes ailes s'abaissant tristement. « Ça m'a pris des siècles avec ton aide, pour surmonter sa mort. »

Une aile s'enroula autour de mon corps. Luna s'approcha de moi pour m'enlacer.

« Je suis vraiment désolée de te faire repenser à tout ça, Tia », s'excusa une fois de plus Luna, sans jamais retirer son aile de mon flanc.

Elle leva le regard vers moi avant de le diriger vers l'horizon.

« Tu dois comprendre, nous sommes différentes de la plupart des poneys. J'aurais pensé que toi parmi tous l'aurait compris maintenant. »

« Ce n'est pas juste... » sanglotai-je dans le cou de Luna, sentant la chaleur de ses plumes sur ma robe. « Ce n'est pas juste que nous ayons à vivre ainsi. »

« Est-ce que tu te souviens ce que mère et père nous ont dit ? »

Luna scruta la lune, attendant ma réponse.

« Plus grandes sont les responsabilités, plus grands sont les sacrifices », dis-je, citant à la perfection notre mère si aimante.

« Oui », dit Luna après que j'eus fini. « Nous sommes là pour coexister avec les mortels, et pour assurer la paix dans ce monde. Aussi longtemps qu'il sera là, nous le serons aussi. C'est pour cela qu'une relation avec Artémis ne marcherait pas. Nous devons toujours nous détacher des autres, et peu importe à quel point nous les aimons. »

« Je sais, petite sœur. »

Je fis une pause, laissant une larme solitaire faire son chemin sur mon museau.

« Quelquefois... quelquefois, j'oublie notre rôle dans l'univers. Quelquefois, je veux juste être une ponette normale, loin des fardeaux de cette vie. »

« Je comprends ta frustration en ce qui concerne notre destin. »

La voix de Luna était triste alors qu'elle tombait d'accord avec moi.

« Nous n'avons peut-être pas le choix du rôle que nous devons jouer toutes les deux, mais tu as le choix de ce que tu feras avec. »

Elle leva les yeux vers moi, et me sourit.

« Mais je pensais que tu... »

« J'ai dit qu'il serait peu avisé d'être avec lui, et je t'ai mise en garde contre cela. »

Luna s'interrompit, portant son sabot contre mon collier où la lettre se trouvait toujours.

« Mais je n'ai jamais dit que je ne supporterai pas ton choix d'en faire ton compagnon, si c'est ton vrai désir. »

Elle ôta son sabot, le remettant à sa place.

« Tu serais d'accord que lui et moi... » demandai-je, voulant être sûre que je ne rêvais pas.

« Ce serait une décision puérile et peu avisée, mais oui. Tu aurais mon support tout entier. »

Luna me sourit, me mettant du baume au cœur.

« Et le premier journaliste qui oserait te traîner dans la boue, se retrouverait immédiatement jeté hors de Canterlot, et sans travail, au premier mot qu'il écrirait sur toi et Artémis. »

Luna gloussa. En peu de temps, je riais avec elle à la pensée de tous les médias canterlotiens téléportés de force hors de la capitale.

« Je devrais partir avant que la nuit n'avance encore et qu'Artémis ne rentre chez lui. »

Je m'étirai, et me dressai sur mes pattes. Luna fit de même avant de me jeter un regard curieux.

« J'ai bien écouté ton avis, et je pense que j'ai pris ma décision », lui dis-je d'un mouvement de tête alors que mes ailes se déployaient, prêtes à m'envoler.

« Très bien. »

Luna fit quelques pas sur le côté pour me laisser plus de place.

« Mais n'oublie pas, je serai toujours là si tu as besoin d'un conseil, grande sœur », dit-elle d'un air gentiment joueur, avec un petit coup de sabot. Je battis des ailes et serrai mes sabots autour du cou de Luna, en une embrassade affectueuse.

« Merci », lui dis-je à l'oreille, relâchant mon étreinte.

« Quoiqu'il advienne cette nuit, bonne chance Celestia », me sourit Luna.

Et juste comme cela, je pris mon envol. La tour qui abritait mes quartiers n'était pas loin.

¤¤¤

Il ne me fallut pas plus qu'une minute après être arrivée dans ma chambre pour mettre au point une méthode me permettant de trouver, et de converser avec Artémis. Ce n'était pas une méthode très orthodoxe, mais la situation était loin de l'être. Il n'y avait pas d'endroit plus intime que celui-ci pour abriter notre discussion. Je devais le téléporter ici pour gagner du temps. Sans oublier que mon sort de vision longue-distance n'avait pas été utilisé depuis un bout de temps, et que je commençai à me sentir un peu rouillée.

Je fermai les yeux, me concentrant sur l'image mentale d'Artémis. Je sentis les vrilles invisibles gagner notre monde. Je maintint son image dans ma tête, jusqu'à ce que je sente sa position. J'en appelai à mes autres pouvoirs magiques, les focalisant sur lui, jusqu'à ce que la connexion soit sécurisée. Une fois que le charme était prêt, et que le pégase pourrait être transporté en toute sécurité, je dirigeai mon énergie dans ma corne, jusqu'à entendre un familier « pop ».

En face de moi mais me tournant le dos, se tenait Artémis. Il regardait la pièce, plongé dans une surprise bien compréhensible.

Je m'éclaircis la voix, et m'avançai.

« Bonsoir Artémis. »

¤¤¤

Je m'élançai dans les cieux en direction du château de Canterlot, juste après avoir laissé Artémis dans les jardins, près du labyrinthe. Sans qu'il sache qu'un groupe de gardes s'approchait de lui, je décidai d'espionner la situation, de voir comment les étalons prendraient la promotion d'Artémis. C'était très intéressant à observer : quand ils le croisèrent, les soldats furent à deux crins de l'attaquer, en raison d'une querelle qui m'était inconnue, mais dès qu'ils virent son nouveau badge, ils rentrèrent prestement dans le rang.

Bien que j'étais triste de m'accorder avec Artémis, et ne pas m'engager avec lui, j'étais satisfaite de pouvoir lui faire plaisir.

J’atterris sur mon balcon personnel, celui que nous avions quitté il n'y a pas si longtemps. Je soupirai de contentement en repensant à notre vol au-dessus de la campagne canterlotienne. Je devais bien admettre que pour un pégase, il savait se montrer rapide et endurant. Il ne battait pas une alicorne de sitôt, mais c'était quand même impressionnant.

Les portes du balcon se fermèrent derrière moi tandis que j'entrai et grimpai sur mon lit. Je commençai à ôter mes regalia. Ça faisait du bien de les enlever, même si j'étais restée debout bien plus longtemps que d'habitude, et que je devrais lever le soleil dans assez de peu de temps.

Je venais juste d'enlever ma couronne et mes fers quand j'entendis qu'on frappait à ma porte.

Je tournai la tête dans cette direction et décidai d'aller personnellement répondre, plutôt que d'ordonner qu'on entre. Pour être honnête, je n'avais aucune idée de qui pouvait bien me visiter à cette heure-ci. C'était étrange de se sentir si... nue. Même dans ma chambre, d'ordinaire, je porte mes regalia.

D'un sort magique, j'ouvris la porte pour découvrir... non, pas celui à qui vous pouviez penser.

« Navrée de vous déranger, Celestia », s'excusa la jument à ma porte.

C'était mon assistante personnelle, une gentille pégase que j'avais engagée voici quelques années. Elle semblait incroyablement fatiguée, mais luttait pour ne pas en avoir l'air.

« Votre sœu... je veux dire, la Princesse Luna m'a fait savoir que vous aviez eu une nuit plutôt agitée, et m'a demandé de voir si je pouvais faire quelque chose. » m'informa-t-elle avant de lever une de ses ailes jusqu'à moi.

Au sommet de celle-ci, il y avait un plateau d'argent, et en son centre, une tasse de thé.

« Je pensais que vous voudriez un peu de votre thé favori pour vous calmer », me sourit-elle.

« Merci. J'apprécie beaucoup. »

Je lui renvoyai son sourire, très satisfaite. Je fis léviter la tasse jusqu'à mon museau et pris une gorgée. C'était du thé aux myrtilles, avec un arrière-goût de vanille, ma boisson favorite dans tout l'univers.

Je souris de contentement et fermai les yeux, me perdant dans ses délicieux arômes.

« On dirait que vous appréciez votre thé, non ? » demanda mon assistante avec un petit gloussement.

Je l'ignorai, prenant une autre gorgée.

Mmm... ça fait deux fois aujourd'hui que je passe du temps avec un poney tout à fait charmant.

Ma méditation intérieure s'arrêta brusquement alors qu'une idée de génie me frappait. Je regardai droit devant moi, la tasse continuant à flotter à quelques centimètres de mon museau.

« Celestia... est-ce que vous allez bien ? » questionna-t-elle, inquiète.

« Oui. Je vais très bien. »

Je me forçai à me reprendre, lui adressant mon éternel sourire.

« Pourquoi est-ce que tu ne prendrais pas quelques heures pour dormir quand tu retourneras dans ta chambre ? » lui proposai-je, finissant le thé et reposant la tasse sur le plateau de mon assistante. « Tu m'as été d'une grande aide, et je suis désolée que ma sœur t'ai réveillée à cette heure de la nuit. »

« Oh... je ne pouvais pas lézarder et oublier mes devoirs. »

Ses pattes s'agitèrent, et je notai un léger tremblement de ses ailes. Mais j'étais sincère, je pensais qu'elle devait se reposer, sans mentionner que j'avais encore besoin d'un peu de temps pour bâtir mon plan.

« Absurde. Je peux me débrouiller toute seule une heure ou deux. »

Je finis ma phrase par un rire court, mais chaleureux. Je vis sur son visage qu'elle comprenait que je n'accepterais pas « non » comme une réponse acceptable.

« Très bien. À vos ordres, je vais lézarder dans ma chambre et ne strictement rien faire du tout, Votre Majesté », répliqua-t-elle de manière faussement sarcastique, avec un petit sourire.

Elle s'inclina avant de reculer, et de trotter dans le couloir.

« Bonne nuit, Celestia. »

« Bonne nuit, Novelle », lui répondis-je avant de magiquement fermer les portes.

Je laissai échapper un bâillement que je retenais depuis longtemps avant de m'en retourner vers mon lit, pour le peu de temps que je pourrais l'utiliser.

La sensation de la soie me chatouilla légèrement quand les draps recouvrirent mon corps. Rajustant mon oreiller, à la recherche du confort optimal, je murmurai à moi-même.

« Artémis et Novelle... » soupirai-je à ma propre attention, sentant un sourire malicieux illuminer mon visage. Avec un dernier bâillement, je fermai les yeux, laissant le sommeil m'emporter. J'étais contente de pouvoir enfin me reposer.

Demain serait une journée chargée, et je ne voulais pas en perdre une miette.

Vous avez aimé ?

Coup de cœur
S'abonner à l'auteur

N’hésitez pas à donner une vraie critique au texte, tant sur le fond que sur la forme ! Cela ne peut qu’aider l’auteur à améliorer et à travailler son style.

Note de l'auteur

Source de l'image de couverture : [lien]

Pour donner votre avis, connectez-vous ou inscrivez-vous.

Py7h0n
Py7h0n : #21506
C'est triste. J'aime pas quand c'est triste. Mais c'est beau. J'aime quand c'est beau.
Il y a 3 ans · Répondre
fredericdu2375
fredericdu2375 : #3708
a chaque fois que je lis ce passage « Oui », dit Luna après que j'eus fini. « Nous sommes là pour coexister avec les mortels, et pour assurer la paix dans ce monde. Aussi longtemps qu'il sera là, nous le serons aussi. C'est pour cela qu'une relation avec Artémis ne marcherait pas. Nous devons toujours nous détacher des autres, et peu importe à quel point nous les aimons. » ca m émeut
Il y a 4 ans · Répondre

Nouveau message privé