Chère Princesse Celest...
« Non, c'est trop guindé »
Ma chère et tend...
« Non ! Trop familier. »
Ma très chère...
« Non, ça va toujours pas. »
À ma très chère Celestia. Votre aura est...
« Aaarh ! Pourquoi je n'arrive pas à faire ça correctement ? »
J'écrasai mon visage sur la table de bois devant laquelle j'étais assis, la frustration qui était en moi gagnant du terrain au fur et à mesure que ma santé mentale s'envolait. Je pouvais sentir mes ailes se tendre de frustration sous le poids de mes efforts inutiles.
« Hey, Artémis, sur quoi tu travailles ? » appela une voix qui venait d'ailleurs dans la pièce.
Je déplaçai rapidement les papiers sous la table et les laissai tomber au sol. Je regardai dans la caserne pour découvrir Silver Star qui ne se tenait qu'à quelques tables de là, un large sourire sur le museau.
« Oh c'est rien, juste heu... » dis-je, ma voix diminuant en un grommellement incompréhensible.
Je sus que j'avais été découvert quand la licorne blanche fit quelques pas dans ma direction et se pencha pour voir ce que je tentais de cacher.
« C'est juste des ordures, fais pas attention à ça », dis-je en bougeant nonchalamment le sabot, espérant qu'il lâche l'affaire.
« Juste des ordures, hein ? »
Silver Star sourit et leva un sourcil alors que je vis sa corne luire d'une couleur verte qui reflétait ses yeux.
« Depuis quand est-ce que toi, tu jettes des ordures par terre ? » demanda-t-il, son sourire devenant plus grand à chaque seconde.
Je plongeai avec mon sabot pour récupérer les lettres, mais mon agilité ne pouvait battre ses réflexes magiques aussi rapides que la lumière. Il fit un pas en arrière et déroula les lettres, ses yeux passant rapidement sur chacune. Après un moment, il abaissa les papiers, et me regarda, un mauvais sourire sur le visage. Ses yeux verts allèrent jusqu'à un groupe d'autres gardes assis à une table de l'autre côté de la pièce, puis revinrent à moi.
« Silver, n'ose même pas... » grognai-je de mon ton le plus menaçant mais il était déjà trop tard. Mon collègue ouvrait déjà sa grande gueule.
« Les gars ! » cria t-il à l'attention de ses subordonnés, obtenant leur attention tandis que les lettres flottaient jusqu'à eux.
« Regardez-ça ! Artémis va vraiment le faire cette fois ! » hurlait-il alors que les preuves étaient dans leurs sabots.
Ils me regardèrent tous, une grimace moqueuse sur le visage. Les trois étalons ouvrirent la bouche de concert alors qu'ils se liguaient verbalement contre moi.
« Chapeau mec, ça demande quand même un certain degré d'imbécilité et de courage pour faire quelque chose comme ça ! »
« Est-ce que je dois commencer à t'appeler « roi Artémis » dès maintenant pour pas merder plus tard ? »
« Bonne chance ! Je te verrai la prochaine fois que j'irai sur le soleil ! »
« Surveille sa corne ! J'ai entendu dire que des fois, ce truc devient dingue quand on est au lit ! »
« Hey, quand est-ce que je peux commencer à préparer la fête prénatale ? »
Toutes ces insultes et bien d'autres m'arrivaient dans les oreilles. J'essayais de les ignorer du mieux que je le pouvais et cachai mon visage maintenant rougissant entre mes avant-bras. Ce n'était un secret pour personne, ni au sein des gardes du jour ou de la nuit que j'avais des sentiments pour la Princesse Celestia. Pendant des années, je l'ai admirée en silence, sans que nul ne le sache. Ce n'était que récemment qu'un garde m'avait surpris regarder une zone privée de la déesse solaire. Les rumeurs avaient vite couru, et je ne pus le cacher plus longtemps. En peu de temps, toute la garde sut pour mes sentiments « secrets ». Même les bleus me vannaient à propos de ça. Du coup, je les assignais toujours au pire poste qu'un garde puisse avoir : le polissage d'armure.
« Qu'est-ce qui se passe ici ? » Une voix autoritaire, reconnaissable entre mille résonna comme un coup de tonnerre dans la pièce.
Nous nous tournâmes tous vers notre supérieur qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Là, dans son extravagante armure d'or, ne se tenait personne d'autre que le capitaine de la garde, Shining Armor. Nous nous mîmes tous les cinq au garde-à-vous alors qu'il pénétrait dans la pièce, observant chacun de nous avec son regard inquisiteur si distinctif. Il s'arrêta au milieu de la pièce, entre Silver et moi, et le groupe de l'autre côté de la table.
« Silver Star et vous trois. »
Shining Armor jeta un œil aux étalons.
« Vous n'étiez pas assignés au labyrinthe ce soir ? »
« Non monsieur, à vrai dire on vient juste de finir... »
La voix de Silver mourut alors que le regard de glace de Shining lui faisait comprendre tout ce qui n'avait pas été dit oralement.
« Je, Je, Je veux dire, oui ! Nous étions bien affectés à patrouiller dans ce secteur, monsieur ! » balbutia Silver.
J'étais toujours au garde-à-vous, peu convaincu du motif du capitaine pour faire rompre les autres.
« Alors vous feriez mieux d'y aller. Votre garde a commencé il y a dix minutes », dit Shining avec un sourire satisfait.
« Vous l'avez entendu ! Bougez vos flancs de là, et foncez au labyrinthe ! » cria Silver Star au petit groupe.
Ils attrapèrent prestement leurs casques et sortirent à l'extérieur, à la suite de leur supérieur.
Après avoir vu les quatre étalons partir, le capitaine se tourna vers moi.
« Repos, Artémis », ordonna-t-il d'une voix décontractée.
« Monsieur, pourquoi est-ce que vous avez fait ça ? » demandai-je alors que mon avant-bras retombait au sol.
« Fait quoi ? » questionna Shining en souriant alors qu'il s'installait de l'autre côté de la table. « Assieds-toi avec moi, Artémis. »
Il désigna l'autre siège du sabot. Sans un mot, je repris ma précédente place en me demandant ce que Shining avait en tête.
« Alors c'est vrai, hein ? » demanda-t-il après quelques moments de tension.
« Je ne comprends pas », répondis-je avec un mouvement de la tête, espérant qu'il n'avait pas entendu la discussion précédente.
« J'étais sur le chemin de mon bureau quand j'ai entendu deux trois choses avant d'entrer. »
Shining sourit à nouveau.
« Je te le demande une nouvelle fois. Est-ce que c'est vrai ? Est-ce que tu vas finalement lui dire ? »
J'ouvris la bouche mais ne pus trouver les mots.
« Considère que cette conversation est privée. »
Shining Armor retira son casque, le posa précautionneusement sur la table, et passa un sabot dans sa crinière.
« S'il te plaît. Parle librement. »
« Comme tu veux », dis-je avant de m'éclaircir la voix et d'enlever mon propre casque, révélant des sourcils broussailleux. « Pourquoi est-ce que tu as envoyé ces quatre-là en mission de patrouille ? L'équipe de Glaive est déjà dans cette partie des jardins. »
Shining soupira et gloussa avant de mettre ses avant-bras sur la table, et d'y apposer son menton.
« Le moral des gardes solaires comme des gardes lunaires fait partie de mon travail, et mon devoir implique de désamorcer tout souci avant qu'il ne devienne un problème », répondit-il d'une voix posée avant que sur son museau ne naisse un début de sourire. « Et puis on se connaît depuis l'école primaire, je serais pas un super pote si je te tirais pas d'affaire de temps en temps. »
Il rit et m'envoya une bourrade amicale sur le menton.
C'était vrai. Nous nous étions connus tôt et rapidement devenus meilleurs amis. Nous avions peut-être un peu perdu contact quelquefois, mais nous renouions comme si rien ne s'était jamais passé. La seule fois où il s'était énervé contre moi était la fois où j'avais invité sa petite sœur à sortir... il m'avait pété une dent quand il l'avait su, mais comme tous les amis nous en rîmes après quelques bières, et fîmes semblant qu'il ne s'était rien produit.
« Tu changes jamais, pas vrai Shiny ? »
Je ris en me servant du surnom que j'avais entendu une fois sa sœur utiliser, et je l'embêtais avec depuis.
« Je pourrais dire la même chose pour toi, Arty. »
« T'as pas une fiancée qui t'attend à la maison, toi ? » demandai-je après m'être souvenu de la seule raison qui pouvait faire revenir Shining à la caserne à cette heure.
« Cadence ? Ouais, j'essaye de gagner autant de temps que je peux. »
Shining haussa les épaules et jeta un regard en direction de la porte. Après s'être assuré que nous étions seuls, il se pencha sur la table et chuchota.
« Entre nous, c'est peut-être la princesse de l'amour, mais ça en fait pas une bonne cuisinière ! »
Nous éclatâmes de rire à sa remarque. Après s'être accordé une minute pour se reprendre, Shining recommença à parler.
« Sérieusement, retour au sujet. Tu vas vraiment dire à Celestia que tu l'aimes, ce soir ? » me demanda Shining avec un froncement de sourcil.
« Oui, mais c'est pas tout. »
Je fis grimper un sabot dans ma crinière pour soulager un grattement. Je vis Shining qui m'observait silencieusement, m'encourageant à poursuivre.
« Je vais lui dire ce que je ressens, mais aussi lui dire que je sais qu'on ne peut pas être ensemble. »
« Qu'est-ce que tu veux dire ? » questionna Shining avec un mouvement de la tête. « J'épouse bien une princesse, moi. Pourquoi pas toi ? »
« Ben Celestia est un peu plus haut placée dans la lignée... sans vouloir t'offenser, Shiny », dis-je, bougeant mes sabots en un geste de défense.
« Pas de problème », dit Shining en haussant les épaules. « Mais quand même, t'es sûr de toi ? Tu sais pas ce qui pourrait arriver. Techniquement, si tu épouses Celestia, tu deviendrais mon... »
« Oncle », dis-je quand je vis qu'il n'arrivait pas à trouver.
« C'est ça. En tout cas, t'as plus de chance de finir avec elle que la plupart des poneys », me conforta Shining. « Je veux dire, tu es son garde personnel depuis presque cinq ans, c'est encore plus de temps passé auprès d'elle que Luna. »
« Aussi vrai que ça puisse être, je suis juste son garde. »
Je soupirai et regardai mes sabots un moment avant de relever la tête.
« Et puis les médias s'emballeraient, et je suis sûr que Celestia a déjà assez à faire sans un copain pour lui prendre son temps. »
« Et si un copain était exactement ce dont elle aurait besoin pour la distraire un peu au milieu de tout ce travail ? » me contra Shining avec un sourire.
« Je sais ce que tu essayes de faire Shiny, mais j'ai pris ma décision. »
Je le regardai droit dans les yeux alors que je rassemblais mes pensées.
« Je vais lui dire que je l'aime, et ça sera tout. Je serai enfin capable de cracher le morceau après toutes ces années. Pas de rendez-vous ou d'essais de se voir en privé. »
Il marmonna avant de se lever, et de saisir son casque.
« Je vois qu'il n'y pas moyen de te faire changer d'avis », dit Shining, s'assurant que rien ne manquait à son armure. « Je dois rentrer avant que Cadence ne décide de m'attacher sur une chaise, mais je suis libre demain pour boire un coup si t'es chaud. »
« Une occasion de voir mon meilleur pote se mettre une caisse et se téléporter dans une des fontaines du parc ? » demandai-je souriant, alors que je me levais de mon siège. « Oh je raterais ça pour rien au monde. »
Je tendis mon sabot à Shining. Il y frappa le sien, et nous partageâmes un autre rire.
« Bon, je dois vraiment y aller. »
Shining avança jusqu'à la porte, me donnant un petit coup de coude en passant. Je hochai la tête et le regardai partir, mettant fin à notre discussion.
« Artémis ? » dit-il, obtenant mon attention alors qu'il franchissait la porte. « Quoiqu'il se passe ce soir, bonne chance mon pote. »
« Merci », le remerciai-je de la tête avant qu'il ne sorte pour de bon, me laissant avec ma solitude. Je me rassis à la table, laissant ma tête tomber lourdement sur le bois, les yeux grands ouverts, trop fatigué pour les bouger. Après quelques minutes passées à rejouer la conversation dans ma tête, je regardai ma pile de feuilles blanches, mon stock de plumes et sourit.
Je pris ce dont j'avais besoin en un instant, et me parlai à moi-même alors que j'écrivais ce qui serait ma dernière tentative de confession.
Chère Celestia. Cette lettre peut vous choquer mais il y a quelque chose que je dois...
¤¤¤
Je m'aventurai dans le hall jusqu'à ma destination. Il était tard dans la soirée, et la garde de nuit était dans tout le château, avec chacun assigné à son poste. Ils me saluaient tous du sabot ou de la tête quand je passais devant eux, sans savoir que je dissimulais une précieuse enveloppe sous mon aile gauche. Ce n'était plus très loin maintenant. Encore quelques tournants et j'y serai.
Est-ce que j'étais nerveux ? Bien sûr que je l'étais. Qui ne le serait pas de confesser ses sentiments à quelqu'un d'aussi haute stature ? Ce n'était pas comme si elle serait embarrassée : on était au beau milieu de la nuit et personne à part elle ne verrait la lettre, à moins qu'on ne l'arrache à mon cadavre.
Alors que je m'approchais de l'endroit où j'allais délivrer la lettre scellée, je me surpris à marcher encore plus lentement, comme si mes sabots étaient faits de plomb. J'avais le sentiment d'aller à mon exécution capitale quand j'atteignis ma destination : la salle du trône.
Je stoppai devant les double-portes, admirant les décorations d'or gravées dans le bois, alors que je repensais à ce que j'allais faire. Avais-je le droit de faire cela ? Au fond, ça n'importait pas vraiment. Ce n'était pas seulement quelque chose dont j'avais envie, mais que j'avais absolument besoin de faire, pour le bien de ma propre santé mentale.
Avec répugnance, je poussai les portes et trottai à l'intérieur. La pièce était vide à cette heure de la nuit. Celestia était sûrement partie se coucher, et Luna tenait rarement audience, ce qui voulait dire qu'il n'y aurait aucun garde ce soir. Parfait.
Je marchai jusqu'au trône de Celestia, m'approchant de ses marches, le son de mes sabots résonnant dans la grande pièce vide. Je me tenais là, en face d'où la belle Celestia dirigeait la principauté. Avec un dernier regard dans la pièce pour m'assurer du fait que j'étais seul, j'ouvris mon aile, et pris la lettre en sabot.
Je regardai le morceau de papier, trouvant presque comique comment une si petite chose pourrait être si importante dans ma vie. Je tournai la lettre et contemplai le sceau de cire qui fermait l'enveloppe, protégeant son contenu. Il était en forme de cœur.
Alors que je déposais la lettre sur le trône de mon aimée, cela me frappa soudainement. Je le faisais enfin. Après des années de lutte contre mes sentiments, je le faisais enfin ! Ce n'était pas pareil que lui dire en face, mais tout de même, mon secret allait enfin être révélé à celle qui faisait battre mon cœur.
Mes ailes tremblèrent et papillonnèrent tandis que je réfrénais mon excitation. Je jetai doucement la lettre sur le siège, et d'un coup d'aile rapide, je quittai la salle du trône. Un sourire satisfait restait plaqué sur mon museau tandis que je volais dans les couloirs. Sans doute que quelques gardes avaient surpris mon vol, mais pour une fois, je m'en fichais.
Après m'être dépensé, je rejoins le sol des marches qui séparaient le château du reste de Canterlot. Je restai là une minute ou deux, contemplant la cité la nuit, sans doute une des choses qui me plaisaient le plus ici.
Après avoir savouré la vue encore un moment, je m’élançai vers le ciel. J'avais l'impression de m'être libéré d'un grand poids, l'air nocturne sifflant autour de moi.
C'était un des moments les plus heureux de ma vie.
¤¤¤
Je respirais profondément, laissant l'air rafraîchissant passer dans mon organisme. J'aimais toujours ce qui touchait au ciel : vie de pégase, je suppose.
J'étais assis sur le toit de la plus haute tour du château, l'équivalent de la vigie des vieux navires. Ce n'était pas drôle, mais j'avais pris une garde supplémentaire la semaine dernière pour obtenir une permission. Elle sera la bienvenue, rien qu'en pensant au fait qu'une heure auparavant, j'avouais mon amour à un être immortel. Ce genre de stress ferait prendre des vacances à n'importe qui.
Je regardai ma lance pour ce qui me semblait être la centième fois cette nuit. Sans bouger, je regardais paresseusement l'horizon. Étonnement, je ne pensais pas à Celestia autant que je le faisais d'habitude. Je pense que j'étais soulagé de l'avoir enfin fait, et peu importait la tournure que ça prendrait.
Une escouade de mes frères pégases me passa devant pendant leur patrouille. Je les saluai de la tête avant de regarder la lune. À en juger par la position de l'astre lunaire, il me restait sept heures à tirer avant l'aube, et je pourrai rentrer à la maison.
Je bâillai une fois de plus, me sentant très satisfait de moi-même. Je pouffai, réalisant que la situation pouvait se résumer à un poulain amoureux de sa maîtresse d'école.
Après un moment, j'observai la lune, et constatai qu'elle avait à peine bougé. Je roulai des yeux avant de sentir une étrange sensation m'envahir. C'était difficile à décrire, mon corps tout entier se tendait et me picotait. Je me regardai et constatai que je brillais. La sensation peu familière augmenta, me forçant à me relever et à essayer de comprendre ce qui se passait.
« Par Equestria, c'est quoi ce... »
Et tout tourna au noir. J'eus une sensation de vertige, et l'impression qu'on me coupait en deux avant de me réassembler. Je passai la langue sur mes dents, et ouvris les yeux quand le tournis s'en alla. Je me préparai pour ce que j'allais découvrir, bien qu'aucun entraînement n'aurait pu me préparer à ça.
J'ouvris les yeux pour découvrir un magnifique lit, garni de peluches, d'édredons, et de coussins. Tournant la tête vers la droite, je vis, plaqué contre le mur, un lourd bureau d'acajou, recouvert de parchemins et de documents. Des buches craquaient et du feu dansait dans ce qui était la plus grande cheminée que je n'aie jamais vue. Entouré par plusieurs sofas brodés, l'âtre diffusait sa chaleur dans toute la chambre. Je regardai une nouvelle fois le lit, notant la porte de verre qui conduisait à un balcon bien connu.
Je rassemblai tous ces détails et recherchai dans mes souvenirs une chambre qui collait à la description. Dans un déclic, tout se mit en place : j'étais dans les quartiers privés de la Princesse.
Par tous les cieux.
« Bonsoir Artémis. »
Une voix chaude, comme descendue du ciel retentit derrière moi. Mes yeux s'élargirent et mes pupilles se dilatèrent jusqu'à atteindre la taille de têtes d'épingles. Tremblant sur mes sabots, je me tournai pour voir la Princesse Celestia, souriante comme toujours.
« P... Princesse Celestia ! »
Je saluai de façon maladroite, ne sachant pas quoi faire d'autre. Je regardai lentement au-dessus de moi, tentant de retenir la peur dans ma voix.
« S'il vous plaît, ne me punissez pas. Je peux tout vous expli... »
Je m'interrompis quand elle leva un sabot pour m'arrêter.
« Relève-toi, Artémis », ordonna la Princesse.
J'obéis, et me relevai sur mes jambes branlantes, me forçant à la regarder dans les yeux.
« Est-ce que tu peux m'expliquer ce qu'est ceci ? » questionna-t-elle, sortant magiquement la lettre de quelque part derrière moi, et la laissant tomber dans mes sabots.
L'enveloppe était ouverte.
« Princesse Celestia, je... »
Ma voix se brisa et je m'étranglai sur mes propres mots. Les élancements dans ma gorge étaient assez forts pour que je les entende. Mes oreilles tombèrent et je me mordis les lèvres de frustration. J'ouvris la bouche et tentai de parler une nouvelle fois, mais la lettre tomba au sol, et je préférai rester silencieux.
« J'ai régné sur Equestria pendant des milliers d'années », dit Celestia alors que la lettre se refermait magiquement et allait se poser sur le bureau. « Mais pas une fois un de mes gardes ne m'a dit qu'il avait de tels sentiments à mon égard... »
Sa voix diminua alors qu'elle approchait de la grande porte de verre du balcon. Elle stoppa à l'entrée de ce dernier, et de son aile, me fit signe de la suivre. J'obéis, mais avec hésitation.
Je m'arrêtai à sa droite et nous regardâmes tous deux au dehors quelques instants.
« Princesse, je ne sais plus quoi dire maintenant... »
Je déglutis et levai les yeux vers elle, reconnaissant sur son visage l'expression qu'elle arborait quand quelque chose la troublait.
« Que dire de plus après quelque chose comme ça ? »
Elle se tourna et baissa le regard dans ma direction, attendant que je dise quelque chose. Je soupirai et jetai un œil au dehors, retirant mon casque avec précaution et le posant entre mes pattes.
« J'accepterai n'importe quel châtiment que vous jugerez approprié. »
Je fermai les yeux et baissai la tête. Après un long moment de silence, je sentis le sabot d'or de Celestia sous mon menton, me forçant doucement à la regarder.
« Bien au contraire. »
Elle me sourit avant de se baisser et de déposer un baiser sur ma joue. Son sabot s'éloigna tandis que le mien allait toucher l'endroit qu'elle avait embrassé, me laissant paralysé sous le choc. Je devais lutter pour ne pas écarter brutalement les ailes.
« Vous... vous venez de... » balbutiai-je, ressemblant sans doute à un idiot qui n'avait jamais été embrassé auparavant.
« Ça demande beaucoup de courage de faire ce que tu as fait », me dit Celestia avec un sourire admirateur. « Qui plus est, tes mots étaient les plus gentils et les plus touchants que j'aie entendus depuis très longtemps. »
Tout en parlant, elle laissait gentiment courir son sabot dans ma crinière, me faisant rougir quand elle l'ôta.
« Mais tu as raison quand tu as dit que ça ne marchera jamais entre nous deux. »
Son visage souriant se mua en une grimace de tristesse tandis qu'elle fronçait les sourcils.
« Je suis profondément désolée que tes sentiments ne puissent être partagés, mais je suis contente que tu le saches déjà. »
« Mais comment est-ce que vous l'avez découvert aussi tôt ? » demandai-je, quelques secondes après le choc. « Je n'avais pas prévu que vous trouviez la lettre avant demain matin ! »
« La magie a de nombreux usages », sourit Celestia, faisant luire sa corne. « Comme de m'alerter quand un intrus pénètre dans la salle du trône », finit-elle avec un clin d'œil.
« Oh », fut tout ce que je pus dire avant de rougir et de regarder ailleurs. « Je devrais euh... retourner à mon poste. »
J'attrapai maladroitement mon casque et l'enfilai, marchant jusqu'à la porte.
« Pas si vite, Artémis », dit brièvement Celestia avant que je ne parte.
Je me retournai, un sentiment désagréable m'envahissant suite à son soudain changement de ton.
« Je ne suis peut-être pas capable de partager tes sentiments, mais il y a peut-être quelque chose d'autre que nous pouvons faire ensemble », dit-elle d'un air mutin, réduisant la distance entre nous deux.
« Qu'est-ce... qu'est-ce que vous voulez dire ? » demandai-je, retenant mes ailes du mieux que je le pouvais avant qu'elles n'explosent d'elles-mêmes.
Celestia déploya ses magnifiques ailes et soupira.
« Vole avec moi. »
¤¤¤
L'air d'Equestria sifflait autour de nous alors que nous traversions la campagne. Hormis le bourdonnement de vent, c'était un vol silencieux, aucune phrase n'était prononcée. La nuit était déjà parfaite, des mots n'auraient que tout gâché. De temps en temps, l'un de nous faisait une figure, sans jamais vraiment s'éloigner de l'autre. Je regardais Celestia du coin de l'œil, abasourdi par sa divine beauté tandis qu'elle prenait le contrôle des cieux, sans un effort. Après avoir passé un village d'une douzaine de maisons, Celestia ralentit. Je me calai sur elle tandis que nous restions en vol stationnaire au-dessus de la petite ville endormie.
Je tournai la tête pour apercevoir un sourire joueur. Je levai un sourcil, demandant tacitement ce qu'elle avait en tête. Elle fit un signe du museau en direction de Canterlot, peu visible à cette distance, malgré la clarté de la nuit.
« On fait la course », lança Celestia d'un clin d'œil compétiteur.
Je hochai la tête, me préparant pour le vol de ma vie.
« Go », soupira-t-elle, donnant le signal de ce qui serait sans doute une rapide défaite pour moi.
Mais malgré tout.
C'était le meilleur vol que j'aie jamais fait.
¤¤¤
Mes ailes me brûlaient alors que Canterlot devenait plus proche, menaçant de capituler et de m'envoyer m'écraser au sol. Le vent me frappait les yeux, me forçant à le fermer à demi pour voir où j'allais, mais je n'aurais échangé ma place pour rien au monde.
La course se passait bien si on considérait que j'affrontais l'alicorne la plus puissante encore en vie. Celestia était constamment première, mais seulement d'une courte tête, me défiant tacitement de la dépasser. Aussi tentant que se soit de me pousser à bloc, je préférais savourer l'instant plutôt que d'en faire d'avantage et avoir l'air d'un idiot.
Canterlot était proche désormais, nous venions juste de passer le bord de la cité qui surplombait la montagne quand Celestia tourna la tête pour attirer mon attention. En un sort rapide, une ligne dorée parfaitement droite, pas plus épaisse qu'une plume, pointait de sa corne en direction des jardins du palais.
J'hochai la tête de compréhension, et me donnai un coup de fouet tandis que notre ligne d'arrivée se rapprochait.
Nous plongeâmes tous deux au dernier moment possible, et déployâmes nos ailes pour ralentir notre descente. Le sol venait malgré tout rapidement à notre rencontre.
Heureusement, nous avions assez ralenti pour éviter toute blessure, et atterrir sur nos sabots.
Celestia se posa la première, environ une seconde avant que je ne fasse de même, juste à côté d'elle. Nous prîmes un moment pour retrouver notre souffle et étirer nos ailes, avant de les ramener contre nos flancs. Je la contemplais, à peine troublée par la course que nous venions de faire.
De qui je me moque... elle m'écraserait sans dépenser une goutte de sueur.
Pourtant, je n'aurais échangé cela pour tous les bits d'Equestria.
« Princesse, c'était incroyable », m'exclamai-je, satisfait d'avoir retrouvé une certaine maîtrise de moi-même.
« Je suis contente que tu aies aimé, Artémis. »
Celestia me sourit et fit un pas dans ma direction.
« Tu rendras une jument très heureuse un jour, j'en suis persuadée. »
« Je suis honoré que quelqu'un comme vous dise ça. Merci », dis-je, ayant du mal à maintenir le contact visuel.
« Je t'en prie, l'honneur est pour moi », dit Celestia en baissant la tête. « Cela faisait trop longtemps que je n'avais pas eu un vol aussi merveilleux. »
« Oh... de rien. »
Je détournai le regard, rougissant comme jamais avant de me reprendre et de la regarder à nouveau en face.
« Du coup, je vous vois demain matin, alors ? » dis-je en commençant à partir.
« Je ne pense pas », dit Celestia en secouant la tête tout en maintenant un léger sourire. « Tu n'es plus mon garde personnel. »
Si ma mâchoire avait pu frapper le sol, elle l'aurait fait à ce moment précis.
« Mais Princesse ! Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai f... »
Je m'arrêtai alors qu'elle levait son sabot pour me stopper.
« Tu n'es plus mon garde personnel parce que je te donne une promotion », sourit Celestia, sa corne flashant de magie, faisant apparaître un badge argenté. Elle le laissa flotter un moment entre nous deux, nimbé d'une aura dorée avant de reprendre. « À partir de ce moment, tu es promu au rang de capitaine de seconde classe, et tu serviras comme bras droit de Shining Armor. »
Elle parlait avec la voix autoritaire de la principauté equestrienne alors que le badge flottait jusqu'à ma poitrine, fusionnant avec mon armure.
Je baissai les yeux, regardant l'insigne de capitaine. Sans y croire, je le touchai du sabot pour être sûr que ce n'était pas une illusion.
« Mais... pourquoi ? » fut tout ce que je pus dire, encore sous le choc.
« Shining Armor et moi avons discuté de son besoin d'un second avec son mariage qui arrive. »
Celestia expliquait le tout dans un ton qui faisait plus penser à une amie proche qu'à une princesse.
« Et puisqu'il va devenir un jeune marié, il va avoir besoin de quelqu'un en qui nous croyons tous deux pour gérer ses affaires quand il ne sera pas là. »
« C'est si... je ne sais pas quoi dire. »
Je levai les yeux vers elle, pensant me réveiller à tout moment dans mon lit, réalisant que tout n'était qu'un rêve.
« Tout va bien. Tu en as dit assez pour cette nuit. »
Elle me sourit doucement et ouvrit la bouche pour me dire quelque chose avant d'apercevoir quelque chose derrière moi. Je suivis son regard mais ne vis pas ce que ses sens aiguisés d'alicorne avaient repéré.
« Qu'est-ce que c'est ? » demandai-je après un rapide coup d'œil.
« Rien du tout », sourit Celestia en agitant le sabot. « Je devrais rentrer dans mes quartiers me reposer avant de lever le soleil. Cette nuit était un pur plaisir, Artémis. Je te félicite pour ta bravoure, et j'espère que nous pourrons encore parler quelquefois ensemble, en amis. »
« J'en serais extrêmement honoré. »
Je m'inclinai devant elle, luttant une fois de plus pour garder mes ailes plaquées contre moi. Que la Princesse m'offre son amitié était plus que tout ce que je pouvais imaginer.
« Alors, je vous verrai au château ? » questionnai-je, la voix pétrie d'espoir.
« Avec plaisir », sourit Celestia, déployant ses ailes une nouvelle fois. « Adieu pour cette nuit, capitaine. »
Elle s'envola d'un battement d'ailes et disparut dans la nuit, me laissant seul avec mes pensées. Je tombais sur les hanches, et laissai mes ailes battre d'elles-mêmes, pour me défaire du trop-plein d'énergie. Je regardai mon nouveau badge et sentis une larme me venir aux yeux. Cette nuit était la meilleure que je n'aie jamais eue.
Le son de sabots et de voix conversant entre elles m'arrachèrent de mes pensées. Je me redressai et observai là où Celestia avait précédemment jeté son regard, une grande arche séparait des sections du jardin. Quatre gardes s'approchaient de moi, conduits par nul autre que Silver Star. Avec un petit sourire que j'étais seul à voir, je trottai rapidement pour les rencontrer à mi-chemin.
Cette nuit va encore devenir meilleure.
« Toi ! »
Silver pointait un sabot sur moi, son visage empourpré de fureur.
« À cause de toi, on a dû passer toute la nuit à explorer un foutu labyrinthe ! Je vais... »
La menace mourut sur ses lèvres alors qu'il aperçut le badge d'argent qui se détachait sur mon armure dorée. Il me regarda avec confusion, avant de se mettre au garde-à-vous, rapidement suivi par ses trois camarades.
« Monsieur ! » crièrent les quatre étalons en un unisson parfaitement entraîné.
Je ne pus m'empêcher de relever de la jalousie dans les yeux de Silver.
Je les laissai au garde-à-vous un peu plus longtemps que nécessaire, sentant dans mon cœur la chaleur de cette nouvelle petite victoire.
« Repos, messieurs », ordonnai-je de ma voix la plus autoritaire.
Je bloquai quelques instants au son de cette dernière, et à la pensée que je l'entendrai bien plus souvent. Après un dernier moment à savourer le visage déconfit de Silver Star, je tournai les sabots et ouvris les ailes pour m'envoler.
« Reprenez le travail », leur souris-je avant de décoller.
Après avoir quitté les jardins, je rentrai droit à la maison, trop content de pouvoir enfin me reposer.
Sans oublier que j'avais un nouvel insigne qui avait besoin d'un coup de polish.
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Je viens juste d'attaquer de traduire To love a mortal, la side-story de To love a goddess, avec le point de vue de Celestia. Assez intéréssant pour comprendre la psychée de la Princesse.